Face aux pénuries de personnel des TMC et à la dégradation du service, les entreprises commencent à s’impatienter et réclament davantage de communication.
Compréhensives… jusqu’à un certain point. Si elles ont fait preuve d’indulgence pendant la pandémie, les entreprises attendent désormais que le niveau de service des TMC redevienne identique à ce qu’il était avant le Covid. Mais c’est loin d’être le cas. La faute à une pénurie durable de personnel dans l’ensemble du secteur du voyage (pas seulement dans les TMC) et à une reprise de l’activité plus forte que prévu.
Une situation qui concerne tous les marchés. Clive Wratten, le président de la Business Travel Association, qui rassemble 90% des TMC britanniques, estimait récemment dans BTN Europe que le nombre de salariés des TMC est inférieur de 20% à celui d’avant la pandémie. Un chiffre similaire dans les agences de voyages françaises selon Valérie Boned, la secrétaire générale des Entreprises du Voyage (EdV). Aux Etats-Unis, ce serait encore pire.
Résultat : les relations entre les TMC et leurs clients se tendent bigrement. Rien de plus inconfortable en effet pour un acheteur ou un travel manager de se retrouver coincé entre une TMC défaillante et un voyageur mécontent du service proposé, explique dans Business Travel Mag Kerry Douglas, l’un des responsables d’ITM, l’équivalent britannique de l’AFTM. Et de poursuivre : « Les acheteurs ont la tâche difficile d’expliquer à leurs voyageurs que la pénurie de personnel touche l’ensemble du secteur et que l’expérience voyage en 2022 restera très différente de celle de 2019 ».
Certains travel managers affirment même que, frustrés par les temps d’attente lorsqu’ils appellent la TMC, leurs voyageurs réservent désormais directement auprès des fournisseurs, ce qui génère des problèmes de conformité et de duty of care.
D’autres, et c’est le cas aussi en France, n’hésitent plus à lancer des appels d’offres pour changer de TMC. Sauf que la pénurie étant générale, il est peu probable que le changement de TMC améliore la situation.
Aux Etats-Unis, la tension est montée d’un cran fin juin lors de la publication dans The Company Dime d’une tribune de Brad Seitz, un vétéran du secteur. Travel manager de la société Pro Unlimited, il se disait très agacé par l’attitude des fournisseurs, et particulièrement des TMC, qui rejettent la responsabilité sur les entreprises qui n’auraient pas été capables d’anticiper la reprise des voyages. « Comme si nous avions une boule cristal ! » tonne-t-il.
« En discutant avec mes collègues travel managers, j’ai appris que les carences de services se produisent même lorsque les clients ont donné à leur TMC une idée précise de leurs plans de retour au voyage » affirme-t-il.
Courroucé pour le moins, Brad Seitz avertit : « Les travel managers et les acheteurs sont des éléphants. Nous n’oublions pas. Pour toutes ces TMC qui nous disent que c’est notre faute, rappelez-vous-en. Et sachez que nous aimons parler entre nous de nos expériences ». La menace est à peine voilée.
La missive fait tellement de bruit que Nick Vournakis, le vice-président de CWT, prend la plume cinq jours plus tard pour répondre point par point aux critiques de Brad Seitz et appeler les acheteurs et les fournisseurs à travailler ensemble.
En Grande-Bretagne, les acheteurs ne sont pas en reste. Par la voix d’ITM, ils exhortent les TMC à faire preuve d’une plus grande transparence au sujet de leur manque de personnel et de leurs problèmes opérationnels, trop entourés selon eux d’opacité. « Communiquez avec nous, ouvertement et honnêtement. (…) Arrêtez de nous dire à quel point vous êtes formidables et soyez honnêtes avec vos problèmes », s’enflammait Brad Seitz dans The Company Dime.
Une chose est sûre : il va falloir prendre son mal en patience car les TMC n’ont pas de solution à court terme pour endiguer rapidement cette pénurie de collaborateurs. Ou alors en profiter pour revoir le modèle de rémunération de sa TMC car les acheteurs britanniques qui travaillent avec leur TMC sur la base de frais de gestion (et non de transaction) ont, disent-ils, été moins affectés par les problèmes de service…
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM