CO2 : le voyage d’affaires exemplaire ?

Une étude démontre que le voyage d’affaires ferait de gros efforts pour émettre moins de CO2. Vrai ou faux ?

En marge de la COP28 qui s’est tenue à Dubaï début décembre, les chiffres de l’ONG Transport et Environnement (T&E) en ont surpris plus d’un. D’après cette étude, dont Business Travel News se fait l’écho, 50% des grandes entreprises mondiales ont réduit de moitié le nombre de vols d’affaires en 2022 par rapport à 2019 !

C’est le cas de 104 entreprises sur un total de 217 auditées dans le cadre de Travel Smart, une campagne internationale menée par T&E et visant à réduire les émissions de CO2 des voyages d’affaires en avion. Le spécialiste des logiciels de gestion SAP (-86%), le géant pharmaceutique Pfizer (-78%) et le groupe de conseil PwC (-76%) figurent parmi les entreprises qui ont le plus réduit leurs déplacements en avion.

Toutefois, certaines entreprises se sont rapprochées des niveaux de 2019, 21 d’entre elles l’ont même dépassé en 2022. Toujours selon cette étude, les émissions de CO2 dues au voyage d’affaires auraient diminué de 51% entre 2019 et 2022 (si l’on se base bien sûr sur les données de ces 217 entreprises). 

Faut-il accorder du crédit à ces chiffres ? L’ONG a fait, semble-t-il, un travail assez sérieux et n’est pas réputée pour être accommodante quand il s’agit du réchauffement climatique. Un autre de ses chiffres vient néanmoins apporter un début d’explication : Denise Auclair, responsable de la campagne Travel Smart, souligne que 171 des 217 entreprises analysées n’avaient pas d’objectifs de réduction des émissions liées à leurs voyages d’affaires. Ce qui laisse à penser qu’une bonne partie de la réduction des vols d’affaires, à défaut d’être volontaire, est due avant tout à la forte augmentation de l’usage de la visioconférence. Et peut-être un peu à l’inflation des tarifs.

Malgré tout, ces chiffres rejoignent ceux des études qui montrent que le marché des voyages d’affaires n’a pas retrouvé les volumes antérieurs au Covid et qu’il en manque toujours 20 à 25%, principalement en raison de la baisse de consommation des grands comptes.

Un autre chiffre est venu dernièrement confirmer la tendance : Air France a justifié son départ d’Orly en affirmant que les vols domestiques A/R journée avaient baissé de 60% depuis le Covid ! Un effet visioconférence assurément, même si le report de l’avion vers le train est loin d’être négligeable. 

On peut voir le verre à moitié plein : tant mieux pour la planète si la visioconférence remplace des déplacements à ROI plus faible ! Par ailleurs, Travel Smart démontre aussi que 46 grandes entreprises ont donc de réels objectifs de baisse d’émissions de CO2 de leurs voyages d’affaires, ce qui reste encourageant malgré les difficultés à mesurer ces émissions.

Pour Denise Auclair, « les leçons de la pandémie ont été tirées, la voie à suivre est celle de la collaboration, avec plus de réunions en ligne, plus de voyages en train et moins en avion ». Et de rappeler à une réduction de 50% de l’ensemble des voyages d’affaires au cours de la décennie actuelle afin d’être en ligne avec une limitation de la hausse de température de 1,5°.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Budget carbone : une méthode simple ?

La réduction des émissions de CO2 des déplacements est un casse-tête pour la plupart des travel managers. La fixation d’un budget carbone est une solution.

Pour Scott Gillespie, le gourou du voyage d’affaires, le choix est limité. Comme il l’explique dans un post sur Linkedin, « si une entreprise est vraiment déterminée à réduire rapidement l’impact CO2 de ses déplacements, elle doit voyager moins ». Car, à court terme, les compensations et les carburants alternatifs (SAF) ne seront d’aucun secours. 

Reste à savoir comment voyager moins, de façon rationnelle, explicite et acceptable pour tous. « Que cela vous plaise ou non, dit le fondateur de tClara, la réponse implique de rendre les voyages d’affaires plus chers ». Comment ? Soit en appliquant une taxe carbone, la méthode choisie par exemple par Microsoft, soit en affectant un budget carbone. Scott Gillespie écarte l’idée de la taxe qui ne sera efficace que si elle est très élevée, représentant dès lors un coût important pour l’entreprise.

Il lui préfère le budget carbone, à condition que ce dernier soit « invisible ». Pourquoi ? Car le principal écueil des budgets carbone tient dans son administration, très chronophage et donc très chère. «Quelqu’un doit allouer le budget carbone à chaque voyageur et suivre son utilisation après chaque voyage. Qui décide et contrôle tout ça ? » Sa proposition ? Automatiser le processus. Voici comment en 6 étapes :

Étape 1 : Estimez le CO2 lié aux déplacements de votre entreprise pour l’année de référence, par exemple 2019. Exemple : 1 million kg de CO2.

Étape 2 : Fixez un objectif de réduction des émissions de CO2, par exemple 25%, soit dans notre exemple 0,75 million kg de CO2.

Étape 3 : Définissez le budget voyages aérien correspondant. La méthode la plus simple selon Scott Gillespie est de conserver le même budget que pour l’année de référence. Pour faciliter notre exemple : 1 million d’euros. 

Étape 4 : Calculez le ratio d’intensité carbone qui va vous indiquer la quantité de CO2 acceptable pour chaque euro dépensé en voyage. Pour ce faire, il faut diviser l’objectif de réduction de CO2 par le budget voyages correspondant. Dans notre exemple, on divise 0,75 million kg de CO2 par 1 million d’euros. Soit une intensité carbone de 0,75 kg par euro dépensé. 

Étape 5 : affichez les ratios d’intensité carbone et les conseils dans votre OBT. Dans notre exemple, on vous propose un billet en éco, qui consomme 1000 kg de CO2, pour un coût de 1000 euros. On divise le premier par le deuxième, on obtient 1, soit une intensité carbone supérieure au seuil qu’on a défini de 0,75 kg par euro dépensé : le voyage n’est pas autorisé. On vous propose pour le même trajet un autre billet en premium économie, qui consomme 1200 kg de CO2 et qui coûte 1600 euros. On divise le premier par le deuxième, on obtient 0,75, soit une intensité carbone égale au seuil défini : le voyage est autorisé.

Étape 6 : Évaluez la décarbonation de vos dépenses voyages et les progrès réalisés pour atteindre vos objectifs. 

Scott Gillespie voit deux avantages à cette méthode : 

  • Plus le billet coûte cher, plus le ratio d’intensité carbone est faible. Or des prix plus élevés aident les entreprises à atteindre ou à dépasser leurs objectifs de réduction de CO2. Pour lui, c’est une évidence, les entreprises devront payer plus pour polluer moins.
  • Cette hausse des prix des billets va contribuer de facto à éliminer les voyages à faible valeur ajoutée. 

Reste évidemment à l’OBT à se mettre à la page techniquement, cela ne paraît pas insurmontable. Mais surtout demeure une question : les entreprises cesseront-elles vraiment de voyager si elles épuisent leur budget carbone ? La méthode a en tous cas le mérite de la simplicité et d’être compréhensible par les voyageurs, donc d’être plus facilement acceptée. Une piste à creuser. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Mesure des émissions de CO2 : le grand écart

Les (grandes) divergences de calcul d’émissions de CO2 dans l’aérien entravent le développement d’un voyage d’affaires plus vert.

La travel manager n’en est pas revenue. Voulant en avoir le cœur net, cette responsable des voyages d’une multinationale qui utilise cinq SBT différents dans le monde entier décide mi-novembre de vérifier le volume d’émissions de CO2 attribué par chaque outil sur un même vol en classe éco. 

Les résultats, pour le vol BA173 de British Airways entre Londres et New York du mardi 6 décembre, sont édifiants : 310 kg pour Cytric, 690 kg pour le SBT de la TMC en Finlande, 819 kg pour KDS, 1016 kg pour Concur, 1218 kg pour Traveldoo. Soit une différence de 400% entre les deux extrêmes !

Conséquence : la travel manager, qui a requis l’anonymat, a mis en veilleuse ses efforts destinés à rendre plus vert son programme voyages, le temps de faire le tri. « Ces reportings ne sont pas cohérents, on est obligé de faire un pas en arrière dans notre stratégie de durabilité » témoigne-t-elle auprès de Business Travel News Europe dans un excellent article.

C’est aujourd’hui un enjeu majeur : les compagnies aériennes et autres fournisseurs ne sont pas alignés sur la façon dont ils calculent les émissions de CO2. Et comme le montre l’expérience de cette travel manager, il en va évidemment de même pour les distributeurs. 

Mais ce n’est pas tout. Dans un article de The Company Dime, Johnny Thorsen, vice-président d’une TMC américaine nouvelle génération, Spotnana, a critiqué les compagnies aériennes pour les disparités entre les estimations d’émissions de CO2 avant le voyage et les émissions effectives pendant le voyage. 

Il donne pour exemple une réservation en classe éco 30 jours avant le départ sur un Boeing 737 avec un mélange prévu de 30% de carburant durable (SAF). Mais, le jour du départ, la compagnie aérienne échange son appareil contre un Boeing 767 plus ancien, sans SAF, et offre un surclassement automatique et gratuit en classe éco premium. Résultat : « La quantité de carbone que vous générez pour finir sera probablement de 40 à 50% supérieure à ce que vous pensiez obtenir au moment de la réservation ». 

Ce cas est loin d’être isolé mais Johnny Thorsen comprend les difficultés opérationnelles d’une compagnie aérienne. Ce qu’il reproche en revanche, c’est l’absence d’informations après le voyage que les compagnies devraient être plus disposées à fournir selon lui. 

Devant toutes ces incohérences, les organisations professionnelles se mobilisent. BT4Europe, dont l’AFTM est l’un des 13 membres fondateurs, a décidé de faire pression sur le régulateur pour qu’il impose une seule et même norme, indiscutable. 

Comme la GBTA, BT4E pense que le meilleur espoir de parvenir à une norme unique est l’initiative de la Commission européenne baptisée CountEmissions EU. Walter Goetz, chef de cabinet du commissaire européen aux transports, s’est dit début novembre confiant pour que des propositions de normalisation soient annoncées en 2023. 

Que faire en attendant ? Olivier Benoit, directeur d’Advito (la branche conseil de BCD Travel), considère que l’absence de norme « ne doit pas être une excuse pour ne pas agir aujourd’hui, car il existe des systèmes qui sont suffisamment bons pour estimer les émissions de CO2 ». Il cite en exemple le modèle Defra, largement utilisé au Royaume-Uni. 

Des mesures empiriques peuvent aussi aider les voyageurs d’affaires et les travel managers à faire des choix judicieux. Le type d’avion est un facteur déterminant de la consommation de carburant et donc des émissions de CO2. Chaque nouvelle génération d’appareils permet 15 à 20% d’amélioration par rapport à la précédente. « Il n’y a rien de mieux qu’un Airbus A320neo », a déclaré récemment un expert lors d’un webinaire organisé par Business Travel News Europe

Nora Lovell Marchant, vice-présidente du développement durable chez Amex GBT, confirme : « Choisir l’avion le plus moderne et dont le rendement énergétique est le plus élevé est probablement la mesure la plus efficace à prendre dans les deux prochaines années ». Et de conclure : « Ce n’est pas nécessairement disponible dans tous les SBT aujourd’hui, nous y travaillons. Récompensons les compagnies aériennes qui ont des flottes modernes ».

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de L’AFTM

Pourquoi Microsoft durcit sa politique RSE

En matière de verdissement des voyages d’affaires, Microsoft fait figure de pionnière mais veut aller beaucoup plus loin.

L’entreprise de Seattle n’y va pas de main morte. Elle vient en effet de décider d’augmenter de près de 600% sa taxe carbone interne sur ses voyages d’affaires comme le rapporte The Company Dime. Cette redevance par tonne métrique d’équivalent dioxyde de carbone (mtCO2e) avait été instituée en 2019 par la direction des voyages de Microsoft. Elle s’élevait à 15 dollars, elle sera de 100 dollars à partir du 1er juillet prochain. 

Avec cette taxe, Microsoft achète du carburant durable (SAF) et se fait l’avocate de la collaboration avec le secteur aérien. Elle aide ainsi au financement de la construction en Géorgie de la « première usine au monde de production de SAF à partir d’alcool ». Des initiatives qui s’inscrivent dans un cadre plus large : Microsoft veut devenir une organisation « sans carbone, sans eau et sans déchet » d’ici 2030. 

Interrogé pour savoir si la nouvelle redevance de 100 dollars sera prélevée directement sur le budget voyages de l’entreprise, Eric Bailey, le directeur mondial des voyages de Microsoft, a expliqué : « oui d’une certaine façon. Nous savons tous que les budgets voyages seront réduits à l’avenir, il s’agit donc d’un réinvestissement des fonds ». 

L’augmentation de cette taxe carbone interne a un triple objectif : réduire les déplacements en influençant les comportements des voyageurs, encourager les compagnies aériennes et les hôtels à proposer des options plus écologiques, et accélérer le financement des SAF.

Certains distinguent aussi derrière cette initiative la difficulté des entreprises à comptabiliser précisément les émissions carbone de leurs voyages d’affaires, affirmant que les calculs permettant d’arriver à ce chiffre de 100 dollars sont sujets à caution. Ce que ne conteste pas Microsoft qui dit «redoubler d’efforts en matière de mesure, afin d’accélérer la maturation et l’adoption de normes industrielles pour la comptabilisation du carbone ». Pour beaucoup d’observateurs, il est vrai, les émissions carbone des déplacements professionnels sont parmi les plus difficiles à mesurer. 

C’est peut-être de l’information financière que viendra la solution. Les actionnaires et les investisseurs font de plus en plus pression car ils ont besoin des bons chiffres pour prendre les meilleures décisions. L’enjeu : réduire les risques financiers des entreprises liés au réchauffement climatique. La SEC, l’organe américain de régulation financière, est en train de finaliser un projet obligeant les grandes sociétés à déclarer notamment leurs émissions carbone liées aux voyages d’affaires comme le rapporte le New York Times. Il devrait entrer en vigueur dans les deux ans. Et ce n’est sans doute qu’un début. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Le forfait mobilités durables boudé par le CAC40

Seuls 38% des grands groupes appliquent ce dispositif volontaire d’aide à la mobilité durable.

Les grandes entreprises traînent des pieds ! Un gros tiers d’entre elles seulement ont mis en place le forfait mobilités durables (FMD), selon une étude réalisée par le député écologiste mais non inscrit Mathieu Orphelin auprès de 43 grands groupes, et relayée par Les Echos.

Introduit en mai 2020 dans le cadre de la loi Mobilité de décembre 2019, le FMD permet aux employeurs de prendre en charge les frais de transports de leurs salariés délaissant leur voiture au profit de modes plus « doux » comme le covoiturage, le vélo, la trottinette… Un forfait pouvant aller jusqu’à 500 € par an, exonéré d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales pour l’employeur. Un montant qui peut même atteindre 600 € en cas de cumul avec des abonnements de transports publics. 

Pourquoi Matthieu Orphelin a-t-il entrepris cette démarche alors que le Ministère des Transports et l’Ademe ont lancé début 2021 un baromètre censé donner une photographie exacte de la progression de ce FMD ? Problème, comme le raconte le magazine Challenges, ce baromètre a été réalisé sur un échantillon non représentatif des employeurs français. Le député a donc décidé d’en savoir un peu plus en interrogeant 43 grandes entreprises, membres du CAC40 ou venant à peine d’en sortir.

Le résultat est décevant, « clairement très insuffisant » juge le député, d’autant que, parmi les 38% de grandes entreprises qui ont mis en place le FMD, l’application reste très variable. Dans certaines, le FMD est limité aux seuls cyclistes alors qu’il a vocation à s’appliquer plus largement. Dans d’autres, les indemnités sont très limitées. Heureusement, quelques entreprises se détachent, les bons élèves se nomment Accor, Orange, Axa ou L’Oréal. 

Matthieu Orphelin souhaiterait que les choses aillent plus vite et voudrait que ce forfait devienne obligatoire. D’abord pour les entreprises de plus de 1 000 salariés, puis pour celles de plus de 250, et ainsi de suite jusqu’à toutes celles de plus de 11 personnes. Une généralisation qui serait soutenue par 76% des Français selon un sondage réalisé par la Fédération des usagers de le bicyclette (FUB). L’enjeu est simple : en 2021, 76% des Français utilisaient encore la voiture pour se rendre au travail, et 62% de ces déplacements faisaient moins de 10km. Pas gagné.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

La surcharge SAF d’Air France fait débat

La nouvelle surcharge « carburant durable » de la compagnie française est-elle un investissement vert essentiel ou une énième taxe d’un transport aérien déjà surtaxé ? Les acheteurs sont perplexes.

Une surprise de taille. Le 10 janvier dernier, le groupe Air France-KLM prenait tout le monde de court en annonçant « un nouveau supplément tarifaire destiné à financer les carburants verts » (les fameux SAF pour sustainable aviation fuel), comme le racontent Les Echos. Le montant ? De 1 à 4 euros en classe économique et de 1,50 à 12 euros en classe affaires selon la distance. Une mesure qui s’applique à Air France, à KLM et à Transavia. 

La compagnie française est à ce jour la seule au monde à avoir pris une telle décision. Et pour cause. La France, qui se veut très en pointe sur le sujet, a instauré l’obligation d’intégrer au moins 1% de carburant durable dans le kérosène depuis le 1er janvier 2022. A partir de 2025, c’est un règlement européen qui prendra le relai avec des mandats d’incorporation progressifs : 2% en 2025, puis 6% en 2030, 32% en 2040 et 63% en 2050. Pour Air France et Transavia, le montant du surcoût lié à l’intégration de 1% de biocarburants en 2022 sera de plus de 30 millions d’euros, a priori intégralement compensés par cette nouvelle surcharge.

Devant ce nouveau coût fournisseur, le media Business Travel News explique que « la communauté des acheteurs n’est pas convaincue ». Le journaliste a interrogé Kerry Douglas, l’un des responsables de l’Institute of Travel Management (sorte d’équivalent britannique de l’AFTM), qui affirme que les «membres acheteurs de l’association ont plusieurs doutes.» 

Selon lui, « ils se demandent qui recevra le crédit carbone pour le carburant, d’autant plus que tous les vols n’ont pas de SAF à bord. La perception générale pourrait être que la surcharge SAF est une augmentation de prix sous un autre nom. » Un travel manager, qui a souhaité garder l’anonymat, renchérit : « Ce n’est pas transparent et la méthodologie qu’ils utilisent n’est pas claire. »

Kerry Douglas poursuit : « En outre, les acheteurs professionnels pourraient avoir l’impression de payer deux fois, s’ils ont leurs propres engagements en matière d’investissements dans les SAF. » 

Jörg Martin, un consultant allemand, ancien travel manager, est lui aussi très sceptique : « C’est aux compagnies aériennes qu’il incombe de mettre en place les SAF et elles ne devraient pas transférer la responsabilité au client. Si c’est une initiative que les clients veulent soutenir, c’est très bien, mais elle doit être convenue mutuellement et non imposée unilatéralement. »

BTN relaie les propos d’un cadre d’une TMC qui a requis également l’anonymat et qui partage cet avis : «Vous pourriez avancer le même argument pour imposer une surcharge lors de l’introduction de nouveaux avions parce qu’ils sont plus respectueux de l’environnement.» 

Les acheteurs de l’IMT ont néanmoins un point de vue plus nuancé qu’il n’y paraît, explique le journaliste. « S’ils approuvent la grande orientation stratégique d’Air France, c’est la tactique spécifique de la surcharge qu’ils contestent. » Kerry Douglas en convient : « Il ne fait aucun doute qu’il y a un coût associé à la mise en place d’une industrie plus responsable (…) mais ce que les acheteurs ne veulent pas voir, c’est que l’industrie utilise la durabilité pour faire payer ou augmenter les coûts dans une tentative de récupérer les pertes de revenus dues à la pandémie. » 

Rappelons à toutes fins utiles que les carburants durables représentaient moins de 0,1% des 360 milliards de litres de carburant utilisés par le transport aérien en 2019… Le chemin est long, très long…

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

La surcharge SAF d’Air France fait débat

La nouvelle surcharge « carburant durable » de la compagnie française est-elle un investissement vert essentiel ou une énième taxe d’un transport aérien déjà surtaxé ? Les acheteurs sont perplexes.

Une surprise de taille. Le 10 janvier dernier, le groupe Air France-KLM prenait tout le monde de court en annonçant « un nouveau supplément tarifaire destiné à financer les carburants verts » (les fameux SAF pour sustainable aviation fuel), comme le racontent Les Echos. Le montant ? De 1 à 4 euros en classe économique et de 1,50 à 12 euros en classe affaires selon la distance. Une mesure qui s’applique à Air France, à KLM et à Transavia. 

La compagnie française est à ce jour la seule au monde à avoir pris une telle décision. Et pour cause. La France, qui se veut très en pointe sur le sujet, a instauré l’obligation d’intégrer au moins 1% de carburant durable dans le kérosène depuis le 1er janvier 2022. A partir de 2025, c’est un règlement européen qui prendra le relai avec des mandats d’incorporation progressifs : 2% en 2025, puis 6% en 2030, 32% en 2040 et 63% en 2050. Pour Air France et Transavia, le montant du surcoût lié à l’intégration de 1% de biocarburants en 2022 sera de plus de 30 millions d’euros, a priori intégralement compensés par cette nouvelle surcharge.

Devant ce nouveau coût fournisseur, le media Business Travel News explique que « la communauté des acheteurs n’est pas convaincue ». Le journaliste a interrogé Kerry Douglas, l’un des responsables de l’Institute of Travel Management (sorte d’équivalent britannique de l’AFTM), qui affirme que les «membres acheteurs de l’association ont plusieurs doutes.» 

Selon lui, « ils se demandent qui recevra le crédit carbone pour le carburant, d’autant plus que tous les vols n’ont pas de SAF à bord. La perception générale pourrait être que la surcharge SAF est une augmentation de prix sous un autre nom. » Un travel manager, qui a souhaité garder l’anonymat, renchérit : « Ce n’est pas transparent et la méthodologie qu’ils utilisent n’est pas claire. »

Kerry Douglas poursuit : « En outre, les acheteurs professionnels pourraient avoir l’impression de payer deux fois, s’ils ont leurs propres engagements en matière d’investissements dans les SAF. » 

Jörg Martin, un consultant allemand, ancien travel manager, est lui aussi très sceptique : « C’est aux compagnies aériennes qu’il incombe de mettre en place les SAF et elles ne devraient pas transférer la responsabilité au client. Si c’est une initiative que les clients veulent soutenir, c’est très bien, mais elle doit être convenue mutuellement et non imposée unilatéralement. »

BTN relaie les propos d’un cadre d’une TMC qui a requis également l’anonymat et qui partage cet avis : «Vous pourriez avancer le même argument pour imposer une surcharge lors de l’introduction de nouveaux avions parce qu’ils sont plus respectueux de l’environnement.» 

Les acheteurs de l’IMT ont néanmoins un point de vue plus nuancé qu’il n’y paraît, explique le journaliste. « S’ils approuvent la grande orientation stratégique d’Air France, c’est la tactique spécifique de la surcharge qu’ils contestent. » Kerry Douglas en convient : « Il ne fait aucun doute qu’il y a un coût associé à la mise en place d’une industrie plus responsable (…) mais ce que les acheteurs ne veulent pas voir, c’est que l’industrie utilise la durabilité pour faire payer ou augmenter les coûts dans une tentative de récupérer les pertes de revenus dues à la pandémie. » 

Rappelons à toutes fins utiles que les carburants durables représentaient moins de 0,1% des 360 milliards de litres de carburant utilisés par le transport aérien en 2019… Le chemin est long, très long…

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Location de voitures : l’électrique à la peine

Les loueurs font des efforts… non récompensés par les clients qui boudent ce type de véhicules.

Les modèles électriques sont deux fois moins loués que les modèles thermiques : c’est le triste constat dressé dans Les Echos par Jean-Philippe Doyen, patron de Sixt France et président de la branche loueurs de voitures au Conseil national des professions de l’automobile (CNPA). 

Leur taux d’utilisation, primordial pour la rentabilité, raconte le quotidien économique, n’est que de 38%, quasiment deux fois inférieur à celui d’un véhicule thermique. Et ce en dépit de l’augmentation du nombre de voitures à batterie disponibles chez Avis, Europcar et consorts.

Le principal obstacle selon Jean-Philippe Doyen : « Les conducteurs apprécient les modèles électriques, mais lorsqu’ils ont de longues distances à parcourir, ils redoutent que la recharge de la batterie ne vire au casse-tête. Le réseau de bornes, en qualité comme en quantité, est une grosse source d’inquiétudes. »

Le CNPA espère donc que l’objectif de 100.000 bornes ouvertes au public (contre 43.000 aujourd’hui) soit atteint le plus rapidement possible, afin de lever l’appréhension des clients. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Transport aérien vert, un coup de com ?

IATA vient d’annoncer qu’elle s’engage à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Possible ou pas ?

Willie Walsh, ancien patron de British Airways et actuel président de IATA, est un habitué des annonces tonitruantes. Fidèle à sa réputation, il a fait adopter aux 290 compagnies aériennes membres de l’association un objectif de zéro émission nette de CO2 d’ici 2050. « Un pari fou », dit La Tribune, alors que l’objectif initial de diminuer les émissions du secteur par deux d’ici à 2050 par rapport à 2005 était déjà extrêmement ambitieux.

Un pari d’autant plus fou qu’il s’appuiera très peu, et c’est la vraie surprise de cette annonce, sur les avions décarbonés que promettent Airbus et Boeing. Alors comment y parvenir ? Principalement grâce aux carburants aériens durables (SAF) qui représenteront 65% (!) de l’effort de décarbonation. Les systèmes de compensation et de capture du CO2 compteront pour 19%, l’amélioration des infrastructures et des opérations pour 3%. Les fameux avions verts (électriques ou à hydrogène) ne contribueront à cet objectif qu’à hauteur de 13%. 

Dominique Seux, directeur délégué de la rédaction des Echos, peut difficilement être taxé de dangereux gauchiste ou d’écologiste radical. Dans son édito économique quotidien sur France Inter du 11 octobre, il doute néanmoins de la faisabilité d’un tel objectif et pose les bonnes questions. 

Concernant les SAF, Dominique Seux se demande comment passer d’une production de 100 millions de litres par an aujourd’hui (soit moins de 1% de la consommation du transport aérien) à 90 milliards en 2035 et… 449 milliards en 2050 ? Avec quel impact sur l’agriculture et l’industrie ? « Mystère et boule de gomme », finit-il par répondre.

Sur la compensation et la reforestation, il dit sa perplexité : « un arbre met longtemps pour grandir et absorber le CO2 ». Enfin, il appuie là où ça fait mal : « le monde du transport aérien pense qu’il n’y aura aucune conséquence de l’enjeu climatique sur le trafic aérien, qui passera selon lui de 4,5 à 10 milliards de passagers d’ici 30 ans. Cela ressemble vaguement à l’histoire de l’homme qui saute du 50e étage d’un immeuble et dit au 20e : jusqu’ici tout va bien ».

On pourrait ajouter une autre incertitude : IATA a évalué le coût du zéro émission nette à… 2000 milliards de US$ sur les trente prochaines années ! Un effort absolument gigantesque, surtout après le choc énorme que vient de subir le transport aérien avec le Covid. Qui va payer ?

La critique est aisée, l’art est difficile, mais IATA devrait prendre garde à ne pas trop teinter de marketing ses annonces en matière de lutte contre le réchauffement climatique car le retour de bâton sera sévère. En attendant, les initiatives pour un transport aérien plus vert se multiplient, les ingénieurs sont à l’œuvre, les compagnies aériennes aussi, et les entreprises prennent de plus en plus conscience de l’urgence pour leurs déplacements professionnels. Et ça, c’est très positif.

Greg Foran, directeur général d’Air New Zealand, insiste d’ailleurs sur l’implication de toutes les parties prenantes : « Si nous voulons parvenir à des émissions nettes de carbone nulles d’ici 2050, tout le monde doit jouer son rôle. Il n’y a pas que les compagnies aériennes. Il y aura les fournisseurs de carburant, les gouvernements, et en fin de compte les clients devront eux aussi y adhérer ».

Pour finir, on ne saurait trop recommander la prise en main du dernier numéro de National Geographic avec le très bon article (en français) du journaliste américain Sam Howe Verhovek qui remet en perspective les enjeux des SAF, de l’avion électrique et à hydrogène… Bonne lecture !

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM