Le profil voyageur, la clé de la personnalisation ?

Utiliser les profils voyageurs nouvelle génération pour faire progresser la personnalisation, c’est une piste intéressante qui divise les experts.

C’est l’un des serpents de mer de cette industrie : la promesse d’une personnalisation rarement concrétisée. Dans un excellent article, le non moins excellent Amon Cohen explique que les nouvelles technologies de gestion de profils voyageurs pourraient enfin faire sauter les principaux verrous.

De quoi parle-t-on ? Amon Cohen rappelle que « dans le monde pré-numérique, un profil était, et est toujours, un bloc de texte non structuré que les TMC conservent dans leur système de distribution. Il se résume à un répertoire de détails sur le voyageur utilisés de manière répétée pour accélérer le processus de réservation, tels que les numéros de carte de paiement, les identifiants de voyageur fréquent et les informations de passeport. Il est surmonté d’une couche de politique voyages indiquant, par exemple, la classe dans laquelle le voyageur est autorisé à voyager. »

Une nouvelle génération de systèmes de gestion des profils numériques peut potentiellement absorber beaucoup plus d’informations pour comprendre les voyageurs sur la base de leur comportement antérieur en matière de réservation (et même de recherche) et d’un enregistrement détaillé et structuré de leurs préférences.

A quoi pourrait ressembler la personnalisation basée sur le profil ? L’article imagine un voyage Londres-New York. Le voyageur est guidé par une application mobile alimentée par un système de gestion des profils, lui-même connecté à de nombreux services (via des API). Le processus commence par un voyageur qui réserve un vol en ligne, puis reçoit un message une semaine plus tard pour lui demander, puisqu’il n’a pas encore réservé d’hôtel, s’il souhaite qu’une réservation soit faite dans le même établissement que celui où il a séjourné la dernière fois. 

À l’aéroport d’Heathrow, l’application (connectée à un service de suivi des vols) informe le voyageur que son vol a été retardé. L’application sait que la dernière fois que cela s’est produit, le voyageur a acheté un accès au salon voyageurs. Il reçoit donc un message lui proposant de réserver à nouveau un accès au salon. À l’arrivée à l’hôtel, un autre message rappelle au voyageur qu’il doit présenter son numéro de carte virtuelle sur laquelle tout sera payé. Entre-temps, l’application s’est déjà connectée, via une API, au profil Facebook du voyageur qui révèle qu’il aime les restaurants de poisson. Un message est envoyé proposant de réserver un bon restaurant de poissons au coin de la rue de l’hôtel. L’application peut même lui indiquer qu’un de ses collègues est aussi à New York car elle a aussi son profil et lui proposer de dîner avec lui (ou elle). Impressionnant ! 

Science-fiction ? Pas tant que ça. Chaque brique technologique existe déjà mais les faire fonctionner ensemble reste très complexe (notamment la capacité à éliminer les alertes non pertinentes). 

La vraie question est au fond la suivante : cette personnalisation est-elle bien utile ? Les sceptiques donnent de la voix. Les uns disent que, contrairement au voyage loisir, le voyage d’affaires nécessite qu’un assez faible degré de personnalisation, avec des besoins finalement assez standards. Les autres disent qu’il faut être réaliste, Amazon a déjà du mal à la faire, alors dans le voyage d’affaires… 

Les enthousiastes sont beaucoup plus optimistes. Comme Katharina Navarro, travel manager monde chez Capgemini, qui croit dans la combinaison de l’intelligence artificielle, du profil et de la politique voyages pour trouver « la correspondance parfaite ». Le témoignage du patron d’une start-up, Grapevine, qui propose une personnalisation axée sur le profil, est intéressant : « L’une des raisons pour lesquelles nous avons décidé de nous concentrer sur le voyage d’affaires plutôt que sur le loisir est l’intention. » Et d’expliquer : « Nous savons pourquoi une personne va quelque part et quand, et nous savons que si elle n’a pas encore réservé d’hôtel, elle doit rester quelque part. Nous savons que si les voyageurs d’affaires se rendent dans un aéroport, un pourcentage élevé d’entre eux voudront une place de parking. Nous savons que si l’avion est retardé, ils voudront peut-être avoir accès à un salon et à des restaurants à proximité de leur hôtel. » 

Pour beaucoup, la personnalisation simple et basique liée au profil semble donc un horizon assez réaliste et a de la valeur. Katharina Navarro y croit, elle la voit se concrétiser vraiment dans les trois à cinq ans. Affaire à suivre donc.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM