TripActions : méga jackpot en perspective

La prochaine introduction en bourse de la TMC va rapporter gros, voire très gros, à ses investisseurs historiques. Une étape capitale dans la vie de la jeune TMC créée en 2015.

TripActions saute le pas. Déjà dans les tuyaux à plusieurs reprises par le passé, l’introduction en bourse de la TMC devrait intervenir au cours du deuxième trimestre 2023. Le site américain Business Insider a en effet révélé le 29 septembre, confirmant ainsi une indiscrétion de Bloomberg début août, que TripActions avait déposé une demande confidentielle d’introduction en bourse auprès de la SEC, l’autorité américaine des marchés financiers.

Pourquoi confidentielle ? Cette procédure, autorisée par le gendarme américain de la bourse et utilisée en leur temps par Twitter ou Airbnb, permet à une entreprise de ne dévoiler ses informations financières et sa stratégie que 15 jours avant le début de son « roadshow » (la tournée de présentation aux investisseurs qui précède l’entrée en bourse) ou 15 jours avant la date présumée à laquelle la SEC doit donner son autorisation à entrer en Bourse. 

En clair, l’entreprise peut garder des informations sensibles et secrètes pendant une période plus longue, contraignant ses concurrents à patienter avant d’obtenir des détails précieux sur son activité. Mais surtout elle n’est pas obligée de fixer une date d’introduction gravée dans le marbre, elle peut la reporter et même l’annuler. Dans le cas d’une introduction en bourse « classique », une fois la date fixée, il est difficile d’y mettre un terme.

Une flexibilité qui a aujourd’hui son importance car les marchés financiers sont à la peine. Les indices boursiers américains ont plongé avec les sombres prévisions économiques : le Dow Jones est en recul de 20% depuis le 1er janvier alors que le Nasdaq a chuté de 32% sur la même période. Et les introductions se font très rares après avoir battu des records en 2021. Dans ces conditions, TripActions ira-t-elle jusqu’au bout ?

L’entreprise américano-israélienne (ses deux fondateurs, Ariel Cohen et Ilan Twig sont israéliens, mais vivent dans la Silicon Valley) basée à Palo Alto en Californie a de solides arguments à faire valoir. En lançant début 2020 sa propre solution de paiement baptisée « Liquid », la TMC a initié un modèle unique sur le marché basé sur l’intégration totale du voyage, des dépenses et du paiement.

En accélérant la mise en œuvre de « Liquid » après le début de la pandémie, la TMC a montré sa capacité de réaction face à la crise en s’adaptant très vite aux besoins de numérisation des entreprises et des voyageurs (même si dans le même temps, le licenciement sans ménagement de 300 collaborateurs via Zoom a suscité la polémique et l’indignation aux Etats-Unis). 

Ce faisant, TripActions n’était plus seulement une spécialiste du voyage d’affaires, elle devenait aussi une fintech, une startup qui utilise la technologie pour repenser un service financier. Et ça, les investisseurs adorent. Ils aiment cette aptitude à favoriser de grandes avancées en matière d’usage : « En quelques clics, je réserve, je paie, je gère mes dépenses sans la contrainte du remboursement ». 

Et les clients dans tout ça ? Apprécient-ils autant la proposition de valeur que les investisseurs ? TripActions reste discrète sur ses chiffres et ces derniers sont évidemment invérifiables. En février, après le rachat de la TMC allemande Comtravo, l’entreprise annonçait un volume d’affaires de 6 milliards de US$ pour 7500 clients. 

Depuis, TripActions a mis la main sur la suédoise Resia et le marché du voyage d’affaires s’est redressé. Le cap des 7 milliards de US$ aurait donc été franchi, et même allègrement. Dans une année normale pré-Covid, en 2019, cela aurait déjà placé la TMC au 5e rang mondial, à égalité avec FCM, derrière Amex GBT-Egencia (39 Mds), BCD (28 Mds), CWT (23 Mds) et Corporate Travel Management (8 Mds). Dans une année post-Covid comme 2022, nul doute que l’écart avec les concurrents s’est resserré.

Pour autant que ces chiffres soient confirmés, TripActions semble donc en train de changer de dimension. Une information, passée inaperçue dans la torpeur d’un mois d’août étouffant, en témoigne. La TMC a remporté le budget voyages mondial d’Unilever, l’entreprise anglo-néerlandaise aux 148 000 salariés répartis dans 77 pays. Il y a fort à parier qu’elle soit devenue du même coup le plus grand compte géré par la TMC. Et, comme un double symbole, elle l’a chipé à Amex GBT qui l’avait récupéré dans sa corbeille en 2018 en rachetant HRG qui gérait les déplacements d’Unilever depuis de nombreuses années. Bref, une sacrée prise de guerre. 

Toutefois, dans ce flux de bonnes nouvelles, certaines interrogations demeurent. TripActions est en croissance mais combien coûte cette croissance ? Aucun chiffre n’a été communiqué mais la rentabilité n’est pas pour l’instant la préoccupation d’Ariel Cohen, le co-fondateur et véritable patron de la TMC. Il l’a souvent répété, il veut devenir « l’Amazon du voyage d’affaires », quitte à en imiter fidèlement la trajectoire ? Rappelons que la plateforme de Jeff Bezos avait perdu beaucoup d’argent lors de ses huit premières années avec des ratios parfois vertigineux (un chiffre d’affaires à peine deux fois plus élevé que ses pertes en 2002 !). Mais, compte tenu de la conjoncture, on peut imaginer que TripActions ne prendrait pas le risque d’une introduction si elle perdait beaucoup d’argent, les marchés la sanctionneraient aussitôt. 

TripActions doit par ailleurs encore convaincre un marché réputé conservateur en plus d’être complexe. Changer de TMC, avec tout ce que cela implique, n’est pas toujours chose aisée. D’autant que les TMC historiques ne sont pas restées inactives et investissent, elles aussi, dans la technologie. Et puis les voyageurs continuent de plébisciter le contact physique ou téléphonique en dépit des solutions digitales à leur disposition. Enfin, et c’est une litote, l’Europe (et plus encore le marché français) n’est pas les Etats-Unis. Tenir compte des cultures et des particularismes locaux n’est pas la moindre des difficultés.

En attendant, cette prochaine introduction en bourse va faire des heureux. Son timing indique en effet que les actionnaires actuels en sont clairement à l’initiative. Il est légitime au bout de sept ans (pour les plus anciens d’entre eux) que ces derniers souhaitent être « liquides », c’est-à-dire récupérer leur argent avec une belle plus-value à la clé. 

TripActions vise une valorisation lors de son introduction à 12 milliards de US$ après avoir levé 1,3 milliard de US$ depuis sa création. Par comparaison, en décembre 2021, Amex GBT avait annoncé une valorisation à 5,3 milliards de US$ pour son entrée en bourse. Pourquoi une telle différence alors qu’Amex GBT est assurément plus gros que TripActions et affichait une rentabilité enviable avant le Covid ? Sa croissance rapide ne suffit pas à l’expliquer et c’est là où Ariel Cohen et Ilan Twig sont des malins. En devenant à la fois TMC et fintech, les deux compères vendent au marché financier le volume du voyage avec le multiple de la tech. Là où, ce n’est qu’un exemple, une entreprise du voyage pourrait être valorisée 5 fois son Ebitda (bénéfice d’exploitation), une société de la tech le serait 10 ou 15 fois son Ebitda.

La perspective d’un méga-giga jackpot se rapproche donc pour les investisseurs de la première heure, Oren Zeev, Lightspeed Venture Partners et Dovey Frances Group11 (et sans doute les deux co-fondateurs) qui ont mis des billes en 2015 pour, alors, une valorisation de 10 millions de US$. Sept ans plus tard, avec une valorisation à 12 milliards de US$, ils pourraient ainsi récupérer 1200 fois leur mise ! Des niveaux très rarement vus. Pour les autres capitaux risqueurs, plus récents, cela resterait aussi une excellente (doux euphémisme) opération. A condition bien sûr que l’entreprise ne soit pas surévaluée et ne rate pas, à l’instar d’un Facebook en 2012, son entrée en bourse. 

D’ailleurs, cette dernière se fera-t-elle par une simple cession de titres ou par une augmentation de capital permettant de lever à nouveau de l’argent frais ? Tant que le dossier reste confidentiel, nous n’en saurons rien. Une chose est sûre : c’est une nouvelle vie qui débutera pour la TMC, avec de nouveaux actionnaires, et des résultats financiers qui seront scrutés à la loupe, sous la forte pression des marchés. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Les limites de l’automatisation

Automatiser l’ensemble du process de réservation, jusqu’à l’annulation et l’échange de billets : facile à dire, beaucoup plus difficile à faire. 

C’est l’un des sujets phares du moment. Avec le Covid et le chaos dans le transport aérien, les échanges et annulations de billets d’avion par les voyageurs d’affaires se sont multipliés. Avant la pandémie, cela concernait 1 billet sur 5, aujourd’hui cela toucherait entre le tiers et la moitié des transactions, rapporte dans un excellent article le site The Company Dime

Encore peu ou pas automatisés, l’échange et l’annulation de billets nécessitent la plupart du temps une intervention humaine. Or la pénurie de personnel qui affecte les TMC crée des situations intenables et dégrade sérieusement la qualité du service. Que faire ? La solution passe par l’automatisation mais ce n’est pas si simple. « Il y a aujourd’hui très peu d’outils numériques qui sont efficaces pour permettre des changements de voyages et d’itinéraires » déclarait récemment Nick Vournakis, vice-président exécutif de CWT, au site Skift. La TMC vient toutefois d’annoncer que le voyageur peut désormais, sur sa nouvelle application myCWT et sur les canaux web, modifier ou annuler un trajet en étant informé des modalités comme le surcoût. Si l’information se vérifie (il convient d’abord de tester l’outil), CWT aurait pris un petit temps d’avance sur ses principaux concurrents. 

Comme l’explique en effet David Reimer, vice-président d’Amex GBT pour les clients internationaux et directeur général pour les Amériques, « chaque compagnie aérienne gère son inventaire avec des processus légèrement différents et si vous souhaiter l’automatiser, vous devez probablement le faire un par un, par transporteur. On va y arriver bientôt mais jamais totalement, sans doute à 70-80%, car une partie devra toujours se régler offline, au téléphone ». 

Jean-Christophe Taunay-Bucalo, le directeur commercial de la TMC TravelPerk, confirme : « Nous avons automatisé la plupart des annulations avec l’ensemble des fournisseurs, compagnies aériennes, ferroviaires et même hôtelières. En revanche, les processus de modification et d’échange sont beaucoup plus compliqués en raison des différents types d’inventaire et des connexions nécessaires, mais nous devrions être à plus de 50% d’automatisation d’ici la fin de l’année ». 

John Sturino, vice-président des produits de la division Egencia d’Amex GBT, pointe également les règles commerciales des compagnies aériennes qui changent tout le temps. 

Pour David Reimer, l’explication est aussi plus globale, « avec un nombre de variables dans les voyages et une infrastructure technologique énorme qui posent de vrais défis ». Avant d’ajouter : « L’intelligence artificielle peut faire beaucoup pour nous aider ». Et de conclure : « En tant qu’industrie, nous devons faire mieux, c’est certain ». 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Aérien : des négociations impossibles ?

Des prix qui s’envolent, des capacités réduites, des avions pleins : le marché est à l’avantage des compagnies aériennes. Pour les acheteurs, les marges de manœuvre sont bien minces.

Rien ne semble devoir freiner la flambée des tarifs aériens. Relayant des chiffres de Skytra, une filiale d’Airbus, Business Travel News Europe nous apprend que « les tarifs intra-européens en classe affaires réservés pour la période juillet-septembre 2022 sont supérieurs de 33% à ceux de la période équivalente en 2019 ». Sur le transatlantique, la hausse est de 16% en classe affaires sur la même période. Seuls les prix des liaisons entre l’Europe et l’Asie restent en-deçà des niveaux de 2019. 

Interrogée par le journaliste, Aurélie Duprez, associée fondatrice d’Areka Consulting, confirme une situation tendue : « Nous disons à nos clients qu’ils peuvent s’attendre à ce que le prix moyen de leur billet augmente de 20 à 30% cette année ». D’autres estimations évoquent même des hausses de 40%…

Malgré la reprise des voyages, les entreprises n’ont pas retrouvé des volumes comparables à ceux de 2019 et sont donc moins attractives lorsqu’elles arrivent à la table des négociations. C’est la mécanique habituelle, la baisse des volumes de voyages réduit le pouvoir d’achat. Un travel manager d’une grande entreprise témoigne : « Certaines compagnies aériennes nous accordent des niveaux de remise qu’elles appliquaient auparavant aux petites et moyennes entreprises, soit une réduction standard de 5%. » 

Richard Jonhson, senior director de CWT Solutions Group, en rajoute une couche dans The Company Dime : « Il n’y a que les intransigeants ou les naïfs qui pensent qu’ils vont obtenir les mêmes remises qu’avant, soyons réalistes ! » Au mieux, certaines entreprises peuvent obtenir en compensation des avantages comme l’embarquement prioritaire ou l’accès aux salons, explique Aurélie Duprez, mais ce sera tout.

Dans ces conditions drastiques, faut-il renégocier ses contrats aériens ? Les avis divergent. Christopher Sabby, de CWT Solutions Group, pense qu’il est temps de le faire car les contrats négociés avant la pandémie sont obsolètes : « Nous voyons encore beaucoup de contrats actifs utilisant des données datant de 2016 et 2017 ! » Il suggère donc d’appliquer un mélange de données de 2019 et 2021 et des estimations de volumes projetés. 

Erik Shor, directeur des partenariats de la TMC américaine CTM, recommande l’inverse : « Le conseil que nous donnons est de mettre un frein aux engagements de sourcing. Voyez si vous pouvez obtenir une nouvelle prolongation de vos contrats de six à douze mois. La situation n’est pas propice aux acheteurs, avec des prix moyens de billets d’avion qui atteignent des sommets historiques et des services très perturbés. »

Le journaliste de The Company Dime confirme d’ailleurs « que tout le monde n’est prêt à renégocier. Certains acheteurs veulent d’abord voir comment les changements dans les politiques voyages issus de la pandémie et les comportements des voyageurs affectent les budgets avant de lancer de nouveaux projets de sourcing. » 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

TMC : transparence exigée

Face aux pénuries de personnel des TMC et à la dégradation du service, les entreprises commencent à s’impatienter et réclament davantage de communication.

Compréhensives… jusqu’à un certain point. Si elles ont fait preuve d’indulgence pendant la pandémie, les entreprises attendent désormais que le niveau de service des TMC redevienne identique à ce qu’il était avant le Covid. Mais c’est loin d’être le cas. La faute à une pénurie durable de personnel dans l’ensemble du secteur du voyage (pas seulement dans les TMC) et à une reprise de l’activité plus forte que prévu.

Une situation qui concerne tous les marchés. Clive Wratten, le président de la Business Travel Association, qui rassemble 90% des TMC britanniques, estimait récemment dans BTN Europe que le nombre de salariés des TMC est inférieur de 20% à celui d’avant la pandémie. Un chiffre similaire dans les agences de voyages françaises selon Valérie Boned, la secrétaire générale des Entreprises du Voyage (EdV). Aux Etats-Unis, ce serait encore pire. 

Résultat : les relations entre les TMC et leurs clients se tendent bigrement. Rien de plus inconfortable en effet pour un acheteur ou un travel manager de se retrouver coincé entre une TMC défaillante et un voyageur mécontent du service proposé, explique dans Business Travel Mag Kerry Douglas, l’un des responsables d’ITM, l’équivalent britannique de l’AFTM. Et de poursuivre : « Les acheteurs ont la tâche difficile d’expliquer à leurs voyageurs que la pénurie de personnel touche l’ensemble du secteur et que l’expérience voyage en 2022 restera très différente de celle de 2019 ». 

Certains travel managers affirment même que, frustrés par les temps d’attente lorsqu’ils appellent la TMC, leurs voyageurs réservent désormais directement auprès des fournisseurs, ce qui génère des problèmes de conformité et de duty of care. 

D’autres, et c’est le cas aussi en France, n’hésitent plus à lancer des appels d’offres pour changer de TMC. Sauf que la pénurie étant générale, il est peu probable que le changement de TMC améliore la situation.

Aux Etats-Unis, la tension est montée d’un cran fin juin lors de la publication dans The Company Dime d’une tribune de Brad Seitz, un vétéran du secteur. Travel manager de la société Pro Unlimited, il se disait très agacé par l’attitude des fournisseurs, et particulièrement des TMC, qui rejettent la responsabilité sur les entreprises qui n’auraient pas été capables d’anticiper la reprise des voyages. « Comme si nous avions une boule cristal ! » tonne-t-il. 

« En discutant avec mes collègues travel managers, j’ai appris que les carences de services se produisent même lorsque les clients ont donné à leur TMC une idée précise de leurs plans de retour au voyage » affirme-t-il. 

Courroucé pour le moins, Brad Seitz avertit : « Les travel managers et les acheteurs sont des éléphants. Nous n’oublions pas. Pour toutes ces TMC qui nous disent que c’est notre faute, rappelez-vous-en. Et sachez que nous aimons parler entre nous de nos expériences ». La menace est à peine voilée. 

La missive fait tellement de bruit que Nick Vournakis, le vice-président de CWT, prend la plume cinq jours plus tard pour répondre point par point aux critiques de Brad Seitz et appeler les acheteurs et les fournisseurs à travailler ensemble. 

En Grande-Bretagne, les acheteurs ne sont pas en reste. Par la voix d’ITM, ils exhortent les TMC à faire preuve d’une plus grande transparence au sujet de leur manque de personnel et de leurs problèmes opérationnels, trop entourés selon eux d’opacité. « Communiquez avec nous, ouvertement et honnêtement. (…) Arrêtez de nous dire à quel point vous êtes formidables et soyez honnêtes avec vos problèmes », s’enflammait Brad Seitz dans The Company Dime.

Une chose est sûre : il va falloir prendre son mal en patience car les TMC n’ont pas de solution à court terme pour endiguer rapidement cette pénurie de collaborateurs. Ou alors en profiter pour revoir le modèle de rémunération de sa TMC car les acheteurs britanniques qui travaillent avec leur TMC sur la base de frais de gestion (et non de transaction) ont, disent-ils, été moins affectés par les problèmes de service…

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

NDC : un flop qui coûte cher

Dix ans après son introduction, NDC ne représente qu’une goutte d’eau des réservations et commence à coûter très cher aux compagnies aériennes. 

Le chiffre est terrible, sans appel. Au cours d’une conférence de presse téléphonique à laquelle a participé The Company Dime, Yanik Hoyles, directeur de la distribution de IATA, a révélé que NDC ne représentait à la fin du premier trimestre 2022 que 10% de la distribution indirecte des compagnies aériennes, donc des réservations réalisées en dehors de leurs propres sites web. 

Et encore, 95% de ces 10% ne concernent que des voyages loisirs puisque ces réservations sont faites sur des sites web grand public. Résultat : seulement… 0,5% des réservations indirectes se rapporte au voyage d’affaires. Autrement dit, 1 réservation indirecte sur 200 utilise NDC pour un déplacement professionnel comme le titre The Company Dime ! Dix ans après avoir été introduit par IATA, le bilan de NDC est donc famélique, pour l’instant tout au moins.

Très, très loin en tous cas des dernières estimations de IATA datant de 2018 qui prévoyaient 20% de pénétration NDC en 2020 et 50% en 2023 !

En cause selon Yanik Hoyles, la complexité du voyage d’affaires (quelle découverte !), l’impact de la pandémie, mais aussi la lenteur d’adoption des GDS et des OBT/SBT. Habituel jeu de rôle qui voit depuis des années les compagnies aériennes et les GDS se renvoyer la responsabilité du fiasco NDC.

Dans cet interminable et gaguesque feuilleton NDC, on n’est peut-être pas au bout de nos surprises. Le même article de The Company Dime fait référence à une étude réalisée par T2RL Travel Technology Research et publiée en juin, qui qualifie d’inquiétants les coûts de développement de NDC pour les compagnies aériennes. Et de préciser : « ces coûts deviennent un facteur qui ajoutent à la lenteur du déploiement ». 

Pour les compagnies aériennes en effet, « les budgets restent très serrés en raison des conditions du marché et, sans un retour sur investissement clair, les projets informatiques ont du mal à trouver des ressources et un soutien interne », selon le cabinet de conseil en technologie. 

Problème : dans ce retour sur investissement, il faudra tenir compte des incitations financières que les compagnies décideront d’offrir aux TMC pour qu’elles adoptent la norme NDC. Si les compagnies restent discrètes, pour ne pas dire secrètes, sur ces incitations, Kyle Moore, directeur de la stratégie client chez Travelport, révélait dans une interview en début d’année « qu’il existe bien des accords (entre compagnies et TMC) mais qu’ils ne sont tout simplement pas publics ». Oui décidément, concernant NDC, on n’est certainement pas au bout de nos surprises. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

CWT : que vaut son nouvel abonnement ?

La TMC vient de lancer un nouveau modèle de tarification par abonnement après l’avoir expérimenté pendant un an avec des clients pilotes. 

On peut prendre le problème par tous les bouts, la conclusion sera toujours la même : avec un modèle de tarification basé sur les frais de transaction, le risque pèse trop lourdement sur la TMC. Comme l’a illustré le Covid, en cas de perturbation exceptionnelle, les revenus disparaissent et les TMC sont contraintes de licencier rapidement et massivement pour éviter des pertes financières catastrophiques.

Pour mieux répartir le risque, CWT a donc imaginé un abonnement, soit un tarif mensuel qui couvre tous les produits et services fournis par la TMC, en fonction du volume de transaction prévu, comme le rapporte Business Travel News. Ce tarif mensuel peut être révisé à la hausse ou à la baisse si l’entreprise a besoin d’ajouter ou de soustraire des services, ou d’ajuster les prévisions de volume. 

Cité par The Company Dime, Brady Jensen, vice-président finances et responsable de la tarification mondiale de CWT, met en avant la simplification du système : « Ce nouveau modèle de facturation n’émet qu’une seule facture mensuelle simple et complète, au lieu de plusieurs, ce qui facilite considérablement le suivi et la gestion des dépenses ». Autre avantage selon Brady Jensen : « Les clients pourraient faire des économies grâce à des remises sur le volume que l’on ne trouve pas habituellement dans le modèle courant des frais de transaction ». 

Interrogés par The Company Dime, les consultants Will Tate et Andrew Menkes confirment qu’une telle simplification pourrait bien séduire les petites et moyennes entreprises. « Le modèle semble être idéal pour toutes les organisations qui ont des ressources internes limitées pour gérer les voyages et qui sont relativement satisfaites des niveaux de service qu’elles obtiennent ». 

Ils sont en revanche plus réservés pour les grands comptes : « Ce que les clients peuvent gagner en simplification grâce à une approche groupée, ils le perdent en transparence ». Avec d’abord une première interrogation : dès lors qu’il n’y a plus de facturation automatique au centre de coûts du voyageur, comment l’entreprise peut-elle répartir le coût entre les services ? 

Mais surtout, ce sont les revenus fournisseurs qui sont dans leur viseur. Car les TMC tirent de leurs fournisseurs une partie importante de leurs revenus : CWT avait estimé en 2021 que ces derniers représenteraient 40% de ses revenus en 2022. « Si la nouvelle tarification tient compte du coût du service pour le client et des revenus générés par les fournisseurs, alors le modèle d’abonnement pourrait fonctionner à condition bien sûr qu’il y ait transparence ». Mais est-ce le cas ?

C’est un point sensible car dans le système traditionnel à la transaction, certains clients négocient avec la TMC le retour d’une partie ou de la totalité des commissions reçues par cette dernière. C’est le cas notamment quand l’entreprise négocie directement ses contrats avec les fournisseurs aériens notamment.

Brady Jensen a reconnu dans Business Travel News que la nouvelle tarification « ne convient pas parfaitement à tous les clients ». Mais il faut aussi prendre garde à la distinction américaine entre grands comptes et PME qui n’est pas tout à fait la même qu’en Europe et en France. Parmi les entreprises pilotes, on trouve en effet ServiceNow, une société mondiale de logiciels comprenant 19200 salariés (tout de même !), qui par l’intermédiaire de sa directrice voyages s’est dit satisfaite de cette tarification à l’abonnement. 

Il convient aussi de préciser que ce nouveau système n’a aucun caractère obligatoire. CWT le propose et c’est l’entreprise qui décide. Le chemin s’annonce donc encore long pour un changement de modèle économique d’autant que les entreprises n’y semblent pas encore particulièrement disposées. Selon une étude menée par The Beat, une publication du groupe BTN, plus de 80% des acheteurs rémunèrent leur TMC à la transaction. On part de loin. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

La qualité de service pointée du doigt

La pénurie de personnel chez les fournisseurs dégrade le service. Le sujet est d’autant plus sensible que le prix des voyages d’affaires s’envole. 

Pour l’instant, les travel managers et les acheteurs font preuve de compréhension. Mais l’effet ciseaux, redoutable, pourrait rapidement entamer leur patience car la baisse de la qualité du service se double d’une flambée inédite des prix. 

A l’arrêt ou quasiment pendant deux ans, de nombreux fournisseurs ont licencié ou perdu du personnel et se retrouvent en sous-effectif alors que la reprise des déplacements professionnels accélère. Et quand ils arrivent par bonheur à recruter, c’est du personnel souvent junior, inexpérimenté et non formé. Inévitablement, la qualité du service en pâtit. 

Dans les TMC américaines, la situation est très tendue raconte The Company Dime. Les histoires s’accumulent sur des temps d’attente interminables ou sur des agents de voyages ne répondant jamais aux appels ou aux courriels. Des travel managers chevronnés décrivent « une situation sans précédent ».

Une certaine indulgence semble toutefois l’emporter encore. Sheila Kittle, directrice mondiale des voyages chez Jabil, un fabricant américain de circuits électroniques de 200 000 salariés, est plutôt magnanime : « Notre volume de réservations a augmenté de plus de 300% d’une année sur l’autre, il est difficile pour toute TMC d’y faire face rapidement, elles font du mieux qu’elles peuvent ». Sa solution ? « Adapter notre programme voyages et l’état d’esprit de nos voyageurs. Je ne veux pas dire diminuer leurs attentes mais leur donner des attentes réalistes ».

Pour Andrew Menkes, un consultant américain, la situation va mettre du temps à se normaliser : « Les TMC auront du mal dans les mois à venir à respecter un accord de niveau de service lié notamment à la réactivité et à la rapidité ». En France, certains travel managers témoignent aussi d’une certaine tension mais avec toutefois moins d’acuité et les TMC sont aussi nombreuses à reconnaître des vraies difficultés à recruter.

Mais c’est dans l’hôtellerie-restauration que la situation est sans doute la plus critique. « La pénurie de main d’œuvre pénalise doublement le secteur, écrit la journaliste Mathilde Visseyrias dans son article paru dans Le Figaro le 29 mai. D’abord, elle nuit à la qualité de service : les clients sont de plus en plus souvent déçus, l’attente trop longue avant même de pouvoir commander et le service hésitant. Ensuite, elle oblige les professionnels à limiter l’activité. Des hôtels ferment des étages entiers, proposent un service dégradé ».

Aux Etats-Unis, Christopher Nassetta, le Pdg de Hilton, cité dans The Company Dime, affirme que la situation s’améliore mais il prévient : « Nous devons restaurer davantage de services car sinon nous allons compromettre notre capacité à continuer d’augmenter les tarifs ». De leur côté, les entreprises veulent davantage de garanties. La compagnie pétrolière Chevron a entamé des discussions préliminaires sur les tarifs pour 2023 et les niveaux de services sont plus que jamais un point de discussion. Plus largement, selon The Company Dime, les entreprises américaines souhaitent garantir contractuellement la meilleure expérience possible pour leurs voyageurs. 

Pas forcément une bonne idée pour Donna Brokowski, vice-présidente de la TMC Direct Travel, pour qui la mesure du service reste un exercice complexe et aléatoire. En revanche, elle défend l’idée que le sourcing continu des hôtels et l’abandon des appels d’offres trop rigides permettent de pallier les défaillances du service : « Grâce aux commentaires de vos voyageurs, à condition bien sûr de les recueillir, vous pouvez rapidement et de façon souple délaisser un hôtel au profit d’un autre établissement ». 

Autre gros point de friction pour les voyageurs : le transport aérien. Dans de nombreux aéroports du monde entier, c’est la pagaille, faute encore de personnel suffisant, et la haute saison touristique qui approche va empirer la situation. Aux Etats-Unis, l’indice de satisfaction des voyageurs à l’égard du transport aérien, mesurée par J.D Power, a brutalement chuté en raison de l’attente aux aéroports et de l’envolée des prix des billets.

Qualité de service défaillante et hausse des prix ne font pas bon ménage. Travel managers et acheteurs vont devoir porter une attention très particulière sur ces sujets à l’heure où le bien-être de leurs voyageurs est une priorité.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Pourquoi les GDS s’adossent aux GAFAM

Amadeus et Microsoft, Sabre et Google, Travelport et Amazon : ces rapprochements en disent long sur la nouvelle stratégie corporate des GDS.


Certains les ont peut-être enterrés trop vite. L’avènement d’un marché où la distribution et la connectivité (via NDC notamment) sont désormais beaucoup plus ouvertes devait les fragiliser dangereusement pour les uns. L’éclosion des start-ups, plus agiles et « nativement web », devait achever de les ringardiser selon les autres, empêtrés qu’ils sont dans leur technologie d’un autre temps, le vieux (mais efficace) langage informatique EDIFACT qu’ont dû assimiler plusieurs générations d’agents de voyages. 

Les annonces de ces dernières semaines montrent qu’il va falloir compter avec eux, spécialement dans le voyage d’affaires, et avec leur nouveaux alliés, inattendus : les GAFAM, rien de moins ! 

C’est Sabre qui avait dégainé le premier en indiquant avoir signé en octobre 2020 un partenariat stratégique avec Google. Puis Amadeus avait répondu en février 2021 en annonçant le sien avec Microsoft. Enfin, Travelport révèle en juin 2021 un accord avec Amazon Web Services. 

Derrière ces trois alliances, un même point de départ : la volonté pour les GDS de migrer vers le cloud qui permet non seulement de se débarrasser des gros ordinateurs centraux mais surtout d’accéder à une plus grande capacité de calcul afin d’accélérer le développement et les possibilités de travailler avec un plus grand nombre de partenaires technologiques. 

Ces trois associations sont en train aujourd’hui d’aborder une nouvelle phase de leur développement et c’est là que ça devient intéressant. Amadeus vient ainsi de frapper un grand coup en annonçant l’intégration de Cytric, son OBT (online booking tool), dans les applications collaboratives de bureau de Microsoft, Teams et Outlook. Dans l’excellent The Company Dime, Ken Pfaffmann, le vice-président commercial d’Amadeus en Amérique du Nord, pose deux questions centrales à propos des OBT : « Pourquoi forçons-nous les collaborateurs à aller vers un outil qu’ils n’utilisent pas tous les jours ? Alors que notre lieu de travail a changé avec le développement du télétravail, pourquoi penser que les OBT devraient rester les mêmes ? » 

Résultat : à partir de Teams, les utilisateurs peuvent désormais partager des itinéraires avec leurs collègues puis, grâce à ces informations, lancer des recherches de voyages avec des destinations et des dates préremplies et effectuer des réservations. Pratique quand il faut organiser les réunions occasionnelles dans les bureaux de l’entreprise ou hors site. La même chose sera bientôt possible via les invitations du calendrier Outlook. Les voyageurs pourront aussi remplir une note de frais dans l’environnement Microsoft. 

Encore mieux : le journaliste affirme que les deux partenaires réfléchissent à une intégration de Cytric dans LinkedIn (propriété de Microsoft) qui permettra aux voyageurs de savoir si leurs contacts se trouvent en même temps qu’eux à destination et tirer ainsi le meilleur parti de leur déplacement. 

De son côté, Sabre affirme qu’il va aller plus loin que le cloud avec Google. Interrogé par le site Phocuswire, le pdg du GDS, Kurt Ekert (ancien patron de CWT), affirme « qu’il y aura des innovations avec Google dans le voyage d’affaires. Le domaine de Google, ce sont les données et les algorithmes. Nous allons examiner comment nous pouvons utiliser leurs capacités d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique dans notre gamme de produits afin d’apporter de la valeur aux déplacements des entreprises ». Rappelons aussi que Sabre devient un des actionnaires d’Amex GBT à la faveur de l’entrée en bourse de la TMC.

Plus discret, Travelport n’en reste pas moins actif. L’entreprise a lancé l’année dernière Travelport+, basé sur le cloud, qui va lui permettre à terme de rassembler les GDS Galileo, Apollo et Worldspan en une seule plateforme unique, plus agile et plus moderne. Les premiers retours des TMC semblent positifs. Son accord avec Amazon Web Services vient de s’élargir puisque les deux firmes vont lancer un accélérateur de start-ups dans le domaine du voyage. 

Le temps est donc révolu où les GDS, assis sur une forme de rente (un fee à chaque réservation) et leur quasi-monopole, alignaient sans effort surhumain des taux de marge de 30 à 40%, à faire pâlir d’envie les compagnies aériennes et les TMC. En économie, on appelle ces entreprises des cash machines, qui font le bonheur de leurs actionnaires. L’heure est désormais à une plus grande concurrence, à une distribution plus ouverte, qui dégage de nouvelles perspectives aux GDS. L’obligation qui leur est faite de bouger et d’innover devrait profiter au secteur du voyage d’affaires. Personne ne s’en plaindra. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Voyage d’affaires : une rupture historique

Le décrochage du voyage d’affaires par rapport à la croissance économique est inédit. Faut-il s’en inquiéter ?

Il y a des exceptions dont on se passerait bien. Toujours très attendu, le baromètre d’Amex GBT présenté le 13 avril dernier pointait des déplacements professionnels qui atteignaient péniblement 50% du niveau de 2019 en janvier 2022 sur le marché français alors que les entreprises avaient retrouvé rapidement (en douze mois) leurs performances d’avant-Covid. Les Echos titraient d’ailleurs ce même jour : « Le voyage d’affaires à la traîne de la reprise ». 

C’est en effet une première historique. Le marché des déplacements professionnels est traditionnellement ce que les économistes appellent un marché à croissance lente. C’est-à-dire qu’il suit assez fidèlement les courbes du PIB, à la hausse comme à la baisse, sachant que depuis plus de vingt ans le PIB dépasse rarement les deux points de croissance. Ce décrochage brutal interpelle donc sur la vérité de la reprise qui est à l’œuvre. Entre les dithyrambes un peu suspects et les prophéties qui s’espèrent auto-réalisatrices, difficile de s’y retrouver. 

Quelle est la réalité ? S’il reprend de la vigueur, le transport aérien est encore loin de ses niveaux de 2019. Selon le baromètre Amex GBT, il les retrouvera courant 2023 pour le domestique et le moyen-courrier et pas avant 2024 pour le long-courrier. Les dernières statistiques d’Eurocontrol, l’organisation de gestion du trafic aérien, montrent que le trafic aérien européen a regagné 80% des niveaux d’avant-Covid mais la croissance est principalement tirée par les compagnies low cost comme Ryanair et Wizz Air. 

Attention toutefois : ce chiffre fait référence au nombre de vols mais n’est en rien une indication sur les taux de remplissage des avions. Une chose est sûre : si les touristes reviennent à bord des avions, les voyageurs d’affaires sont encore un peu discrets, comme me le confirmait il y a quelques jours un porte-parole d’Air France. 

On nous dit que les déplacements professionnels domestiques sont repartis en flèche. Là aussi, il convient d’être mesuré. Début avril, dans un échange avec la presse rapporté par le site de La Tribune, Christophe Fanichet, Pdg de SNCF Voyageurs, dit sa préoccupation sur le niveau de trafic des voyageurs professionnels qui s’est effondré de 50 à 60% en début d’année. 

« Si le dirigeant prévient depuis plusieurs mois que ce segment ne retrouverait pas son niveau d’antan avant plusieurs années, avec une baisse potentiellement structurelle, il ne s’attendait pas à une telle chute » écrit La Tribune. Joint au téléphone le 26 avril, un cadre de la SNCF affirme : « C’est beaucoup mieux aujourd’hui mais on est encore à moins 20% ». 

Pas de quoi pavoiser mais les autres grands marchés ne sont pas au mieux non plus. Un bon indicateur : lors d’une réunion début avril avec des investisseurs à la bourse de New York en vue de son introduction prochaine, Amex GBT a révélé par la voix de son Pdg, Paul Abott, que ses transactions globales avaient repris au cours de la semaine précédant le 2 avril à 61% de ce qu’elles étaient à la même période en 2019. C’est ce que raconte l’excellent site Skift qui précise qu’Amex GBT a néanmoins relevé ses perspectives pour les mois à venir.

Faut-il s’alarmer de cette reprise poussive ? Pas tant que toutes les contraintes sanitaires ne seront levées, notamment en Asie. En revanche, méfions-nous des prévisions, optimistes ou pessimistes, à deux ans ou trois ans du marché. La vérité est que personne, sans doute, n’en sait rien tant les environnements sont mouvants. « La prédiction est un art difficile surtout lorsqu’elle concerne l’avenir » disait Pierre Dac. Une chose est sûre : on voit mal comment le télétravail, la réduction de l’empreinte carbone des entreprises, la pression sur les coûts et le boom de la visioconférence n’auraient pas d’impact sur le volume des voyages. 

La bonne nouvelle, si l’on en croit les journaux britanniques et allemands qui font des comparaisons, c’est que le marché français des déplacements professionnels se révèle être aujourd’hui l’un des plus dynamiques d’Europe. Il devrait, selon Yorick Charveriat, directeur général France d’Amex GBT, retrouver 70% de son activité de 2019 à la fin de l’année. « On se satisfait de peu » me disait récemment le patron d’une grande TMC. L’ironie en forme de paradoxe est que, là encore, le marché du voyage d’affaires décroche par rapport au PIB, mais cette fois dans le sens opposé puisqu’il reprend quelques couleurs au moment où la croissance française marque le pas. Mais en même temps, il partait de tellement loin…

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Comment travailler avec un OBT

Le travel manager de la banque UBS partage ses conseils et ses réflexions sur la relation qu’il entretient avec l’outil de réservation en ligne.

C’est le genre de bonhomme à qui on ne la fait pas. Kevin Carr est le travel manager de la banque suisse UBS depuis 2004 et c’est lui qui a mis en place la réservation en ligne (OBT/SBT) dans l’entreprise il y a près de quinze ans. Lorsqu’il témoigne dans les colonnes de Business Travel News, on prête donc une oreille attentive, à tout le moins. 

Son expérience est intéressante à plus d’un titre. Il y a cinq ans, il décide de consolider la réservation en ligne : « Auparavant nous avions des outils différents dans chaque région du monde, or il y a beaucoup d’avantages à avoir des normes de services mondiales ». Le choix de la banque se porte sur Cytric d’Amadeus alors que son GDS préférentiel s’appelle Travelport et que sa TMC se nomme American Express GBT, qui travaille généralement avec Sabre ! Un œcuménisme parfaitement assumé : « Nous avons toujours essayé d’avoir les meilleurs sur le marché pour ce service et de les forcer à travailler ensemble ». 

Ne faudrait-il pas mieux, cependant, trouver un partenariat qui offre d’emblée une meilleure connexion, quitte à faire certains compromis ou accepter moins de contenu ? Pas pour Kevin Carr : « Il faut donner la priorité à votre stratégie, et donc influencer le fournisseur pour qu’il s’y adapte ». 

Il concède néanmoins que certains OBT et certaines TMC travaillent mieux ensemble bien que la plupart de ces dernières affirment travailler avec tous les outils du marché. « Cette idée du fournisseur agnostique est un peu absurde, explique-t-il, en fin de compte nous savons tous qu’il y a toujours des complications et des fonctionnalités perdues si on n’utilise pas le bon GDS avec la bonne TMC et le bon OBT ». Mais pour lui, c’est un risque à prendre.

Deuxième conseil : impliquer les utilisateurs. Régulièrement, UBS demande à ces derniers, après chaque voyage, de noter l’expérience de réservation. « Nous avons également constitué un conseil spécifique qui rassemble les différentes divisions de l’entreprise dont les directions achat et voyages. Ses réunions nous permettent d’aborder tous les sujets liés au programme voyages et au budget voyages, dont la réservation en ligne ». 

Kevin Carr reconnait néanmoins que l’accès au bon contenu et l’expérience utilisateur sont difficiles à équilibrer : « Nous avons deux objectifs stratégiques contradictoires : d’une part, nous voulons offrir du choix, avec autant de contenu possible, et d’autre part nous souhaitons personnaliser en adaptant l’offre aux besoins du voyageur ». L’éternelle et si complexe équation du voyage d’affaires ! 

Le travel manager d’UBS tente aussi d’imaginer l’OBT du futur dont les évolutions seront, selon lui, d’abord dictées par le verdissement du voyage d’affaires. Un OBT qui pourrait ainsi demander aux utilisateurs pourquoi ils voyagent, s’il est nécessaire de se déplacer ou s’ils devraient plutôt organiser une réunion virtuelle. Si le déplacement s’avère indispensable, l’outil pourrait alors contrôler le choix du vol en orientant vers une compagnie aérienne émettant moins de CO2. 

En conclusion, Kevin Carr mise beaucoup sur la digitalisation et l’innovation pour faire progresser l’outil et faciliter le travail du travel manager : « Essayer de faire travailler ensemble l’OBT et la TMC reste très difficile (…), nous avons toujours les poids lourds du secteur qui veulent que vous suiviez leur feuille de route ». Mais, selon lui, cela pourrait changer rapidement : l’avènement de technologies plus ouvertes devrait en effet dégager de nouvelles perspectives.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM