Voyages non gérés : la bataille fait rage

TMC et fournisseurs se livrent une âpre concurrence pour séduire les PME qui se passent d’agences de voyages. L’enjeu : canal direct contre canal indirect.

Paul Abbott, le patron d’Amex GBT, en salive d’avance. S’exprimant début novembre devant un parterre d’investisseurs et d’analystes afin de commenter les résultats financiers de la TMC du troisième trimestre, comme le rapporte l’excellent The Company Dime, il s’enthousiasme : « Les PME représentent la plus grande opportunité de croissance de notre marché ». Il rappelle que 70% des PME dans le monde ne font pas appel à une TMC. 

Le plus gros réseau d’agences de voyages indépendantes britanniques, Advantage Travel Partnership (ATP), indiquait récemment dans Business Travel News que sur les 74% de ses membres qui ont vu le nombre de leurs clients augmenter en 2023, près de la moitié de ces derniers géraient jusqu’à présent leurs voyages en interne, pour des budgets allant jusqu’à 2,5 millions d’€. 

Pourquoi un tel empressement de ces PME à se jeter dans les bras d’une TMC ? « La complexité des voyages pendant le Covid a été un facteur déterminant », avance Guy Snelgar, l’un des responsables d’ATP. La forte inflation qui impose une meilleure maîtrise des coûts ainsi que de nouvelles exigences en matière de durabilité constituent d’autres explications valables. 

Pour les TMC, le marché des PME, plus rentable, est une aubaine alors que les grands comptes n’ont pas retrouvé leurs niveaux de consommation d’avant Covid. Jeff Klee, le patron de l’américain AmTrav, à la fois plateforme et TMC, expliquait récemment lors d’un webinaire relayé par The Company Dime : « Les PME n’étant pas suffisamment grosses pour négocier leurs propres tarifs, l’agence de voyages perçoit de la part des hôteliers de lucratives commissions, alors que les tarifs négociés en direct par les grands comptes ne sont pas soumis à rémunération ». Ces commissions hôtelières représentent ainsi la première source de revenus d’AmTrav, 37% du total, loin devant les fees clients (25%).

Les compagnies aériennes et les chaînes hôtelières ont décidé de ne pas rester les bras croisés. Ce marché attise aussi leurs appétits, et pas qu’un peu ! Le groupe Hilton vient ainsi d’annoncer qu’il lancerait en début d’année 2024 une offre pour les PME réservant sur son site ou sur son application mobile avec des tarifs réduits, des points de fidélité et des outils de gestion des programmes hôtels. L’astuce ? Les entreprises pourront aussi accumuler des points dans le cadre du programme de fidélisation, en plus des points gagnés par les voyageurs.

Pour se justifier, Chris Silcock, directeur commercial de Hilton, a jeté une pierre dans le jardin des TMC, comme le rapportait le site Skift : « Nous pensons que personne ne sert particulièrement bien ce segment à l’heure actuelle ». La chaîne hôtelière compte faire la différence sur la rapidité (« pas de formulaire compliqué, pas de temps d’attente ») et un portail permettra aux entreprises « d’accéder aux données sur les séjours et de savoir où se trouvent leurs employés » afin d’être en ligne avec le devoir de diligence (duty of care). 

Les compagnies aériennes ne sont pas en reste. En Europe, l’allemande Lufthansa a lancé fin novembre avec Navan (ex-TripActions) une plateforme de voyages en ligne pour les PME de France et du Royaume-Uni. Baptisée BusinessToGo, elle permet de réserver auprès de 500 compagnies aériennes, ainsi que des hôtels, des locations de voitures et du ferroviaire. Elle peut également appliquer automatiquement les politiques voyages d’une entreprise, de même que les préférences personnelles du voyageur. 

L’intérêt pour le transporteur allemand ? La plateforme offre un accès aux tarifs NDC de la compagnie, tandis que les entreprises membres du programme PartnerPlusBenefit de Lufthansa peuvent continuer à gagner et à utiliser des points de fidélité. Sans compter l’élargissement potentiel de son portefeuille clients… « Nous avons conçu cette nouvelle plateforme intelligente en collaboration avec Navan afin de répondre à la demande des entreprises qui souhaitent gérer elles-mêmes leurs déplacements de manière efficace », a expliqué Heinrich Lange, directeur des ventes Europe du Nord de la compagnie.

Aux Etats-Unis, United Airlines et American Airlines ne cachent pas non plus leurs ambitions de séduire le voyageur d’affaires en direct. Début novembre, la première a d’ailleurs mis ses tarifs négociés à la disposition des voyageurs via son site web et son application mobile, comme le racontait The Company Dime.

Cette concurrence des fournisseurs menace-t-elle les TMC ? Paul Abott n’y croit pas : « Je ne pense pas que les clients choisiront un seul fournisseur comme source de vérité pour gérer leurs dépenses voyages, ce n’est pas réaliste », tout en reconnaissant que les marges des compagnies aériennes étaient plus élevées en direct qu’en indirect.

Jeff Klee est quant à lui plus mesuré : « Les voyageurs, en particulier les plus jeunes, n’aiment pas réserver dans nos canaux, ils préfèrent l’expérience du fournisseur en direct. Ils n’aiment ni l’écart de contenu, ni le fait qu’il soit plus difficile de modifier son billet. Si nous ne parvenons pas à résoudre ce problème, nous ne serons plus pertinents à l’avenir ».

S’exprimant fin novembre lors d’une grande conférence sur le voyage d’affaires, The Beat Live, le Pdg d’AmTrav a souligné que le segment des voyages gérés ne représentait plus une part aussi importante qu’avant : « Cela nous place dans une situation très dangereuse où les compagnies aériennes sont de plus en plus frustrées par les TMC qui refusent de se moderniser », faisant ainsi allusion à la résistance des agences de voyages à l’égard de NDC. Canal direct ou indirect, la bataille fait rage et elle est encore loin d’avoir livré son verdict. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Spotnana, vous allez en entendre parler

Le nouveau trublion du voyage d’affaires, lancé en 2020, commence à se faire un nom auprès des grands comptes. 

Le bonhomme est doté d’un sacré caractère. Sarosh Waghmar, fondateur de Spotnana, quitte l’Inde en 1994 pour les Etats-Unis grâce à une bourse d’études en informatique à l’université du Texas comme il le racontait dans un entretien à Business Travel News en 2018. 

Il créé sa première entreprise mais l’explosion de la bulle internet en 2001 provoque sa faillite et au même moment son appartement est ravagé par un incendie. Obligé de dormir dans sa voiture, presque sans le sou, il hésite à revenir en Inde. 

Se rappelant qu’il était devenu un grand voyageur lors de son premier job chez Deloitte, jonglant mieux que personne avec les miles, il a l’idée de proposer ses services pour aider les salariés à optimiser leurs programmes de fidélisation. Il remonte la pente et met le doigt dans l’industrie du voyage d’affaires, qu’il ne quittera plus. 

Puis il créé un logiciel de réservations qui devient une TMC à part entière, du nom de WTMC. En 2016, cette dernière met au point le « premier tuyau NDC au monde » avec American Airlines. « C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que l’avenir du voyage d’affaires se trouvait dans la plomberie », explique-t-il dans Phocuswire

Son constat : trop ancienne, la plomberie qui alimente l’industrie entrave l’efficacité du système, au détriment du client. « Tout, de la couche GDS au mid-office, est très fragmenté avec de multiples parties prenantes ayant des motivations et des incitations trop diverses et parfois opposées ». 

Ni une ni deux, il bazarde tout, recommence à zéro, et lance en 2020 Spotnana en réussissant à lever 34 millions de dollars. Il s’entoure des meilleurs dont Johnny Thorsen, l’un des spécialistes mondiaux les plus reconnus de la techno dans le voyage d’affaires, et Bill Brindle, ancien patron des opérations chez Amex GBT. Et surtout, Steve Singh, co-fondateur de Concur, véritable icône de l’industrie, devient président du conseil d’administration. Bref, que du très lourd.

L’idée ? Construire une plateforme de gestion des voyages qui agit à la fois comme TMC ou comme une marque blanche en mettant sa technologie à disposition d’autres TMC ou d’autres acteurs. C’est sa première originalité : être une plateforme ouverte à tout le monde. « Les voyages d’affaires ont été bâtis sur des modèles d’entreprises très fermés, chacun construisant des choses pour lui-même et essayant ensuite de les intégrer à des tiers ». 

Le modèle économique ? Simple, un fee à l’utilisation, pas de frais initiaux ni de minimum, « je paye ce que je consomme ». 

Deuxième atout : la plateforme, globale et entièrement intégrée, est connectée directement avec les compagnies aériennes et tous les autres fournisseurs utiles pour le voyage lui-même et la gestion du voyage. L’ensemble n’est pas édifié sur une pile technologique existante et facilite l’expérience utilisateur. 

Troisième particularité : basée sur le cloud, la plateforme peut ainsi être déployée facilement et rapidement, en quelques semaines, à des dizaines de milliers de salariés répartis dans des dizaines de sites dans le monde. « Il s’agit là d’un changement massif de la structure des coûts pour le client », affirmait Steve Singh, dans un article de Skift.

C’est là aussi où Spotnana se démarque des autres nouveaux acteurs tels Navan (ex-TripActions) ou Travel Perk, elle s’adresse peut-être d’abord à des grands comptes dont la présence est mondiale plutôt qu’aux PME. Et début novembre, comme le rapporte The Company Dime, elle a annoncé avoir attiré une énorme prise dans ses filets, le géant de la distribution Walmart, première entreprise du monde en termes de chiffre d’affaires, plus de 600 milliards de dollars, qui vient s’ajouter à d’autres clients prestigieux, tels Amazon. Excusez du peu. 

Spotnana et Walmart ont ainsi lancé un projet pilote, d’abord déployé aux Etats-Unis, afin de pouvoir utiliser la norme NDC des compagnies aériennes. Theresa Gehler, directrice monde des achats voyages de Walmart, affirme que « la valeur ajoutée » est déjà évidente. Elle est particulièrement enthousiaste sur le potentiel des offres forfaitisées qu’autorise NDC et sur les capacités de libre-service de la plateforme qui permettent aux voyageurs d’effectuer eux-mêmes des changements et des modifications de billets au sein des canaux approuvés par l’entreprise.

Cette initiative intervient quelques mois après l’annonce d’un partenariat stratégique entre Spotnana (200 salariés désormais) et CWT, accord dont on ne sait pas encore grand-chose, sinon qu’il associe la technologie du premier avec les services globaux de la deuxième. Une chose est sûre : certaines entreprises souhaitent utiliser Spotnana tout en conservant leur TMC. C’est peut-être à cette aune qu’il faut interpréter ce partenariat. 

L’Europe intéresse-t-elle Spotnana ? Assurément et CWT pourrait à l’avenir lui servir de cheval de Troie. En attendant, elle vient d’intégrer Trainline qui lui permet d’élargir considérablement son contenu ferroviaire européen. Et on a appris récemment, via le site The Beat que Lufthansa, la compagnie pionnière sur NDC, avait pris une participation dans l’entreprise lors d’une deuxième levée de fonds de 75 millions de dollars en juillet 2022. Sans doute pas un hasard…

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Blockskye, nouvelle pépite du voyage d’affaires ?

Éliminer des intermédiaires tels les GDS, les cartes de crédit et les logiciels de notes de frais : vous en avez rêvé ? Blockskye l’a fait.

Le compliment n’est pas passé inaperçu. Début décembre, Paul Abbott, le Pdg d’Amex GBT, confiait que seul Blockskye offrait quelque chose de « véritablement nouveau » sur le marché du voyage d’affaires, comme le raconte un très bon article de The Company Dime

Le patron du leader du secteur sait de quoi il parle : Amex GBT a perdu l’année dernière le budget pour l’Amérique du Nord de PwC au profit de Kayak en partenariat avec Blockskye. 

Un camouflet qui avait fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le Landerneau du voyage d’affaires, les grands comptes n’hésitant plus à confier leurs programmes voyages à des start-up, tels Walmart avec Spotnana (lire par ailleurs) et donc PwC avec Blockskye, adossé toutefois à un grand acteur du loisir, Kayak.

Créée en 2017, cette plateforme de réservations et de gestion des voyages d’affaires est fondée sur la technologie de la blockchain. Kézako ? Le mathématicien Jean-Paul Delahaye en a fourni la définition la plus parlante, celle « d’un très grand cahier que tout le monde peut lire librement et gratuitement, sur lequel tout le monde peut écrire, mais qui est impossible à effacer et indestructible ». Les avantages ? Rapidité, traçabilité, garantie de sécurité sans égal, élimination des tiers de confiance, donc des intermédiaires.

Éric Gray, responsable des achats voyages de PwC, parle d’ailleurs de la suppression des «intermédiaires sans valeur ajoutée ». Comment est-ce possible ? La plateforme fournit l’inventaire des tarifs via des connections directes avec les fournisseurs (et par Amadeus quand c’est impossible) et le paiement s’effectue directement entre l’entreprise et les fournisseurs. Simple.

Le géant du conseil semble ravi de l’expérience. Selon Éric Gray cité par The Company Dime, le service aux voyageurs est meilleur car le « document partageable » de la blockchain aide les agents de voyages à interagir avec les dossiers de voyage même lorsqu’ils sont réservés directement auprès des fournisseurs. Résultat : un taux d’adoption de 92% pour seulement 8% des transactions réservées par téléphone.

Par ailleurs, les réservations sont plus rapides et plus faciles. Les données atterrissent au bon endroit, dans les calendriers des voyageurs jusqu’au partenaire de gestion des risques de l’entreprise. Quant au paiement direct, il permet de réduire les dépenses manuelles.

Dernier avantage et non le moindre : le reporting s’appuie, grâce à la blockchain, sur une seule source de vérité. « Cela a grandement amélioré la précision et la transparence de nos données, explique Éric Gray. Nos fournisseurs et nous-mêmes voyons désormais les mêmes données lors des réunions et des négociations ».

Brook Armstrong, co-fondateur de Blockskye, estime que la plateforme permet de réduire les coûts d’au moins 4% du prix du billet, « ce qui représente une somme considérable dans les négociations contractuelles entre acheteurs et fournisseurs » écrit le journaliste.

Les fournisseurs directs de la plateforme ne sont pas encore très nombreux mais ils pèsent lourd : American Airlines, Avis, Hyatt, Lufthansa, Marriott, Southwest Airlines et United. 

Lors d’une conférence Phocuswright qui se déroulait en novembre à Fort Lauderdale, en Floride, Brook Armstrong a révélé que Blockskye aura généré 700 000 transactions et 800 millions de dollars de ventes en 2023. Pas mal pour des premiers pas ! Il a annoncé par ailleurs qu’il était en train d’intégrer ses 2e et 3eclients : Tripadvisor et le géant des spiritueux Diageo.

La start-up est très bien épaulée : on y retrouve au conseil d’administration deux vieilles connaissances de l’industrie, grands pros et anciens d’Amex GBT, l’ex-président Charles Petrucelli et l’ex-directeur directeur général Hervé Sedky. Il y a pire comme accompagnement. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Aérien : la concurrence du loisir confirmée

Les touristes aisés veulent s’offrir des classes affaires ? Les compagnies aériennes leur facilitent grandement la vie. 

Le mois dernier, l’Œil de l’AFTM s’était penché sur la forte concurrence du segment loisir, notamment dans l’hôtellerie et l’aérien. Concurrence qui génère pour les corpos une inflation des tarifs, une pénurie de disponibilités et, selon certains travel managers, un manque de considération de la part des fournisseurs. 

Une étude réalisée par Amadeus et relayée par Business Travel Mag montre que les compagnies aériennes ont trouvé la parade pour accompagner sinon susciter l’intérêt des touristes à voler à l’avant de l’avion. Elles proposent de plus en plus des tarifs en classe affaires « dégroupés », plus abordables et plus accessibles. 

Amadeus indique que la tendance a été lancée par Emirates en 2019 lorsqu’elle a mis sur le marché des billets en classe affaires sans accès aux salons, avec un choix de sièges restreint et sans possibilité de surclassement. 

Qatar Airways a suivi avec un tarif pour lequel les passagers doivent payer un supplément pour accéder au salon, changer de date ou d’itinéraire, tout en gagnant moins de miles. Finnair et Zipair (Japon) ont suivi en 2021, rejointes par Air France/KLM qui a introduit cette année des tarifs Business Class Light sur ses vols long-courriers.

Cette tendance devrait se poursuivre en 2024, le marché des loisirs ne montrant pas réellement de signes d’essoufflement. Bien que les tarifs aériens devraient enfin se calmer, comme le prédisent conjointement Amex GBT et BCD Travel, le sourcing aérien restera donc compliqué pour les entreprises d’autant que les capacités ne retrouveront pas tout à fait leurs niveaux de 2019.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

CO2 : le voyage d’affaires exemplaire ?

Une étude démontre que le voyage d’affaires ferait de gros efforts pour émettre moins de CO2. Vrai ou faux ?

En marge de la COP28 qui s’est tenue à Dubaï début décembre, les chiffres de l’ONG Transport et Environnement (T&E) en ont surpris plus d’un. D’après cette étude, dont Business Travel News se fait l’écho, 50% des grandes entreprises mondiales ont réduit de moitié le nombre de vols d’affaires en 2022 par rapport à 2019 !

C’est le cas de 104 entreprises sur un total de 217 auditées dans le cadre de Travel Smart, une campagne internationale menée par T&E et visant à réduire les émissions de CO2 des voyages d’affaires en avion. Le spécialiste des logiciels de gestion SAP (-86%), le géant pharmaceutique Pfizer (-78%) et le groupe de conseil PwC (-76%) figurent parmi les entreprises qui ont le plus réduit leurs déplacements en avion.

Toutefois, certaines entreprises se sont rapprochées des niveaux de 2019, 21 d’entre elles l’ont même dépassé en 2022. Toujours selon cette étude, les émissions de CO2 dues au voyage d’affaires auraient diminué de 51% entre 2019 et 2022 (si l’on se base bien sûr sur les données de ces 217 entreprises). 

Faut-il accorder du crédit à ces chiffres ? L’ONG a fait, semble-t-il, un travail assez sérieux et n’est pas réputée pour être accommodante quand il s’agit du réchauffement climatique. Un autre de ses chiffres vient néanmoins apporter un début d’explication : Denise Auclair, responsable de la campagne Travel Smart, souligne que 171 des 217 entreprises analysées n’avaient pas d’objectifs de réduction des émissions liées à leurs voyages d’affaires. Ce qui laisse à penser qu’une bonne partie de la réduction des vols d’affaires, à défaut d’être volontaire, est due avant tout à la forte augmentation de l’usage de la visioconférence. Et peut-être un peu à l’inflation des tarifs.

Malgré tout, ces chiffres rejoignent ceux des études qui montrent que le marché des voyages d’affaires n’a pas retrouvé les volumes antérieurs au Covid et qu’il en manque toujours 20 à 25%, principalement en raison de la baisse de consommation des grands comptes.

Un autre chiffre est venu dernièrement confirmer la tendance : Air France a justifié son départ d’Orly en affirmant que les vols domestiques A/R journée avaient baissé de 60% depuis le Covid ! Un effet visioconférence assurément, même si le report de l’avion vers le train est loin d’être négligeable. 

On peut voir le verre à moitié plein : tant mieux pour la planète si la visioconférence remplace des déplacements à ROI plus faible ! Par ailleurs, Travel Smart démontre aussi que 46 grandes entreprises ont donc de réels objectifs de baisse d’émissions de CO2 de leurs voyages d’affaires, ce qui reste encourageant malgré les difficultés à mesurer ces émissions.

Pour Denise Auclair, « les leçons de la pandémie ont été tirées, la voie à suivre est celle de la collaboration, avec plus de réunions en ligne, plus de voyages en train et moins en avion ». Et de rappeler à une réduction de 50% de l’ensemble des voyages d’affaires au cours de la décennie actuelle afin d’être en ligne avec une limitation de la hausse de température de 1,5°.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Budget hôtels : tension maximale

L’inflation dans l’hôtellerie ne se calme pas vraiment, en Europe surtout, imposant aux acheteurs et aux travel managers de trouver de nouvelles parades.

Savez-vous comment les pros du voyage d’affaires anglo-saxon désignent un appel d’offres, request for proposal (RFP) en anglais ? Ils jouent sur l’acronyme et l’appellent « right f…..g pain », une « p….n de douleur » ! Jamais dans l’histoire récente du business travel la négociation hôtelière n’avait mérité un tel surnom tant la hausse des tarifs a pris des proportions inédites.

Et l’inflation hôtelière ne semble pas devoir se détendre en dépit des prévisions modérées de certains observateurs, jusque-là démenties par les faits. Pour 2024, Amex GBT estime ainsi que les prix des hôtels augmenteront de 11% à Paris, 9,5% à Lyon, 10,8% à Amsterdam, 9,1% à Londres… On est loin de l’apaisement espéré, d’autant que se profile le triplement de la taxe de séjour dans les hôtels de la région parisienne dès le 1er janvier prochain.

Les hôtels profitent-ils de la situation ? Oui et ils ne s’en cachent pas. Cité par The Company Dime dans un excellent article, le pdg de Hilton, Chris Nassetta, déclare : « Nous insistons beaucoup sur les prix parce que nous sommes dans un environnement très inflationniste. Si l’on se place du point de vue de l’optimisation des revenus, continuer à pousser les prix est la bonne stratégie, quitte à entamer nos taux d’occupation ». 

Elie Mahlouf, Pdg de IHG (InterContinental Hotels Group), précise : « Nous avons actuellement la possibilité de modifier la composition de notre clientèle et de choisir des clients privilégiés qui sont prêts à payer des tarifs plus élevés et à rester plus longtemps ». En clair, les voyageurs d’affaires ne sont pas les meilleurs clients pour la rentabilité des hôtels, contrairement à la clientèle loisirs, en plein boom. Sans compter la très bonne santé du MICE qui, selon Tammy Routh, VP ventes monde de Marriott, « vient aussi et très fortement concurrencer le voyage d’affaires individuel ».

Les travel managers sur le qui-vive

Une situation qui ne manque pas de préoccuper les travel managers. Steven Van Overmeiren, directeur des voyages monde du cabinet d’avocats Baker McKenzie, confirme : « D’une manière générale, la pression sur les tarifs augmente, même si elle ne sera pas aussi forte qu’en 2023 ». D’après un récent sondage réalisé par la société américaine Tripbam (qui propose un audit automatisé et permanent des tarifs hôteliers), 56% des 200 acheteurs interrogés s’attendaient à ce que le poste hôtelier soit le plus difficile à négocier au cours des deux prochaines années.

Un exemple de cette tension : des acheteurs et des travel managers se plaignent des réponses à des appels d’offres qui débutent systématiquement par une forte augmentation des tarifs, comme le racontait récemment un article de Business Travel News : « Cela ne montre clairement pas une volonté de partenariat ni de dialogue ». De l’autre côté de la barrière, et dans le même reportage, les hôteliers regrettent que les appels d’offres ne s’appuient pas (ou peu) sur de solides données de volume. 

Alors que faire ? Il y a bien sûr les conseils habituels en de pareilles circonstances : réduire son nombre de fournisseurs, négocier des tarifs fixes dans les hôtels les plus fréquentés par ses voyageurs (sans oublier d’obtenir dans ces établissements des conditions LRA, last room availability, qui permettent de réserver la dernière chambre disponible d’un hôtel au tarif négocié), privilégier les prix dynamiques dans les autres hôtels, consolider les dépenses voyages d’affaires et MICE…

Des nouveaux types de partenariat

Et quoi d’autre ? Face à l’inflation, certaines entreprises commencent à faire un pas de côté et mettent en avant d’autres arguments comme le relate The Company Dime. C’est le cas de Makiko Barrett, directrice des achats voyages de la société Automation Anywhere, qui témoignait lors de la convention annuelle de la GBTA en août dernier : « En ce moment, je ne me concentre pas trop sur les remises éventuelles, j’essaie plutôt de tirer un parti maximum des partenariats avec les hôtels ». 

En clair, une expérience sûre, sécurisée, sans friction et confortable dans un établissement soucieux de l’environnement n’est-elle pas aussi importante, voire davantage, que le tarif pratiqué ? 

Cité par le journaliste, Scott Gillespie, le fameux consultant de tClara, voit ici un changement fondamental dans les approches d’achat voyages : « Il semble que la fonction achat ait désormais la permission d’élargir ses sources de valeur à autre chose que les coûts ». 

T.J Blue, travel manager d’IBM, est d’accord : « Le tarif négocié n’est pas toujours égal au coût final. Les plus grandes opportunités d’économies concernent aujourd’hui les coûts en aval de la conformité de la politique voyages, du comportement voyageurs… qui sont souvent ignorés. Or les frictions du voyage, le bien-être, la durabilité et la production de carbone ont une valeur qui doivent faire partie de la stratégie achat et de la négociation fournisseurs ». 

Voilà qui ouvre en tous cas de nouvelles perspectives pour la gestion de ce budget hôtel sous pression, des pratiques d’ailleurs que l’on voit aussi poindre lors des négociations des dépenses aériennes. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Aérien : le malaise des travel managers

Des travel managers alertent sur la dégradation des relations entre les entreprises et les transporteurs aériens. En cause : la norme NDC bien sûr mais pas seulement.

La question qui fâche. C’est Sue Jones, travel manager monde de Ingka Group, la holding qui coiffe Ikea, qui l’a posée début octobre lors d’une conférence organisée à Londres par ITM, l’équivalent britannique de l’AFTM, et relayée par Business Travel News : « Les compagnies aériennes ont-elles autant besoin de nous qu’avant ? » 

Cette table ronde, qui rassemblait trois poids lourds du travel management (les directeurs voyages de Ingka Group, Accenture et TikTok) et trois représentants de compagnies aériennes (American Airlines, British Airways et Qatar), a illustré les fortes tensions du moment entre les transporteurs et leurs clients entreprises. 

A l’origine de la brouille, la nouvelle norme de distribution NDC évidemment qui génère nombre de perturbations, notamment des difficultés à accéder au contenu via les canaux préférentiels, entraînant des fuites dans les programmes voyages.

Sue Jones s’agace en effet : « Tous les jours ma boite mail est envahie par des messages de voyageurs qui disent : je peux trouver moins cher en passant par la vente directe, je peux faire cela moi-même. » Moins cher, vraiment ? Dans The Company Dime, l’outil de réservation online américain AmTrav confirme: « Les entreprises ayant accès au NDC d’American Airlines ont payé en septembre en moyenne 14% de moins que celles qui n’y ont pas accès. »

Des objectifs contraires

Mais l’argument tarifaire ne suffit pas à convaincre Sue Jones qui insiste sur les objectifs «diamétralement opposés » des compagnies aériennes et des entreprises : « Avec cette stratégie de vente moderne, dont nous comprenons la réalité économique, les compagnies traitent les voyageurs individuels comme des clients. C’est tout à fait acceptable pour le segment loisirs mais dans le voyage d’affaires, c’est nous, entreprises, qui sommes les clients. »

Jan Jacobsen, directeur des achats voyages monde chez Accenture, est d’accord pour dire que « les compagnies aériennes se concentrent trop sur le client final et non sur le payeur. » Et de poursuivre : «Je ne dis pas qu’il ne faut pas s’occuper des voyageurs mais nous avons des politiques voyages en place pour des raisons bien précises. » 

Pas de quoi émouvoir Kyle Cumbie, le directeur des ventes mondiales d’American Airlines, qui répète en effet que la stratégie à long terme de la compagnie est « axée sur le voyageur ». Et de préciser : « Ce qui a motivé cette stratégie, c’est la nouvelle réalité des voyages. » 

En clair, Kyle Cumbie entérine la montée en puissance de la clientèle loisirs mais, plus intéressant encore, affirme que, si les « volumes par entreprises sont beaucoup moins importants qu’avant, ceux des PME (et notamment non intermédiés, donc non gérés par une TMC) augmentent de manière significative, à des niveaux jamais vus. »

La concurrence du segment loisirs

David Oppenheim, directeur des ventes mondiales de British Airways (BA), approuve : « Les activités loisirs de BA ont énormément augmenté depuis la pandémie tandis que le trafic affaires est nettement inférieur à ce qu’il était. » David Oppenheim pousse alors plus loin l’explication : « Avant le Covid, l’écart entre le prix moyen payé par un voyageur d’affaires et celui payé par un voyageur loisir était très conséquent. L’ennui est qu’il s’est considérablement réduit. » Ce qui signifie qu’en offrant aux voyageurs d’affaires les mêmes réductions qu’avant le Covid, ces derniers pourraient devenir les « pires clients » du transporteur !

Sur la nouvelle importance du segment loisirs, Jan Jacobsen, d’Accenture, prend les compagnies aux mots : « Elles doivent considérer notre proposition de valeur de manière holistique. Chez Accenture, je vous donne accès à 740 000 employés dans le monde qui voyagent aussi pour leurs loisirs. Pourquoi cela n’a-t-il pas de valeur ? Cela devrait aussi entrer dans l’équation. » 

Sue Jones prévient néanmoins les compagnies : « Vous n’avez peut-être plus autant besoin de nous qu’avant, mais à un moment donné les voyages loisirs vont plafonner, voire chuter. » 

Cité par The Compagny Dime, Cory Garner, l’ancien patron de la distribution chez American Airlines et aujourd’hui consultant indépendant, douche rapidement les espoirs : « Les compagnies profitent généralement de cycles économiques temporaires pour modifier de façon permanente leur mode de fonctionnement. La quantité de personnel, de systèmes et de capital relationnel pour mettre en place des programmes de remises aux entreprises et de commissions est énorme. Il est très peu probable qu’un transporteur qui s’est débarrassé de cette infrastructure puisse la rétablir facilement. En réaction aux futurs cycles économiques, il utilisera les outils dont il dispose déjà : prix, réseau, programmes de fidélisation… » 

Pour ceux qui en doutaient encore, on a bien changé d’ère dans les relations entre compagnies aériennes et entreprises. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Ce que l’IA va vraiment changer dans vos métiers

L’intelligence artificielle générative va profondément modifier l’industrie du voyage d’affaires. Vertigineux mais pas sans dangers.

Johnny Thorsen est sans doute aujourd’hui l’un des meilleurs spécialistes au monde des technologies du voyage d’affaires. Il est aussi vice-président chargé de la stratégie et des partenariats chez Spotnana, une start-up américaine qui se définit comme une plateforme tout-en-un pour les déplacements professionnels dont on reparlera dans ces colonnes.

En juin dernier, s’exprimant sur l’intelligence artificielle lors du Business Travel Show à Londres comme le raconte PhocusWire, il a demandé à l’auditoire « de se préparer à des choses qu’ils ne peuvent même pas encore imaginer. » Piquant alors la curiosité des travel managers et des acheteurs présents dans la salle, il se lance dans un exemple : « Si quelqu’un mettait un moteur d’IA au-dessus des recherches de Google Flights, on n’aurait plus besoin d’un moteur de recherche. Vous n’auriez plus besoin de SBT parce que ce moteur d’IA deviendrait aussi votre TMC en plus d’avoir accaparé les capacités de Google Flights. » Et de conclure en forme d’avertissement : « Préparez-vous donc à la nécessité de déconstruire et de réassembler votre programme de voyage car cette technologie accélérera les changements en cours. À part cela, jouez avec, utilisez-la dans votre vie privée et familiarisez-vous avec elle, car elle n’est pas près de disparaître. »

Science-fiction ? On n’en est pas encore là mais les travel managers doivent vite se pencher sur le sujet. Certes, l’IA est présente depuis de nombreuses années dans le voyage d’affaires, au travers de services comme les réponses aux questions fréquemment posées par les voyageurs (les fameux FAQ). Selon Mihai Dinu, gestionnaire de notes de frais chez UiPath, cité par Business Travel News, « l’évolution a été lente jusqu’à aujourd’hui mais l’IA générative comme ChatGPT est le chaînon manquant dans l’automatisation des voyages d’affaires. ChatGPT a le pouvoir de prendre des décisions, c’est un cerveau. »

D’énormes gains de productivité

Mat Orrego, Pdg de Cornerstone Information Systems, approuve et estime que de nombreuses tâches courantes de partage d’informations n’auront plus besoin d’être recherchées et transmises par un humain, le genre de travail qui occupe une grande partie de la journée d’un agent de voyages, écrit l’auteur de l’article, l’excellent Amon Cohen. 

Ce dernier voit aujourd’hui 3 conséquences majeures pour l’industrie du voyage d’affaires : 

  1. L’IA va créer un nouvel assistant pour la gestion et l’achat de voyages. Par exemple, les acheteurs ont beaucoup de contrats fournisseurs à gérer. « Or lorsque vous introduisez un contrat d’achat complexe d’une compagnie aérienne dans ChatGPT, il devient soudain plus clair car le robot aura eu la capacité de le résumer » explique Mat Orrego.
  • Les SBT pourraient disparaître. Will Tate, consultant, raconte ainsi que l’IA lira vos textos, vos courriels, vos demandes de calendrier, vos communications, et dira : « Madame X va avoir besoin de voyager à Londres tel jour. Elle doit y prononcer un discours à 10h. Je connais toutes ses préférences personnelles. Elle n’aime pas prendre un vol de nuit, elle aime arriver tôt et séjourner dans un hôtel en particulier. » Le système génère alors une suggestion d’itinéraire et invite madame X à cliquer pour réserver ! Mihai Dinu est plus prudent : « Je ne pense pas que cela se produira bientôt (…), notre secteur et les contenus sont très fragmentés et il existe un énorme réservoir de données imprécises ou inexactes, c’est un véritable défi. »
  • Les fournisseurs pourraient détourner les voyageurs du programme de l’entreprise. ChatGPT est une arme redoutable pour la vente et le marketing personnalisés. « Les fournisseurs vont proposer aux voyageurs des offres très ciblées, adaptées à leurs préférences mais très probablement en contradiction avec les objectifs de la politique voyages », avance Will Tate.

Les TMC en première ligne

Pour les TMC, le changement pourrait aussi être radical mais constitue une opportunité alors qu’elles sont confrontées à une pénurie de main d’œuvre. Dans un autre article de Business Travel News, John Morhous, spécialiste des technologies chez FCM, déclare : « L’IA a le pouvoir d’améliorer l’intelligence, la créativité et la perspicacité. Cela nous offre des opportunités sans précédent qui s’étendent à tous les points de contact ».

Selon lui, « l’IA peut contribuer à améliorer la gestion des voyages d’affaires de multiples façons, notamment en créant des communications personnalisées sur les politiques voyages, en capturant automatiquement les réservations hors politique qui ont fuité, en clarifiant et en acheminant les demandes de voyage vers le meilleur canal de réservation et en capturant toutes les informations sur le voyage pour faire gagner du temps aux agents de voyages. »

Daniel Senyard, toujours de FCM, s’enthousiasme : « Il s’agit d’une étape passionnante vers la redéfinition de la manière dont notre industrie aborde le service et augmente considérablement la vitesse à laquelle nous pouvons offrir une véritable valeur à nos clients ».

Les travel managers menacés ?

Et les travel managers dans ce maelström ? Vont-ils disparaître ? Mat Orrego et Mihai Dinu pensent qu’ils verront au contraire leur rôle renforcé. « L’IA peut devenir l’assistant virtuel des gestionnaires de voyages, elle élargit leurs capacités et leur permet de se concentrer sur des questions plus stratégiques que tactiques. »

Et tout ceci à quel horizon ? Johnny Thorsen affirme que l’IA générative passe aujourd’hui par le cycle normal de l’engouement : « Et puis viendra le temps des déceptions et des histoires terribles sur des données mal interprétées ou mal utilisées. Ensuite seulement arrivera le temps des solutions réellement disponibles, où beaucoup de choses se produiront, de sorte que l’année 2024 sera probablement le moment des premières solutions vraiment significatives dans le voyage d’affaires. »

D’ici là, Microsoft fait partie des sociétés qui cherchent à connecter la technologie GPT à l’internet. «C’est à ce moment-là que le véritable pouvoir de ChatGPT sera révélé et qu’il deviendra pertinent pour notre industrie » assure Mihai Dinu. « Sans données en temps réel, il ne sert à rien, on ne peut pas se fier à des informations d’horaires et de numéros de vol obsolètes. »

Il reste bien sûr de nombreuses interrogations sur la protection des données (où vont-elles ?) et sur la consommation très énergivore de l’IA alors que le climat se réchauffe dangereusement. Karim Jouini, le patron fondateur d’Expensya, expliquait récemment qu’une décision prise par un humain consommait 30 watts. La même décision par ChatGPT ? 1 megawatt, soit 33333 fois plus… 

François-xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

La techno des TMC : c’est aussi votre problème !

Dans un métier de plus en plus technologique, les travel managers doivent mettre au défi les choix des TMC en la matière.

Regarder sous le capot des TMC. C’est le conseil que donne aux travel managers le très bon papier de Business Travel Mag afin de regarder au plus près « ce qui alimente leurs moteurs technologiques. » Jusqu’à présent, très peu le faisaient mais c’est en train de changer.

Paul Tilstone, consultant et directeur associé de Festive Road, le confirme : « Les travel managers veulent désormais savoir ce qui se cache derrière la technologie de leur TMC afin de pouvoir juger s’ils obtiendront le bon contenu, et de la bonne manière, à même de valoriser leur programme voyages et d’apporter la meilleure expérience à leurs voyageurs. »

La priorité est de faire la distinction entre les TMC qui ont leurs propres technologies et celles qui s’appuient sur des tiers. Et cela n’est pas aussi simple qu’il n’y parait, comme le décrit Scott Wylie, directeur de la technologie chez TripStax, un spécialiste britannique du traitement des données : « Le secteur est truffé de TMC qui vantent leurs piles technologiques mais en réalité il s’agit d’une combinaison de plusieurs applications de fournisseurs tiers, en marque blanche et consolidées avec des intégrations complexes et souvent instables. »

Des TMC propriétaires ou non de leur techno ? Les deux formules ont, pour les clients, leurs avantages et leurs inconvénients. Celles qui ont développé leurs propres solutions peuvent inspirer, à raison, davantage confiance quant à leur expertise et leur implication. En revanche, il est plus difficile de s’en défaire si vous souhaitez changer de prestataire.

Les API démocratisent la techno

S’appuyer sur des tiers présente aussi des bénéfices car il est dans l’intérêt de ces derniers d’innover en permanence sinon ils ne survivraient pas. C’est souvent le choix des petites TMC qui, écrit le journaliste, « avec les bonnes équipes opérationnelles et informatiques, peuvent parfois être plus agiles, avec des taux d’adoption beaucoup plus rapides que les grandes TMC. »

Une chose est sûre : le développement des API, les interfaces de programmation (à l’origine notamment de la fragmentation des contenus), permettent à toutes les TMC, grandes, moyennes ou petites, de se brancher très rapidement sur toute nouvelle technologie et de se l’approprier. Une tendance qui va s’accentuer à l’avenir.

Pour finir, selon Nick Easen, l’auteur de l’article, l’indicateur le plus important est sans doute la philosophie générale de la TMC en matière de technologie : « A-t-elle une culture de l’innovation, du développement et de la remise en question ? Il est essentiel que les travel managers s’alignent sur des TMC en constante évolution. »

5 conseils à retenir :

  • Assurez-vous que toute fonctionnalité importante est alignée sur les exigences de votre propre programme de voyages.
  • Demandez-vous sila solution technologique est conçue pour la connectivité avec des tiers
  • Déterminez quelles applications et quels contenus sont importants, pour des raisons aussi bien opérationnelles que commerciales, et lesquels ne le sont pas.
  • Choisissez une agence de voyages qui innove et investit en permanence dans la technologie.
  • Renseignez-vous sur la feuille de route technologique de votre TMC.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Réunions en distanciel : les entreprises françaises rechignent

Les entreprises tricolores restent attachées aux échanges en présentiel et certaines freinent même des quatre fers sur le télétravail.

Enfin une étude sérieuse sur les réunions à distance ! Parue début octobre et réalisée par l’Insee auprès d’un échantillon de 12500 entreprises de plus de 10 personnes implantées en France, elle vient battre en brèche quelques certitudes. 

Premier constat : « en 2022, 44% des entreprises françaises organisent des réunions à distance via internet », observe l’Institut national de la statistique et des études économiques. « C’est moins que dans l’ensemble de l’Union européenne (50 %), où les pratiques sont toutefois hétérogènes : plus de trois entreprises sur quatre des pays nordiques (Suède, Finlande et Danemark, de 78 à 79 %) organisent des réunions à distance, mais moins d’un tiers en Bulgarie, Hongrie et Grèce (de 28 à 33 %). »

Ce sont les PME de moins de 50 personnes qui renâclent le plus à l’exercice, elles ne sont que 38% à y avoir recours régulièrement contre 44% de leurs homologues européennes. En revanche les entreprises françaises de plus de 250 personnes en sont autant adeptes que leurs alter ego continentales. 

Les secteurs d’activité les moins fervents sont la construction, le transport et l’entreposage, la production et la distribution d’énergie, d’eau, la gestion des déchets et la dépollution. 

La France championne des freins aux voyages d’affaires !

Deuxième constat, qui pourrait en étonner certains : « En 2022, parmi les entreprises qui organisent des réunions à distance, près de deux sur trois (64 %) en France donnent des directives pour privilégier ce type de réunions plutôt que les déplacements, soit 1,5 fois plus que dans l’Union européenne (44 %). Les entreprises françaises sont parmi celles qui les encouragent le plus en Europe avec la Roumanie, Chypre, l’Espagne et le Portugal (de 61 à 70 %). » Et l’Insee de préciser : « L’écart avec l’Union européenne reste important quelle que soit la taille des entreprises (+16 points au moins). » Une preuve chiffrée que les entreprises françaises incitent davantage que les entreprises européennes à limiter les déplacements professionnels !

Troisième constat : si les réunions à distance sont moins fréquentes en France que dans le reste de l’Europe, les entreprises tricolores équipent en revanche mieux leurs salariés pour le télétravail : « 65% d’entre elles fournissent à au moins une partie de leurs salariés un accès à distance à l’ensemble des outils professionnels (messagerie, documents et logiciels), contre 57 % dans l’Union européenne. » 

Si le télétravail est entré dans les mœurs, les Français restent donc les champions d’Europe de la présence au bureau confirme un article récent des Echos qui cite une étude du cabinet conseil en immobilier JLL. Selon cette dernière, les Français sont en présentiels 3,5 jours par semaine en moyenne contre (dans l’ordre) 3 jours pour les Suisses, 2,6 jours pour les Britanniques et 2,5 jours pour les Espagnols.

Télétravail : le début d’un reflux ?

Des chiffres qui montrent, d’après un autre article des Echos, « que les dirigeants et les DRH reconnaissent sans peine tâtonner encore sur les avantages et les inconvénients du travail à distance. » Le quotidien économique raconte ainsi que le groupe Amadeus (bien connu des membres de l’AFTM) «tente de faire revenir ses salariés au bureau ». En effet, « 65% des 4200 collaborateurs sont en télétravail trois jours par semaine, ce qui peut poser certains problèmes. » La solution ? « Le groupe a donc mis en place un programme d’incitation pour ramener le pourcentage de télétravailleurs à 50 %, notamment en organisant des « événements festifs » entre collègues. »

Aux Etats-Unis, l’atterrissage est beaucoup plus brutal et certains secteurs veulent que leurs employés reviennent au bureau, parfois sous peine de sanctions. Amazon vient ainsi d’autoriser ses managers à licencier les employés qui ne viennent pas sur site au moins 3 jours par semaine !

Le Figaro annonce même la fin du télétravail dans le secteur qui l’a popularisé : la tech américaine. Amazon donc mais aussi Google, Meta, Apple, Tesla… Elles en reviennent toutes ! Le Pdg de Meta, Mark Zuckerberg, grand promoteur du télétravail, déclare finalement que le présentiel et « que les relations en personne nous aident à travailler plus efficacement. »

Sam Altman, l’inventeur de Chat GPT, parle du télétravail comme « l’une des pires erreurs de l’industrie de la tech. » Même le Pdg de Zoom, Eric Yuan, affirme « qu’il est simplement impossible d’avoir une bonne conversation lors des réunions à distance. » Un comble ! 

Est-ce le signe d’une inversion de tendances ? Les adversaires du télétravail peuvent toujours rêver : un sondage réalisé début octobre auprès de 470 jeunes diplômés d’écoles de commerce et d’ingénieur par l’Institut Bona Fidé et relayé par Les Echos révèle que trois quarts d’entre eux souhaitent une extension du travail à distance. Il va donc sans doute falloir faire avec !

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM