Navan, le voyageur, rien que le voyageur ?

TripActions s’appelle désormais Navan, une marque grand public destinée à accélérer le développement de la TMC avec le soutien du voyageur. Au détriment du travel manager ?

L’argument est un peu déroutant. Souhaitant justifier le changement de nom de TripActions et son accès dorénavant ouvert à tous les voyageurs et non plus aux seuls employés des entreprises déjà clientes, Zahir Abdelouhab, responsable de la société en France, explique dans deplacementpros.com : « L’idée est que si on a 100 personnes travaillant pour une même entreprise qui utilisent notre service à titre personnel, on puisse aller voir cette entreprise pour le lui signaler ».

Difficile pourtant d’imaginer un voyageur d’affaires lambda, qui n’a jamais utilisé Navan, se rendre sur la plateforme pour réserver ses vacances plutôt que de s’adresser aux Expedia, Booking et autres mega-agences en ligne qui ont l’antériorité, le savoir-faire et la légitimité sur le créneau des loisirs. 

La vérité est sans doute ailleurs. En adoptant une marque grand public et en s’ouvrant à tous (il suffira juste de donner une adresse courriel professionnelle lors de l’inscription), Navan veut en réalité appliquer une recette qui a parfois fait ses preuves dans le monde des solutions BtoB et qui a été expérimentée avec un certain succès par une entreprise comme Expensify. Depuis sa création en 2008, ce spécialiste américain de la gestion de note de frais aurait accueilli plus de 10 millions de membres, traité et automatisé plus de 1,1 milliard de transactions de dépenses sur sa plateforme.

L’idée est de s’adresser directement aux collaborateurs de l’entreprise, et plus seulement aux décideurs. Aux Etats-Unis, cette stratégie est appelée « modèle économique ascendant » (bottom-up business model). Après s’être inscrits gratuitement pour effectuer leur note de frais et avoir constaté les avantages qu’ils en retirent, les salariés défendent la plateforme Expensify en interne et peuvent convaincre les décideurs de l’adopter à l’échelle de l’entreprise. En résumé, un bon vieux marketing du bouche-à-oreille qui s’appuie sur les nouvelles techniques de viralité, numériques principalement. 

Navan veut faire comme Expensify, viser désormais un large public, les voyageurs d’affaires, et plus uniquement les travel managers et les acheteurs. Le terrain de jeu idéal ? Les PME évidemment. Une très large majorité d’entre elles ne gèrent pas leurs voyages via une TMC et n’ont pas les ressources internes pour le faire. Amex GBT estimait avant le Covid ce marché mondial « non géré » à 675 milliards de $ contre 270 milliards pour le marché traité par les TMC. Une manne énorme. 

Pour séduire ce large public, Navan souhaite donc s’appuyer sur un nouveau nom, plus « mainstream » comme disent les Américains, en capitalisant sur son point fort : l’expérience utilisateur, qu’elle aspire à améliorer en fusionnant toutes ses solutions en une seule super application. Car même ses contempteurs les plus sévères le concèdent, son outil est bon, voire très bon. Dans un article écrit au vitriol paru dans The Company Dime, le journaliste Jay Campbell donne la parole à des acheteurs et des travel managers très critiques envers l’ex-TripActions. Mais l’un d’entre eux reconnait : « leur outil est vraiment agréable à utiliser (…). Pour 90% de mes réservations qui ne nécessitent pas d’assistance humaine, c’est génial ». Pour un autre acheteur, « il est sans aucun doute meilleur que tous les autres outils existants ».

L’inscription gratuite de tout voyageur, même si son entreprise n’est pas cliente de Navan, risque toutefois de compliquer la vie de certains travel managers. En effet, un collaborateur d’une société dont le budget voyages est géré par n’importe quelle autre TMC que Navan pourra donc s’inscrire sur la plateforme et réserver des prestations hors politique voyages. Cela ne se fera pas sans poser des problèmes de remboursement au voyageur et, surtout, les grandes entreprises ne pourront pas accepter bien longtemps un process parallèle de notes de frais sans respect de la politique voyages. Mais c’est aussi, pour Navan, une façon de passer outre les travel managers et leur forcer la main. Et comme me le disait un patron de TMC, non sans ironie : « Navan va draguer des voyageurs qui sont obligés de passer par une autre TMC pour qu’ils essaient de pousser la plateforme à la place de leur dinosaure ».

Plus généralement, cette nouvelle orientation stratégique en direction du voyageur révèle une forme de défiance de Navan à l’égard des travel managers et des comptes « gérés ». La société californienne ne s’en cache même pas dans le communiqué qu’elle a envoyé pour annoncer son nouveau nom. Dès les premières lignes, elle explique que « la grande majorité des sociétés obligent aujourd’hui leurs équipes à utiliser des outils qui génèrent de la frustration, les poussant à trouver des alternatives ou à bouder les solutions mises à leur disposition ». Contacté, un travel manager qui a souhaité garder l’anonymat, s’étonne : « En clair, Navan s’adresse aux entreprises, ses clients potentiels, en leur disant qu’elles n’ont rien compris aux besoins internes de leurs employés ».

Navan pêcherait-elle un peu par arrogance ? C’est ce que lui reprochent les acheteurs interrogés par The Company Dime. L’un d’entre eux témoigne : « On a souvent l’impression de ne pas être considéré comme un client et quand on essaie d’expliquer les choses, on est traité de ringard ». Un autre acheteur confirme : « Ils ne nous écoutent pas, ils pensent que le rôle d’un travel manager est celui d’un assistant de direction ». 

Navan a les défauts de ses qualités : elle est avant tout une entreprise de tech, et même de fintech, et se pense comme telle, avant d’être une TMC. D’ailleurs, rares sont ses employés qui ont déjà travaillé dans une TMC. D’où un certain hiatus sur la notion même de service que peut rendre la TMC. Un client de Navan, toujours dans The Company Dime, affirme : « C’est le 1% de nos réservations qui nécessitent l’aide d’un agent de voyages qui nous rend fou ». Un autre acheteur ajoute : « Si Navan résolvait ces problèmes de service, elle pourrait être une très bonne plateforme ». 

Dans une excellente interview d’Ariel Cohen, le co-fondateur de Navan, Elizabeth West, la rédactrice en chef de Business Travel News, pointe aussi du doigt cette faiblesse des fonctions supports et le manque d’expertise interne sur le voyage d’affaires. Ariel Cohen répond par une pirouette, difficilement vérifiable : « Nous avons 9000 clients, et nous en ajoutons 300 par mois, (…) partent-ils ou restent-ils ? La majorité d’entre eux restent avec nous pendant des années ». 

Une chose est sûre : avec ce nouveau nom et cet accès ouvert à tous, Navan écrit un nouvel épisode de la bataille des PME que nous avions pressentie et décrite en décembre 2021 dans l’Oeil de l’AFTM. Comme un fait exprès, American Express GBT vient d’annoncer qu’elle se réorganise autour de deux axes, les grands comptes et comptes multinationaux d’une part, les PME d’autre part. Amex GBT dont Ariel Cohen annonce la mort prochaine, à l’instar de Concur, dans ce podcast spécialisé sur le capital risque paru le 8 février dernier (écouter à partir de la 29e mn). Vous avez dit arrogant ? Pensez donc !

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

TripActions : méga jackpot en perspective

La prochaine introduction en bourse de la TMC va rapporter gros, voire très gros, à ses investisseurs historiques. Une étape capitale dans la vie de la jeune TMC créée en 2015.

TripActions saute le pas. Déjà dans les tuyaux à plusieurs reprises par le passé, l’introduction en bourse de la TMC devrait intervenir au cours du deuxième trimestre 2023. Le site américain Business Insider a en effet révélé le 29 septembre, confirmant ainsi une indiscrétion de Bloomberg début août, que TripActions avait déposé une demande confidentielle d’introduction en bourse auprès de la SEC, l’autorité américaine des marchés financiers.

Pourquoi confidentielle ? Cette procédure, autorisée par le gendarme américain de la bourse et utilisée en leur temps par Twitter ou Airbnb, permet à une entreprise de ne dévoiler ses informations financières et sa stratégie que 15 jours avant le début de son « roadshow » (la tournée de présentation aux investisseurs qui précède l’entrée en bourse) ou 15 jours avant la date présumée à laquelle la SEC doit donner son autorisation à entrer en Bourse. 

En clair, l’entreprise peut garder des informations sensibles et secrètes pendant une période plus longue, contraignant ses concurrents à patienter avant d’obtenir des détails précieux sur son activité. Mais surtout elle n’est pas obligée de fixer une date d’introduction gravée dans le marbre, elle peut la reporter et même l’annuler. Dans le cas d’une introduction en bourse « classique », une fois la date fixée, il est difficile d’y mettre un terme.

Une flexibilité qui a aujourd’hui son importance car les marchés financiers sont à la peine. Les indices boursiers américains ont plongé avec les sombres prévisions économiques : le Dow Jones est en recul de 20% depuis le 1er janvier alors que le Nasdaq a chuté de 32% sur la même période. Et les introductions se font très rares après avoir battu des records en 2021. Dans ces conditions, TripActions ira-t-elle jusqu’au bout ?

L’entreprise américano-israélienne (ses deux fondateurs, Ariel Cohen et Ilan Twig sont israéliens, mais vivent dans la Silicon Valley) basée à Palo Alto en Californie a de solides arguments à faire valoir. En lançant début 2020 sa propre solution de paiement baptisée « Liquid », la TMC a initié un modèle unique sur le marché basé sur l’intégration totale du voyage, des dépenses et du paiement.

En accélérant la mise en œuvre de « Liquid » après le début de la pandémie, la TMC a montré sa capacité de réaction face à la crise en s’adaptant très vite aux besoins de numérisation des entreprises et des voyageurs (même si dans le même temps, le licenciement sans ménagement de 300 collaborateurs via Zoom a suscité la polémique et l’indignation aux Etats-Unis). 

Ce faisant, TripActions n’était plus seulement une spécialiste du voyage d’affaires, elle devenait aussi une fintech, une startup qui utilise la technologie pour repenser un service financier. Et ça, les investisseurs adorent. Ils aiment cette aptitude à favoriser de grandes avancées en matière d’usage : « En quelques clics, je réserve, je paie, je gère mes dépenses sans la contrainte du remboursement ». 

Et les clients dans tout ça ? Apprécient-ils autant la proposition de valeur que les investisseurs ? TripActions reste discrète sur ses chiffres et ces derniers sont évidemment invérifiables. En février, après le rachat de la TMC allemande Comtravo, l’entreprise annonçait un volume d’affaires de 6 milliards de US$ pour 7500 clients. 

Depuis, TripActions a mis la main sur la suédoise Resia et le marché du voyage d’affaires s’est redressé. Le cap des 7 milliards de US$ aurait donc été franchi, et même allègrement. Dans une année normale pré-Covid, en 2019, cela aurait déjà placé la TMC au 5e rang mondial, à égalité avec FCM, derrière Amex GBT-Egencia (39 Mds), BCD (28 Mds), CWT (23 Mds) et Corporate Travel Management (8 Mds). Dans une année post-Covid comme 2022, nul doute que l’écart avec les concurrents s’est resserré.

Pour autant que ces chiffres soient confirmés, TripActions semble donc en train de changer de dimension. Une information, passée inaperçue dans la torpeur d’un mois d’août étouffant, en témoigne. La TMC a remporté le budget voyages mondial d’Unilever, l’entreprise anglo-néerlandaise aux 148 000 salariés répartis dans 77 pays. Il y a fort à parier qu’elle soit devenue du même coup le plus grand compte géré par la TMC. Et, comme un double symbole, elle l’a chipé à Amex GBT qui l’avait récupéré dans sa corbeille en 2018 en rachetant HRG qui gérait les déplacements d’Unilever depuis de nombreuses années. Bref, une sacrée prise de guerre. 

Toutefois, dans ce flux de bonnes nouvelles, certaines interrogations demeurent. TripActions est en croissance mais combien coûte cette croissance ? Aucun chiffre n’a été communiqué mais la rentabilité n’est pas pour l’instant la préoccupation d’Ariel Cohen, le co-fondateur et véritable patron de la TMC. Il l’a souvent répété, il veut devenir « l’Amazon du voyage d’affaires », quitte à en imiter fidèlement la trajectoire ? Rappelons que la plateforme de Jeff Bezos avait perdu beaucoup d’argent lors de ses huit premières années avec des ratios parfois vertigineux (un chiffre d’affaires à peine deux fois plus élevé que ses pertes en 2002 !). Mais, compte tenu de la conjoncture, on peut imaginer que TripActions ne prendrait pas le risque d’une introduction si elle perdait beaucoup d’argent, les marchés la sanctionneraient aussitôt. 

TripActions doit par ailleurs encore convaincre un marché réputé conservateur en plus d’être complexe. Changer de TMC, avec tout ce que cela implique, n’est pas toujours chose aisée. D’autant que les TMC historiques ne sont pas restées inactives et investissent, elles aussi, dans la technologie. Et puis les voyageurs continuent de plébisciter le contact physique ou téléphonique en dépit des solutions digitales à leur disposition. Enfin, et c’est une litote, l’Europe (et plus encore le marché français) n’est pas les Etats-Unis. Tenir compte des cultures et des particularismes locaux n’est pas la moindre des difficultés.

En attendant, cette prochaine introduction en bourse va faire des heureux. Son timing indique en effet que les actionnaires actuels en sont clairement à l’initiative. Il est légitime au bout de sept ans (pour les plus anciens d’entre eux) que ces derniers souhaitent être « liquides », c’est-à-dire récupérer leur argent avec une belle plus-value à la clé. 

TripActions vise une valorisation lors de son introduction à 12 milliards de US$ après avoir levé 1,3 milliard de US$ depuis sa création. Par comparaison, en décembre 2021, Amex GBT avait annoncé une valorisation à 5,3 milliards de US$ pour son entrée en bourse. Pourquoi une telle différence alors qu’Amex GBT est assurément plus gros que TripActions et affichait une rentabilité enviable avant le Covid ? Sa croissance rapide ne suffit pas à l’expliquer et c’est là où Ariel Cohen et Ilan Twig sont des malins. En devenant à la fois TMC et fintech, les deux compères vendent au marché financier le volume du voyage avec le multiple de la tech. Là où, ce n’est qu’un exemple, une entreprise du voyage pourrait être valorisée 5 fois son Ebitda (bénéfice d’exploitation), une société de la tech le serait 10 ou 15 fois son Ebitda.

La perspective d’un méga-giga jackpot se rapproche donc pour les investisseurs de la première heure, Oren Zeev, Lightspeed Venture Partners et Dovey Frances Group11 (et sans doute les deux co-fondateurs) qui ont mis des billes en 2015 pour, alors, une valorisation de 10 millions de US$. Sept ans plus tard, avec une valorisation à 12 milliards de US$, ils pourraient ainsi récupérer 1200 fois leur mise ! Des niveaux très rarement vus. Pour les autres capitaux risqueurs, plus récents, cela resterait aussi une excellente (doux euphémisme) opération. A condition bien sûr que l’entreprise ne soit pas surévaluée et ne rate pas, à l’instar d’un Facebook en 2012, son entrée en bourse. 

D’ailleurs, cette dernière se fera-t-elle par une simple cession de titres ou par une augmentation de capital permettant de lever à nouveau de l’argent frais ? Tant que le dossier reste confidentiel, nous n’en saurons rien. Une chose est sûre : c’est une nouvelle vie qui débutera pour la TMC, avec de nouveaux actionnaires, et des résultats financiers qui seront scrutés à la loupe, sous la forte pression des marchés. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Amex GBT, TripActions, … : la bataille des PME a commencé

Introduction en bourse pour Amex GBT, accord avec Lufthansa pour TripActions qui, par ailleurs, se déploie en Europe : derrière ces deux événements, l’énorme enjeu des PME. 

Pour les TMC, c’est une lutte sans merci qui se prépare. Avec les PME en ligne de mire. Et pour cause : quasiment tous les grands comptes annoncent des baisses drastiques de leurs déplacements professionnels pour les années à venir, si bien que les PME pourraient constituer l’un des seuls relais de croissance des distributeurs, mega-TMC ou non. Dans ce marché déprimé par la pandémie, les PME ont d’ailleurs été les premières à reprendre le chemin des voyages.  

L’enjeu est de taille : selon Amex GBT, le marché mondial non intermédié des PME, qui se débrouillent donc sans le support des TMC, en réservant auprès des fournisseurs et des agences de voyages en ligne, serait estimé à 675 milliards de US$ ! A comparer avec le marché intermédié de ces petites et moyennes entreprises qui s’élevait à 270 milliards de US$ avant le Covid. 

Le rachat d’Egencia par Amex et celui de Reed & Mackay par TripActions furent une première salve. L’annonce il y a quelques jours de l’introduction en bourse d’Amex GBT en est une deuxième. Pour mener cette bataille des PME, le géant américain a en effet besoin de liquidités. Or, à l’instar de toutes les TMC, il a été durement éprouvé par la pandémie comme en atteste le document public de 53 pages fourni par Amex GBT à l’autorité américaine des marchés financiers (SEC), une vraie mine d’informations dont je vous recommande la lecture intéressante et qui mériterait plusieurs articles.

On y apprend ainsi que la méga-TMC, sans aucun doute la plus profitable avant la pandémie, a affiché en 2020 une perte opérationnelle de 363 millions de US$ contre un EBITDA (bénéfice opérationnel) de 428 millions de US$ en 2019. Montant auquel il faut ajouter la perte de 248 millions de US$ d’Egencia et celle, plus anecdotique, de 21 millions de US$ d’Ovation Travel, autre TMC spécialisée sur les PME rachetée par GBT en janvier 2021. Soit une perte opérationnelle consolidée de 625 millions de US$ (après ajustements).

Amex GBT a dû faire face également à d’importants coûts de restructuration (réduction d’effectifs) de 206 millions de US$ en 2020 contre 12 millions seulement en 2019. Ils ont été compensés par des économies d’une valeur de 235 millions de US$, soit 13% de sa base de coûts en 2019. 

Selon la presse financière américaine, l’introduction en bourse devrait apporter 1,2 milliard de US$ d’argent frais à Amex GBT mais pas seulement. La TMC a obtenu également une facilité de crédit de 1 milliard de US$, dont 600 millions serviront à rembourser des prêts arrivant à terme, et 400 millions pour financer les besoins généraux de l’entreprise, notamment les opérations de croissance externe. 

Un vrai ballon d’oxygène et une force de frappe importante qui vont permettre de soutenir la stratégie ultra-offensive à l’égard des PME pour laquelle Amex GBT affiche désormais clairement ses ambitions. Le fameux document remis à la SEC confirme que la stratégie de croissance de la TMC consiste à cibler le marché des PME qu’il décrit comme « le segment de l’industrie le plus large et qui connait la croissance la plus forte ». Et Paul Abbott, le patron d’Amex GBT, de renchérir en marge de cette annonce dans des propos rapportés par The Company Dime : « C’est le segment qui dégage les marges les plus élevées et celui qui se remet le plus rapidement de la pandémie. » On lit d’ailleurs dans le document que si les PME totalisent désormais 45% des revenus du groupe suite au rachat d’Egencia, elles représentent (a minima) plus de 50% des bénéfices. 

Comme un fait exprès, TripActions a annoncé au même moment son déploiement en Europe et l’ouverture de son bureau à Paris en janvier prochain. A longueur d’interviews, le nouveau patron pour l’Europe du Sud, Zahir Abdelouhab, ne cache pas ses ambitions sur le marché des PME, avec un appétit qui semble insatiable. Et ce n’est pas un hasard si la TMC nouvelle génération lance avec Lufthansa une plateforme de réservation et de gestion qui cible justement les clients PME de la compagnie aérienne. 

Restent à ce stade plusieurs questions en suspens. Amex GBT sera-telle la première mega-TMC à réussir sur ce marché des PME alors que les tentatives des uns ou des autres ont toujours échoué par le passé ? Ces petites et moyennes entreprises vont-elles se laisser séduire par le profil très techno de TripActions ? Les deux acteurs y accordent des moyens inédits et conséquents, et le marché tranchera, d’autant que les autres TMC fourbissent aussi leurs armes. L’affrontement s’annonce déjà rude et féroce mais passionnant. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Entretien exclusif avec Zahir Abdelouhab, General Manager France, TripActions

Un rendez-vous mensuel exclusif en live !

D’une durée de 40 minutes, diffusés sous le format d’un « webinaire live » et ouverts à tous, ces entretiens sont dirigés par François-Xavier Izenic, journaliste et conférencier.

Cet échange doit permettre de poser toutes les questions des membres de l’association et d’apporter des réponses concrètes aux enjeux de l’industrie des déplacements professionnels et de la mobilité.

Le prochain partenaire à se prêter à cet exercice « exigeant » est TripActions.

Zahir Abdelouhab a une formation d’ingénieur. Il a commencé sa carrière dans le conseil chez Wavestone, avant de se lancer dans la tech en rejoignant MongoDB en tant que l’un des premiers employés en France en 2016, où il a construit et dirigé l’équipe commerciale en France avant de prendre un rôle mondial pour développer leur stratégie cloud.

Il a débuté un nouveau challenge en Octobre 2021 en rejoignant TripActions en tant que VP SEMEA pour ouvrir le marché Français et lancer les activités locales.

Consolidation des TMC : les 6 enseignements

Consolidation des TMC : les 6 enseignements

L’accélération de la concentration des TMC est remarquable en tous points, assez inédite par certains aspects, et en dit long sur l’avenir du secteur.

  • Les chiffres ? Du très lourd

Les sommes en jeu donnent le tournis. American Express GBT va mettre la main sur Egencia via une prise de participation d’Expedia (maison-mère d’Egencia) dans GBT de 14% pour un montant de 750 millions de US$. Une opération qui valorise Amex GBT à 5,4 milliards de US$. Le volume d’affaires de GBT en 2019 était de 35 milliards de US$, celui d’Egencia de 8,3 milliards de US$. En clair, le numéro 1 mondial absorbe le numéro 4 ou 5 selon les classements. Rien que ça.

Quelques heures après cette annonce tonitruante, l’américain TripActions, fondé en 2015, révèle avoir racheté la TMC britannique Reed & Mackay, créée en 1962, pour un montant (non officiel) supérieur à 250 millions de US$. Reed & Mackay avait réalisé en 2019 un volume d’affaires de près de 590 millions de livres sterling, soit près de 830 millions de US$. Le nouvel ensemble va gérer un volume de 5 milliards de US$ et revendique 5000 entreprises clientes. Rappelons qu’après plusieurs levées de fonds, dont une récente de 155 millions de US$, TripActions est valorisée à 5 milliards de US$, soit presqu’autant… qu’Amex GBT !

  • Est-ce une course à la taille critique ?

Certes, ces deux opérations apportent du volume aux acheteurs mais on passe à côté de l’essentiel si on s’arrête à ça. Elles les renforcent surtout dans des domaines où ils sont absents. Amex GBT met enfin un pied sur le segment du mid-market online, convoité depuis longtemps sans grand succès. De son côté, TripActions s’offre une TMC réputée pour ses services à haute valeur ajoutée. Comme le résumait finalement assez bien un observateur dans Business Travel News Europe (Lire ici), « Amex GBT, entreprise de services traditionnels, ajoute une expertise technologique alors qu’au contraire TripActions, entreprise technologique de la Silicon Valley, s’enrichit d’un service offline ».

D’autre part, TripActions avait encore des difficultés à séduire des comptes multinationaux bien que les récents contrats signés avec Aecom (un bureau d’études et de conseil en ingénierie) et Springer Nature (société d’édition germano-britannique) aient démontré des progrès. La présence dans plus de 20 pays de Reed & Mackay devrait donc l’aider à asseoir une légitimité internationale. Pour information, Heineken, qui opère dans 70 pays, vient d’annoncer avoir choisi TripActions pour gérer ses 150 millions d’euros de budget voyages (Lire ici).

En somme, et c’est un fait assez remarquable : bien qu’elles étaient fragilisées par la pandémie, comme l’ensemble des TMC, Egencia et Reed & Mackay n’étaient pas moribondes pour autant. Cette consolidation s’inscrit bien dans une stratégie offensive et non strictement défensive comme le serait une simple addition de volume. Il ne s’agit pas d’être plus gros mais d’être plus fort avant tout. La pandémie a accéléré les mutations du business travel, une partie des déplacements des grandes entreprises notamment étant amenée à disparaître pour des raisons principalement écologiques. Les TMC ne trouveront donc des relais de croissance qu’en chipant des comptes aux confrères, certes, mais aussi et surtout en proposant de nouveaux services, avec la meilleure technologie, et en allant conquérir des budgets voyages encore non intermédiés. Donc du côté des PME où le potentiel reste important. C’est aussi à cet aune qu’il convient de lire ces deux transactions.

  • Faut-il attendre d’autres opérations de ce type ?

Assurément et ce n’est qu’un début ! Entre les TMC laminées par la crise du Covid, devenues des proies faciles, et les TMC qui veulent anticiper le voyage d’affaires post-Covid, la consolidation a de beaux jours devant elle. Mark Williams, partenaire au sein du fonds d’investissement Inflexion qui a vendu Reed & Mackay à TripActions, ne dit pas autre chose dans une interview à BTN Europe (Lire ici) : « Je pense qu’il y a deux types d’opportunités désormais. Les TMC qui doivent se consolider parce qu’elles ne sont pas vraiment viables et qui doivent être regroupées rapidement et vendues. (…) Les petits joueurs sont clairement la cible et valent moins cher qu’avant la crise. Et puis il y a le genre d’accords que nous avons vus cette semaine par le biais duquel les TMC ajoutent ou renforcent un élément manquant. Ces opérations ne seront pas bon marché mais elles seront plus rentables à long terme ».

Comme un fait exprès, quelques jours avant ces deux rachats mastodontes, TravelPerk, fondée aussi en 2015 et basée à Barcelone, et concurrent affiché de TripActions, a annoncé avoir levé 160 millions de US$ pour financer de nouvelles acquisitions ! Une effervescence finalement très rassurante pour le secteur, qui montre combien les investisseurs ont confiance dans l’avenir du voyage d’affaires et des TMC.

  • L’hôtellerie, le facteur x

Comme le raconte très bien le site The Company Dime (Lire ici), l’hébergement est un « élément majeur de l’opération » entre Expedia et Amex GBT. Le premier, principal concurrent de Booking.com, compte ainsi vendre plus de chambres d’hôtels aux clients de GBT. De son côté, le deuxième va bénéficier des tarifs hôteliers attractifs d’Expedia. GBT continuera-t-il à s’approvisionner auprès de Booking ? Paul Abbott, Pdg d’Amex GBT, a déclaré qu’il était trop tôt pour répondre à cette question.

Autre question : les clients du nouvel ensemble auront-ils encore besoin de négocier directement leurs propres tarifs hôteliers? L’avenir le dira mais Louise Miller, managing partner d’Areka Consulting, s’emballe : « C’est génial pour les acheteurs. (…) Personne ne veut voir un monopole bien sûr mais nous avons besoin de stabilité ».

Steve Reynolds, Pdg de Tripbam, est moins enthousiaste. Toujours cité par The Company Dime, il exprime son scepticisme : «Au fur et à mesure que la concurrence diminue, les acheteurs peuvent finir par payer le prix fort ».

  • Les OBT intégrés marquent des points

Autre fait remarquable : les quatre acteurs de ces deux rachats ont leurs propres systèmes de réservation. Rappelons d’ailleurs que c’était Egencia qui avait commencé à défier le modèle traditionnel de partenariat entre les TMC et les OBT/SBT il y a près de 20 ans avec sa technologie intégrée. Et que GBT est propriétaire de son outil Neo depuis le rachat de KDS en 2016. A priori, Traveldoo, qu’Expedia a racheté il y a dix ans, ne fait pas partie de l’accord de rachat d’Egencia par Amex GBT. A surveiller néanmoins. Et selon le communiqué de presse commun de GBT et Expedia, la prise en charge par Amex GBT des outils de réservation tiers reste inchangée.

Il n’empêche. Comme le dit Louise Miller, d’Areka Consulting, toujours dans The Company Dime : « Alors que nous sommes en pleine pandémie, le marché montre clairement que les écosystèmes fermés font l’objet d’importants investissements. Les OBT tiers ont leur place bien sûr mais cela reste toujours un défi pour les TMC de les implanter ».

  • Une bonne nouvelle pour les clients ?

Toujours dans BTN Europe, on apprend que les clients de Reed & Mackay (qui avait racheté le français Frequent Flyer Travel Paris en 2017) ont été informés que l’ensemble du personnel actuel et la marque seront conservés et que la TMC sera gérée de manière relativement indépendante par TripActions. De son côté, Amex GBT a indiqué un traitement similaire pour Egencia. Plutôt rassurant à ce stade.

Sous couvert d’anonymat, le travel manager d’un compte géré par Egencia prévient cependant : « la manière dont GBT intègrera les opérations et les équipes d’Egencia sera observée de près. Aucun client ne voudra subir de perturbation opérationnelle, surtout à l’approche de la réouverture lente des voyages ».

Concernant le rachat de Reed & Mackay par TripActions, c’est plutôt la différence de culture qui questionne : « Une entreprise technologique de la côte Ouest, dont l’uniforme est composé de tee-shirts, de jeans et de baskets contraste fortement avec le spécialiste britannique des services à haute valeur ajoutée dont les clients portent des costumes et des cravates dans les secteurs du droit et de la finance ».

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Les TMC nouvelle génération rebattent les cartes

Les TMC nouvelle génération rebattent les cartes
Les nouveaux entrants sur le marché des TMC tirent profit de la pandémie.
Formulée ainsi, la thèse n’est pas très originale, les crises constituant par nature des opportunités pour les audacieux. Mais elle émane d’un cabinet de consultants new yorkais, Hudson Crossing, fins connaisseurs de la distribution des voyages et dont les états de service font autorité. Et leur analyse, étayée, est très intéressante (Lire ici).
Les auteurs décrivent d’abord ce qu’ils appellent « le paysage compétitif plat » des grandes TMC traditionnelles. En clair : une offre de produits similaires entre toutes ces TMC, obligeant les entreprises clientes à procéder à des appels d’offres ultra-détaillés afin d’essayer de distinguer des différences qui pourraient permettre d’obtenir un meilleur prix. Ce faisant, les grandes TMC se lancent dans une course à la fonctionnalité afin de tenter de se démarquer et de remporter le prochain appel d’offres. En se concentrant sur leurs rivaux au lieu d’observer les besoins réels actuels et futurs de leurs clients, elles font le lit des « perturbateurs » comme les appellent les auteurs de cet article, Georges Roukas et Philip Wolf.
« La vulnérabilité des opérateurs historiques, dont les ventes sont axées sur la recherche de clients haut de gamme et à marge plus élevée, avec une accumulation rapide de fonctionnalités, est un élément clé de la théorie de Clayton Christensen sur l’innovation perturbatrice. Ce dernier a fait valoir que l’accent mis sur l’accumulation de fonctionnalités ajoute des coûts et de la complexité, ce qui conduit à des clients sur-servis et mécontents. »
Et les auteurs de poursuivre : « Les perturbateurs commencent alors à offrir un produit plus simple et moins cher, mieux adapté aux besoins actuels et réels, grâce aux nouvelles technologies. Le perturbateur prend pied auprès des clients bas de gamme, tout en étant rejeté par les opérateurs historiques. Mais le disrupteur continue d’affiner sa technologie et ses offres et monte en gamme, subtilisant de plus en plus de clients à l’opérateur historique. » CDFD.
Mais le plus intéressant est ailleurs. Philip Wolf rapporte ainsi une conversation (non privée) éclairante qu’il a eu avec le patron d’Amex GBT, Greg O’Hara, qui lui avoue : « Les solutions que nous développons ne sont pas conçues en général pour permettre… elles sont conçues pour inhiber le comportement. Vous devez suivre la politique voyages. »
Pour Philip Wolf, le hiatus est là : « Les produits des TMC traditionnelles dressent les gestionnaires des voyages et la politique de l’entreprise contre le voyageur, les obligeant à se soumettre à la politique voyages. » Alors que « les nouveaux entrants prennent en compte le rôle actif que le voyageur peut jouer dans la mise en conformité, en créant des produits avec du contenu multi-sources, faciles d’utilisation, en proposant des options qui invitent et incitent le voyageur à économiser de l’argent, et donc le tout au service à la fois du voyageur et du gestionnaire de voyages. »
Et la crise dans tout ça ? « La pandémie agit comme un catalyseur de la transformation numérique, écrivent les auteurs. Des changements qui auraient pu prendre une décennie sont accélérés en quelques mois seulement. »
Selon les auteurs, tout n’est pas perdu pour les grandes TMC traditionnelles, loin de là : « Il existe des moyens pour les opérateurs historiques de contrer les perturbateurs, mais reconnaître ces derniers et les prendre au sérieux est la première étape. »
Cet article est paru un peu avant la nouvelle levée de fonds (lire par ailleurs) effectuée par TripActions qui, avec TravelPerk et autres TravelBank, sont en train de bousculer le marché des TMC. A l’occasion, on apprenait que la nouvelle coqueluche des investisseurs n’avait pas chômé depuis le 14 mars dernier, en ajoutant 40 nouvelles… fonctionnalités à sa plateforme de réservation ! Serait-elle en train de tomber dans le piège de l’accumulation des fonctionnalités décrit par Philip Wolf et Georges Roukas ? Assurément pas encore, mais qui sait, un jour peut-être ?
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Les ambitions (trop ?) dévorantes de TripActions

Les ambitions (trop ?) dévorantes de TripActions 
Malgré la crise, tout semble sourire à la jeune TMC. Qui le fait savoir haut et fort.
Jusqu’où ira-t-elle ? Pour les investisseurs, la réponse ne semble faire aucun doute. La TMC américaine de nouvelle génération vient d’effectuer une deuxième levée de fonds de 155 millions de US$ depuis le début de la pandémie après les 125 millions de US$ en juin dernier (Lire ici). Une opération qui porte la valeur de TripActions à… 5 milliards de US$ ! Soit 2,5 fois celle d’Air France…
Le brillant co-fondateur de l’entreprise, Ariel Cohen, fait rarement dans la demi-mesure et la modestie. Cette levée de fonds lui donne l’occasion d’être égal à lui-même. Il affirme ainsi que TripActions ne cherchait pas de financement supplémentaire mais qu’elle avait tellement bien rempli ses objectifs de parts de marché que les investisseurs ont insisté pour faire cette opération. Bluf ou réalité ? L’argent gratuit coule tellement à flot grâce aux banques centrales qu’on serait presque tenté de le croire.
« Nous avons connu une croissance de 75% pendant le Covid et notre gamme de produits Liquid se développe à un rythme fou, dit-il. Sur cette gamme, nous avons été en croissance de 150% le mois dernier par rapport au mois précédent ». Quezaco ? En février 2020, TripActions a lancé Liquid, une solution de gestion des frais professionnels, et en septembre dernier, Enterprise Edition, une solution unifiée de gestion des voyages et des frais professionnels pour les grands comptes multinationaux. Accor et Netflix sont parmi ses clients.
La coqueluche des investisseurs marche donc clairement sur les plates-bandes des mega-TMC en attaquant les grandes entreprises. Contrairement à l’autre épouvantail du secteur, la barcelonaise TravelPerk (créée la même année, 2015), qui reste plutôt focalisée sur les PME et ETI et qu’on a vu apparaître récemment sur des appels d’offres en France.
Les escarmouches avec Amex GBT n’ont d’ailleurs pas tardé, comme le raconte Phocuswire (Lire ici). Son patron, Greg O’Hara, interviewé lors de la dernière conférence Phocuswright, affirmait ainsi que « TripActions et les autres startups du même genre avaient pratiquement disparu en 2020 et qu’elles ne faisaient aucune percée. » Réponse cinglante d’Ariel Cohen : « Les investisseurs sont en train de voter. (…) Si j’étais Greg O’Hara, j’encouragerais ses employés à investir davantage dans la technologie. » Et de décrire avec sollicitude ce qu’il appelle l’ancien modèle : « Ils ont les points de vente, les agents de voyages, les partenariats, mais bonne chance avec la technologie ! »
Bref, pour Ariel Cohen, le concept « d’automatisation de bout en bout va effacer celui de gestion des dépenses. » Il gonfle d’autant plus le torse que, selon lui, TripActions n’a même pas encore puisé dans sa levée de fonds de 125 millions de US$ en juin dernier. A quoi vont donc servir ces liquidités ? « A la recherche et développement, à la commercialisation et à l’extension de notre présence mondiale. »
Les projets ne manquent pas. L’avènement du télétravail est aussi une opportunité : « les collaborateurs sont maintenant éclatées en différents endroits, nous souhaitons développer une fonctionnalité leur permettant, pour leurs réunions, de se retrouver facilement dans des tiers lieux. »
A la question de savoir si TripActions allait profiter de ce cash pour procéder à de la croissance externe, Ariel Cohen ne peut s’empêcher de piquer ses concurrents : « Lorsque nous examinons les TMC traditionnelles, leurs fondamentaux économiques, leurs coûts de vente, leurs marges… et que nous les comparons à notre modèle économique, cela n’a pas de sens de faire ces acquisitions. »
Ariel Cohen a le don de se faire des amis. Pas sûr toutefois que ce talent ait sauté aux yeux des 300 collaborateurs (soit 25% des effectifs de TripActions) licenciés d’un trait de plume au début de la pandémie. Un goût pour la provocation qui n’est pas sans rappeler celui de Michael O’Leary, le patron de Ryanair. Et qui lui a plutôt réussi.
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

TripActions, la nouvelle star du voyage d’affaires ?

TripActions, la nouvelle star du voyage d’affaires ?

 Depuis sa création en 2015, la startup américaine a levé plus de 600 millions de dollars et pourrait bien bousculer le marché des TMC.
C’est le nouvel épouvantail dont tout le monde parle. Ultra-digitalisée, très orientée techno au service de ses clients, et se rêvant en guichet unique du voyage d’affaires grâce à sa plateforme multi-sources, TripActions est en train de réinventer le modèle des TMC. Et semble convaincre les investisseurs de sa proposition de valeur. Le journal en ligne PhocusWire rapporte que la TMC vient de lever 125 millions de dollars (https://www.phocuswire.com/tripactions-125-million-financing-covid) qui « s’ajoutent aux 480 millions déjà levés et dont environ la moitié n’aurait pas encore été dépensée par l’entreprise ». La journaliste Mitra Sorrels indique que cette opération va servir à faire face au Covid-19 et à accélérer l’investissement dans les technologies, notamment dans sa nouvelle solution de paiement, baptisée Liquid, lancée en février. Elle ajoute que TripActions aurait tiré parti de la crise en « attirant 265 nouveaux clients, la valeur du budget voyages sous sa gestion passant de 2,3 à 2,8 milliards de dollars au cours de ces trois derniers mois ». Ayant déjà des bureaux au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, la TMC semble vouloir accélérer son développement en Europe et vient de recruter un vice-président des ventes pour l’EMEA, Christopher Vik.
La crise a toutefois laissé des traces puisque TripActions a dû licencier 300 personnes en avril, soit 25% de son effectif. Dans un article publié par Forbes, l’auteur n’hésite d’ailleurs pas à titrer que l’entreprise a failli être tuée par le Covid-19 mais sans étayer cette thèse par des faits avérés, sauf à dire que « l’entreprise ne veut pas divulguer les chiffres de ses revenus mais affirme qu’elle reste non rentable tout en se concentrant sur la croissance ». Avec malice, Ben Horowitz, le cofondateur du fonds de capital risque américain Andreessen Horowitz, confie : « à moins que le virus ne dure une décennie, ils vont bien ».

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM