Déplacements internationaux, l’impossible reprise ? Les points à retenir

Pour ce 8e Webinar, l’AFTM a une fois de plus collé au plus près de l’actualité puisque le gouvernement annonçait le jour même (le 15 octobre) l’arrivée des tests antigéniques aux aéroports. Sept intervenants ont répondu aux questions de l’animateur François-Xavier Izenic et des internautes : Amandine Roset, global travel manager chez Arkema et administratrice de l’AFTM, Cécile Morel, responsable des marchés France et Overseas de TGV Lyria, Ronan Bergez, directeur des ventes PME chez Egencia, Bertrand Flory, directeur des ventes d’Emirates, Bernard Fontenelle, directeur des ventes de Thalys, Reginald Otten, country manager France et Maroc d’Easyjet, et Vincent Feuillie, médecin conseil chez Air France.

Des voyages internationaux à l’arrêt ?

Amandine Roset : « Aujourd’hui chez Arkema, les chiffres sont révélateurs. On est à moins 92% sur l’aérien par rapport à la même période l’an dernier, et moins 70% sur le rail. A l’international, on est proche de zéro. On ne ferme pas toutefois nos sites de production, on continue donc à voyager pour des raisons techniques, de la maintenance, mais on a limité au strict minimum, notamment les déplacements commerciaux. On a mis en place des règles d’or avec des process de validation renforcés : on va étudier le risque du voyage avant le départ, et on va avoir des approbations systématiques là où on avait des process automatisés, notamment sur l’Europe et le domestique. Il y a donc une certaine contrainte et un certain cadre. A court terme, ce n’est évidemment pas favorable à la reprise des voyages. On table sur 50% du volume en 2021, mais avec une reprise lors du deuxième semestre. »

Reginald Otten : « C’est très ardu, il ne faut pas se leurrer. Après un été correct, les choses se compliquent de nouveau avec un hiver qui s’annonce difficile. Aujourd’hui, 14% de nos passagers en Europe sont des voyageurs d’affaires contre 20% en temps normal. Et en octobre, notre trafic global n’aura pas dépassé 20% de notre trafic habituel. Mais quelques signes encourageants, notamment du côté des PME. »

Bertrand Flory : « On est une compagnie exclusivement long-courrier au départ de France qui est le secteur le plus sinistré aujourd’hui. Aujourd’hui, le marché long-courrier, toutes compagnies confondues, est à moins 82%. Mais des petits signaux positifs : tous les pays ne sont pas fermés, certains restent ouverts comme Dubai. Il y a donc du trafic qui subsiste et on a choisi de maintenir un certain niveau d’offre en place, avec 99 destinations ouvertes contre 160 en temps normal. »

Cécile Morel : « On avait observé une belle reprise cet été, et c’est ce qui nous rassure pour la suite. Mais suite aux différentes annonces de la rentrée, l’impact a été immédiat. Aujourd’hui on assure 65% de notre plan de transport initial, l’idée est qu’on soit en phase avec la demande des clients. »

Bernard Fontenelle : « Pour donner un ordre de grandeur, on a réalisé un CA de 550 millions d’euros en 2019, on pense qu’on fera 250 millions cette année. Et en septembre, on est à moins 80% en nombre de passagers. On adapte donc notre plan de transport au fil de l’eau. Début septembre on avait beaucoup d’espoir mais la reprise n’est pas là sauf chez les PME et les TPE. On essaye de réexpliquer qu’on peut voyager, l’uniformisation des codes couleur en Europe va nous aider. »

Ronan Bergez : « On a une vision sur 60 pays, la France est l’un de ceux qui repart le plus, toutes proportions gardées. On a mené une étude auprès de 10 000 entreprises cet été, et 85% des voyageurs français souhaitent reprendre la route alors qu’ils sont seulement 45% aux Etats-Unis. Le BTP, l’énergie, les consommables sont bien repartis. Le top 3 des destinations que l’on observe sur le trafic affaires sont Toulouse, Paris et Marseille. Pour l’international en revanche, c’est en effet encore très compliqué. »

L’arrivée des tests antigéniques peut-elle débloquer les voyages internationaux ?

Docteur Vincent Feuillie : « Les tests antigéniques sont une étape importante qui permettent des résultats rapides, entre 15 et 30mn, et le gouvernement nous a entendu. Leur fiabilité est très proche des tests PCR. La seule difficulté, c’est qu’on a des faux positifs, des personnes qui se retrouvent avec une trace positive qui doit être confortée par le PCR pour vérifier que c’est bien le cas. L’Italie reconnait les tests antigènes, il faut maintenant que les autres pays le reconnaissent également, ce n’est pas le plus facile. L’idée est que dès début novembre ces tests soient mis en œuvre aux Aéroports de Paris. On y travaille pour que la procédure soit la plus fluide pour les passagers. Cette possibilité sera offerte aux aéroports mais cela n’empêche pas de faire ce test ailleurs 48h avant le départ. »

Amandine Roset : « Une telle mesure pourrait rassurer nos voyageurs car la quatorzaine est une véritable épée de Damoclès. Mais ce sont les règles internes à l’entreprise qui vont surtout permettre la reprise des voyages. Or aujourd’hui, on ne voit pas cette reprise sur le trimestre qui vient. »

Reginald Otten : « Dès qu’il y a une cohérence, les voyageurs commencent à repartir. Or en Europe c’est compliqué. Donc on attend avec impatience ces tests qui pourraient permettre une forme d’harmonisation. »

Bertrand Flory : « La crainte de ne pas avoir les résultats des tests PCR dans les temps sont un vrai frein. Donc l’arrivée des tests antigéniques est une bonne chose. »

Cécile Morel : « les tests antigéniques paraissent plus compliqués à mettre en place en gare. Mais dès lors que la Suisse n’exige pas de test à l’entrée, on ne se sent pas concerné. »

Bernard Fontenelle : « Ces tests sont très peu opérables pour nous, pas de check-in en gare donc les passagers peuvent arriver en toute dernière minute. »

Les prix et les conditions commerciales peuvent-ils lever des freins ?

Reginald Otten : « C’est inscrit dans notre modèle de compagnie low cost, donc oui, on considère que le prix est un facteur de reprise qui peut inciter. D’ailleurs, on continue à faire des promotions sur le tarif flexi. »

Bertrand Flory : « Je ne pense pas qu’un prix puisse contrer la peur de voyager. Nous voulons être surtout au bon rapport qualité-prix et ne pas sacrifier notre qualité de service. Donc on ne baisse pas nos prix. Une guerre des prix serait mortelle pour de nombreuses compagnies. On est en revanche totalement flexible en ce moment, pour faciliter l’accès au voyage et on a inclus une assurance gratuite dans le billet qui couvre les frais Covid jusqu’à 31 jours après le voyage. »

Cécile Morel : « C’est un jeu d’équilibriste en ce moment. On est aussi totalement flexible, avec billet échangeables et remboursables jusqu’au début d’année 2021 au moins. Brader les prix ne fait pas revenir les passagers. Et par ailleurs, quand les passagers sont là, il n’y a pas de déclassement. Mais en 2021, quand la reprise sera là, on aura mécaniquement des prix plus bas car on augmente nos capacités, on vient en effet de changer notre flotte. »

Bernard Fontenelle : « Le prix n’est clairement pas un levier pour le voyage d’affaires, mais la flexibilité et la souplesse oui, c’est la clef. C’est pourquoi on a ouvert tous nos tarifs corporate à l’ensemble des entreprises qui permettent de bénéficier de l’échange et de l’annulation gratuits. En temps normal, il faut un seuil minimum de consommation pour bénéficier de ces tarifs. »

Amandine Roset : « Bien sûr, on va chercher une compétitivité mais pas plus que d’habitude. Et une guerre des prix ne serait pas bonne pour la survie de nos prestataires. Mais aujourd’hui, l’intérêt de nos contrats est limité dès lors que tous les tarifs sont flexibles. Est-ce encore pertinent de demeurer sur ces modèles ? »

Ronan Bergez : « Le prix peut être un déclencheur mais aujourd’hui tous les services de l’entreprise se rassemblent surtout autour du bien-être du voyageur et du collaborateur, c’est un des points positifs de cette crise. Avec un enjeu sous-jacent : donner plus de pouvoir aux travel managers. »

Demain, l’exigence d’un transport plus vert peut-elle freiner la reprise du transport aérien ?

Amandine Roset : « Ce qui va être déterminant pour la suite, dans une entreprise comme la nôtre, c’est la dimension RSE. La crise va accélérer cette recherche, encore faut-il être capable de mesurer notre empreinte carbone de bout en bout. »

Reginald Otten : « On fait déjà beaucoup pour l’environnement. En novembre dernier, on a annoncé la compensation à 100% de tous nos vols. »

Bertrand Flory : « Je trouve qu’on focalise beaucoup sur l’avion qui représente 2 à 3% des émissions de CO2. Or il y a des progrès, la consommation par passager a réduit de 50% par rapport aux années 90. »

Cécile Morel : « On assiste à un changement majeur d’état d’esprit des travel managers sur la RSE, mais cela avait commencé avant le Covid. On a mis en place par exemple un bilan carbone qu’on communique à chacun de nos clients. »

Bernard Fontenelle : « Cela n’a aucun sens d’opposer le train à l’avion mais sur les courtes et moyennes distances le train est évidemment plus propre. Le principal concurrent pour nous est la voiture, sur Paris/Bruxelles principalement. »

Ronan Bergez : « C’est une des grandes tendances qui accélère avec le Covid. 73% des voyageurs se disent désormais plus concernés qu’avant par l’environnement. »

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM