Olivier Pinna : « On espère un retour à la normale mi-2022 »

Le directeur du marché Affaires à la SNCF s’est prêté au jeu de l’interview pour ces quatrièmes « Entretiens de l’AFTM ». Voici quelques-unes de ses citations les plus marquantes.

Une rentrée gâchée ?

« L’été avait été plutôt bon, avec 85% de nos clients revenus dans les trains, donc au final mieux qu’espéré. Malheureusement, la rentrée n’est pas au rendez-vous à la fois pour les loisirs et les voyages d’affaires. Clairement, les voyageurs d’affaires ne sont pas là, en baisse de 50% sur le mois de septembre*, mais c’est à nuancer car les PME ont recommencé à voyager contrairement aux grands comptes. »

Quelles prévisions à court terme ?

« Les tendances ne sont pas bonnes pour la fin d’année. Si on termine l’année avec une baisse moyenne de 20 ou 30% sur 12 mois, ce sera déjà bien. On espère revenir à une normale mi-2022. Donc 2021 sera encore un passage intermédiaire. Cela dépendra des avancées médicales et du comportement des entreprises. »

Est-ce la signe de changements plus profonds ?

« On sait qu’il y aura des évolutions structurelles mais c’est difficile d’en mesurer le poids : la visioconférence va-t-elle prendre 10, 15 ou 20% des voyages d’affaires ? Il y aura toujours un besoin de rencontres physiques, pour signer des contrats ou visiter des sites industriels. Sur certains segments, comme les réunions internes, la visioconférence peut en effet prendre une place. Quant au télétravail, il peut constituer une opportunité pour la SNCF, avec des gens qui auront davantage un comportement pendulaire, en rentrant chez eux le jeudi soir et en revenant au bureau le mardi. Il faut qu’on anticipe pour s’adapter à cette nouvelle demande. On peut craindre aussi les recherches d’économies à venir même si on les comprend. A nous de revaloriser nos premières classes pour montrer les avantages que peuvent en tirer les voyageurs d’affaires. »

Un durcissement à venir des règles sanitaires ?

« Non, car les règles sont efficaces et le siège sur deux ne sera pas remis en place. Selon nos enquêtes auprès des voyageurs, ces derniers se sentent rassurés par ces mesures. Rappelons que dans les trains du quotidien, aucun cluster n’a été identifié et encore moins dans les TGV. »

Des conditions commerciales favorables ?

« Les voyageurs peuvent échanger, annuler et se voir rembourser leur billet sans frais jusqu’au 4 janvier prochain, une flexibilité qui pourrait être prolongée si la situation le commande. Depuis septembre, nous avons mis en place une grande promotion sur la carte Liberté avec un prix de 269 euros contre 399 euros. On a prolongé cette promo jusqu’à fin octobre. Par ailleurs, en novembre, on va offrir au client entreprise sous contrat et porteur de la carte Liberté une réduction de 20% sur tout voyage effectué entre début novembre et le 18 décembre. »

Avec la flexibilité actuelle, la carte Liberté a-t-elle encore un intérêt ?

« L’abonnement n’apporte pas que la flexibilité, il y a aussi l’avantage tarifaire, l’accès à tous les services de la business quand on l’utilise en première. Je rappelle qu’elle est plus simple qu’avant, que c’est une carte unique et que son seuil d’amortissement est beaucoup plus bas qu’antérieurement. »

Quid des contrats corporate ?

« Avec les grands comptes, on a développé une politique d’incentives pour les aider à davantage voyager. On sait par ailleurs que les objectifs annuels sont plus compliqués à tenir, donc on regarde au cas par cas, avec bienveillance. On est conscient du contexte. »

Les grilles tarifaires vont-elles évoluer ?

« On a entamé des réflexions nouvelles pour améliorer et simplifier les choses, c’est un chantier de 6 à 12 mois. »

Le train va-t-il profiter de la vague verte ?

« Le train apparaît effectivement comme l’un des modes les plus écologiques. Il y a un comportement des voyageurs et des entreprises avec des politiques RSE plus marquées. Cela nous est favorable. Le train pollue 80 fois moins que l’avion et 50 fois moins que la voiture. En intégrant l’ensemble des infrastructures ferroviaires, cela double le coût carbone du train mais il reste inférieur à la voiture et à l’avion. »

*Le même jour que cet entretien, la SNCF annonçait la suppression de certains TGV faute de clients.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM