Une rentrée à hauts risques

Inflation, nuages économiques, chaos aérien, Covid, crise climatique… : après la pause estivale, le retour des voyages d’affaires promet d’être musclé.  

Chaud devant ! Rarement une rentrée n’avait fait face à autant de « vents contraires » comme les appelle Amon Cohen, le chroniqueur vedette de Business Travel News Europe

D’abord, énumère le journaliste, le marasme du transport aérien, faute de personnel. C’est plus de 66 millions de voyageurs qui auront été touchés par les annulations et les retards d’avion entre janvier et juillet en Europe, soit un quart des passagers sur la période selon AirHelp ! 

Les voyageurs d’affaires n’en peuvent plus. Yvonne Moya, directrice mondiale des voyages chez Randstadt, basée aux Pays-Bas, confirme la lassitude des collaborateurs : « A Amsterdam, vous devez être à l’aéroport quatre heures avant le décollage. Nous avons des voyageurs, qui étaient arrivés trois heures avant le départ, qui n’ont pas pu prendre leur vol. Et vous pouvez être presque sûr que vos bagages n’arriveront pas à destination ! »

Hans-Ingo Biehl, directeur exécutif de VDR, l’homologue allemand de l’AFTM, partage cet avis : « Après une mauvaise expérience, certains voyageurs préfèrent désormais ne pas reprendre la route et utiliser la visioconférence. »

La vraie question est : combien de temps cela va-t-il durer ? Certaines compagnies aériennes disent que les perturbations pourraient d’étendre jusqu’au printemps prochain…

L’inflation est une autre menace. La hausse inédite des prix de l’aérien notamment (mais pas que) pourrait bientôt contraindre les entreprises, selon un travel manager danois, « à passer en mode économie avec processus d’approbation plus stricts. »

La crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine représente aussi un danger pour les voyages d’affaires. Les gouvernements européens commencent à être plus fermes sur les économies d’énergie à l’approche de l’hiver. Toujours selon ce même travel manager danois, « cela pourrait amener les entreprises à examiner encore plus attentivement leurs dépenses voyages, à la fois pour faire des économies sonnantes et trébuchantes mais aussi pour économiser du carburant. Même si les gouvernements ne disent pas « volez moins », cela pourrait être implicite. » 

Hans-Igo Biehl est plus catégorique : « En Allemagne, la question est sur la table pour chaque personne, chaque ménage, chaque entreprise. Si le gouvernement nous dit de réduire notre consommation d’énergie, les voyages en feront bien sûr partie. » 

Par ailleurs, l’été anormalement chaud que nous venons de traverser pourrait aussi servir de prise de conscience sur le réchauffement climatique. Yvonne Moya le pense : « Nous avons atteint un sommet, cela va nous amener à nous demander si nous avons vraiment besoin de partir. » Hans-Igo Biehl corrobore : « Plus que jamais, il faudra s’assurer que les entreprises ne voyagent que lorsque cela est justifié. »

Et puis enfin, le Covid n’a pas dit son dernier mot. Comme le dit Pat McDonagh, le patron d’une TMC britannique interrogé par BTN Europe : « Tant que nous n’aurons pas un hiver normal, nous ne pourrons pas dire que cette crise est derrière nous. » Or, en France par exemple, les autorités sanitaires anticipent une huitième vague début octobre.

Au début de l’été, le site The Company Dime avait déjà alerté sur les signes d’un ralentissement du marché du voyage d’affaires aux Etats-Unis.

Première indication : « Après avoir augmenté par à-coups pendant quelques mois, écrivait le journaliste Jay Campbell, le nombre de billets d’avion réservés par les agences de voyages d’affaires américaines s’était stabilisé depuis début avril à environ 70% du volume de 2019 ». 

Deuxième indice : « La moyenne sur 30 jours des réservations d’hôtels effectuées par les clients de Tripbam (un outil de réservation hôtelière) avait atteint en mai 80% de son niveau de 2019 mais était retombée en-dessous de 70% à la mi-juin ». 

Troisième signe : « Un acheteur sur cinq, interrogé en juin par la GBTA, avait déclaré que les inquiétudes liées à l’économie et au risque de récession avaient poussé leur entreprise à interrompre complètement certains voyages d’affaires ».

Les marchés financiers ne s’y étaient pas trompés : un panel d’actions du voyage d’affaires suivi par The Company Dime (dont Amex GBT, Cvent, Expensify…) avait accusé une baisse de 14,5% en juin, soit une chute beaucoup plus forte que le Dow Jones, l’indice boursier de New York, en recul de 6,5% sur la même période. Les raisons invoquées par les investisseurs : le manque de visibilité du secteur du voyage d’affaires et l’ombre de la récession qui plane sur les Etats-Unis. Autant de signes avant-coureurs d’un ralentissement à venir en Europe ?

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

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