Les reportings des TMC sont-ils vraiment nuls ?

La qualité des données fournies par l’agence de voyages est régulièrement pointée du doigt par les travel managers. Les TMC en sont-elles les seules responsables ?

La charge est rude. Lors de la convention de la GBTA en août dernier, Ann Dery, travel manager chez Standard & Poor’s Global, n’y est pas allée avec le dos de la cuillère : « Comme nous le savons tous, les données de la TMC sont horriblement mauvaises. Je ne sais pas pourquoi elles n’arrivent pas à régler le problème une fois pour toutes mais c’est mauvais, incomplet, inexact et inopportun ». Et bing !

Les propos, rapportés dans un excellent article de The Company Dime, ne sont pas isolés. Steve Sitto, directeur mondial de la mobilité chez Tesla, renchérit : « La collecte des données sur les voyages d’affaires dans de nombreux pays est un véritable gâchis ». Dan Pirnat, fondateur de Data Insights Inc, enfonce le clou : « Mon expérience m’a montré que la qualité des données de la TMC ne s’est guère améliorée, en particulier chez les mégas TMC ».

Les raisons avancées par les experts interrogés par The Company Dime montrent toutefois que les responsabilités sont plus partagées qu’il n’y parait et ne reposent pas uniquement sur les épaules des TMC. Selon Susan Hopley, Pdg de The Data Exchange, « il y a trop de maillons dans la chaîne de données des voyages d’affaires, qui non seulement utilisent des configurations de données et des algorithmes de traitement différents (générant ainsi beaucoup de complexité), mais qui doivent aussi partager des données concurrentielles ». Pour elle, la question de savoir à qui appartiennent les données reste un point de discorde. 

Rock Blanco, un ancien responsable technique de TMC, confirme : « Lorsque, pour une même transaction de voyage, l’entièreté des données n’est pas accessible par l’ensemble des fournisseurs directement concernés par cette transaction, vous créé des silos qui créent eux-mêmes des obstacles au partage d’informations ».Résultat : des incohérences et une qualité dégradée des données. 

Dans un autre article du même media, Suzanne Boyan, responsable mondiale des voyages chez ZS Associates, va même plus loin et parle d’un manque de transparence sciemment entretenu par les fournisseurs afin de gêner les entreprises : « Quand vous ne pouvez pas voir précisément les lignes de dépenses, négocier correctement devient alors très difficile ».

Rock Blanco pointe aussi du doigt la responsabilité du GDS : « Lorsque vous avez un secteur dont le système de point de vente (l’agence de voyages) est encore basé sur un terminal muet des années 70 appelé GDS, vous allez rencontrer rapidement des limites sur la qualité des données ».

D’autres experts jugent néanmoins sévères les critiques dont font l’objet les TMC et même « injustes » selon Erik Mueller, Pdg de Grasp Technologies, pour qui la multiplicité des canaux rend plus complexe le contrôle de la qualité des données : outil de réservation en ligne, réservation offline, réservation hors canal, réservations dans diverses régions du monde… 

Scott Gillespie, le célèbre consultant de tClara, se démarque une nouvelle fois avec un point de vue original sur le sujet : « Les problèmes persistent depuis de nombreuses années et nous avons fait de modestes progrès, donc ma conclusion est qu’il n’y a pas de marché pour une solution ». Et d’expliquer : « Les acheteurs s’attendent à payer trop peu et les fournisseurs disent : nous avons besoin de plus que ce que vous offrez pour que cela vaille la peine de résoudre ce problème. Je pense que la conclusion est que les acheteurs sont prêts à vivre avec ce problème, le résoudre n’apportera pas une valeur ajoutée suffisante pour justifier les coûts ».

Une vision contestée par Suzanne Boyan, qui se dit prête à payer davantage pour des données de meilleure qualité si le secteur du voyage d’affaires était « aussi transparent que d’autres secteurs ». Selon elle, cela pourrait faire progresser le devoir de diligence et les négociations avec les fournisseurs tout en préservant « une marge bénéficiaire équitable ».

Une chose est sûre : le sujet de la qualité de la donnée va s’imposer un peu plus à l’heure où la distribution se fait plus ouverte et plus fragmentée. Dès lors, selon Dan Pirnat, les TMC ne pourront fournir de reporting de bonne facture « sans investissement important ». Sous couvert d’anonymat, un observateur met la pression : « Le problème est d’autant plus capital qu’interpréter les données de voyage est la principale raison d’être de la fonction du travel manager ».

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Sources de données : une lente évolution

Les sources traditionnelles de données changent, mais pas suffisamment pour que les travel managers revoient leurs pratiques. 

C’est depuis toujours le plus grand défi des travel managers : disposer de données fiables et complètes, et pouvoir les consolider. Le site The Company Dime rappelle dans un article didactique que les programmes voyages correctement gérés utilisent trois sources de données afin de vérifier la conformité de la politique voyages, d’améliorer les négociations avec les fournisseurs, d’identifier les économies possibles et de détecter les fraudes : les sources de réservation, de paiement et de notes de frais. 

Comment ces dernières ont-elles évolué ? Selon Brian Beard, un vétéran du voyage d’affaires comme ils disent aux Etats-Unis, « les données s’améliorent du côté des notes de frais et un peu plus du côté des cartes. En revanche, les données de réservation ne changent pas vraiment, bien qu’il y ait une énorme pression pour intégrer autant que possible des données de pré-voyage et de pré-autorisation ».

Une fois ce constat posé, que retenir de cet article ?

Un : les données de réservation sont les plus riches mais leur qualité dépend grandement de « l’excellence opérationnelle des TMC », par exemple dans la gestion des profils. 

Deux : le niveau de détails des données de paiement s’améliore mais pas assez pour que les travel managers en fassent une source unique. La relation avec la direction financière peut ici être un frein car celle-ci ne voit pas forcément l’intérêt de descendre dans le détail (seul le montant l’intéresse) et par ailleurs, dans de nombreuses entreprises, les travel managers auront besoin de son soutien pour accéder aux systèmes de paiement et pouvoir les contrôler. Autre inconvénient : l’examen manuel de ces paiements et leur éventuelle correction peuvent être assez coûteux. 

Trois : alors que nous entrons dans le monde des fournisseurs directs et des réservations omnicanales, la transformation numérique des entreprises qui permettrait de meilleurs reportings présente encore de nombreuses lacunes. 

Quatre : la meilleure façon de produire des modèles efficaces de données est d’être le proche possible en temps réel de la transaction. C’est ce vers quoi tendent les innovations en la matière. 

Conclusion selon les experts interrogés par The Company Dime : les choses progressent mais rien ne permet aujourd’hui aux travel managers de changer leurs pratiques qui consistent toujours à utiliser les trois principaux flux de données, au moins pour les comparaisons basiques « réservé/facturé » et « facturé/dépensé ». 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

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