Tarifs aériens et hôteliers : à quoi s’attendre ?
C’est une des grandes questions qui interroge les travel managers : à quels prix se fera la reprise hôtelière et aérienne ?
En théorie, ce n’est pas très sorcier. Pour prévoir son budget hôtel par exemple, un travel manager va multiplier les coûts unitaires (tarif moyen de l’hôtel par voyage) par le nombre d’unités que l’entreprise va acheter, soit le nombre de voyages que ses collaborateurs sont susceptibles d’effectuer. Sauf que la crise sanitaire, totalement inédite, rend les deux facteurs de la multiplication, coûts unitaires et nombre d’unités, bien compliqués à estimer comme l’expliquait récemment Business Travel News.
Qu’en est-il précisément des tarifs hôteliers ? Tripbam, fournisseur américain de technologies et d’analyse hôtelière, a révélé ses derniers chiffres dans un article de PhocusWire (Lire ici), issus des réservations de voyages d’affaires de ses 2000 clients dans le monde. En janvier dernier, le tarif moyen réservé était passé de 175 à 116 US$ par rapport à la même période l’année dernière, soit une baisse de 34%.
« Les tarifs continuent de baisser », affirme Steve Reynolds, Pdg de Tripbam. Et de s’interroger : « Y a-t-il une fin en vue ? Peut-être mais nous voyons toujours cette tendance à la baisse ».
Interrogé par Business Travel News Europe (Lire ici), Thomas Emanuel, directeur de la société de données hôtelières STR, n’hésite pas à s’engager : « Il faudra un certain nombre d’années avant que les tarifs moyens des hôtels reviennent au niveau de 2019 ».
Symptomatique de la volatilité des tarifs hôteliers : Tripbam indique que les voyageurs d’affaires réservent moins souvent le tarif fixe ou forfaitaire négocié, en baisse de 37% d’une année sur l’autre, alors que la réservation du tarif public disponible est en hausse de 46%.
Business Travel News raconte : « Compte tenu de la volatilité probable pour un certain temps encore, Clare Francis, une des travel managers de Willis Towers Watson (société britannique de conseil et de courtage en assurances), a adopté une stratégie consistant à négocier des tarifs doubles avec les hôtels : une remise sur le meilleur tarif disponible pour profiter des prix bas actuels, et un tarif fixe négocié pour servir de plafond lorsque les taux d’occupation et les prix se raffermiront à nouveau ». Evidemment, la réduction du nombre de fournisseurs aide à obtenir de telles conditions.
Tripbam alerte néanmoins les travel managers de surveiller de près leur performance en matière de LRA (last room avaibility), qui est censée garantir que l’entreprise peut réserver au tarif négocié, quel que soit le nombre de chambres disponibles.
« Ce que les travel managers oublient, c’est que les revenue managers ont la possibilité de désactiver les remises quand ils le souhaitent », explique Steve Reynolds. « À cause du Covid, ces derniers sont soumis à une plus grande pression : j’ai besoin d’augmenter le RevPAR (le revenu par chambre disponible), donc je veux vendre cette chambre à un prix aussi élevé que possible ».
Concernant les tarifs aériens, l’estimation à venir s’avère tout aussi compliquée. Cité par BTN Europe, Tim Coombs, patron du cabinet conseil Aviation Economics, est toutefois convaincu que « les compagnies low cost pratiqueront des tarifs agressifs sur les liaisons court-courriers » avant d’expliquer : « l’effondrement des voyages a été légèrement moins catastrophique pour les compagnies low cost qui ont bénéficié de meilleures réserves de liquidités et d’un accès plus facile au capital que leurs rivales traditionnelles ». En clair : elles ont les moyens de stimuler la demande.
En revanche, sur le long-courrier, Tim Coombs pense que les tarifs pourraient s’avérer plus résistants. Selon lui, il y existe moins de concurrence et les compagnies aériennes chercheront à redresser leur bilan sans se faire une guerre suicidaire.
Comme dans l’hôtellerie, le transport aérien est clairement un marché d’acheteurs. Comme l’explique bien le cabinet Advito sur son blog (Lire ici), les compagnies aériennes ont multiplié les initiatives pour rendre leurs conditions beaucoup plus flexibles à cause de la crise sanitaire, telles l’annulation ou la modification sans frais. Sans compter les facilités offertes au voyageur selon son statut, comme les primes de fidélité. De fait, « les compagnies aériennes perdent une partie de leur pouvoir lors de la négociation des conditions contractuelles avec les entreprises clientes. Cela signifie qu’elles devront trouver de nouvelles façons créatives d’ajouter de la valeur pour les entreprises au-delà des économies ». Il va falloir se creuser les méninges…
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM