Des suppléments arbitraires sur les billets d’avion ?

Les compagnies aériennes imposent des surcharges qui gonflent la note et échappent aux remises accordées aux entreprises.

Le sujet n’est pas nouveau. Mais la hausse du prix du carburant et la pression inflationniste réveillent l’agacement, pour ne pas dire plus, de certains acheteurs et travel managers. C’est ce que raconte le talentueux Amon Cohen, l’un des piliers historiques de la rédaction de Business Travel News.

En cause, les fameux suppléments imposés par les transporteurs et qui apparaissent sur le billet sous les codes YQ et/ou YR. Quésaco ? Au début des années 2000, les compagnies aériennes ont dû faire face à l’explosion des coûts liés au carburant. Nombreuses d’entre elles ont alors décidé d’instaurer une ligne «surcharge carburant» sur leurs billets. Puis, avec un retour à la normale du prix du baril de pétrole au milieu des années 2010, cette surcharge a été renommée «surcharge transporteur» sous le sigle YQ. Quant au code YR, il recouvre théoriquement une surcharge liée aux assurances. 

Premier problème : l’affichage. Les deux sigles YQ/YR apparaissent parfois sur un même billet de façon distincte, l’un se faisant passer pour l’autre, tandis que certains billets ne mentionnent que le YQ ou que le YR. Le flou est total : pourquoi certaines compagnies aériennes auraient des assurances YR alors que d’autres en seraient dispensées ?

Deuxième problème : comment sont fixées ces surcharges ? Mystère et boule de gomme. Y a-t-il un lien entre le montant de la surcharge YQ/YR et le prix du pétrole ? Un porte-parole de KLM interrogé par Amon Cohen élude la question : « Air France/KLM utilise la surcharge imposée par le transporteur comme une composante tarifaire, qui n’est pas basée sur les coûts ». Circulez, il n’y a rien à voir. Tout juste saura-t-on que « le montant de la surcharge est basé sur des critères concurrentiels et peut donc évoluer en fonction de l’offre et de la demande ». Autant dire qu’il semble donc fixé de façon arbitraire. Gavin Smith, directeur de Element Travel Technology, approuve : « C’est une manière ambigüe et légèrement fallacieuse pour les compagnies de gérer leurs revenus en les poussant sur YQ ou YR ».

Un travel manager, qui a souhaité garder l’anonymat, a calculé que « le coût réel du kérosène d’un Boeing 787 est de 100 US$ par passager entre Londres et New York, en supposant qu’il y ait 250 sièges dans l’avion et que 80% d’entre eux soient occupés. » Or les suppléments YQ/YR observés par ce travel manager sur cette liaison représentent souvent plusieurs fois ce montant. 

Troisième problème et non le moindre : les remises accordées aux entreprises ne s’appliquent pas à ces surcharges. Le porte-parole de KLM le confirme : « Les réductions accordées aux clients d’entreprises s’appliquent en effet seulement au tarif de base. C’est bien connu de nos clients et c’est une pratique du secteur. » Sauf qu’on ne parle pas de montants anecdotiques. Ces surcharges peuvent en effet s’élever à plus de 1000 € selon la liaison et la classe tarifaire et, parfois, peuvent même représenter la quasi-totalité du prix du billet ! 

Jörg Martin, un consultant allemand, est catégorique : « dans de nombreux cas, seuls 50 à 60% du tarif sont négociables pour l’entreprise et dans les cas les plus extrêmes, il ne s’agit que d’un pourcentage à un chiffre. » Une situation d’autant plus difficile pour les travel managers que ces suppléments sont rarement ventilés dans les reportings, difficile donc pour eux de les identifier. 

La suite de cette histoire ? Gavin Smith pense que les acheteurs et les travel managers devraient agir collectivement pour provoquer le changement. « En tant qu’industrie, nous devrions le contester par des actions juridiques ». En attendant, un petit conseil aux acheteurs et travel managers : surveillez bien les lignes YQ et YR car leur montant pourrait bien s’envoler ces prochains mois sous la pression inflationniste !

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

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