Pénurie de personnel : chaos dans l’aérien

Annulations de vols, attentes interminables dans les aéroports : le transport aérien est au bord de la crise de nerfs.

Les compagnies aériennes n’avaient pas besoin de ça. Après une pandémie qui leur a coûté des dizaines de milliards, c’est désormais la pénurie de main d’œuvre qui menace leur reprise. 

Le magazine Capital raconte que le week-end dernier à l’aéroport d’Amsterdam-Schipol a viré au cauchemar. Entre vendredi 29 avril et dimanche 1er mai, KLM a dû annuler 75 vols après un appel de la plateforme demandant aux compagnies de réduire le nombre de voyageurs afin de limiter la forte affluence à l’aéroport. Dans la foulée, samedi, les bagagistes de KLM ont déclenché une grève protestant contre le manque de personnel. Le chaos était tel que l’aéroport « a été contraint à appeler les voyageurs à ne pas s’y rendre et à fermer une sortie d’autoroute ! » Selon la presse néerlandaise, il manquerait 500 agents de sécurité sur un total de 5000.

Un exemple très loin d’être isolé. Aux Etats-Unis et en Europe, les media rapportent des situations identiques. En Grande-Bretagne, la tension est à son comble depuis plusieurs semaines, rapporte le site Air Journal. Le directeur de l’aéroport de Manchester a même dû démissionner devant les multiples protestations. A Londres-Heathrow, British Airways doit parfois annuler des dizaines de vols par jour, affectant notamment les liaisons vers Bâle-Mulhouse, Nice, Paris ou Toulouse. 

A Paris, les plateformes d’Orly et de Roissy-CDG font face à « d’énormes difficultés » de recrutement selon les propos d’Augustin de Romanet, Pdg du groupe ADP, qui s’exprimait fin avril sur BFM Business. Plus de 4000 postes y cherchent preneur et les retours négatifs sur l’expérience passager se multiplient sur les réseaux sociaux. Mauvaise nouvelle : rien n’indique que les choses devraient s’arranger rapidement. 

Et ce n’est pas tout. Les compagnies aériennes recherchent aussi désespérément des pilotes : plus de 2000 pour Ryanair dans les cinq ans, 1000 pour Easyjet, 600 pour Emirates, 200 pour Air France et Transavia… Au niveau mondial, les besoins en nouveaux pilotes sont colossaux, il en faut 100 000 les cinq prochaines années ! Dans le travel, le phénomène est général. Agences de voyages, hôtels, loueurs de voitures, compagnies aériennes… : tous se plaignent du manque de personnel. Pas bon pour l’expérience du voyageur d’affaires au moment où on nous répète que son bien-être est une des priorités des entreprises en sortie de pandémie…

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Couvertures carburant : est-ce efficace ?

La modération des tarifs aériens dépend en partie de la réussite de cet outil surtout utilisé par les compagnies européennes.

Face à la flambée des prix du pétrole, toutes les compagnies aériennes ne sont pas logées à la même enseigne. En Europe, la plupart d’entre elles se prémunissent contre les risques liés aux fluctuations des tarifs du carburant grâce à un mécanisme de « couvertures ». En clair, elles achètent une partie de leur besoin en carburant un à deux ans à l’avance à un prix fixe qui ne bouge pas.

Par exemple, Air France aurait « couvert » 62% de son volume annuel de kérosène sur 2022 (comme Lufthansa et IAG) à un prix oscillant entre 85 et 90 dollars selon les chiffres de La Tribune. Ce qui signifie qu’elle devra payer le reliquat, soit 38%, au prix du marché. Or, depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, le baril de Brent a dépassé allègrement les 100 dollars avec une pointe à 130 dollars le 8 mars, soit le double de son cours du 1er décembre dernier. Sans compter l’impact négatif de la baisse de l’euro face au billet vert.

Pour amortir cette facture, qui plombe ses coûts, la compagnie française a décidé le 17 mars d’augmenter ses tarifs sur les vols long-courriers. Transparence minimum sur cette hausse, un porte-parole de la compagnie a tout juste évoqué une augmentation de 40 euros pour un vol Paris-La Havane.

Pourquoi une augmentation seulement sur le long-courrier ? Car le poste kérosène y pèse plus lourd. « Le coût du carburant représente 35 à 45 % du prix d’un billet pour un vol long-courrier, et 25 à 35 % pour un moyen et court-courrier », rappelle au Figaro Didier Bréchemier, senior partner au cabinet Roland Berger.

Pour sa part, Ryanair est très bien couverte, à 100% pour le trimestre en cours et 80% pour l’exercice à venir qui débute le 1er avril. En règle générale, aidées par leur trésorerie qu’elles ont réussi à mieux préserver pendant la pandémie, les compagnies low cost sont bien couvertes, à l’exception notable de Wizzair qui se retrouve très exposée aux fluctuations du prix du pétrole. 

Fortes de cette couverture et ayant limité la casse pendant le Covid, les compagnies low cost ont les moyens d’être agressives. Une baisse des tarifs aériens sur le court et moyen-courrier en Europe, où elles dominent le marché, est même anticipée en 2022. Une façon de mettre la pression sur leurs concurrentes traditionnelles qui auront du mal à s’aligner. 

Trop couvertes ou pas assez couvertes, les compagnies n’en font pas moins un pari. Elles peuvent gagner beaucoup, et perdre beaucoup aussi. En 2008, le baril de Brent était tombé en quelques mois de 147 à 40 dollars, sa couverture s’était retournée contre Air France qui n’avait pu bénéficier de la baisse des cours, dilapidant plusieurs centaines de millions d’euros.

Rappelons aussi que la hausse actuelle des prix des billets d’avion ne dépend pas seulement du cours du pétrole. Les augmentations des taxes d’aéroport et les faibles capacités (on est loin d’avoir retrouvé les offres en sièges d’avant-pandémie) y participent aussi.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Aérien : la consolidation est en marche

La tentative de rachat d’Easyjet par Wizzair marque le début d’une course aux rapprochements dans le ciel européen.

L’annonce a fait l’effet d’une bombe. C’est Easyjet elle-même qui a révélé jeudi 9 septembre qu’elle avait fait l’objet d’une proposition de rachat non sollicitée. Proposition aussitôt rejetée « car elle sous-évaluait fondamentalement la société » mais, en la rendant publique, Easyjet « laisse entendre qu’elle ne ferme pas la porte à de futures offres » selon La Tribune.

Quelques heures après, on apprenait que Wizzair, la compagnie hongroise ultra-low cost, nouvel épouvantail du transport aérien, serait à l’origine de cette offre. Qui est donc ce Wizzair qui s’attaque à la deuxième compagnie européenne en nombre de passagers ? Philippe Escande, l’éditorialiste du Monde raconte : « Quand le gouvernement hongrois a chassé Jozsef Varadi, en 2003, de la tête de la compagnie nationale Malév, il n’a pas pris la décision la plus avisée de son existence. Un an après, l’ambitieux lançait la compagnie Wizz Air avec l’apport de capitaux américains. Dix ans plus tard, Malév était liquidée et la compagnie de Varadi devenait le champion du low cost dans toute l’Europe centrale. »

Wizzair, dont le modèle est très proche de celui de Ryanair, a traversé la crise sans trop d’encombres et « les analystes prévoient qu’elle pourrait dépasser son niveau d’activité de 2019 dès la fin de cette année ». Résultat : sa capitalisation boursière atteint les 5,8 milliards d’euros, soit 2 milliards de plus qu’Easyjet. 

Pour les connaisseurs du secteur, ce rapprochement aurait du sens : le réseau de Wizzair offre une densité inégalée en Europe Centrale et Orientale tandis qu’Easyjet est implantée sur les principaux marchés d’Europe de l’Ouest. Par ailleurs, les deux compagnies exploitent une flotte composée uniquement d’Airbus A320 et A320 NEO. Seule la question du modèle interroge : ultra-low cost pour la hongroise, low cost plus haut-de-gamme pour la britannique. 

Ce fameux jeudi 9 septembre, Johann Lundgren, le patron d’Easyjet, annonçait aussi une levée de fonds de 1,2 milliard de livres, destinée « à renforcer le bilan » et à « profiter des opportunités stratégiques ». En clair être plutôt « chasseur que chassé » écrivent Les Echos. Le quotidien économique prévient toutefois : « une opération de croissance externe serait très prématurée (…) l’hiver s’annonce difficile avec une offre au quatrième trimestre qui retombera à 57% du niveau de l’hiver 2019, et au premier trimestre 2022 à 60% ».

Il n’empêche, « la course est lancée, écrit Philippe Escande, mais ce ne sera pas pour tout le monde. Les généreuses subventions publiques qui ont empêché Air-France-KLM et Lufthansa de sombrer leur interdisent de participer à la moindre consolidation européenne ». 

Il y en a un en tous cas que cette situation ravit, c’est Michael O’Leary, le patron de Ryanair (17 milliards d’euros de capitalisation), qui ne perd pas une occasion de fanfaronner : « cette crise est la plus grosse opportunité d’expansion que j’ai vue depuis trente-cinq ans ». Sacré Michael, toujours le mot pour détendre ses confrères. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM