L’oeil de l’AFTM, le replay du 8 avril 2021

L’œil de l’AFTM, le direct : morceaux choisis

Le 8 avril dernier, l’AFTM a initié un nouveau format de webinaire issu de la revue de presse mensuelle « L’œil de l’AFTM ». L’idée : faire réagir en direct les acteurs du business travel à l’actualité du secteur. Une première réussie autour de l’animateur François-Xavier Izenic et de ses invités : Amandine Roset, global travel manager chez Arkema, Virginie Rouault, directrice des ventes des Hôtels Citizen M, Cédric Renard, directeur général France d’Emirates, Mathieu Champion, directeur des ventes EMEA d’Egencia et Christophe Roth, directeur des missions chez EPSA. 

Quel calendrier de reprise ?

Amandine Roset : « On essaie d’être réaliste et envisager une reprise avant septembre paraît bien difficile. Mais depuis le début de la crise, on n’a jamais fait de travel ban généralisé chez Arkema. Donc on a continué les voyages domestiques et européens quand c’était utile à la poursuite de l’activité de l’entreprise. Dès qu’on peut voyager correctement, on le fait, sous réserve bien sûr des restrictions sanitaires et sans mettre en danger la santé de nos voyageurs ». 

Virginie Rouault : « On avait anticipé une année 2021 telle que nous la vivons. On avait fait aussi un choix de conserver l’ensemble de nos hôtels ouverts. Comme on a une vocation affaires et internationale, on est forcément impacté, ce n’est pas une surprise ». 

Cédric Renard : « Le ralentissement a déjà eu lieu entre le 15 et le 30 janvier, c’est là où on a eu une coupure sur les déplacements à l’international. On est dans une crise longue. Chez Emirates, on veut remettre progressivement des capacités, avoir un programme fiable, et on fait les choses étapes par étapes. Au départ de CDG, on a deux vols par jour et on prévoit de relancer les vols au départ de Lyon et Nice à partir de juin. La vaccination avance et l’appétence pour les voyages est toujours là ». 

Mathieu Champion : « Chez Egencia, la France est un de nos plus gros points de vente donc le confinement n’est pas une bonne nouvelle mais on avait une tendance haussière depuis plusieurs semaines notamment sur le domestique. On était sur du -70 au lieu du -80 précédemment. On patiente ! »

Christophe Roth : « La vaccination s’accélère et on espère pour l’été la fameuse immunité collective. Cela donne un regain de confiance aux entreprises. On vise donc la reprise en septembre ». 

Passeports sanitaires : quelle cacophonie !

Cédric Renard : « C’est d’une complexité manifeste. Il faut qu’il y ait une coordination et qu’une solution prenne le pas par rapport aux autres. Nous on est partenaire de IATA et de son Travel Pass, qui vérifie votre éligibilité à voyager. On est compagnie test. C’est le nerf de la guerre pour redémarrer. IATA a cette capacité d’emmener toutes les compagnies aériennes afin de trouver une harmonisation. Les 3 prochains mois seront déterminants ». 

Christophe Roth : « Il va y avoir un écrémage des solutions par le choix des consommateurs, la plus simple, la plus intuitive et la plus complète. Si l’UE développe sa propre solution mais qu’elle n’est pas utilisable pour aller aux Etats-Unis et en Asie, la pertinence sera faible. Le sujet est sensible, car il y a une composante RGPD, une composante discriminatoire, et cela doit être géré avec beaucoup de soin. C’est peut-être d’ailleurs à l’OMS de se charger de la gestion de ce sujet plutôt qu’aux compagnies aériennes ou aux Etats ».

Amandine Roset : « C’était déjà compliqué avec les tests PCR et les restrictions sanitaires, mais avec les passeports on ne s’y retrouve pas non plus. La partie RGPD est très importante pour nous afin de rassurer nos collaborateurs. Et tant qu’on n’aura pas un acteur central, ce sera compliqué pour les entreprises de gérer correctement ce sujet. Un acteur mondial, unique et reconnu ». 

Mathieu Champion : « J’ai tendance à regarder le verre à moitié plein, toutes ces initiatives visent à redonner la confiance et c’est capital pour la reprise. C’est bien que tout le monde s’y mette. Le point qui me parait compliqué, c’est la dimension éthique : des pays vont être en avance sur la vaccination par rapport à d’autres. Est-ce qu’il ne va pas y avoir une hiérarchie dans le droit à voyager ? On n’avance pas tous à la même vitesse ».

Virginie Rouault : « Les pays doivent s’aligner ensemble sur les modalités du certificat sanitaire. Mais l’enjeu pour l’hôtellerie est davantage dans le respect des protocoles sanitaires. » 

Sur la recherche du ROI (expérience de l’entreprise Willis Towers Watson) 

Amandine Roset : « C’est une expérience intéressante, on se pose déjà tous cette question car aujourd’hui, avec la crise, on autorise les voyages où existe un ROI qui justifie un risque de déplacement. Mais généraliser cette expérience me paraît plus difficile. Autant c’est réalisable sur des déplacements commerciaux, autant c’est plus compliqué de calculer un ROI sur des voyages de fonctions transverses et de relations inter-entreprises ou inter-filiales. »

Christophe Roth : « C’est un sujet complexe. On ne sait pas comment valoriser le voyage dans la plupart des cas. Même pour des fonctions commerciales. Une chose est sûre : une part des déplacements ne va pas revenir, et tous les grands groupes ont des objectifs forts de réduction de CO2. Et on s’attend tous à ce qu’il y ait une taxation de CO2 sur les déplacements. C’est surtout ça qui va les inciter à être plus regardantes sur les dépenses. On va voyager moins mais mieux. »

Mathieu Champion : « On est clairement sur un changement de paradigme où on ne voit plus les déplacements comme un coût mais comme un investissement. L’idée est désormais d’aligner la politique voyage avec les objectifs business de la société. »

Sur la baisse des tarifs hôteliers

Virginie Rouault : « Oui les tarifs ont baissé et ils vont mettre du temps à remonter. La tarification dynamique revient donc au centre des échanges car c’est très difficile de faire émerger un tarif fixe sur le long terme compte tenu de la volatilité actuelle des tarifs. » 

Christophe Roth : « La plupart des entreprises ont reconduit leurs programmes hôteliers sur une année supplémentaire. Les tarifs fixes sont donc restés au même niveau alors que les tarifs publics ont baissé. Un écart assez important s’est ainsi créé, rendant ainsi obligatoire pour les entreprises la double tarification, fixe et dynamique. »

Amandine Roset : « La double tarification, on le fait avec les grandes chaines. Mais on n’a pas attendu la crise pour avoir cette flexibilité, toutefois difficilement applicable à tous les hôteliers. »

Sur la baisse du taux d’adoption online 

Mathieu Champion : « Une opération simple pré-Covid qui prenait 5mn peut désormais prendre jusqu’à une heure avec de nombreuses vérifications. Heureusement le nombre de réservations est faible. Imaginez la même chose ne serait-ce qu’avec 50% du volume pré-Covid, ce serait impossible. Je n’imagine donc pas que nous revenions sur des temps longs de réservation, qui commencerait online et se poursuivrait offline. Nous devons trouver les solutions pour numériser toutes les informations liées à la Covid. »

Christophe Roth : « La crise a montré la valeur ajoutée des agences qui était très contestée avant la Covid. L’automatisation est le sens de l’histoire même si aujourd’hui cette crise nécessite beaucoup d’accompagnement. Mais ce n’est pas durable. »

Amandine Roset : « L’OBT est le point central de notre programme voyage, c’est notre source. Il faut donc que nous retrouvions toutes les informations dans cet outil. »

Ecologie et transport aérien

Cédric Renard : « Aujourd’hui les compagnies aériennes, c’est 2% des émissions de CO2, c’est aussi 50% de consommation de moins par rapport à 1990… C’est facile de critiquer et de ne pas regarder tous les progrès et les engagements pris par les compagnies aériennes, notamment sur les carburants durables. » 

Amandine Roset : « On a tous notre responsabilité. Chez Arkema, le travel représente 8000 tonnes d’émissions de CO2 alors que notre activité globale d’entreprise totalise 3,6 millions de tonnes. Pour Arkema, le travel n’est pas le nerf de la guerre. En revanche, ce sont les petites gouttes qui font les rivières, donc voyageons mieux, empruntons davantage le train, et responsabilisons les voyageurs au lieu de les culpabiliser avec, de notre part, la bonne communication et les bonnes informations dans les outils qui permettent de connaitre les consommations CO2 de chaque déplacement. »

Christophe Roth : « Ce débat créé un consensus : il faut réduire l’impact environnemental du transport aérien. Et les collaborateurs sont demandeurs d’informations quand ils voyagent, quelle est leur empreinte carbone, peuvent-ils faire un choix de moyens de transport… Ce sont des sujets en cours d’intégration, des choses qui émergent et qui vont dans le bon sens. Côté compagnies aériennes, il y a des initiatives, les carburants durables, l’écopilotage…, en attendant le fameux avion à hydrogène. Le mouvement est lancé. »

Mathieu Champion : « L’objectif en tant que TMC est de fournir les bons outils pour gérer, manœuvrer les politiques voyages en fonction des objectifs de durabilité des entreprises. »

Surcharge GDS et NDC

Cédric Renard : « Comme beaucoup de compagnies aériennes, on est engagé sur la voie de NDC, on a besoin de personnaliser, d’offres de services différenciées, NDC nous permet ça et s’impose pour la reprise à venir. Proposer des solutions et pas seulement un prix. »

Christophe Roth : « Tout l’éco-système se met en ordre de bataille, la question est de savoir si les travel managers ont bien conscience que ce sujet va revenir très vite sur le tapis. »

Mathieu Champion : « Cela a un impact sur les revenus des TMC mais on sait que toutes les compagnies vont s’y mettre. L’idée est de trouver un point d’équilibre et, pour nous, de fournir au client la bonne information tout en ne dégradant pas l’expérience utilisateur au travers de ces technologies NDC. C’est un investissement significatif pour les TMC. Cela va pousser à la consolidation des acteurs. »

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM