RSE : la difficile évaluation des hôtels

RSE : la difficile évaluation des hôtels

De plus en plus de travel managers et d’acheteurs demandent des informations sur la durabilité des hôtels mais l’absence de norme internationale complique la donne.

Les groupes hôteliers sont unanimes : le nombre de demandes d’informations sur la durabilité des hôtels émanant d’acheteurs et de travel managers a explosé l’année dernière en pleine pandémie ! C’est en tous cas ce qu’ils ont déclaré aux journalistes de Business Travel News qui viennent de sortir un instructif numéro spécial sur la RSE (Lire ici).

Denise Naguib, vice-présidente de Marriott en charge de la RSE, affirme ainsi qu’elle a reçu une centaine de demandes en 2020 contre une vingtaine en moyenne les années précédentes. Constat identique chez Hilton et InterContinental (IHG). Les questions posées par les entreprises vont de l’empreinte carbone des séjours à la façon dont un hôtel réduit ses déchets alimentaires, en passant par les pratiques sociales de l’hôtelier, notamment en matière de diversité. « Cependant, la plupart des questions se concentrent encore sur le « E » de la RSE » concède Catherine Dolton, vice-présidente en charge de la RSE chez IHG, citée dans l’article. Et d’ajouter : « Les entreprises ne demandent pas nécessairement à leurs voyageurs de séjourner dans des hôtels plus écologiques mais elles veulent encourager ce comportement ».

Denise Naguib précise cependant que « certains acheteurs ont demandé comment signaler dans leurs outils de réservation les hôtels qui ont des certifications ou des données précises sur les émissions de carbone ou la consommation d’eau. Ceux-là vont même jusqu’à faire passer ces hôtels en tête de liste, avant le prix ».

Seulement voilà, distinguer les bons des mauvais élèves restera un casse-tête tant qu’il n’existera pas une norme industrielle définissant réellement ce qu’est un « hôtel vert ». Il existe des dizaines de labels dans le monde, mais aucune harmonisation. « On ne va pas demander aux hôtels de proposer leurs propres évaluations, je ne suis pas sûr de les croire » ajoute avec malice David McDonald, travel manager monde de Hogan Lovells (cabinet international d’avocats). « Nous avons besoin d’une ressource industrielle neutre, un équivalent des certifications ISO qui publierait chaque année un score et un classement ».

En attendant, les entreprises font avec les moyens du bord. Mark Avery, travel manager monde de PwC, demande par exemple aux hôtels s’ils participent au HCMI, un outil permettant de calculer l’empreinte carbone par chambre occupée, et au HWMI, un dispositif mesurant l’utilisation de l’eau dans un hôtel. Mais c’est très imparfait : seuls 25 000 hôtels dans le monde utilisent le HCMI et 18 000 le HWM.

De nombreux organismes travaillent donc à une harmonisation et à une certification mondiale. Le Global Sustainability Tourism Council serait l’un des plus actifs. L’industrie hôtelière collabore par ailleurs avec le Fonds Mondial pour la Nature pour développer une méthodologie standardisée de mesure des déchets.

La pression des entreprises commence à se faire plus forte. Leur nécessité d’atteindre des objectifs internes de durabilité pousse à des voyages plus responsables. Au point d’avoir un impact sur le choix des hôtels qui seront intégrés dans les programmes voyages ? « Oui, mais cela prendra du temps, affirme Mark Avery. D’autant que parfois, nous sommes dans des endroits où nous n’avons pas le choix des hôtels, il faut être réaliste ».

Pour Rebecca Jeffries, travel manager de Toyota North America, la bascule dépendra des voyageurs : « Si le sujet intéresse 10 ou 15% de mes voyageurs, cela ne fera probablement pas une énorme différence dans mon sourcing hôtelier. En revanche, si cela concerne 85% d’entre eux, alors oui, ça le fera ! ».

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM