Quel avenir pour les voyages d’affaires ?

Quel avenir pour les voyages d’affaires ?

Quand les universitaires et les chercheurs se penchent sur le poids et l’avenir des déplacements professionnels, c’est inédit et passionnant.
Ricardo Hausmann n’est pas n’importe qui. Ancien ministre de la planification du Venezuela, ancien économiste en chef à la Banque interaméricaine de développement, il est aujourd’hui professeur à Harvard et ses recherches font autorité.
Alors quand il parle du secteur des voyages d’affaires, on tend une oreille attentive. Son dernier article paru dans Financial News, un site d’information financière édité à Londres, vaut le détour (Lire ici).
Sa thèse est la suivante : « l’impact économique de l’arrêt des voyages d’affaires ira bien au-delà des pertes d’emplois dans le secteur, car il entraînera une diminution substantielle du transfert de connaissances ».
La question de départ ? « Pourquoi les voyages d’affaires ont-ils augmenté ces vingt dernières années à un rythme trois fois supérieur au PIB mondial, malgré la disponibilité de Skype, Facetime, WhatsApp ou simplement du courrier électronique, tous des outils antérieurs au Covid-19 et à Zoom ? »
Pour y répondre, il étudie avec deux autres chercheurs le pourquoi du comment de la diffusion technologique. Selon eux, la technologie est constituée de trois connaissances : celles contenues dans les outils, celles contenues dans des codes, des algorithmes, des formules… et enfin celles contenues dans les cerveaux humains.
Sur ces trois types, « les outils et les codes sont faciles à déplacer, mais le savoir-faire se déplace très lentement de cerveau en cerveau à travers un long processus d’imitation, de répétition et de rétroaction, comme lorsqu’on apprend à parler une nouvelle langue ou à jouer d’un instrument de musique ».
 Et de poursuivre : « Comme le soutient Malcolm Gladwell dans son livre Outliers, il faut 10 000 heures de pratique pour devenir bon à quelque chose. Face à la difficulté de faire passer le savoir-faire d’un cerveau à l’autre, les gens ont compris il y a longtemps qu’il était beaucoup plus facile de simplement faire bouger les cerveaux ».
 Alors quoi ? Dans des travaux précédents, Ricardo Hausmann avait montré que les voyages d’affaires étaient faiblement corrélés avec le commerce ou même avec les flux d’investissements directs étrangers. Selon lui, ils sont plus étroitement liés au nombre d’établissements détenus dans un pays par des entreprises d’autres pays. Il existerait 1,5 million d’établissements de ce type dans le monde.
Or, « l’un des avantages des multinationales et des cabinets de conseil, de comptabilité et d’avocats internationaux est qu’ils peuvent plus facilement déplacer leur savoir-faire vers différents points de leur réseau ».
Grâce aux données anonymes et agrégées sur les voyages d’affaires fournies par le MasterCard Center for Inclusive Growth, les trois acolytes se sont demandé si les voyages d’affaires étaient importants dans la diffusion technologique en mettant le savoir-faire à la disposition des pays destinataires.
C’est exactement ce qu’ils ont trouvé : « les voyages d’affaires en provenance de pays qui sont bons dans une industrie particulière se traduisent par une augmentation de la productivité, de l’emploi et des exportations dans ces industries dans le pays bénéficiaire au cours des trois années suivantes ».
Les pays qui bénéficient le plus de l’apport de savoir-faire par les voyages d’affaires sont l’Autriche, l’Irlande, la Suisse, le Danemark, la Belgique, Hong Kong et Singapour. Ceux qui partagent leurs connaissances de manière plus approfondie sont l’Allemagne, le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Corée du Sud, la France et le Japon.
Résultat en chiffres : « selon nos estimations, un arrêt complet et permanent des voyages d’affaires internationaux réduirait le PIB mondial de plus de 17 %, soit beaucoup plus que le poids réel des dépenses liés aux déplacements professionnels qui étaient avant la pandémie de l’ordre de 1,5 milliard de dollars par an, soit 1,7% du PIB mondial ». CQFD.
Et de conclure : « il est certain que la pandémie et les technologies telles que Zoom montreront probablement que certains voyages d’affaires ne seront pas vraiment nécessaires. Mais nos recherches suggèrent que le déplacement des cerveaux pour partager le savoir-faire sera tout aussi crucial dans le monde de l’après-Covid-19 qu’il l’était avant, et que les conséquences de l’arrêt des voyages d’affaires seront durables ».
De leur côté, les économistes du World Economic Forum de Davos ont aussi commis une étude (Lire ici) qui conteste « la mort des voyages d’affaires tels que nous les connaissons » clamée par de nombreux experts.
Selon eux, « les personnes interrogées dans l’étude insistent sur le fait que pour faire des affaires sur les marchés en développement, il faut surmonter des problèmes culturels complexes et que l’on instaure un climat de confiance en se rencontrant en personne. Conclure une affaire avec un nouveau client, former un médecin local à un nouveau produit ou résoudre un problème au sein d’une équipe internationale ne peut se faire qu’en personne ».
C’est notamment pourquoi, ils doutent que « les entreprises remplacent à long terme les voyages par des substituts virtuels. (…) Nous avons constaté que le travail à distance à l’échelle mondiale n’était pas une échappatoire aux conditions intenses des voyages d’affaires. Cela signifie toujours des journées de travail prolongées afin de se connecter dans les bons fuseaux horaires. Les cadres sont généralement ennuyés par les réunions Zoom et désireux de reprendre l’avion, malgré le mode de vie intensif qu’il engendre et les conflits travail-famille qu’il génère. Il semble que les voyages internationaux soient ancrés dans la culture de leur entreprise et qu’ils continueront à faire partie de l’ADN de ces managers ».
Et de conclure : « la nouvelle normalité dont on parle tant pourrait s’appliquer moins aux voyages d’affaires que beaucoup ne le croient ».
Les économistes de Davos en profitent également pour mettre en garde les entreprises sur le bien-être des voyageurs, pas assez pris en compte avant la pandémie alors que les conséquences des déplacements fréquents ne sont pas neutres. Or, « il est probable que les voyages d’affaires après la pandémie seront encore plus stressants qu’avant ».
Le dernier point de vue que je souhaitais vous faire partager est celui de Dan Monheit, un australien spécialiste des sciences du comportement. Dans son article publié dans CEO Magazine (Lire ici), intitulé Pourquoi Zoom ne tuera pas le voyage d’affaires, il insiste sur notre « incroyable capacité à nous adapter aux événements qui changent la vie ».
Il explique ainsi que de nombreuses projections, notamment celles de IATA, nous promettent une reprise des voyages d’affaires pas avant 2024. Il est donc facile de croire que nous savons déjà ce que l’avenir nous réserve. C’est ce qu’il appelle « un biais de projection ».
Et d’ajouter qu’il est aussi facile d’imaginer « que les vidéoconférences sur Zoom ou les technologies de réalité virtuelle, avec leur horaire en ligne 24 heures sur 24 accessible à des personnes du monde entier, remplaceront les voyages d’affaires et les conférences en face à face dans la communication d’entreprise post-pandémique ».
Pour lui, nous faisons fausse route, qu’il résume par une question : « le biais de projection signifie-t-il que nous avons annulé la puissance du lien entre les hommes ? »
Sa thèse part du principe que « le pur échange d’informations n’est pas, et n’a jamais été, la seule ni même la principale raison des voyages d’affaires. Comme si le voyage d’affaires était une décision tout à fait rationnelle par rapport à une décision plus émotionnelle, tel le voyage de loisir. Or, ce n’est pas le cas ».
Pour développer son raisonnement, il s’appuie sur les travaux d’Albert Mehrabian, un chercheur prolifique dans le domaine de la communication. Ce dernier a constaté que nos mots ne véhiculent à eux seuls que 7% de ce que nous communiquons. Les indices non verbaux, y compris le ton (38 %) et les gestes (55 %), sont ceux qui transmettent la majorité de ce que nous voulons dire. Or, « notre ton et nos gestes sont tous deux gravement entravés par la vidéoconférence, surtout si on les compare à l’interaction en face à face ».
Il précise par ailleurs que le voyage d’affaires, « c’est aussi un lien humain, la chimie de l’effort créatif et de l’échange à travers le divertissement, le réseautage et la prospection. En plus d’offrir une pause dans la routine, les déplacements professionnels donnent aux voyageurs un statut, des points bonus sur leurs programmes frequent flyer – autant de raisons qui feront que les employés pousseront leurs employeurs à continuer à les envoyer en voyage dès que le gouvernement le permettra ».
Et de conclure : « le comportement des consommateurs peut changer à court terme, mais pas de manière durable. Les réunions d’affaires pourront peut-être se dérouler sur Zoom, mais notre futur moi aura soif de contacts humains et de voyages. Il y a un déficit énorme dans les relations fortuites et accidentelles qui se forment lors des dîners de conférences, des salons professionnels, dans les salons d’aéroports et même dans le bar de l’hôtel ».
Pas mal vu, non ?
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Global business travel will survive COVID-19, study says
World Economic Forum/The Conversation
 
Les voyages d’affaires à l’échelle mondiale ont été largement interrompus pendant la pandémie. Les experts ont tiré la sonnette d’alarme sur la mort des voyages d’affaires tels que nous les connaissons, en faisant valoir qu’il faudra attendre longtemps avant que le virus ne disparaisse réellement et que les hommes d’affaires se sont habitués à des réunions comme celles de Zoom et MS Teams. En conséquence, beaucoup d’entre eux ne voient plus la nécessité de traverser constamment le globe et de vivre dans une valise.
 
Nous voulons inciter à la prudence dans ce domaine. Il y a déjà eu des prédictions similaires auparavant, et elles se sont avérées fausses. Les attentats du 11 septembre ont eu un effet négatif sur les voyages d’affaires dans le monde, par exemple, mais ils ont trouvé leurs marques plusieurs années plus tard. La crise financière mondiale de 2007-2009 a entraîné un ralentissement et une reprise similaires des voyages d’affaires.
 
En 2015, l’Association internationale du transport aérien a constaté qu’il faut au moins cinq ans à l’industrie pour se remettre de chocs importants à court terme. Mais malgré ces chocs, le trafic aérien mondial affiche une croissance stable à long terme depuis les années 1970. Il est clair que plus la pandémie dure, plus la reprise peut être longue, mais elle viendra probablement.
 
Nos recherches
 
La reprise des voyages d’affaires internationaux variera probablement selon les secteurs et le lieu de déplacement requis. Les sciences de la vie sont un secteur qui occupe actuellement le devant de la scène et qui est sans doute plus isolé de la pandémie que d’autres.
 
Les entreprises d’appareils médicaux comme Medtronic et Roche en profitent en vendant des équipements pour aider à combattre le virus, tels que des ventilateurs et des kits de test. Des sociétés pharmaceutiques telles qu’AstraZeneca et Pfizer misent sur la production d’un vaccin avant 2021.
 
Il s’agit donc d’une industrie qui est restée active pendant la crise et qui devrait être un grand gagnant au cours des deux prochaines années. C’est aussi un secteur qui engage ses employés dans d’importants voyages d’affaires à travers le monde. Pour ces raisons, il s’agit sans doute du secteur idéal pour mener des recherches sur l’avenir des voyages d’affaires.
 
Nous avons interrogé 15 responsables mondiaux de grandes entreprises de dispositifs médicaux, avant et pendant la pandémie, afin d’étudier l’importance des voyages d’affaires dans le cadre de leur travail à l’échelle mondiale. Ils ont été unanimes à reconnaître que, bien que leurs programmes de voyage soient pour la plupart interrompus, ils s’attendent à reprendre l’avion dès que possible.
 
Toutefois, du moins à court terme, ils s’attendent à ce que les voyages internationaux se déroulent différemment pour eux. Leurs entreprises se concentreront sur l’envoi de cadres dans des pays qui font partie de couloirs de voyage régionaux où les vols sont autorisés et où il n’y a pas d’exigences de quarantaine à l’une ou l’autre extrémité.
 
Nos personnes interrogées rapportent que certaines entreprises ont déjà augmenté leurs déplacements en voiture ou en train là où cela est possible, en particulier en Europe. Les voyages d’affaires intercontinentaux devraient être les plus lents à revenir, l’Amérique du Nord et du Sud étant probablement les derniers continents à s’ouvrir à nouveau. Les entreprises avec lesquelles nous nous sommes entretenus ont prévu leurs premiers rassemblements mondiaux en face à face pour octobre 2020, basés dans leur région d’origine.
 
En parallèle, l’industrie du voyage est désireuse de lever les restrictions et d’ouvrir les itinéraires de voyage, notamment en Europe, au Moyen-Orient et en Asie de l’Est, et entre ces régions. Nous assistons également à une augmentation de l’utilisation de particuliers et d’organisations qui louent des jets privés comme solutions à court terme pour éviter les retards dans les aéroports. Certaines universités britanniques ont également suivi cette voie, en affrétant des jets privés pour les étudiants étrangers qui arrivent, afin de s’assurer un flux de revenus régulier.
 
Les années à venir
 
À moyen terme, notre étude suggère que les entreprises des sciences de la vie continueront à se développer, en particulier dans les pays en développement, et considèrent les voyages comme un moyen essentiel de maintenir les activités existantes et d’en obtenir de nouvelles sur ces marchés.
 
Nos personnes interrogées insistent sur le fait que pour faire des affaires sur les marchés en développement, il faut surmonter des problèmes culturels complexes et que l’on instaure un climat de confiance en se rencontrant en personne. Conclure une affaire avec un nouveau client, former un médecin local à un nouveau produit ou résoudre un problème au sein d’une équipe internationale ne peut se faire qu’en personne.
 
Nos recherches nous rendent donc sceptiques quant à la possibilité que les entreprises mondiales remplacent à long terme les voyages par des substituts virtuels. Les entreprises de nos personnes interrogées ont été relativement lentes à s’adapter aux réunions virtuelles. Jusqu’à présent, les cadres n’ont reçu que peu de formation sur le télétravail mondial ou le développement de compétences virtuelles, et ont généralement été laissés à eux-mêmes.
 
Nous avons constaté que le travail à distance à l’échelle mondiale n’était pas une échappatoire aux conditions intenses des voyages d’affaires que l’on pourrait croire. Les responsables ont constaté que cela signifiait toujours des journées de travail prolongées afin de se connecter à travers les fuseaux horaires. Ils étaient généralement ennuyés par les réunions Zoom et désireux de reprendre l’avion, malgré le mode de vie intensif qu’il engendre et les conflits travail-famille. Il semble que les voyages internationaux soient ancrés dans la culture de leur entreprise et qu’ils continueront à faire partie de l’ADN de ces managers.
 
Cela étant dit, nos recherches soulèvent également des préoccupations importantes quant à la manière dont ces entreprises gèrent le bien-être de leurs voyageurs d’affaires. Nos résultats corroborent les travaux récents de la Fondation International SOS qui révèlent que les voyages d’affaires fréquents entraînent des difficultés physiques et mentales allant du stress et de la dépression à un mauvais sommeil et une mauvaise alimentation.
 
Il est inquiétant de constater que la plupart des initiatives de bien-être des entreprises liées au travail flexible, à la santé mentale ou à la formation et au développement ne tiennent pas compte des épreuves auxquelles sont confrontés les voyageurs fréquents. Et comme les voyages d’affaires reprennent après la pandémie, il est probable qu’ils seront plus stressants qu’avant. Malgré le désir de revenir à la situation antérieure, le monde peut sembler bien différent et peut ajouter d’autres points de pression imprévus.
 
Ces éléments peuvent être un indicateur précoce de ce que pourraient devenir d’autres industries après la fin de la pandémie. Par-dessus tout, la “nouvelle normalité” dont on parle tant pourrait s’appliquer moins aux voyages d’affaires que beaucoup ne le croient.
 
Why Zoom won’t kill business travel
CEO Magazine/By Dan Monheit, Behavioural science expert Dan Monheit is co-founder and Strategy Director of Hardhat, one of Australia’s most innovative creative agencies.
 
 
 
L’avenir des voyages d’affaires s’annonce sombre en pleine pandémie de COVID-19, mais Zoom ne le tuera pas. Des études montrent que nous sous-estimons souvent notre capacité à nous adapter aux événements qui changent la vie.
 
En pleine pandémie, l’avenir des voyages d’affaires semble indéniablement sombre – mais Zoom ne le tuera pas. Les études en sciences du comportement montrent que nous sous-estimons souvent notre capacité à nous adapter aux événements qui changent la vie, et cette situation n’est pas différente.
 
Les aéroports déserts ressemblent à des villes fantômes, tandis que des passagers nerveux et masqués naviguent dans des salles d’embarquement vides en attendant des vols qui pourraient ne jamais arriver.
 
Les restrictions gouvernementales et les ralentissements économiques plus larges, les périodes de quarantaine, les budgets limités des voyages d’affaires et le manque de confiance dans la sécurité dans un monde COVID-19 ajoutent à la certitude que le voyage d’affaires, tel que nous le connaissons, est mort.
 
“L’histoire, cependant, prouve constamment que nous sommes d’incroyables innovateurs, capables de répondre à une crise et de créer des voies inédites”. – Dan Monheit
 
En plus de ces questions, les entreprises doivent relever le défi de suivre l’évolution des politiques de santé et de sécurité lorsque l’alternative est de s’asseoir en sécurité et confortablement dans nos pantalons de survêtement lors d’une conférence téléphonique Zoom.
 
Selon les projections de l’Association internationale du transport aérien, le transport aérien mondial ne retrouvera pas son niveau d’avant la pandémie avant 2024. Il est donc facile de croire que nous savons déjà ce que l’avenir nous réserve – ce que les spécialistes du comportement qualifient de biais de projection.
 
Cependant, l’histoire prouve constamment que nous sommes des innovateurs incroyables, capables de répondre à une crise et de créer des voies inédites.
 
Les entreprises qui, autrefois, parcouraient le monde en toute confiance à la recherche de nouvelles connaissances, de nouveaux liens et d’un capital social redéfinissent aujourd’hui ce à quoi pourraient ressembler leurs futures interactions commerciales.
 
Il semble maintenant que nous n’ayons pas besoin d’un vol long-courrier vers Singapour pour conclure l’affaire ou d’un hôtel de luxe dans les Pouilles pour participer à l’échange de connaissances entre pairs – il suffit d’un lien.
 
Il est facile d’imaginer que les vidéoconférences sur Zoom ou les technologies de réalité virtuelle, avec leur horaire en ligne 24 heures sur 24 accessible à des personnes du monde entier, remplaceront les voyages d’affaires et les conférences en face à face dans la communication d’entreprise post-pandémique.
 
Mais le biais de projection signifie-t-il que nous avons annulé la puissance du lien entre les hommes ?
 
Le pur échange d’informations n’est pas, et n’a jamais été, la seule ni même la principale raison des voyages d’affaires.
 
Une grande partie du débat parle comme si le voyage d’affaires était une décision tout à fait rationnelle par rapport à une décision plus émotionnelle, comme le voyage de loisir. Or, ce n’est pas le cas. Rappelez-vous, nous avons également eu Zoom en janvier.
 
Albert Mehrabian, un chercheur prolifique dans le domaine de la communication, a constaté que nos mots ne véhiculent à eux seuls que 7% de ce que nous communiquons. Les indices non verbaux, y compris le ton (38 %) et les gestes (55 %), sont ceux qui transmettent la majorité de ce que nous voulons dire. Notre ton et nos gestes sont tous deux gravement entravés par la vidéoconférence, surtout si on les compare à l’interaction en face à face.
 
Pour beaucoup, les voyages d’affaires sont un avantage du travail ou, en fait, font partie d’un salaire. Mais c’est aussi un lien humain, la chimie de l’effort créatif et de l’échange à travers le divertissement, le réseautage et la prospection. En plus d’offrir une pause dans la routine, les voyages d’affaires donnent aux candidats des crédits de statut, du luxe et des points bonus Frequent Flyer – autant de raisons qui feront que les employés pousseront leurs employeurs à continuer à les envoyer en voyage dès que le gouvernement le permettra.
 
“Pour beaucoup, les voyages d’affaires sont un avantage du travail ou, en fait, font partie d’un salaire. Mais c’est aussi un lien humain, la chimie de l’effort créatif et de l’échange à travers le divertissement, le réseautage et la prospection”.
 
Il est difficile de l’imaginer aujourd’hui alors que les bunkers de Melbourne sont enfermés dans l’un des lieux les plus rigoureux du monde, mais ailleurs, les voyages s’ouvrent déjà. L’avenir se déroule sous nos yeux. Les pays de l’Union européenne commencent à rouvrir leurs frontières intérieures et envisagent d’autoriser les voyages depuis l’extérieur du bloc, de façon imminente.
 
Les aéroports vont réagir à la pandémie. Singapour et la Chine ont déjà commencé à autoriser les déplacements essentiels en utilisant des applications de recherche des contacts, tandis que les compagnies aériennes, les hôtels, les centres de conférence et les salons professionnels, ainsi que les industries annexes se préparent au nouveau monde.
 
Les mesures et protocoles de sécurité, petits et grands, nous aideront à être et, peut-être plus important encore, à nous sentir plus en sécurité lorsque nous voyageons. Pourtant, à travers la lentille de la projection biaisée, il est presque impossible d’imaginer comment les entreprises vont organiser un nouveau paradigme de voyage d’affaires post-pandémique.
 
Le comportement des consommateurs peut changer à court terme, mais pas de manière durable. Les réunions d’affaires pourront peut-être se dérouler sur Zoom, mais notre futur moi aura soif de contacts humains et de voyages.
 
Il y a un déficit énorme dans les relations fortuites et accidentelles qui se forment lors des dîners de conférence de l’industrie, des salons professionnels, dans les salons de vol et même dans le bar du hall d’hôtel.