Payer son billet d’avion à l’enregistrement : une bonne idée ?

Payer son billet d’avion à l’enregistrement : une bonne idée ?
Les travel managers allemands lancent une initiative qui pourrait bouleverser les relations entre les entreprises et les compagnies aériennes.
L’heure est décidément à la remise en question générale ! Après celui des TMC, c’est le modèle économique des compagnies aériennes qui est visé. Et sur le sujet, les Allemands sont à l’offensive, comme le relate Handelsblatt, le principal journal économique et financier d’outre-Rhin. Chez nos voisins, le non-remboursement ou le remboursement très tardif des billets d’avion annulés passe très mal dans les entreprises.
Il faut dire que les sommes en jeu sont colossales. Lors de son assemblée générale annuelle du 5 mai dernier, Lufthansa s’était plainte de devoir rembourser à ses clients plus de 1,8 milliard d’euros de billets annulés ! Or, selon Handelsblatt, les clients de la compagnie allemande attendent toujours le remboursement malgré les 9 milliards d’euros prêtés par l’Etat au transporteur.
VDR, l’association des travel managers allemands, fait entendre sa voix et fustige « un modèle aérien consistant à faire des affaires en permanence avec le crédit des clients ». Elle a reçu le soutien appuyé de la très puissante BME, association de la gestion des matériaux, des chats et de la logistique qui compte parmi ses membres Siemens, la Deutsche Bank, SAP et quantité de sociétés cotées : « certains de nos adhérents attendent encore des sommes à six chiffres qu’ils ont réglées aux compagnies aériennes avant la crise du Covid ».
La solution selon les deux associations ? Elles l’ont appelé le « pay-as-you-check-in ». En clair selon Christoph Carnier, président de VDR et travel manager du laboratoire pharmaceutique Merck : « au lieu de payer les billets en avance, on ne transfére l’argent aux compagnies aériennes qu’au moment de l’enregistrement ». Et d’expliquer : « lors de la réservation, il faudrait garantir le paiement par des solutions de paiement courantes, telles la carte de crédit, comme cela se pratique avec succès dans le secteur hôtelier depuis des années. Et pourquoi pas facturer des frais d’annulation en cas de non-présentation à l’embarquement ».
L’initiative allemande enthousiasme jusqu’aux Etats-Unis. Le road warrior Matthew Klint, qui parcourt 200 000 miles par an, travaillant à la fois dans l’industrie aéronautique et comme consultant en voyages, s’emballe sur son blog : « non seulement cela protégerait les consommateurs mais cela éliminerait un processus de remboursement qui est lui-même inefficace et coûteux à gérer ». Il ajoute que « ce nouveau business model vaut la peine d’être exploré dès maintenant, il n’y a pas de meilleur moment pour l’expérimentation qu’une période de pandémie sans précédent ».
Evidemment, Lufthansa ne s’est pas montrée favorable à l’initiative des travel managers allemands, son porte-parole arguant notamment de « la difficulté pour la compagnie de planifier les taux de remplissages de ses vols si un tel système était mis en œuvre ». Mais l’idée, intéressante, vaut assurément d’être débattue, au-delà des frontières de l’Allemagne.
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Etats-Unis : le voyage d’affaires en pleine dépression

Etats-Unis : le voyage d’affaires en pleine dépression
Depuis quelques jours, une vague de pessimisme submerge les acteurs du business travel outre-atlantique.
La déclaration a fait l’effet d’une bombe. « Je ne pense pas que nous reviendrons un jour entièrement à la situation d’avant Covid en matière de trafic affaires », a avoué Ed Bastian, le directeur général de Delta Air Lines, le 14 juillet lors de l’annonce de résultats trimestriels catastrophiques. Ces propos ont été rapportés dans un article de l’agence Bloomberg paru le 20 juillet, au titre préoccupant : « les compagnies aériennes américaines font face à la fin des voyages d’affaires tels qu’elles les ont connus ».
Les trois auteurs s’appuient notamment sur un sondage réalisé par le magazine Fortune dans lequel la moitié des Pdg des 500 plus grandes entreprises du monde ont déclaré que les voyages dans leurs entreprises ne redeviendraient jamais ce qu’ils étaient avant le Covid. Une prévision corroborée par Eric Bernardini, directeur général du cabinet de consultants AlixPartners : « avec les visioconférences, les entreprises considèrent que les budgets voyages sont mûrs pour des réductions ».
Les auteurs de l’article racontent aussi l’histoire de Warren Buffet, le célèbre investisseur, qui a vendu toutes ses participations dans American, Delta, Southwest et United au début de l’année alors que le Covid faisait ses premiers dégâts en occident. « Le monde a changé pour les compagnies aériennes », a-t-il déclaré en mai dernier devant les investisseurs de son fonds Berkshire Hathaway pour justifier son désengagement. Wall Street lui donne raison : les six plus grandes compagnies aériennes américaines ont terminé la semaine dernière avec une capitalisation boursière totale inférieure… aux 70 milliards de dollars que vaut à lui tout seul Zoom Video Communications Inc !
Et la situation ne s’améliore pas, bien au contraire, la progression de la pandémie n’étant guère rassurante. Selon les dernières statistiques de Transportation Security Agency, le nombre de passagers ayant voyagé aux US la semaine du 13 au 19 juillet a diminué de 4,4% par rapport à la semaine précédente, une première depuis avril.
Sur l’excellent site The Company Dime (un des médias les plus sérieux sur le voyage d’affaires), le journaliste David Jonas fait état de cette nouvelle perte de confiance dans un article au titre évocateur qu’il est inutile de traduire : « Corporate travel sentiments deteriorate ». Il révèle les résultats du dernier sondage réalisé par la Global Business Travel Association (GBTA) auprès de ses 2100 membres du 7 au 13 juillet dernier. Les deux tiers d’entre eux ont déclaré que les voyages d’affaires ont repris plus lentement qu’ils ne l’avaient prévu en mars. Concernant les licenciements dans le secteur, 44% ont affirmé que le pire était à venir… Pour information, Bloomberg révèle d’ailleurs que United Airlines vient d’envoyer des avis de licenciement potentiel à 45% de ses employés, idem pour American Airlines auprès de 25 000 collaborateurs, soit 29% de sa main d’œuvre américaine.
David Jonas rapporte aussi un autre sondage réalisé par Morgan Stanley auprès de 189 travel managers qui confirme cette poussée de pessimisme. Un peu moins d’un TM sur cinq s’attend à une reprise des déplacements professionnels d’ici mi-2021. Dans l’ensemble, ils attendent une diminution de 26% des budgets voyages en 2021. Les analystes de Morgan Stanley se disent au final « préoccupés par le fait que la reprise prendra plus de temps à se concrétiser ».
Pour les hôtels, la situation n’est pas meilleure. Dans un article du New York Times, Robin Farley, analyste chez UBS, prédit que le revenu par chambre disponible (le fameux RevPar, indicateur de référence de l’hôtellerie) ne reviendrait pas aux niveaux de 2019 avant 2023 ou 2024 en raison de la baisse de la fréquentation affaires ! Elle précise que les voyageurs d’affaires génèrent environ 70% des revenus mondiaux de groupes tels Marriott et Hilton.
La conclusion revient à David Jonas, le journaliste de The Company Dime, simple, brutale, malheureusement évidente : « Plus la reprise sera longue, plus les fournisseurs seront en difficulté ».
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM