L’hôtellerie et la crise

L'hôtellerie et la crise - Dossier AFTM
Soumise à une grosse pression depuis la crise économique, l’hôtellerie en est l’une des principales victimes. Chiffres d’affaires en baisse, déclassement de ses clients, elle est obligée, comme le transport aérien, de se réinventer pour protéger ses marges. Et de convaincre le client de payer le juste prix pour des services qui se sont multipliés.

 

La crise est une réalité cruelle dans l’hôtellerie. De nombreuses entreprises ont modifié leur politique voyage à la baisse et, comme pour l’aérien, déclassé les hôtels. Fini le 5 étoiles, 4 étoiles maximum, mais plus généralement les équipes arrivent désormais dans du 3 voire du 2 étoiles. Parallèlement et selon une étude d’Hotels.com, les prix payés par les clients ont reculé de 17% au premier semestre 2009 par rapport à la même période de 2008 (6% en France métropolitaine). Une tendance qui, après l’été et un rebond des tarifs hôteliers en septembre (+ 13%), a repris pour octobre selon le Trivago Hotel Price Index (THPI). Le prix moyen d’une chambre double standard s’élève ainsi à 118 euros dans les métropoles européennes et se situe 11 % en-dessous du niveau de prix de l’année dernière (étude complète publiée sur le site de l’AFTM. Dans la réalité et avec les négociations, les tarifs réels payés par les entreprises atteignent relativement facilement – 40%.
Selon la dernière étude réalisée par le cabinet d’audit KPMG, rendue publique mardi 29 septembre, l’activité hôtelière française ne devait pas connaître de reprise avant le mois de septembre 2010. “Le cycle hôtelier devrait être encore grippé pendant plusieurs mois”, estime Stéphane Botz, responsable du secteur tourisme, hôtellerie et loisirs chez KPMG. Toutefois, les différentes catégories d’hôtel ne devraient pas réagir de façon identique : le segment économique (zéro, une et deux étoiles) devrait améliorer ses résultats à court terme, à la différence du segment haut de gamme, qui devrait encore faire face à une période de croissance très faible ou nulle, à la fois en termes de résultats et de taux d’occupation.
Cette baisse de revenus tombe au plus mal pour l’hôtellerie, qui doit consentir de gros efforts financiers pour sa remise à niveau.

 

Relookage général

« Un lit et une douche » : la demande de base des voyageurs d’affaires est désormais satisfaite de façon correcte dans les chaînes hôtelières. Entre les normes nationales de classement et les labels qui se sont multipliés à l’initiative des régions, des chaînes et des groupements d’hôteliers, les critères de qualité des services hôteliers se sont multipliés. Les lits défoncés et sales sont rares, la norme de propreté est de mise. Les hôtels indépendants peuvent être un peu en dessous, mais les retours des voyageurs les mettent rapidement à l’écart des SBT. Seul phénomène sur lequel personne n’a de prise, le bruit. Celui de la rue ou celui du couloir, de l’étage du dessus ou de la chambre d’à côté, transformant le temps de repos en cauchemar. C’est sur le bruit que se porte le plus grand nombre de plaintes des clients et les remarques des voyageurs doivent conduire des TM à éliminer impitoyablement les hébergements bruyants s’ils ne veulent pas s’attirer leurs foudres.
La qualité des lits étant généralement tenue, c’est sur… tout le reste que les hôteliers peuvent faire la différence. La proximité avec le lieu de travail, la décoration, mais surtout les services. La télévision, le mini bar notamment. Mais aussi et peut être surtout les connexions. Aujourd’hui plus que jamais, la technologie joue un rôle essentiel dans l’industrie hôtelière. Les clients arrivent avec toutes sortes d’appareils de dernière génération, et avec des exigences légitimes. Ce qu’ils veulent, ce sont des connexions rapides et fiables, et un service impeccable. Mais ils ne souhaitent pas payer pour la connexion ! D’un autre côté, les professionnels de l’hôtellerie cherchent à tirer profit de la mise en place de ces technologies. Un dialogue de sourd ?

 

De nouveaux services aux clients

Pour restaurer leurs marges et convaincre les clients de rester chez eux, les hôtels ont fait assaut d’imagination pour mettre en place des services, payants ou non, qui améliorent le confort. C’est ainsi que la plupart des chaînes nord-américaines disposent de navettes pour les aéroports. Un service souvent payant, mais négociable. Les hôtels 5 étoiles envoient des voitures particulières, mais on n’en est pas là dans les prix de chambre accessibles à la plupart des entreprises. Autre service, le business center très équipé qui, même si vous avez portable et wifi, complète votre bureautique par des télécopieurs, photocopieurs ou imprimantes souvent bien pratiques. Un service qui va, dans les grandes chaînes, jusqu’à proposer des services de traduction (payants). Par ailleurs la mise à disposition des équipements informatiques a induit un nouveau service bien pratique pour les voyageurs, la possibilité de s’enregistrer et d’imprimer sa carte d’embarquement avant d’aller prendre l’avion. Comme de plus en plus de compagnies proposent ce service par Internet, les chaînes hôtelières (notamment Pullman) ont saisi la balle au bond.
Dans le service pur, les chaînes hôtelières sont bousculées par les hôtels indépendants qui jouent la proximité avec le client et notent les préférences de leurs habitués. Ce sera la chambre 102, sinon rien. Certains, par exemple le Sainte-Beuve à Montparnasse à Paris, garde les trousses de toilette de ses clients réguliers. D’autres vont jusqu’à conserver un sac ou une petite valise. Al’hôtel comme à la maison !

 

Réduire sa facture hôtelière

Une étude de CWT publiée en juin 2009 démontre, chiffres à l’appui, comment les entreprises peuvent réduire la dépense hôtelière de 21 %. Elle fournit 7 étapes à suivre, pour optimiser les économies.La dépense hôtelière représente en moyenne près de 40 % du budget voyages des entreprises, et pourtant elle reste généralement sous-estimée et mal gérée. CWT propose quelques clés qui peuvent sonner pour la plupart comme des évidences pour les TM avertis, mais constituent des pistes pour les néophytes. Christophe Renard le reconnait: la complexité du marché hôtelier rend particulièrement difficile l’optimisation de la dépense hôtel sans l’adoption d’une approche méthodique. Pour le vice-président de CWT chargé de l’intelligence économique : « Dans le monde, plus de 250 000 hôtels, membres d’une chaîne ou indépendants, sont utilisés par les voyageurs d’affaires. La tarification est complexe et les prix peuvent varier en fonction du jour de la semaine, de la saison et/ou de la situation économique de la ville. De plus, les canaux de distribution et les normes définissant la qualité des établissements sont différents d’un pays à l’autre. Cependant, les entreprises peuvent contourner ces difficultés et gérer efficacement la dépense hôtel en créant et en appliquant un programme qui répond aux besoins des voyageurs, en négociant intelligemment avec une sélection d’hôtels et en contrôlant régulièrement les performances». Il propose 7 étapes de travail.
Pour en savoir plus, cliquer ici pour relire l’article.

 

Le reporting aux TM

La dépense hôtelière a un poids variable dans le budget voyages des entreprises, en fonction des destinations fréquentées. La moyenne se situe en 2009 à environ 40 % du budget (source CWT, voir encadré). Malgré des SBT performants, de nombreux voyageurs et leurs assistantes, tout en restant dans la politique voyage ou la politique prix, conservent leurs petites habitudes. Et choisissent leurs hôtels à leur goût sans tenir compte des accords négociés par les TM ou le service achat ! Difficiles dans ce cas de compiler les données, et les consolider pour faire jouer ensuite le volume. Tous les TM disent avoir ce problème (voir le compte rendu du diner débat consacré à ce sujet). Catherine Hillenweck (Amex) soulignait à cette occasion que pour le TM, « Les vecteurs d’information sont nombreux, donc on peut avoir du mal à retrouver ses petits parce qu’il y a un vrai décalage entre le besoin de réponse et le fonctionnement de l’hôtellerie ». D’où le conseil de recentrer sa demande sur un mix localisation/prix, « Et ne pas laisser faire les voyageurs, capables de faire n’importe quoi ».
Le prix n’est pas le seul critère de sélection des hôtels, il importe aussi de vérifier la qualité de l’hôtel mais aussi sa localisation pour éviter le temps perdu en déplacements et les surcoûts induits par un taxi. Enfin, aspect non négligeable, la sécurité. Les remarques des voyageurs dans les Tripadvisor et autres sites Internet sont, à ce sujet, de précieux indicateurs.Annie FaveL’agence de notation Fitch n’anticipe pas de reprise pour l’hôtellerie européenne avant la fin 2010, en dépit des signes actuels de stabilisation du taux d’occupation. «Les opérateurs hôteliers européens pourraient enregistrer un fort déclin de leurs bénéfices opérationnels en 2009. A moins qu’il n’y ait un rebond dans les tarifs moyens par chambre, il est trop tôt pour parler d’une reprise dans le secteur hôtelier européen (…) » souligne Johnny Da Silva, directeur de l’équipe européenne RCLP à Paris chez Fitch.Dans une note publiée début octobre, l’agence de notation rappelle que les bénéfices d’exploitation étaient en recul de 43% chez Accor SA, 38% chez InterContinental et 52% chez Sol melia. De son côté, NH Hoteles a même enregistré une perte opérationnelle de 42,8 millions d’euros, ce qui s’est traduit par une injection de capital à hauteur de 22,2 millions d’euros en juin 2009 et une rupture de covenant auprès de ses banques.Fitch anticipe un maintien de la faiblesse de la demande pour le reste de l’année 2009 et probablement pour 2010, conséquence de la poursuite des offres de promotion et des programmes de fidélité mis en place par la plupart des opérateurs hôteliers. L’agence s’attend à une croissance nulle des recettes en 2010, tirée par une croissance du taux d’occupation plutôt que par les prix moyens par chambres.Le cabinet Coach Omnium a publié au mois de juillet 2009 une étude complète réalisée pour le Comité pour la modernisation de l’hôtellerie française, afin d’aiguiller les hôteliers sur les choix prioritaires d’investissement en fonction des attentes de leurs clients.Cette étude révèle sans aucune ambiguïté qu’Internet est le premier outil de recherche et de réservation de l’hôtel avec, pour premiers critères de choix, le prix, la localisation puis le classement de l’hôtel. Ils attendent en premier lieu une excellente propreté, un bon entretien et le silence. Globalement, les voyageurs ont une bonne opinion de l’hôtellerie qui a su évoluer pour satisfaire leurs besoins, avec de véritables progrès sur l’accueil mais… des marges de progression. Les clients exigent une salle de bain ou une douche pour chaque chambre, quelle que soit la catégorie, avec une nette préférence pour la douche. Ils veulent également un téléviseur, une literie de qualité (couette plutôt que couverture) et un système de réveil. Bien que les téléphones portables soient omniprésents, ils refusent que le téléphone fixe soit supprimé, même dans l’hôtellerie économique. Les clients apprécient notamment les efforts portés sur le petit déjeuner, généralement qualitatif, la majorité étant adepte des petits déjeuners. Côté équipement, les clients ne demandent pas des technologies avant-gardistes mais demandent l’accès gratuit à Internet. Ils privilégieraient volontiers les hôtels engagés dans une démarche de développement durable, à condition que cette démarche soit sincère.

Pour aller plus loin

A télécharger ci dessous,
– L’étude hotel.com : etude_hotel_com
– Les principaux tableaux de l’étude réalisée par Coach Omnium : principaux_tableaux_de_l_enquete_coach_omnium