Les ambitions (trop ?) dévorantes de TripActions

Les ambitions (trop ?) dévorantes de TripActions 
Malgré la crise, tout semble sourire à la jeune TMC. Qui le fait savoir haut et fort.
Jusqu’où ira-t-elle ? Pour les investisseurs, la réponse ne semble faire aucun doute. La TMC américaine de nouvelle génération vient d’effectuer une deuxième levée de fonds de 155 millions de US$ depuis le début de la pandémie après les 125 millions de US$ en juin dernier (Lire ici). Une opération qui porte la valeur de TripActions à… 5 milliards de US$ ! Soit 2,5 fois celle d’Air France…
Le brillant co-fondateur de l’entreprise, Ariel Cohen, fait rarement dans la demi-mesure et la modestie. Cette levée de fonds lui donne l’occasion d’être égal à lui-même. Il affirme ainsi que TripActions ne cherchait pas de financement supplémentaire mais qu’elle avait tellement bien rempli ses objectifs de parts de marché que les investisseurs ont insisté pour faire cette opération. Bluf ou réalité ? L’argent gratuit coule tellement à flot grâce aux banques centrales qu’on serait presque tenté de le croire.
« Nous avons connu une croissance de 75% pendant le Covid et notre gamme de produits Liquid se développe à un rythme fou, dit-il. Sur cette gamme, nous avons été en croissance de 150% le mois dernier par rapport au mois précédent ». Quezaco ? En février 2020, TripActions a lancé Liquid, une solution de gestion des frais professionnels, et en septembre dernier, Enterprise Edition, une solution unifiée de gestion des voyages et des frais professionnels pour les grands comptes multinationaux. Accor et Netflix sont parmi ses clients.
La coqueluche des investisseurs marche donc clairement sur les plates-bandes des mega-TMC en attaquant les grandes entreprises. Contrairement à l’autre épouvantail du secteur, la barcelonaise TravelPerk (créée la même année, 2015), qui reste plutôt focalisée sur les PME et ETI et qu’on a vu apparaître récemment sur des appels d’offres en France.
Les escarmouches avec Amex GBT n’ont d’ailleurs pas tardé, comme le raconte Phocuswire (Lire ici). Son patron, Greg O’Hara, interviewé lors de la dernière conférence Phocuswright, affirmait ainsi que « TripActions et les autres startups du même genre avaient pratiquement disparu en 2020 et qu’elles ne faisaient aucune percée. » Réponse cinglante d’Ariel Cohen : « Les investisseurs sont en train de voter. (…) Si j’étais Greg O’Hara, j’encouragerais ses employés à investir davantage dans la technologie. » Et de décrire avec sollicitude ce qu’il appelle l’ancien modèle : « Ils ont les points de vente, les agents de voyages, les partenariats, mais bonne chance avec la technologie ! »
Bref, pour Ariel Cohen, le concept « d’automatisation de bout en bout va effacer celui de gestion des dépenses. » Il gonfle d’autant plus le torse que, selon lui, TripActions n’a même pas encore puisé dans sa levée de fonds de 125 millions de US$ en juin dernier. A quoi vont donc servir ces liquidités ? « A la recherche et développement, à la commercialisation et à l’extension de notre présence mondiale. »
Les projets ne manquent pas. L’avènement du télétravail est aussi une opportunité : « les collaborateurs sont maintenant éclatées en différents endroits, nous souhaitons développer une fonctionnalité leur permettant, pour leurs réunions, de se retrouver facilement dans des tiers lieux. »
A la question de savoir si TripActions allait profiter de ce cash pour procéder à de la croissance externe, Ariel Cohen ne peut s’empêcher de piquer ses concurrents : « Lorsque nous examinons les TMC traditionnelles, leurs fondamentaux économiques, leurs coûts de vente, leurs marges… et que nous les comparons à notre modèle économique, cela n’a pas de sens de faire ces acquisitions. »
Ariel Cohen a le don de se faire des amis. Pas sûr toutefois que ce talent ait sauté aux yeux des 300 collaborateurs (soit 25% des effectifs de TripActions) licenciés d’un trait de plume au début de la pandémie. Un goût pour la provocation qui n’est pas sans rappeler celui de Michael O’Leary, le patron de Ryanair. Et qui lui a plutôt réussi.
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM