TripActions : méga jackpot en perspective

La prochaine introduction en bourse de la TMC va rapporter gros, voire très gros, à ses investisseurs historiques. Une étape capitale dans la vie de la jeune TMC créée en 2015.

TripActions saute le pas. Déjà dans les tuyaux à plusieurs reprises par le passé, l’introduction en bourse de la TMC devrait intervenir au cours du deuxième trimestre 2023. Le site américain Business Insider a en effet révélé le 29 septembre, confirmant ainsi une indiscrétion de Bloomberg début août, que TripActions avait déposé une demande confidentielle d’introduction en bourse auprès de la SEC, l’autorité américaine des marchés financiers.

Pourquoi confidentielle ? Cette procédure, autorisée par le gendarme américain de la bourse et utilisée en leur temps par Twitter ou Airbnb, permet à une entreprise de ne dévoiler ses informations financières et sa stratégie que 15 jours avant le début de son « roadshow » (la tournée de présentation aux investisseurs qui précède l’entrée en bourse) ou 15 jours avant la date présumée à laquelle la SEC doit donner son autorisation à entrer en Bourse. 

En clair, l’entreprise peut garder des informations sensibles et secrètes pendant une période plus longue, contraignant ses concurrents à patienter avant d’obtenir des détails précieux sur son activité. Mais surtout elle n’est pas obligée de fixer une date d’introduction gravée dans le marbre, elle peut la reporter et même l’annuler. Dans le cas d’une introduction en bourse « classique », une fois la date fixée, il est difficile d’y mettre un terme.

Une flexibilité qui a aujourd’hui son importance car les marchés financiers sont à la peine. Les indices boursiers américains ont plongé avec les sombres prévisions économiques : le Dow Jones est en recul de 20% depuis le 1er janvier alors que le Nasdaq a chuté de 32% sur la même période. Et les introductions se font très rares après avoir battu des records en 2021. Dans ces conditions, TripActions ira-t-elle jusqu’au bout ?

L’entreprise américano-israélienne (ses deux fondateurs, Ariel Cohen et Ilan Twig sont israéliens, mais vivent dans la Silicon Valley) basée à Palo Alto en Californie a de solides arguments à faire valoir. En lançant début 2020 sa propre solution de paiement baptisée « Liquid », la TMC a initié un modèle unique sur le marché basé sur l’intégration totale du voyage, des dépenses et du paiement.

En accélérant la mise en œuvre de « Liquid » après le début de la pandémie, la TMC a montré sa capacité de réaction face à la crise en s’adaptant très vite aux besoins de numérisation des entreprises et des voyageurs (même si dans le même temps, le licenciement sans ménagement de 300 collaborateurs via Zoom a suscité la polémique et l’indignation aux Etats-Unis). 

Ce faisant, TripActions n’était plus seulement une spécialiste du voyage d’affaires, elle devenait aussi une fintech, une startup qui utilise la technologie pour repenser un service financier. Et ça, les investisseurs adorent. Ils aiment cette aptitude à favoriser de grandes avancées en matière d’usage : « En quelques clics, je réserve, je paie, je gère mes dépenses sans la contrainte du remboursement ». 

Et les clients dans tout ça ? Apprécient-ils autant la proposition de valeur que les investisseurs ? TripActions reste discrète sur ses chiffres et ces derniers sont évidemment invérifiables. En février, après le rachat de la TMC allemande Comtravo, l’entreprise annonçait un volume d’affaires de 6 milliards de US$ pour 7500 clients. 

Depuis, TripActions a mis la main sur la suédoise Resia et le marché du voyage d’affaires s’est redressé. Le cap des 7 milliards de US$ aurait donc été franchi, et même allègrement. Dans une année normale pré-Covid, en 2019, cela aurait déjà placé la TMC au 5e rang mondial, à égalité avec FCM, derrière Amex GBT-Egencia (39 Mds), BCD (28 Mds), CWT (23 Mds) et Corporate Travel Management (8 Mds). Dans une année post-Covid comme 2022, nul doute que l’écart avec les concurrents s’est resserré.

Pour autant que ces chiffres soient confirmés, TripActions semble donc en train de changer de dimension. Une information, passée inaperçue dans la torpeur d’un mois d’août étouffant, en témoigne. La TMC a remporté le budget voyages mondial d’Unilever, l’entreprise anglo-néerlandaise aux 148 000 salariés répartis dans 77 pays. Il y a fort à parier qu’elle soit devenue du même coup le plus grand compte géré par la TMC. Et, comme un double symbole, elle l’a chipé à Amex GBT qui l’avait récupéré dans sa corbeille en 2018 en rachetant HRG qui gérait les déplacements d’Unilever depuis de nombreuses années. Bref, une sacrée prise de guerre. 

Toutefois, dans ce flux de bonnes nouvelles, certaines interrogations demeurent. TripActions est en croissance mais combien coûte cette croissance ? Aucun chiffre n’a été communiqué mais la rentabilité n’est pas pour l’instant la préoccupation d’Ariel Cohen, le co-fondateur et véritable patron de la TMC. Il l’a souvent répété, il veut devenir « l’Amazon du voyage d’affaires », quitte à en imiter fidèlement la trajectoire ? Rappelons que la plateforme de Jeff Bezos avait perdu beaucoup d’argent lors de ses huit premières années avec des ratios parfois vertigineux (un chiffre d’affaires à peine deux fois plus élevé que ses pertes en 2002 !). Mais, compte tenu de la conjoncture, on peut imaginer que TripActions ne prendrait pas le risque d’une introduction si elle perdait beaucoup d’argent, les marchés la sanctionneraient aussitôt. 

TripActions doit par ailleurs encore convaincre un marché réputé conservateur en plus d’être complexe. Changer de TMC, avec tout ce que cela implique, n’est pas toujours chose aisée. D’autant que les TMC historiques ne sont pas restées inactives et investissent, elles aussi, dans la technologie. Et puis les voyageurs continuent de plébisciter le contact physique ou téléphonique en dépit des solutions digitales à leur disposition. Enfin, et c’est une litote, l’Europe (et plus encore le marché français) n’est pas les Etats-Unis. Tenir compte des cultures et des particularismes locaux n’est pas la moindre des difficultés.

En attendant, cette prochaine introduction en bourse va faire des heureux. Son timing indique en effet que les actionnaires actuels en sont clairement à l’initiative. Il est légitime au bout de sept ans (pour les plus anciens d’entre eux) que ces derniers souhaitent être « liquides », c’est-à-dire récupérer leur argent avec une belle plus-value à la clé. 

TripActions vise une valorisation lors de son introduction à 12 milliards de US$ après avoir levé 1,3 milliard de US$ depuis sa création. Par comparaison, en décembre 2021, Amex GBT avait annoncé une valorisation à 5,3 milliards de US$ pour son entrée en bourse. Pourquoi une telle différence alors qu’Amex GBT est assurément plus gros que TripActions et affichait une rentabilité enviable avant le Covid ? Sa croissance rapide ne suffit pas à l’expliquer et c’est là où Ariel Cohen et Ilan Twig sont des malins. En devenant à la fois TMC et fintech, les deux compères vendent au marché financier le volume du voyage avec le multiple de la tech. Là où, ce n’est qu’un exemple, une entreprise du voyage pourrait être valorisée 5 fois son Ebitda (bénéfice d’exploitation), une société de la tech le serait 10 ou 15 fois son Ebitda.

La perspective d’un méga-giga jackpot se rapproche donc pour les investisseurs de la première heure, Oren Zeev, Lightspeed Venture Partners et Dovey Frances Group11 (et sans doute les deux co-fondateurs) qui ont mis des billes en 2015 pour, alors, une valorisation de 10 millions de US$. Sept ans plus tard, avec une valorisation à 12 milliards de US$, ils pourraient ainsi récupérer 1200 fois leur mise ! Des niveaux très rarement vus. Pour les autres capitaux risqueurs, plus récents, cela resterait aussi une excellente (doux euphémisme) opération. A condition bien sûr que l’entreprise ne soit pas surévaluée et ne rate pas, à l’instar d’un Facebook en 2012, son entrée en bourse. 

D’ailleurs, cette dernière se fera-t-elle par une simple cession de titres ou par une augmentation de capital permettant de lever à nouveau de l’argent frais ? Tant que le dossier reste confidentiel, nous n’en saurons rien. Une chose est sûre : c’est une nouvelle vie qui débutera pour la TMC, avec de nouveaux actionnaires, et des résultats financiers qui seront scrutés à la loupe, sous la forte pression des marchés. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Google : un avertissement pour le marché

Le géant de Mountain View a décidé de sabrer dans son budget voyages. Une décision qui en dit long sur la reprise à deux vitesses du voyage d’affaires et sur l’avenir du secteur. 

Inutile de dire que la missive a été diversement appréciée par les cadres de Google. Le site The Information a révélé que ces derniers avaient reçu un courriel début septembre leur demandant de limiter strictement leurs déplacements « aux voyages essentiels ». Le courriel précise que désormais la barre serait placée très haut pour définir comme essentiel un déplacement ! 

En clair, lorsqu’une option virtuelle sera disponible, les voyages et les réunions d’équipes physiques ne seront plus approuvés par la hiérarchie. Rien que ça ! Contactée par The Information, Google ne s’est pas étendu, expliquant avoir adopté « une approche plus responsable de la gestion des dépenses voyages ». 

Quelques semaines plus tôt, en août, le Wall Street Journal annonçait que Microsoft avait expressément demandé à ses salariés de réduire leurs déplacements professionnels et les événements organisés par l’entreprise afin de maîtriser les coûts. 

Il faut bien sûr replacer ces décisions dans un contexte particulier à l’industrie technologique qui « subit ces derniers mois une douloureuse vague de froid » comme le racontait récemment le magazine L’Express. « Les capitalisations boursières des stars du secteur ont dégringolé de façon vertigineuse depuis le début de l’année : -51% pour Meta (ex-Facebook), -49% pour Paypal, -60% pour Netflix… » Inflation, perturbation des chaînes d’approvisionnement, hausse des taux directeurs, investissements aventureux, entreprises survalorisées…, le monde de la tech craint l’éclatement d’une nouvelle bulle internet et met ses représentants les plus emblématiques au régime sec.

Cité par le site Skift, Steve Reynolds, le Pdg de Tripbam, une plateforme d’audit des voyages d’affaires, soutient depuis longtemps que les entreprises de la tech ont été beaucoup plus prudentes que les autres lors de la reprise du voyage d’affaires. « En juin dernier par exemple, les volumes ne représentaient que 50% des niveaux prépandémiques alors que la plupart des autres secteurs avaient atteint 80% », détaille-t-il. 

En réalité, toutes les grandes entreprises sont sur la réserve. Le magazine Forbes a ainsi repris les propos du directeur commercial de Southwest Airlines qui disait fin juillet : « La reprise concerne surtout les PME et l’administration. Nos plus grandes entreprises sont à la traîne, en particulier les banques, les sociétés de conseil et les entreprises technologiques. Avant le Covid, elles faisaient partie de nos meilleurs voyageurs, elles sont aujourd’hui au bas de l’échelle ». 

En France, la SNCF faisait il y a quelques jours une nouvelle fois le même constat dans Les Echos : il lui manque encore 10 à 15% de sa base de clientèle affaires d’avant-Covid. Ce sont les voyageurs des grandes entreprises qui font défaut, ceux des PME sont revenus à leur niveau de 2019. 

Les grandes entreprises reprendront-elles un jour le chemin des voyages ? Google et Microsoft viennent de répondre à la question. Aux dernières Universités d’AirPlus, le Crédit Agricole a dit très clairement que le nombre de ses déplacements professionnels allait baisser en raison des objectifs de réduction des émissions de CO2. Ces décisions sont loin d’être isolées et on pourrait en citer bien d’autres. Les professionnels du voyage d’affaires devraient y réfléchir et ne pas se laisser aveugler par les volumes actuels de vente, gonflés par l’inflation. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Meetings et voyages : un combo anti-inflation 

Les arguments en faveur du regroupement dans l’entreprise sous la même bannière des réunions et des voyages d’affaires se sont renforcés avec le Covid. Et encore plus avec la flambée des prix. 

L’idée n’est pas neuve. Depuis longtemps, on connait bien les avantages de l’intégration des voyages d’affaires et des réunions, rappelle le site The Company Dime : elle se caractérise par un effet de levier potentiel auprès des fournisseurs en combinant le volume, la gestion centralisée des contrats, et des gains d’efficacité grâce à des outils communs de sourcing, de réservation et de reporting. 

Selon l’excellent journaliste David Jonas, la formule a retrouvé auprès des entreprises une seconde jeunesse avec le Covid. Leurs motivations ? Atténuer les risques financiers et humains, tenir compte des réalités du travail au quotidien, et s’adapter aux limites floues entre le travail à distance, le déplacement professionnel et les réunions d’équipes. 

Kewin Iwamoto, directeur de clientèle de Bizly (une plateforme de gestion des réunions), confirme : «Avec la pandémie, de nombreuses entreprises ont réduit leur personnel ou ont vu beaucoup de salariés démissionner. Elles ne rétabliront pas forcément les effectifs, et donc avec moins de ressources, elles n’ont plus le luxe de traiter le voyage d’affaires et les réunions de manière indépendante ».

Cindy Fisher, consultante, explique aussi : « La pandémie a été un signal pour de nombreuses entreprises qui ne disposaient pas d’un programme de réunions formalisé. Les contrats étaient dispersés dans les services et l’exposition financière devenait trop importante. Cela a attiré l’attention des directions des achats qui ont décidé d’atténuer le risque en y mettant de l’ordre ». 

Mieux intégrer les processus de devoir de diligence (duty of care), gagner en efficacité dans la collecte de données, dans les relations avec les fournisseurs, dans la réservation, le paiement, la gestion des dépenses… : autant d’arguments qui plaident en faveur de la convergence. Sans compter le développement durable, domaine dans lequel les voyages et les réunions peuvent se recouper dans des stratégies communes d’atténuation et de réduction des émissions de CO2. 

Les magasins Gap viennent ainsi de réaliser la fusion de la gestion des voyages internationaux avec les événements internationaux. Julie Lindsey, sa responsable, raconte : « L’outil de réservation en ligne gère désormais à la fois les voyages et les événements, et cela a permis de réaliser des économies assez importantes grâce au volume des déplacements ».  

Concernant le budget hôtels, la démarche fut identique. Julie Lindsey rapporte qu’un établissement a refusé de faire une offre globale car il ne souhaitait pas intégrer les déplacements individuels afin de préserver son inventaire pour les nombreux événements qui avaient lieu chaque année dans la ville. Julie Lindsey a tenu bon et ce n’est qu’après avoir réalisé qu’il ne recevrait pas d’appel d’offres pour les groupes que l’hôtelier a cédé. 

La travel manager de Gap regrette en revanche que les fournisseurs soient encore organisés en silo, avec d’un côté les équipes voyage d’affaires et de l’autre les équipes groupes. Une séparation qui l’oblige à passer un peu de temps afin de s’assurer que toutes les bonnes personnes soient présentes lors des négociations. Mais dans l’ensemble, Julie Lindsey trouve l’expérience très concluante. Un exemple à méditer et à imiter ?

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Le voyageur d’affaires sur la route de l’efficience

Le collaborateur en déplacement professionnel, comportement et attentes dans le monde post covid

Découvrez les tendances du voyage d’affaires en 2022 !

Quelles sont les attentes et les aspirations des collaborateurs voyageurs ?

Comment cette crise a permis de transformer l’organisation des entreprises ?

Quels changements se sont opérés dans l’univers du voyage d’affaires ? Et comment peut-il se réinventer ?

Quels sont les impacts de cette transformation et vers quoi tendons-nous dans les années à venir ?

Conçu par une équipe d’experts en mobility management, ce livre blanc s’appuie sur une étude Notilus menée auprès de personnes engagées sur ces questions.

Parmi les thématiques abordées dans ce livre blanc :

  • Sécurité
  • Télétravail
  • Démarche RSE
  • Relation fournisseurs
  • Digitalisation
  • Gestion des risques
  • Qualité de vie au travail

La surcharge SAF d’Air France fait débat

La nouvelle surcharge « carburant durable » de la compagnie française est-elle un investissement vert essentiel ou une énième taxe d’un transport aérien déjà surtaxé ? Les acheteurs sont perplexes.

Une surprise de taille. Le 10 janvier dernier, le groupe Air France-KLM prenait tout le monde de court en annonçant « un nouveau supplément tarifaire destiné à financer les carburants verts » (les fameux SAF pour sustainable aviation fuel), comme le racontent Les Echos. Le montant ? De 1 à 4 euros en classe économique et de 1,50 à 12 euros en classe affaires selon la distance. Une mesure qui s’applique à Air France, à KLM et à Transavia. 

La compagnie française est à ce jour la seule au monde à avoir pris une telle décision. Et pour cause. La France, qui se veut très en pointe sur le sujet, a instauré l’obligation d’intégrer au moins 1% de carburant durable dans le kérosène depuis le 1er janvier 2022. A partir de 2025, c’est un règlement européen qui prendra le relai avec des mandats d’incorporation progressifs : 2% en 2025, puis 6% en 2030, 32% en 2040 et 63% en 2050. Pour Air France et Transavia, le montant du surcoût lié à l’intégration de 1% de biocarburants en 2022 sera de plus de 30 millions d’euros, a priori intégralement compensés par cette nouvelle surcharge.

Devant ce nouveau coût fournisseur, le media Business Travel News explique que « la communauté des acheteurs n’est pas convaincue ». Le journaliste a interrogé Kerry Douglas, l’un des responsables de l’Institute of Travel Management (sorte d’équivalent britannique de l’AFTM), qui affirme que les «membres acheteurs de l’association ont plusieurs doutes.» 

Selon lui, « ils se demandent qui recevra le crédit carbone pour le carburant, d’autant plus que tous les vols n’ont pas de SAF à bord. La perception générale pourrait être que la surcharge SAF est une augmentation de prix sous un autre nom. » Un travel manager, qui a souhaité garder l’anonymat, renchérit : « Ce n’est pas transparent et la méthodologie qu’ils utilisent n’est pas claire. »

Kerry Douglas poursuit : « En outre, les acheteurs professionnels pourraient avoir l’impression de payer deux fois, s’ils ont leurs propres engagements en matière d’investissements dans les SAF. » 

Jörg Martin, un consultant allemand, ancien travel manager, est lui aussi très sceptique : « C’est aux compagnies aériennes qu’il incombe de mettre en place les SAF et elles ne devraient pas transférer la responsabilité au client. Si c’est une initiative que les clients veulent soutenir, c’est très bien, mais elle doit être convenue mutuellement et non imposée unilatéralement. »

BTN relaie les propos d’un cadre d’une TMC qui a requis également l’anonymat et qui partage cet avis : «Vous pourriez avancer le même argument pour imposer une surcharge lors de l’introduction de nouveaux avions parce qu’ils sont plus respectueux de l’environnement.» 

Les acheteurs de l’IMT ont néanmoins un point de vue plus nuancé qu’il n’y paraît, explique le journaliste. « S’ils approuvent la grande orientation stratégique d’Air France, c’est la tactique spécifique de la surcharge qu’ils contestent. » Kerry Douglas en convient : « Il ne fait aucun doute qu’il y a un coût associé à la mise en place d’une industrie plus responsable (…) mais ce que les acheteurs ne veulent pas voir, c’est que l’industrie utilise la durabilité pour faire payer ou augmenter les coûts dans une tentative de récupérer les pertes de revenus dues à la pandémie. » 

Rappelons à toutes fins utiles que les carburants durables représentaient moins de 0,1% des 360 milliards de litres de carburant utilisés par le transport aérien en 2019… Le chemin est long, très long…

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

La surcharge SAF d’Air France fait débat

La nouvelle surcharge « carburant durable » de la compagnie française est-elle un investissement vert essentiel ou une énième taxe d’un transport aérien déjà surtaxé ? Les acheteurs sont perplexes.

Une surprise de taille. Le 10 janvier dernier, le groupe Air France-KLM prenait tout le monde de court en annonçant « un nouveau supplément tarifaire destiné à financer les carburants verts » (les fameux SAF pour sustainable aviation fuel), comme le racontent Les Echos. Le montant ? De 1 à 4 euros en classe économique et de 1,50 à 12 euros en classe affaires selon la distance. Une mesure qui s’applique à Air France, à KLM et à Transavia. 

La compagnie française est à ce jour la seule au monde à avoir pris une telle décision. Et pour cause. La France, qui se veut très en pointe sur le sujet, a instauré l’obligation d’intégrer au moins 1% de carburant durable dans le kérosène depuis le 1er janvier 2022. A partir de 2025, c’est un règlement européen qui prendra le relai avec des mandats d’incorporation progressifs : 2% en 2025, puis 6% en 2030, 32% en 2040 et 63% en 2050. Pour Air France et Transavia, le montant du surcoût lié à l’intégration de 1% de biocarburants en 2022 sera de plus de 30 millions d’euros, a priori intégralement compensés par cette nouvelle surcharge.

Devant ce nouveau coût fournisseur, le media Business Travel News explique que « la communauté des acheteurs n’est pas convaincue ». Le journaliste a interrogé Kerry Douglas, l’un des responsables de l’Institute of Travel Management (sorte d’équivalent britannique de l’AFTM), qui affirme que les «membres acheteurs de l’association ont plusieurs doutes.» 

Selon lui, « ils se demandent qui recevra le crédit carbone pour le carburant, d’autant plus que tous les vols n’ont pas de SAF à bord. La perception générale pourrait être que la surcharge SAF est une augmentation de prix sous un autre nom. » Un travel manager, qui a souhaité garder l’anonymat, renchérit : « Ce n’est pas transparent et la méthodologie qu’ils utilisent n’est pas claire. »

Kerry Douglas poursuit : « En outre, les acheteurs professionnels pourraient avoir l’impression de payer deux fois, s’ils ont leurs propres engagements en matière d’investissements dans les SAF. » 

Jörg Martin, un consultant allemand, ancien travel manager, est lui aussi très sceptique : « C’est aux compagnies aériennes qu’il incombe de mettre en place les SAF et elles ne devraient pas transférer la responsabilité au client. Si c’est une initiative que les clients veulent soutenir, c’est très bien, mais elle doit être convenue mutuellement et non imposée unilatéralement. »

BTN relaie les propos d’un cadre d’une TMC qui a requis également l’anonymat et qui partage cet avis : «Vous pourriez avancer le même argument pour imposer une surcharge lors de l’introduction de nouveaux avions parce qu’ils sont plus respectueux de l’environnement.» 

Les acheteurs de l’IMT ont néanmoins un point de vue plus nuancé qu’il n’y paraît, explique le journaliste. « S’ils approuvent la grande orientation stratégique d’Air France, c’est la tactique spécifique de la surcharge qu’ils contestent. » Kerry Douglas en convient : « Il ne fait aucun doute qu’il y a un coût associé à la mise en place d’une industrie plus responsable (…) mais ce que les acheteurs ne veulent pas voir, c’est que l’industrie utilise la durabilité pour faire payer ou augmenter les coûts dans une tentative de récupérer les pertes de revenus dues à la pandémie. » 

Rappelons à toutes fins utiles que les carburants durables représentaient moins de 0,1% des 360 milliards de litres de carburant utilisés par le transport aérien en 2019… Le chemin est long, très long…

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

SNCF : le coup de pouce à Trenitalia

En faisant grève pour les vacances de Noël, les syndicats de la SNCF font une publicité inespérée pour le concurrent Trenitalia.

« A nous de vous faire préférer Trenitalia » semblent dire les syndicats de la SNCF qui ont déposé un préavis de grève pour le premier week-end des vacances de Noël sur l’axe sud-est notamment. Une grève qui tombe en effet au moment même où l’opérateur italien inaugure samedi 18 décembre sa ligne Paris-Lyon-Milan en passant par Chambéry et Modane ! Inutile aussi de préciser que le Paris-Lyon est la ligne à grande vitesse la plus fréquentée et la plus rentable, avec 55 millions de voyageurs en 2019 dont 30% de lucratifs voyageurs d’affaires.

Le journal La Tribune rapporte les propos du Pdg de la SNCF, qu’il a tenu au Club de l’économie du Monde mardi 14 décembre. Ne comprenant pas ce mouvement de grève, il a lancé : « Pour moi, l’année 2022 sera l’année de la qualité de service au client ferroviaire. » C’est mal parti.

Et ce n’est pas la meilleure façon de séduire les entreprises, l’argument écologique risquant de se fragiliser devant le manque de fiabilité récurrent de la SNCF lié aux mouvement sociaux. A ce compte-là, l’avion a encore de beaux jours devant lui, d’autant que Les Echos nous apprennent hier que la règle française qui interdit l’avion sur les liaisons intérieures desservies par le train en moins de 2h30 est remise en cause par Bruxelles ! 

Le quotidien économique explique : « (…) Pour être légale, une telle mesure doit être compatible avec les principes de proportionnalité et d’efficacité. Or les quatre lignes aériennes françaises concernées par cette interdiction – Bordeaux/Orly, Lyon/Orly, Nantes/Orly et Marseille/Lyon -, ne représentent que 55.000 tonnes de CO2 par an, soit 0,23 % des émissions du transport aérien en France, 0,04 % de celles du secteur des transports et 0,02 % des émissions totales de la France. Pas de quoi régler le problème du changement climatique. D’autant qu’Air France compense l’intégralité des émissions de CO2 de ses vols intérieurs. »

Ce mouvement social tombe au plus mauvais moment pour la SNCF qui a perdu 3 milliards d’euros en 2020 après 800 millions en 2019 à cause des grèves liées à la réforme des retraites. Heureusement, la compagnie ferroviaire a reçu 4,7 milliards d’euros de l’Etat dans le cadre du plan de relance. Un ancien magistrat de la Cour des Comptes avait calculé que la SNCF coûtait chaque année à chacun des 16,6 millions de foyers fiscaux imposables la bagatelle de 900 euros. Cela ne va pas s’arranger. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

CWT : la recapitalisation validée

Comme attendu et tel que nous l’avions expliqué dans un précédent article, la justice américaine a approuvé vendredi le plan de recapitalisation présenté par CWT.

Moins de 24 heures sous Chapter 11 : on ne doit pas être loin d’un record ! Après y être entrée officiellement le 11 novembre (et non le 7 novembre comme il était prévu), CWT en est ressortie le 12 à 14h30 heure locale à l’issue d’une audience de quelques heures. 

Le juge du tribunal des faillites du district sud du Texas, l’expérimenté Marvin Isgur, a ainsi justifié sa célérité dans des propos rapportés par The Company Dime : « C’était nécessaire d’aller vite étant donné la dimension internationale de l’entreprise et de l’industrie dans laquelle évolue CWT. La probabilité d’un préjudice important pour l’entreprise était élevée si nous n’agissions pas rapidement. »

Joint au téléphone, Stéphane Birochau, vice-président, head of customer management EMEA de CWT, ne cache pas sa satisfaction : « On n’avait pas trop de doutes sur le verdict car on arrivait avec un dossier solide, plus de 90% des créanciers étaient en phase avec l’accord. » 

Aux termes de cette restructuration financière, CWT efface la moitié de sa dette de 1,5 milliard de US$ grâce à l’émission de nouvelles actions et se voit dotée de 350 millions de US$ de capitaux propres supplémentaires. Un énorme ballon d’oxygène pour la TMC qui avait connu, selon les documents déposés auprès du tribunal, une chute brutale de ses revenus, à cause du Covid, de 57% entre février et mars 2020 et de 66% sur l’année complète par rapport à 2019.

Rassurée, la TMC a, dès la fin de l’audience, annoncé un investissement technologique de 100 millions de US$ dans sa plateforme de gestion des voyages myCWT. Une communication sans doute aussi destinée à montrer au marché qu’elle regardait désormais de l’avant. 

La suite de la procédure ? Elle devrait s’achever administrativement vendredi prochain 19 novembre selon l’avocate Alexandra Schwarzman, associée au cabinet Kirkland & Ellis qui a accompagné CWT dans cet accord. Ce n’est qu’à cette date qu’on connaîtra la nouvelle composition de l’actionnariat de la TMC. Une chose est sûre : la famille Carlson deviendra minoritaire, mais il n’y aura vraisemblablement pas d’actionnaire majoritaire, plutôt un pool mené par Barings et MacKay Shields, deux sociétés de gestion de portefeuilles.

Reste maintenant à espérer que la reprise, comme pour l’ensemble des TMC, soit au rendez-vous. Les documents déposés au tribunal du Texas, consultés par The Company Dime, montrent une certaine prudence des prévisions d’activité de CWT. Après avoir réalisé un volume d’affaires de 23,1 milliards de US$ en 2019, elle s’attend à 9,3 milliards en 2022, 13,3 milliards en 2023 et 16 milliards en 2024 (soit 70% du volume de 2019). Elle prévoit par ailleurs un EBITDA (bénéfice d’exploitation) qui redevient positif en 2023, à 122 millions, puis 253 millions en 2024. 

Les informations communiquées par CWT au tribunal décrivent aussi les facteurs de risque de son activité, qui peuvent s’appliquer à l’ensemble des TMC. Sont principalement cités « le marché très concurrentiel des agences de voyages d’affaires » ainsi que les « risques liés aux revenus des fournisseurs et des GDS. » Le document fait ainsi une allusion explicite à NDC : « Les agences doivent faire face aux efforts constants des fournisseurs pour réduire les commissions d’une part, ou pour compliquer la distribution basée sur les GDS d’autre part, par le biais de surcharges, de retrait de contenu et d’incitations des voyageurs à réserver en direct. » 

Quoiqu’il en soit, en France, l’optimisme est de mise. Stéphane Birochau révèle ainsi que « le marché français est, avec son homologue danois, celui où la reprise est la plus dynamique, avec des niveaux équivalents à 60 à 65% de ceux de 2019 ». Pas suffisant pour remettre tous les salariés de la TMC à temps plein (60% d’entre eux seraient encore à temps partiel), mais c’est un bon début !

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Voyage d’affaires : un déclin inexorable ?

Voyage d’affaires : un déclin inexorable ?
C’est la thèse soutenue par Scott Gillespie. On est d’accord ou pas, mais l’analyse est passionnante.
Scott Gillespie a encore frappé ! Ici, à L’Oeil de l’AFTM, vous l’aurez compris, on n’est pas très impartial concernant l’un des observateurs les plus originaux de ce secteur. La pertinence de ses analyses méritent souvent le détour. Et la dernière, publiée dans l’incontournable Business Travel News, n’échappe pas à la règle (Lire ici).
Son postulat : les voyages d’affaires ont atteint un pic et ne reviendront jamais à leur niveau d’avant-crise. Télétravail, visioconférences et impact sur le climat sont les trois raisons majeures qui expliquent ce déclin inexorable. Trois raisons dont il souligne « la synergie », d’autant plus durables « qu’elles se renforcent mutuellement. »
Mais selon lui, la quatrième raison, la plus forte, est celle du directeur financier qui, avant approbation désormais obligatoire, demandera : « Pourquoi ne pouvez-vous pas faire ces réunions virtuellement ? Il n’y a pas de frais de déplacement, pas de temps perdu et pas d’émissions de carbone, n’est-ce pas ? » Et d’en déduire que « beaucoup de voyages d’affaires ne franchiront pas ce dernier obstacle. »
Ceci posé, Scott Gillespie dresse un tableau des conséquences de ce déclin sur le voyage d’affaires post-Covid. Nous en avons retenu quelques-unes :

  • Moins de fournisseurs et moins de travel managers.
  • La catégorie des voyages perd de son importance, elle est noyée dans d’autres dépenses indirectes.
  • Moins de voyages et moins de voyageurs, mais ceux qui voyageront seront considérés comme « importants », tout comme leurs voyages.
  • Moins d’attention sur les prix des voyages et les économies de coûts. Plus le voyage est important, moins on s’inquiète du prix (conséquence : les compagnies aériennes augmentent les prix pour les voyageurs d’affaires). Les économies négociées sont considérées comme insignifiantes face aux « économies énormes » réalisées en faisant moins de voyages (rappelons ici qu’Amazon a fait un milliard de US$ d’économies sur ses frais de déplacements en 2020 grâce au Covid !!!). Les acheteurs délaissent le prix pour évaluer les qualités des produits, des services et des relations avec les fournisseurs.
  • Davantage d’externalisation vers les TMC, la baisse drastique des budgets voyages rendant cette option plus séduisante pour les directions des entreprises.

Et Scott Gillespie de conclure : « Nous entrons dans un nouveau paradigme, fondé sur la remise en cause de la nécessité des voyages. Il s’agit désormais beaucoup moins d’amener les gens à des réunions que de valoriser la réunion et la rencontre physique elles-mêmes. Notre industrie doit s’approprier ce changement. » Voilà qui a le mérite d’alimenter le débat sur le monde d’après, une expression facile j’en conviens mais sans doute pas galvaudée quand il s’agit du voyage d’affaires.
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Transport aérien : coupable ou bouc émissaire ?

Transport aérien : coupable ou bouc émissaire ?
Au Paris Air Forum, événement majeur organisé par le journal La Tribune, la réduction de l’empreinte carbone du transport aérien était au centre des débats.
Injuste : tel est le sentiment partagé par les nombreux acteurs du secteur invités par La Tribune à l’évocation des critiques qui se font de plus en plus fortes à leur égard. Mais, dit le journal (Lire ici), « l’industrie aéronautique joue son avenir sur la transition énergétique. »
Biocarburants, hydrogène vert, réduction de consommation de fuel, compensation… : toutes les solutions ont été débattues pendant ces 4 jours de conférences et tables rondes. L’objectif : diviser par deux les émissions de carbone du transport aérien en 2050 par référence à 2005.
Mais tout cela va coûter cher, extrêmement cher et les économies de carburants ne suffiront pas à compenser. Ben Smith, le patron d’Air France, a repoussé l’idée qu’un prix plancher soit imposé sur les billets afin de limiter les activités des compagnies low cost. Il semble néanmoins inéluctable que les passagers devront payer une partie de la note.
Le débat entre Karima Delli, député européenne écologiste et l’aéronaute suisse Bertrand Piccard, a donné lieu à quelques passes d’armes intéressantes malgré l’avion-bashing trop caricatural de la première. Les deux intervenants se sont néanmoins accordés sur une nécessaire mise en place de normes plus contraignantes. Pour Bertrand Piccard, « la réglementation est trop laxiste, chaque passager doit compenser sa pollution. »
En revanche, les positions se sont éloignées quand il s’est agi pour Karima Delli de pointer le côté élitiste du transport aérien : « 40 % des Français n’ont jamais pris l’avion, seuls 15 % sont des voyageurs réguliers. »
Des chiffres qui font écho à un article paru le 17 novembre dans le Guardian (Lire ici). Relayant une étude menée par un chercheur suédois, le célèbre journal britannique affirme « qu’1% de la population mondiale a causé la moitié des émissions carbone du transport aérien en 2018. Ces « super-émetteurs » parcourent environ 56 000 km par an, ce qui équivaut à trois vols long-courriers par an, un vol court-courrier par mois ou une combinaison des deux. » De la critique du transport aérien à celle du voyage d’affaires, il n’y a qu’un pas… qui sera, n’en doutons pas, rapidement franchi.
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM