Aérien : la concurrence du loisir confirmée

Les touristes aisés veulent s’offrir des classes affaires ? Les compagnies aériennes leur facilitent grandement la vie. 

Le mois dernier, l’Œil de l’AFTM s’était penché sur la forte concurrence du segment loisir, notamment dans l’hôtellerie et l’aérien. Concurrence qui génère pour les corpos une inflation des tarifs, une pénurie de disponibilités et, selon certains travel managers, un manque de considération de la part des fournisseurs. 

Une étude réalisée par Amadeus et relayée par Business Travel Mag montre que les compagnies aériennes ont trouvé la parade pour accompagner sinon susciter l’intérêt des touristes à voler à l’avant de l’avion. Elles proposent de plus en plus des tarifs en classe affaires « dégroupés », plus abordables et plus accessibles. 

Amadeus indique que la tendance a été lancée par Emirates en 2019 lorsqu’elle a mis sur le marché des billets en classe affaires sans accès aux salons, avec un choix de sièges restreint et sans possibilité de surclassement. 

Qatar Airways a suivi avec un tarif pour lequel les passagers doivent payer un supplément pour accéder au salon, changer de date ou d’itinéraire, tout en gagnant moins de miles. Finnair et Zipair (Japon) ont suivi en 2021, rejointes par Air France/KLM qui a introduit cette année des tarifs Business Class Light sur ses vols long-courriers.

Cette tendance devrait se poursuivre en 2024, le marché des loisirs ne montrant pas réellement de signes d’essoufflement. Bien que les tarifs aériens devraient enfin se calmer, comme le prédisent conjointement Amex GBT et BCD Travel, le sourcing aérien restera donc compliqué pour les entreprises d’autant que les capacités ne retrouveront pas tout à fait leurs niveaux de 2019.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

CO2 : le voyage d’affaires exemplaire ?

Une étude démontre que le voyage d’affaires ferait de gros efforts pour émettre moins de CO2. Vrai ou faux ?

En marge de la COP28 qui s’est tenue à Dubaï début décembre, les chiffres de l’ONG Transport et Environnement (T&E) en ont surpris plus d’un. D’après cette étude, dont Business Travel News se fait l’écho, 50% des grandes entreprises mondiales ont réduit de moitié le nombre de vols d’affaires en 2022 par rapport à 2019 !

C’est le cas de 104 entreprises sur un total de 217 auditées dans le cadre de Travel Smart, une campagne internationale menée par T&E et visant à réduire les émissions de CO2 des voyages d’affaires en avion. Le spécialiste des logiciels de gestion SAP (-86%), le géant pharmaceutique Pfizer (-78%) et le groupe de conseil PwC (-76%) figurent parmi les entreprises qui ont le plus réduit leurs déplacements en avion.

Toutefois, certaines entreprises se sont rapprochées des niveaux de 2019, 21 d’entre elles l’ont même dépassé en 2022. Toujours selon cette étude, les émissions de CO2 dues au voyage d’affaires auraient diminué de 51% entre 2019 et 2022 (si l’on se base bien sûr sur les données de ces 217 entreprises). 

Faut-il accorder du crédit à ces chiffres ? L’ONG a fait, semble-t-il, un travail assez sérieux et n’est pas réputée pour être accommodante quand il s’agit du réchauffement climatique. Un autre de ses chiffres vient néanmoins apporter un début d’explication : Denise Auclair, responsable de la campagne Travel Smart, souligne que 171 des 217 entreprises analysées n’avaient pas d’objectifs de réduction des émissions liées à leurs voyages d’affaires. Ce qui laisse à penser qu’une bonne partie de la réduction des vols d’affaires, à défaut d’être volontaire, est due avant tout à la forte augmentation de l’usage de la visioconférence. Et peut-être un peu à l’inflation des tarifs.

Malgré tout, ces chiffres rejoignent ceux des études qui montrent que le marché des voyages d’affaires n’a pas retrouvé les volumes antérieurs au Covid et qu’il en manque toujours 20 à 25%, principalement en raison de la baisse de consommation des grands comptes.

Un autre chiffre est venu dernièrement confirmer la tendance : Air France a justifié son départ d’Orly en affirmant que les vols domestiques A/R journée avaient baissé de 60% depuis le Covid ! Un effet visioconférence assurément, même si le report de l’avion vers le train est loin d’être négligeable. 

On peut voir le verre à moitié plein : tant mieux pour la planète si la visioconférence remplace des déplacements à ROI plus faible ! Par ailleurs, Travel Smart démontre aussi que 46 grandes entreprises ont donc de réels objectifs de baisse d’émissions de CO2 de leurs voyages d’affaires, ce qui reste encourageant malgré les difficultés à mesurer ces émissions.

Pour Denise Auclair, « les leçons de la pandémie ont été tirées, la voie à suivre est celle de la collaboration, avec plus de réunions en ligne, plus de voyages en train et moins en avion ». Et de rappeler à une réduction de 50% de l’ensemble des voyages d’affaires au cours de la décennie actuelle afin d’être en ligne avec une limitation de la hausse de température de 1,5°.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Aérien : le malaise des travel managers

Des travel managers alertent sur la dégradation des relations entre les entreprises et les transporteurs aériens. En cause : la norme NDC bien sûr mais pas seulement.

La question qui fâche. C’est Sue Jones, travel manager monde de Ingka Group, la holding qui coiffe Ikea, qui l’a posée début octobre lors d’une conférence organisée à Londres par ITM, l’équivalent britannique de l’AFTM, et relayée par Business Travel News : « Les compagnies aériennes ont-elles autant besoin de nous qu’avant ? » 

Cette table ronde, qui rassemblait trois poids lourds du travel management (les directeurs voyages de Ingka Group, Accenture et TikTok) et trois représentants de compagnies aériennes (American Airlines, British Airways et Qatar), a illustré les fortes tensions du moment entre les transporteurs et leurs clients entreprises. 

A l’origine de la brouille, la nouvelle norme de distribution NDC évidemment qui génère nombre de perturbations, notamment des difficultés à accéder au contenu via les canaux préférentiels, entraînant des fuites dans les programmes voyages.

Sue Jones s’agace en effet : « Tous les jours ma boite mail est envahie par des messages de voyageurs qui disent : je peux trouver moins cher en passant par la vente directe, je peux faire cela moi-même. » Moins cher, vraiment ? Dans The Company Dime, l’outil de réservation online américain AmTrav confirme: « Les entreprises ayant accès au NDC d’American Airlines ont payé en septembre en moyenne 14% de moins que celles qui n’y ont pas accès. »

Des objectifs contraires

Mais l’argument tarifaire ne suffit pas à convaincre Sue Jones qui insiste sur les objectifs «diamétralement opposés » des compagnies aériennes et des entreprises : « Avec cette stratégie de vente moderne, dont nous comprenons la réalité économique, les compagnies traitent les voyageurs individuels comme des clients. C’est tout à fait acceptable pour le segment loisirs mais dans le voyage d’affaires, c’est nous, entreprises, qui sommes les clients. »

Jan Jacobsen, directeur des achats voyages monde chez Accenture, est d’accord pour dire que « les compagnies aériennes se concentrent trop sur le client final et non sur le payeur. » Et de poursuivre : «Je ne dis pas qu’il ne faut pas s’occuper des voyageurs mais nous avons des politiques voyages en place pour des raisons bien précises. » 

Pas de quoi émouvoir Kyle Cumbie, le directeur des ventes mondiales d’American Airlines, qui répète en effet que la stratégie à long terme de la compagnie est « axée sur le voyageur ». Et de préciser : « Ce qui a motivé cette stratégie, c’est la nouvelle réalité des voyages. » 

En clair, Kyle Cumbie entérine la montée en puissance de la clientèle loisirs mais, plus intéressant encore, affirme que, si les « volumes par entreprises sont beaucoup moins importants qu’avant, ceux des PME (et notamment non intermédiés, donc non gérés par une TMC) augmentent de manière significative, à des niveaux jamais vus. »

La concurrence du segment loisirs

David Oppenheim, directeur des ventes mondiales de British Airways (BA), approuve : « Les activités loisirs de BA ont énormément augmenté depuis la pandémie tandis que le trafic affaires est nettement inférieur à ce qu’il était. » David Oppenheim pousse alors plus loin l’explication : « Avant le Covid, l’écart entre le prix moyen payé par un voyageur d’affaires et celui payé par un voyageur loisir était très conséquent. L’ennui est qu’il s’est considérablement réduit. » Ce qui signifie qu’en offrant aux voyageurs d’affaires les mêmes réductions qu’avant le Covid, ces derniers pourraient devenir les « pires clients » du transporteur !

Sur la nouvelle importance du segment loisirs, Jan Jacobsen, d’Accenture, prend les compagnies aux mots : « Elles doivent considérer notre proposition de valeur de manière holistique. Chez Accenture, je vous donne accès à 740 000 employés dans le monde qui voyagent aussi pour leurs loisirs. Pourquoi cela n’a-t-il pas de valeur ? Cela devrait aussi entrer dans l’équation. » 

Sue Jones prévient néanmoins les compagnies : « Vous n’avez peut-être plus autant besoin de nous qu’avant, mais à un moment donné les voyages loisirs vont plafonner, voire chuter. » 

Cité par The Compagny Dime, Cory Garner, l’ancien patron de la distribution chez American Airlines et aujourd’hui consultant indépendant, douche rapidement les espoirs : « Les compagnies profitent généralement de cycles économiques temporaires pour modifier de façon permanente leur mode de fonctionnement. La quantité de personnel, de systèmes et de capital relationnel pour mettre en place des programmes de remises aux entreprises et de commissions est énorme. Il est très peu probable qu’un transporteur qui s’est débarrassé de cette infrastructure puisse la rétablir facilement. En réaction aux futurs cycles économiques, il utilisera les outils dont il dispose déjà : prix, réseau, programmes de fidélisation… » 

Pour ceux qui en doutaient encore, on a bien changé d’ère dans les relations entre compagnies aériennes et entreprises. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Liaisons interrégionales : le boom de l’avion

En plein débat sur la priorité donnée au train pour des raisons écologiques, l’avion connait une forte croissance sur les lignes reliant entre elles les régions françaises. 

Le chiffre est sans appel. Selon une étude réalisée par le cabinet Oxera pour l’Union des aéroports français (UAF), le trafic des lignes transversales (province/province) a augmenté de 72% entre 2010 et 2019, passant de 6 à 10 millions de passagers, alors que celui des lignes radiales (Paris/province) est en légère hausse de 5% sur la même période, aux alentours de 16 millions de passagers. 

La raison ? Elle tient dans les piètres performances du rail où il reste compliqué de se déplacer d’une région à l’autre alors que la SNCF concentre à 92% ses TGV sur la desserte de Paris. Les compagnies low cost l’ont bien compris : Easyjet, Ryanair et Volotea notamment multiplient les ouvertures sur ces liaisons interrégionales au moment où Air France les abandonne pour les donner à Transavia, sa filiale à bas coûts.

Pour Thomas Juin, le président de l’UAF interrogé par Les Echos, « le débat sur la concurrence entre le train et l’avion est l’arbre qui cache la forêt. Dans les faits, le report intermodal a déjà eu lieu. Les lignes sur lesquelles le train est plus pertinent ont déjà fermé et l’avion joue son rôle là où les autres offres de transport ne sont pas satisfaisantes ».

Entre 2010 et 2019, le nombre de lignes transversales offertes est passé de 111 à 168, soit une hausse de 51%, tandis que le nombre de lignes radiales a baissé de 5%, de 39 à 37. Une dynamique amplifiée par la crise du Covid, le trafic domestique ayant moins souffert que le trafic international. 

Et Thomas Juin, toujours cité par Les Echos, de conclure sur ces lignes transversales : « Le transport aérien est non seulement le mieux adapté, mais il sera aussi le premier mode de transport décarboné. A partir de 2024, 100% des émissions de CO2 des vols intérieurs devront être compensées et d’ici la fin de la décennie, on verra également arriver les premiers avions régionaux décarbonés ».

Le constructeur ATR notamment (mais d’autres aussi) travaillent en effet au lancement d’une nouvelle génération d’avions régionaux à hélices de 40 à 70 places, équipés de moteurs hybrides électriques, qui devraient permettre de réduite presque entièrement les émissions de CO2 dès 2030. Un vrai motif d’espoir.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Un seul fournisseur aérien, c’est possible ?

Contre les règles en vigueur, une entreprise britannique mène une expérience intéressante en concentrant son trafic auprès d’une seule compagnie sur un axe ultra-fréquenté.

Le pari est osé. Il est d’usage sur des liaisons aériennes internationales souvent empruntées par les collaborateurs d’avoir au moins deux, sinon trois partenaires aériens, afin notamment de faire jouer la concurrence. C’est encore plus vrai pour les comptes multinationaux. La société britannique Finastra, spécialisée dans les logiciels financiers, et dont le budget aérien frôlait les 25 millions de US$ en 2019, était de ces entreprises, comme le rapporte The Company Dime

Son travel manager, Mauro Ruggiero, raconte que, sur l’axe Londres/New York, il avait mis en concurrence American Airlines, et son partenaire British Airways (dans le cadre de l’alliance Oneworld), avec Delta et son partenaire Virgin Atlantic (qui a rejoint depuis peu l’alliance Skyteam). Tout change en décembre 2019 quand Finastra signe un accord avec Delta aux termes duquel la compagnie accorde des remises tarifaires plus élevées en échange de 100% de parts de marché. 

« Nous sommes passés d’une part de marché de 50/50 entre Delta et American à 95% en faveur de Delta, voire 100% au départ de Londres, ce qui est assez inédit compte tenu de la position ultradominante de British Airways sur Heathrow » témoigne Mauro Ruggiero. Les résultats sont au rendez-vous : Finastra a économisé « quelques centaines de milliers de dollars, et ce en quelques mois ». 

Delta et Finastra se rencontrent tous les trimestres pour évaluer les performances. Mauro Ruggiero précise qu’il trouve encore acceptable que le duo Delta/Virgin ne soit pas l’option la moins chère dans 10 ou 20% des cas mais qu’au-delà il demande une meilleure remise. 

La principale interrogation concernait en réalité la réaction des voyageurs et leur degré d’adhésion. Or on sait, et c’est encore plus vrai depuis la pandémie, qu’une bonne partie des voyageurs d’affaires place la liberté de réserver auprès de leurs fournisseurs préférés parmi les avantages qu’ils souhaiteraient que leur entreprise offre pour améliorer l’expérience voyage. Et on sait aussi que les programmes de fidélisation exercent une influence considérable dans le choix de la compagnie.

Conscient de ces paramètres, Mauro Ruggiero a fait en sorte, afin de faciliter le changement, que les statuts des programmes de fidélisation correspondent. S’il admet que l’opposition potentielle des fidèles de British Airways était une préoccupation au départ, il souligne néanmoins « que notre politique voyages est très claire : nous ne permettons pas aux voyageurs de prendre des décisions en fonction des programmes de fidélisation. Si nous avions proposé à nos voyageurs un produit de qualité inférieure, je le comprendrais, mais ce n’est pas le cas ».

Il concède toutefois avoir dû affronter quelques réticences. « Mais à moins qu’un collaborateur ne vienne avec une différence de prix incroyable, nous n’avons pas cédé. J’avais besoin de déplacer des parts de marché ».

L’expérience menée par Finastra est regardée avec intérêt par les observateurs. Une telle stratégie est rare parmi les grandes entreprises, plus fréquente pour des volumes modestes, car il faut un suivi fournisseurs quasi-personnalisé et une culture de conformité à la politique voyages très forte. Par ailleurs, vous devez ménager les fournisseurs écartés (en l’occurrence American et British Airways) mais que vous utilisez sur d’autres axes et qui pourraient vous faire payer cher cette décision.

Mauro Ruggiero n’en retire quant à lui que du positif : « Je devais trouver un moyen de réduire les coûts, je n’allais pas y arriver en faisant une négociation normale ». Il envisage d’ailleurs d’étendre cette stratégie à des liaisons intérieures aux Etats-Unis mais aussi à l’hébergement. Il a ainsi négocié avec le Royal Lancaster situé à Londres des prix réduits en échange de 4 à 5000 chambres-nuits. Au bout de six mois, il avait déjà basculé 90% des parts de marché. Une expérience à méditer sinon à reproduire ?

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Mesure des émissions de CO2 : le grand écart

Les (grandes) divergences de calcul d’émissions de CO2 dans l’aérien entravent le développement d’un voyage d’affaires plus vert.

La travel manager n’en est pas revenue. Voulant en avoir le cœur net, cette responsable des voyages d’une multinationale qui utilise cinq SBT différents dans le monde entier décide mi-novembre de vérifier le volume d’émissions de CO2 attribué par chaque outil sur un même vol en classe éco. 

Les résultats, pour le vol BA173 de British Airways entre Londres et New York du mardi 6 décembre, sont édifiants : 310 kg pour Cytric, 690 kg pour le SBT de la TMC en Finlande, 819 kg pour KDS, 1016 kg pour Concur, 1218 kg pour Traveldoo. Soit une différence de 400% entre les deux extrêmes !

Conséquence : la travel manager, qui a requis l’anonymat, a mis en veilleuse ses efforts destinés à rendre plus vert son programme voyages, le temps de faire le tri. « Ces reportings ne sont pas cohérents, on est obligé de faire un pas en arrière dans notre stratégie de durabilité » témoigne-t-elle auprès de Business Travel News Europe dans un excellent article.

C’est aujourd’hui un enjeu majeur : les compagnies aériennes et autres fournisseurs ne sont pas alignés sur la façon dont ils calculent les émissions de CO2. Et comme le montre l’expérience de cette travel manager, il en va évidemment de même pour les distributeurs. 

Mais ce n’est pas tout. Dans un article de The Company Dime, Johnny Thorsen, vice-président d’une TMC américaine nouvelle génération, Spotnana, a critiqué les compagnies aériennes pour les disparités entre les estimations d’émissions de CO2 avant le voyage et les émissions effectives pendant le voyage. 

Il donne pour exemple une réservation en classe éco 30 jours avant le départ sur un Boeing 737 avec un mélange prévu de 30% de carburant durable (SAF). Mais, le jour du départ, la compagnie aérienne échange son appareil contre un Boeing 767 plus ancien, sans SAF, et offre un surclassement automatique et gratuit en classe éco premium. Résultat : « La quantité de carbone que vous générez pour finir sera probablement de 40 à 50% supérieure à ce que vous pensiez obtenir au moment de la réservation ». 

Ce cas est loin d’être isolé mais Johnny Thorsen comprend les difficultés opérationnelles d’une compagnie aérienne. Ce qu’il reproche en revanche, c’est l’absence d’informations après le voyage que les compagnies devraient être plus disposées à fournir selon lui. 

Devant toutes ces incohérences, les organisations professionnelles se mobilisent. BT4Europe, dont l’AFTM est l’un des 13 membres fondateurs, a décidé de faire pression sur le régulateur pour qu’il impose une seule et même norme, indiscutable. 

Comme la GBTA, BT4E pense que le meilleur espoir de parvenir à une norme unique est l’initiative de la Commission européenne baptisée CountEmissions EU. Walter Goetz, chef de cabinet du commissaire européen aux transports, s’est dit début novembre confiant pour que des propositions de normalisation soient annoncées en 2023. 

Que faire en attendant ? Olivier Benoit, directeur d’Advito (la branche conseil de BCD Travel), considère que l’absence de norme « ne doit pas être une excuse pour ne pas agir aujourd’hui, car il existe des systèmes qui sont suffisamment bons pour estimer les émissions de CO2 ». Il cite en exemple le modèle Defra, largement utilisé au Royaume-Uni. 

Des mesures empiriques peuvent aussi aider les voyageurs d’affaires et les travel managers à faire des choix judicieux. Le type d’avion est un facteur déterminant de la consommation de carburant et donc des émissions de CO2. Chaque nouvelle génération d’appareils permet 15 à 20% d’amélioration par rapport à la précédente. « Il n’y a rien de mieux qu’un Airbus A320neo », a déclaré récemment un expert lors d’un webinaire organisé par Business Travel News Europe

Nora Lovell Marchant, vice-présidente du développement durable chez Amex GBT, confirme : « Choisir l’avion le plus moderne et dont le rendement énergétique est le plus élevé est probablement la mesure la plus efficace à prendre dans les deux prochaines années ». Et de conclure : « Ce n’est pas nécessairement disponible dans tous les SBT aujourd’hui, nous y travaillons. Récompensons les compagnies aériennes qui ont des flottes modernes ».

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de L’AFTM

Avion et handicap : de pire en pire

Les compagnies aériennes et les aéroports ne parviennent pas à procurer l’assistance nécessaire aux personnes à mobilité réduite.

Un cauchemar. Au printemps dernier, la prise en charge des passagers à mobilité réduite (PMR) a viré à la catastrophe sur l’aéroport de Roissy-CDG. Dans un article des Echos daté du 5 juin dernier, le journaliste Bruno Trévidic racontait que « des dizaines de milliers de passagers avaient été laissés pour compte ».

« Une fois sur deux, il n’y avait personne à l’arrivée à Roissy-CDG pour prendre en charge les PMR », s’indignait alors un salarié d’Air France, où cette situation avait suscité une forte émotion parmi les navigants. Certains avaient évoqué des passagers restés plus de deux heures dans l’avion, jusqu’à 1 heure du matin ou bien portés sur un escabeau jusqu’à un bus par des équipages Air France ! Un vrai scandale pour ces passagers dont certains sont des voyageurs d’affaires. Un changement malencontreux de prestataire sur la plateforme aéroportuaire avait été à l’origine de ces déboires.

Le même Bruno Trévidic révèle, dans un article du 7 décembre, que le nombre de passagers demandant une assistance est devenu un phénomène massif selon les chiffres de l’IATA : 20% des passagers réclament désormais une assistance pour eux-mêmes ou pour un tiers. Le vieillissement de la population en est la raison principale et le doublement attendu d’ici à 2050 de la population mondiale âgée de plus de 65 ans ne devrait rien arranger.

En réalité, selon le journaliste, les problèmes surgissent souvent quand l’afflux de passagers sans réel handicap prive d’assistance les passagers vraiment handicapés. En effet, la règlementation européenne interdit de demander une preuve de handicap. Certains peuvent en abuser : « Il s’agit parfois de passagers âgés qui demandent une assistance par crainte de ne pas savoir s’orienter dans l’aéroport », reconnaît Linda Ristagno, chargée du dossier au sein de l’IATA, et citée par Les Echos

Autre difficulté, rapporte le quotidien économique : les fauteuils roulants trop encombrants pour les cabines d’avion et ceux munis de batterie au lithium, qui présentent un risque pour la sécurité. Compagnies et aéroports n’arrivant pas à faire face à la situation, l’intervention des régulateurs pourrait s’avérer nécessaire. C’est l’avis de Linda Ristagno : « Rendre le transport aérien accessible à tous nécessite une coordination entre les gouvernements, les compagnies aériennes et les associations ». 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Les limites de l’automatisation

Automatiser l’ensemble du process de réservation, jusqu’à l’annulation et l’échange de billets : facile à dire, beaucoup plus difficile à faire. 

C’est l’un des sujets phares du moment. Avec le Covid et le chaos dans le transport aérien, les échanges et annulations de billets d’avion par les voyageurs d’affaires se sont multipliés. Avant la pandémie, cela concernait 1 billet sur 5, aujourd’hui cela toucherait entre le tiers et la moitié des transactions, rapporte dans un excellent article le site The Company Dime

Encore peu ou pas automatisés, l’échange et l’annulation de billets nécessitent la plupart du temps une intervention humaine. Or la pénurie de personnel qui affecte les TMC crée des situations intenables et dégrade sérieusement la qualité du service. Que faire ? La solution passe par l’automatisation mais ce n’est pas si simple. « Il y a aujourd’hui très peu d’outils numériques qui sont efficaces pour permettre des changements de voyages et d’itinéraires » déclarait récemment Nick Vournakis, vice-président exécutif de CWT, au site Skift. La TMC vient toutefois d’annoncer que le voyageur peut désormais, sur sa nouvelle application myCWT et sur les canaux web, modifier ou annuler un trajet en étant informé des modalités comme le surcoût. Si l’information se vérifie (il convient d’abord de tester l’outil), CWT aurait pris un petit temps d’avance sur ses principaux concurrents. 

Comme l’explique en effet David Reimer, vice-président d’Amex GBT pour les clients internationaux et directeur général pour les Amériques, « chaque compagnie aérienne gère son inventaire avec des processus légèrement différents et si vous souhaiter l’automatiser, vous devez probablement le faire un par un, par transporteur. On va y arriver bientôt mais jamais totalement, sans doute à 70-80%, car une partie devra toujours se régler offline, au téléphone ». 

Jean-Christophe Taunay-Bucalo, le directeur commercial de la TMC TravelPerk, confirme : « Nous avons automatisé la plupart des annulations avec l’ensemble des fournisseurs, compagnies aériennes, ferroviaires et même hôtelières. En revanche, les processus de modification et d’échange sont beaucoup plus compliqués en raison des différents types d’inventaire et des connexions nécessaires, mais nous devrions être à plus de 50% d’automatisation d’ici la fin de l’année ». 

John Sturino, vice-président des produits de la division Egencia d’Amex GBT, pointe également les règles commerciales des compagnies aériennes qui changent tout le temps. 

Pour David Reimer, l’explication est aussi plus globale, « avec un nombre de variables dans les voyages et une infrastructure technologique énorme qui posent de vrais défis ». Avant d’ajouter : « L’intelligence artificielle peut faire beaucoup pour nous aider ». Et de conclure : « En tant qu’industrie, nous devons faire mieux, c’est certain ». 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Des classes affaires de moins en moins business

Les produits premium des compagnies aériennes sont plébiscités par les voyageurs loisirs au détriment des voyageurs d’affaires qui ont bien du mal à trouver de la disponibilité. 

Le constat est sans appel : les classes affaires sont désormais majoritairement occupées par des passagers aisés voyageant pour leurs loisirs ou pour motifs personnels. C’est Bruno Trévidic, journaliste aux Echos, qui raconte cette tendance dont les origines remontent à la fin des années 2000.

« La migration forcée des voyageurs d’affaires vers l’arrière de l’appareil avait commencé dès la crise financière de 2008, écrit-il, quand les entreprises avaient entreprise de tailler dans leurs dépenses ». Le Covid a amplifié cette tendance et Air France indique que désormais plus de 50% des passagers en classes affaires voyagent pour leurs loisirs. « La proportion serait encore plus forte en classe premium éco, intermédiaire entre la business et l’éco et qui avait été inventée par Air France en 2008 pour tenter de freiner la migration de la clientèle professionnelle vers l’arrière ». 

Le quotidien économique rappelle l’enjeu de cette clientèle premium : « En moyenne, un passager affaires représente l’équivalent en recettes de trois à cinq passagers éco » (…) alors « qu’un passager de premium éco vaut 1,5 passager éco ». Au final, « chez Air France, ces passagers premium ne représentent que 10% du trafic mais un tiers de son chiffre d’affaires ». 

Aux Etats-Unis, le constat est identique et les acheteurs s’en inquiètent. Ces derniers confirment auprès de Business Travel News la difficulté de trouver des sièges premium et, lorsque qu’ils sont disponibles, «les tarifs sont choquants ». Un acheteur parle même « d’un énorme point de frustration », notant que le service était « négativement affecté », même pour les membres du conseil d’administration et du comité exécutif. 

Si la concurrence avec la clientèle loisirs est la raison de ce manque de disponibilité sur les sièges premium, elle est amplifiée par des délais de réservation des voyageurs d’affaires qui se sont beaucoup raccourci depuis la pandémie. « Il est important de réserver le plus tôt possible » conseille Kyle Mabry, vice-président des ventes mondiales d’American Airlines. 

Une autre raison, plus mystérieuse, serait liée à un problème de contenu délivré par le GDS. United Airlines s’est ainsi rendu compte que des sièges premium n’étaient pas disponibles pour ses clients entreprises car le GDS ne les affichaient pas alors qu’ils étaient effectivement ouverts à la vente ! Sans révéler le nom du GDS incriminé, la compagnie aérienne dit « travailler avec lui pour que l’ensemble du contenu qui lui est fourni soit disponible dans les OBT ». Une étrange affaire que les travel managers doivent garder à l’esprit au cas où la situation se présenterait.

Reste à savoir si cette tendance va se pérenniser. Les experts interrogés par BTN ne sont pas tous d’accord. L’un affirme que « la part des voyageurs loisirs réservant des sièges premium pourrait se tasser surtout si les prix continuent d’augmenter ou si le ralentissement économique se concrétise ». Un autre dit l’inverse : « Une fois qu’ils seront habitués à un produit haut de gamme, ils ne voudront plus revenir en arrière ». Les paris sont ouverts. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM