Comment démontrer la valeur de la TMC ?

Tel serait aujourd’hui le principal défi des acheteurs anglais, un débat qui pourrait aussi avoir lieu en France. 

Il n’a pas de portée statistique mais il est instructif. Comme le relate Business Travel Mag, le dernier sondage effectué par l’ITM (équivalent britannique de l’AFTM) auprès de ses adhérents établit que le principal défi actuel des acheteurs et des travel managers est de démontrer la valeur de l’utilisation de la TMC aux voyageurs et aux parties prenantes de l’entreprise. 

Ainsi, 57% d’entre eux ont déclarés être confrontés à une augmentation du brouhaha (traduction libre de « noise ») des voyageurs qui veulent réserver directement auprès des compagnies aériennes et qui remettent en question la nécessité d’utiliser une TMC.

Tainted love

C’est le point de départ d’un article absolument passionnant écrit par l’une des plus grandes plumes du voyage d’affaires, Amon Cohen, dans Business Travel News Europe. Publié le 19 février dernier, il est intitulé « Tainted love » (« amour vicié »), du nom d’un tube de Soft Cell qui rappellera de très bons souvenirs aux plus de cinquante ans mais aussi aux plus jeunes. 

Amour vicié : c’est ainsi qu’il caractérise les relations entre certains travel managers et leurs TMC qui se détériorent en raison des tensions qui opposent ces mêmes travel managers à leurs voyageurs. La raison? « Les programmes de voyages sont en ce moment mis à l’épreuve, la faute étant souvent imputée à la TMC qui n’est pas en mesure d’accéder aux bons tarifs. » 

Le refrain du voyageur, vieux comme le travel management, « Je peux trouver moins cher ailleurs », revient en effet en force à mesure que les compagnies aériennes accélèrent le développement de NDC et retirent nombre de tarifs des canaux EDIFACT des GDS. 

Hier, les voyageurs trouvaient eux-mêmes des tarifs moins chers que les TMC en comparant des torchons et des serviettes (notamment sur les conditions d’annulation). Ce qui avait le don d’agacer les travel managers. Aujourd’hui en revanche, « les voyageurs auront plus souvent raison de dire qu’ils ont trouvé un tarif moins cher en ligne », avoue un acheteur interrogé par Amon Cohen. 

L’incompréhension des voyageurs

« Oui mais non », répond Clive Wratten, le directeur général de la Business Travel Association, qui représente un grand nombre des TMC britanniques. Pour se justifier, il demande au lecteur de s’imaginer s’évanouir dans un supermarché. « Si c’est un supermarché discount, on vous passera dessus ou on vous poussera. S’il est moyen de gamme, on vous donnera une chaise. S’il est haut de gamme, on vous donnera une chaise, on appellera une ambulance et on vous rappellera plus tard pour s’assurer que vous allez bien. »

En clair, ceux qui réservent par le biais d’une TMC bénéficient d’un bien meilleur service « mais cette différence, explique Clive Wratten, reste difficile à faire comprendre au voyageur ». Et pour cause : les travel managers s’adressent à des parties prenantes internes qui n’entendent pas grand-chose aux subtilités parfois complexes de l’industrie du voyage.

Des parades limitées

Alors que faire ? Lors d’une réunion interne, les acheteurs de l’ITM ont partagé quelques tactiques pour gérer la frustration des voyageurs, comme permettre à ces derniers de réserver un tarif moins cher en dehors du programme, à condition que ce soit signalé via les processus de dépenses dans le courant du mois du déplacement. 

Un autre a raconté que sa TMC réservait des tarifs sur les sites web des compagnies aériennes et les introduisait ensuite dans les segments passifs du GDS mais « cela crée plus de travail et donc de frais de transaction. »

Un autre encore a rapporté qu’il avait élaboré un résumé de deux pages expliquant pourquoi les bouleversements dans la distribution aérienne rendaient plus difficile l’accès aux bas tarifs. Tout en soulignant dans son document que les voyageurs doivent continuer à réserver par l’intermédiaire de la TMC.

Plus de dialogue

Aucune de ces parades ne semblait totalement satisfaisante. La solution la plus évidente ? « Si les TMC veulent rester pertinentes, elles doivent moderniser leur distribution », déclare à Amon Cohen un travel manager allemand. A défaut, la fragmentation du contenu pourrait creuser un fossé entre les acheteurs et les TMC.

Le même souhaite toutefois rendre justice aux TMC : « Le fait est que nous ne sommes toujours pas prêts à payer le juste prix pour le service. (…) Les TMC dépendent des incentives GDS pour couvrir leurs frais de transaction. Or nous leur demandons de trouver les meilleurs tarifs en dehors du GDS mais nous ne sommes pas disposés à leur accorder une compensation équitable. »

Au cours de leur réunion, comme le raconte Business Travel Mag, les travel managers de l’ITM ont aussi estimés que « le déploiement des nouvelles stratégies de distribution par certaines compagnies aériennes ne s’est pas bien aligné sur leurs besoins, leurs flux de travail et leurs demandes de service. » Leur souhait : « avoir un dialogue ouvert et honnête avec toutes les parties impliquées. » A bon entendeur !

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM 

Politiques voyages : faisons table rase !

La lutte contre le réchauffement climatique pourrait passer par la mise au placard des politiques voyages axées sur les coûts.

Scott Gillespie a encore frappé ! L’iconoclaste consultant américain poursuit sa remise en question méthodique des normes du secteur. Dans sa dernière chronique parue dans l’indispensable The Company Dime, Scott Gillespie s’attaque à la lutte contre le réchauffement climatique et à l’inefficacité du contrôle classique des coûts. 

Son propos ? « Depuis plus de 30 ans, les politiques voyages sont axées sur la réduction des coûts (…) et incitent les voyageurs à opter pour le tarif le plus bas et/ou pour des fournisseurs privilégiés (c’est-à-dire à prix réduits). »

Bien qu’elles aient été utiles à de nombreuses entreprises, ces politiques de voyages ont leur revers de médaille : « la satisfaction de payer moins cher pour les voyages d’affaires a longtemps caché deux coûts élevés, dont aucun ne sera acceptable en 2024 et dans les années à venir. »

Voyages à faible valeur

Le premier coût caché concerne les voyages à faible valeur. Sa définition ? Des voyages qui n’apportent pas de valeur financière à l’entreprise (depuis des années Scott Gillespie travaille sur le ROI des voyages d’affaires et sur des méthodes de calcul qu’on peut retrouver sur son site.

D’après ses recherches, « 25 à 30% des voyages effectués aux Etats-Unis au cours de la dernière partie de l’année 2022 étaient en effet de faible valeur. » 

Et de s’interroger naturellement : « Pourquoi les entreprises s’efforcent-elles d’économiser 10 ou 15% sur le prix des voyages alors qu’elles pourraient économiser 100% des dépenses liées à ces voyages à faible valeur en ne les effectuant pas ? »

S’il convient que tous les voyages à bas prix ne sont pas de faible valeur, « le fait est que les bas prix permettent d’approuver beaucoup plus facilement des voyages qui recevraient un “Non, vous ne pouvez pas y aller” si le prix du voyage était plus élevé. »

Émissions de CO2

Le deuxième coût caché est celui des émissions excessives de CO2. « Les lois de l’offre et de la demande sont simples, argumente-t-il, des prix plus bas signifient que des quantités plus importantes seront achetées. (…) Les implications en termes de carbone sont claires. »

Des politiques voyages axées sur les coûts qui ne sont pas favorables au climat ; des exigences règlementaires de plus en plus fortes en matière de reporting ; des objectifs de baisse d’émissions de CO2 ambitieux pour les entreprises. Dans ces conditions, que recommande-t-il ? 3 axes pour une politique de voyages à long terme, repris ici in-extenso par souci de ne pas trahir la clarté du propos :

  • « Exiger une évaluation préalable des besoins pour chaque voyage. Demander les critères qui permettront de juger de la réussite du voyage. Lier chaque voyage à l’objectif principal de l’entreprise, par exemple “augmenter le chiffre d’affaires” ou “améliorer nos effectifs”. Demander ensuite aux voyageurs ou à leurs responsables d’évaluer l’impact de leurs voyages. Cela ne résout pas à 100 % le problème des voyages de faible valeur, mais c’est un bon début. »
  • « Éliminer toutes – oui, toutes – les politiques de voyage axées sur les coûts pour les voyages non essentiels. Aider les managers à prendre des décisions plus disciplinées quant à l’utilisation de leurs budgets de voyage. Remplacer tous les objectifs d’économies par de nouveaux objectifs axés sur la réduction de l’intensité carbonique des déplacements. »
  • « Mettre en place un plafond d’intensité carbone pour tous les voyages, l’intensité étant définie comme la quantité de CO2 en kilogrammes pour 100 US$ de frais de voyage, par exemple un plafond de 300 kg pour 1 000 US$ dépensés pour un voyage. Ainsi, pour un voyage de 1 000 US$, 300 kg de CO2 seraient émis pour l’air, la voiture et l’hôtel. Vous avez besoin de plus de CO2 pour votre siège premium ? Pas de problème, tant que le prix payé maintient l’intensité carbonique globale du voyage sous le plafond de 30 kg par tranche de 100 US$. 

Encore une masterclass signée Scott Gillespie ! On est d’accord ou pas d’accord ? Pas grave, c’est toujours un plaisir à lire pour remuer les méninges.

François-xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Écoblanchiment : ça se corse

Le greenwashing des fournisseurs de voyages peut mettre en péril les objectifs de durabilité des acheteurs et des travel managers. 

L’étau se resserre. Ces derniers mois, les associations de défense de l’environnement et les divers groupes de pression ont multiplié les actions juridiques à l’encontre des compagnies aériennes notamment pour dénoncer leur écoblanchiment, c’est-à-dire les fausses affirmations de durabilité. 

Dans leur viseur particulièrement, la publicité qui est faite vantant les mérites de la compensation et l’utilisation des carburants durables d’aviation (les SAF), comme le relate un très bon article de Business Travel News Europe.

Aux quatre coins de l’Europe, des décisions juridiques pour écoblanchiment commencent à être prises à l’encontre des compagnies aériennes. Deux nouvelles directives européennes, l’une baptisée « Empowering Consumers » et l’autre « Green Claims » qui visent toutes les deux à interdire les allégations écologiques non fondées (mais qui doivent suivre tout un processus législatif avant d’être adoptées et approuvées), pourraient compliquer la vie de ces transporteurs. Et promettent de belles batailles d’avocats.

Ainsi, selon Constantin Eikel, avocat associé chez Bird & Bird, interrogé par l’auteur de l’article, la première directive prévoit « l’interdiction d’affirmer, dans le cadre d’une relation entreprise-consommateur, qu’un produit est neutre en carbone sur la base d’une compensation. » 

Un autre avocat confirme : « toute affirmation de neutralité basée uniquement sur des compensations sera très rapidement qualifiée d’allégation de pacotille. » 

Reprise d’infos risquée

Les SAF sont aussi sur la sellette. Certaines associations sont très remontés contre le terme et parlent plutôt de « biocarburants qui présentent de nombreuses limites ». C. Eikel parie que le terme fera l’objet d’un litige au cours des deux prochaines années afin de déterminer s’il équivaut à de l’écoblanchiment.

Même John Harvey, directeur d’une société de conseil en voyages et fervent défenseur des SAF, déclare à BTN : « Je n’aime pas le terme SAF, je préférerais « carburant d’aviation dé-fossilisé » qui est une description bien plus précise. »

Juristes et experts du voyages mettent en garde les travel managers sur la reprise de ces allégations non fondées dans leurs propres reportings alors que se met en place une autre directive européenne, la fameuse CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive). C. Eikel prévient : « L’entreprise est responsable même si c’est la compagnie aérienne ou un autre fournisseur qui a déclaré à tort qu’il consommait 20% de carbone en moins. » 

Ami Taylor, consultante associée chez Festive Road, prévient que l’écoblanchiment est un sujet complexe que les travel managers ne peuvent traiter seuls et leur conseille de s’entourer d’experts. Si la CSRD est encore entourée d’incertitudes, une chose est sûre : les avocats, juristes et autres consultants se frottent déjà les mains de sa mise en œuvre.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Flottes vertes : virage en vue

Un projet de loi prévoit de lourdes sanctions en cas de non-respect de quotas des véhicules électriques. 

« Fini la carotte, bonjour le bâton » : c’est ainsi que Les Echos résument la proposition de loi sur l’électrification des flottes automobiles portée par le député de la majorité Damien Adam qui sera examiné le 30 avril prochain à l’Assemblée.

Les sociétés détenant une flotte de plus de 100 véhicules pourraient bientôt devoir respecter des quotas plus stricts d’électrification de leur parc au risque, sinon, d’être fortement sanctionnées. Sont concernées les entreprises mais aussi les loueurs qui se sont étranglés en lisant le projet. 

Que dit ce dernier ? Il propose un seuil obligatoire de 20% de véhicules électriques dès le 1er janvier 2024 (soit 10 points de plus que prévus par la loi LOM), 30% en 2025, 50% en 2027 et jusqu’à 95% en 2032. 

Les sanctions en cas de non-respect ? Des amendes pouvant aller jusqu’à 5000 euros par véhicule manquant et plafonnées à 1% du chiffre d’affaires de l’entreprise ! Point de détail qui n’en est pas un : les véhicules hybrides rechargeables seraient exclus du périmètre. Seules compteraient les voitures 100% électriques. 

Rappelons par ailleurs qu’en début d’année, le gouvernement avait déjà supprimé pour les entreprises le bonus écologique pour l’achat d’un véhicule électrique qui pouvait s’élever jusqu’à 3 000 euros en 2023.

Pourquoi ce virage ? L’actuelle loi d’orientation des mobilités, dite loi LOM, n’étant pas contraignante, 60% des entreprises ne respectent pas les quotas fixés par cette loi selon les chiffres de l’ONG Transport & Environnement (T&E). 

Parmi les grands groupes pointés du doigt selon La Tribune : Carrefour, Air Liquide, ou la SNCF qui comptent seulement « 1% de voitures électriques dans leur flotte. » Sans être exemplaires, « les petites entreprises jouent davantage le jeu. » 

Côté loueurs, les véhicules électriques ne représentent aujourd’hui que 6% de leur parc. Mais « la demande n’est pas à la hauteur des attentes » insiste Jean-Philippe Doyen, le patron de Sixt en France, dans des propos rapportés par Les Echos. Selon le quotidien économique, « les loueurs estiment que cet objectif de quasi 100% d’électrification de leurs achats à horizon 2032 n’est pas réaliste. »

Jusqu’au 30 avril, les discussions se poursuivent entre les professionnels et les députés. Il faudra être sacrément convaincant pour infléchir leur position alors que le texte de loi devrait bénéficier du soutien du gouvernement.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Amex GBT/CWT : un deal en questions

Le projet de fusion des deux leaders historiques du marché suscite bien des interrogations et réserve encore de nombreuses surprises. 

A qui profite le deal ?

C’est une opération qui bénéficiera d’abord aux actionnaires… des deux sociétés. Rappelons les chiffres : le numéro 1 du secteur rachète le numéro 3 (derrière BCD) pour 570 millions de US$ dont 300 millions de dettes si l’on se base sur les chiffres donnés par CWT lors de la dernière restructuration financière de novembre 2023. 

Amex GBT financera l’opération à hauteur de 430 millions de US$ en émettant de nouvelles actions. Les 140 millions restants seront réglés avec les liquidités dont elle dispose. Une aubaine pour le leader de la distribution des voyages d’affaires : à petit prix, il met la main sur son concurrent historique et son portefeuille de 4000 clients en ne sortant que très peu de cash et en évitant d’emprunter au moment où les taux d’intérêt sont élevés.

Pour les actionnaires de CWT, c’est aussi une bonne affaire. Ces derniers, des fonds d’investissement principalement, se retrouveront à l’issue de la fusion avec 13% du capital d’une société dotée de fondamentaux financiers bien plus solides.

Cerise sur le gâteau : la fusion devrait générer d’ici trois ans 155 millions de US$ de synergies, une bonne perspective pour le cours de l’action. 

Amex GBT sauve-t-elle CWT ?

Dans son article du 21 février dernier, l’excellent site The Company Dime révélait que l’agence de notation S&P Global pointait en décembre que CWT disposait « de liquidités moins qu’insuffisantes », même après l’échange de dettes annoncé en novembre. Elle écrivait alors : « La liquidité reste faible et l’effet de levier est élevé, (…), par conséquent nous considérons que la structure du capital de l’entreprise n’est pas viable. »

En clair, faute de revenus suffisants, une entreprise à fort effet de levier risque non seulement d’accuser des retards de paiement à l’égard de sa dette mais aussi de se trouver dans l’incapacité d’emprunter des fonds supplémentaires pour la payer et assurer sa survie. 

Or, si CWT va mieux (les équipes, françaises notamment, ont réussi le tour de force dans un contexte difficile à retenir de nombreux comptes et à en gagner d’autres), elle va toutefois moins bien que ne l’escomptait le business plan déposé lors de la mise sous Chapter 11 en novembre 2021. 

Celui-ci prévoyait alors pour 2024 un volume d’affaires de 16 milliards de US$ pour un EBITDA (bénéfice d’exploitation) de 253 millions. On en est encore loin si l’on en croit les chiffres donnés par le communiqué de presse annonçant le deal qui évoque pour CWT en 2024 un volume d’affaires de 14 milliards de US$ et un EBITDA de 70 à 80 millions. 

Il y avait donc bien une urgence financière pour CWT, qui explique aussi le faible prix déboursé par Amex GBT (qui avait acheté Egencia, bien moins gros, pour 750 millions de US$ en novembre 2021). Morgann Lesné, associé chez Cambon Partners, spécialiste des fusions-acquisitions, confirmait il y a quelques jours dans un article de BTN que ce prix « mettait en lumière les menaces réelles qui pesaient au-dessus de CWT si la société restait seule ». 

Un rachat offensif ou défensif ?

La question est centrale concernant les grandes TMC. Pour l’ancien patron d’American Airlines devenu consultant, Cory Garner, la réponse ne fait aucun doute. Dans un post Linkedin décapant, il écrit qu’Amex GBT « acquiert une plus grande part d’un gâteau qui se rétrécit. »

Les chiffres semblent lui donner raison. En 2019, Amex GBT seule réalisait un volume d’affaires de 35 milliards de US$, et Egencia de son côté 8,3 milliards. Selon les résultats publiés par la première le 5 mars dernier, les deux réunies ont affiché un VA en 2023 de 28 milliards, soit une baisse de plus de 35%, malgré une inflation record qui a gonflé les volumes de toutes les TMC. 

De son côté, CWT réalisait un VA de 23,1 milliards en 2019 contre une prévision de 14 milliards en 2024, soit une baisse de près de 40%. 

Attention, ces chiffres ne disent rien de la rentabilité de l’activité. Amex GBT, par exemple, a dégagé en 2023 une marge opérationnelle de 17%, soit un bon voire un très bon résultat dans un business de TMC à faible rentabilité.

Indéniablement, depuis le Covid et le boom des visioconférences le gâteau rétrécit… sur le marché des grands comptes, cible naturelle de ces TMC globales, d’où leur offensive à l’égard des PME ces trois dernières années afin de compenser le manque à gagner. 

Scott Gillespie, consultant bien connu de l’œil de l’AFTM, pointe un autre risque dans Business Travel Mag, le changement climatique qui « pourrait accélérer les objectifs de réduction des émissions des entreprises ». Et d’expliquer : « Les volumes de transactions aériennes diminueraient alors considérablement en Europe et en Amérique du Nord. L’ampleur de ce risque apparaîtra plus clairement à mesure que nous nous rapprocherons de 2030. »

Amex GBT achète-t-elle du volume ?

Plus que tout autre marché, les voyages d’affaires constituent un jeu de volume. La taille est le seul moyen de réaliser des économies d’échelle et de dégager une rentabilité dans un secteur à faibles marges. 

Mais on vient de le voir, les volumes ont fortement baissé et le réchauffement climatique fait peser sur l’activité une menace potentielle. 

Compte tenu du modèle économique actuel des TMC (grosso modo 50% de revenus clients via des transaction fees et 50% de revenus fournisseurs par le biais des commissions et des incentives), l’effet ciseaux pourrait être redoutable. D’autant que, comme le répète Cory Garner, les stratégies de distribution des compagnies aériennes et notamment NDC fragilisent une partie des revenus fournisseurs des TMC. 

Oui, Amex GBT achète du volume. Oui, Amex GBT sera, de fait, renforcé dans ses négociations fournisseurs. Mais le paradigme du marché est en train de changer. Ce qui était vrai hier l’est beaucoup moins aujourd’hui. Même en termes de volume, le rachat de CWT apparaît donc plus défensif qu’offensif. 

Quelles implications pour les OBT ?

C’est l’un des points les plus intéressants de cette opération. Amex GBT s’appuie sur des systèmes de réservation en ligne (OBT) propriétaires comme KDS (devenu Neo) et Egencia, qu’elle favorise de plus en plus mais sans exclusive (elle est ainsi le principal revendeur de Concur aux Etats-Unis). Alors que CWT se dit agnostique, revendant l’ensemble des OBT du marché. 

Dans ce contexte, les clients de CWT devront-ils basculer sur KDS et Egencia ? Depuis quelques années, Amex GBT ne se cache plus et souhaite amener ses clients à utiliser ses propres technologies, et réserve par ailleurs les derniers développements de KDS (notamment pour NDC) à ses clients en priorité. 

Comme le notait The Company Dime, Paul Abbott, le Pdg d’Amex GBT, se félicitait lors d’une conférence téléphonique en septembre dernier que le volume des transactions sur ses plateformes propriétaires KDS et Egencia avait augmenté de 13% au troisième trimestre 2023 contre 7% pour l’ensemble des transactions. 

Il faudra aussi observer avec attention la réaction de SAP-Concur dont l’OBT est aux Etats-Unis le leader incontesté, et de loin. Dans le même article de The Company Dime, le journaliste Jay Campbell révélait un scoop : SAP a envisagé d’acheter CWT en début d’année mais a finalement décidé de s’abstenir.

Est-ce reculer pour mieux sauter ? Toujours selon Cory Garner, SAP pourrait considérer l’opération GBT/CWT, et plus largement le développement des OBT propriétaires, comme une menace stratégique à long terme pour sa position sur le marché. Et se pencher à nouveau sur l’éventualité d’un rachat d’une TMC, qui sait ?

Ça change quoi pour les clients ?

A très court terme, rien. Le temps que l’opération financière se fasse et que les autorités de régulation donnent leur aval aux Etats-Unis et en Europe. Mais après, c’est une autre histoire.

La plus grande incertitude concerne les difficultés d’intégration qui promettent de vrais casse-têtes pour fusionner les opérations, les systèmes d’information et les cultures très différentes des deux sociétés. Des complications inévitables qui pourraient provoquer des perturbations pour les clients de GBT et de CWT.

Quant aux clients de CWT qui l’ont choisi précisément pour éviter Amex GBT, comment vont-ils réagir ? Une chose est sûre : les équipes françaises des deux sociétés, qui sortent pour l’une d’une fusion encore à digérer avec Egencia, et pour l’autre d’un Chapter 11 et d’une restructuration douloureuse, vont avoir encore du pain sur la planche… Courage à elles ! 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Voyages non gérés : la bataille fait rage

TMC et fournisseurs se livrent une âpre concurrence pour séduire les PME qui se passent d’agences de voyages. L’enjeu : canal direct contre canal indirect.

Paul Abbott, le patron d’Amex GBT, en salive d’avance. S’exprimant début novembre devant un parterre d’investisseurs et d’analystes afin de commenter les résultats financiers de la TMC du troisième trimestre, comme le rapporte l’excellent The Company Dime, il s’enthousiasme : « Les PME représentent la plus grande opportunité de croissance de notre marché ». Il rappelle que 70% des PME dans le monde ne font pas appel à une TMC. 

Le plus gros réseau d’agences de voyages indépendantes britanniques, Advantage Travel Partnership (ATP), indiquait récemment dans Business Travel News que sur les 74% de ses membres qui ont vu le nombre de leurs clients augmenter en 2023, près de la moitié de ces derniers géraient jusqu’à présent leurs voyages en interne, pour des budgets allant jusqu’à 2,5 millions d’€. 

Pourquoi un tel empressement de ces PME à se jeter dans les bras d’une TMC ? « La complexité des voyages pendant le Covid a été un facteur déterminant », avance Guy Snelgar, l’un des responsables d’ATP. La forte inflation qui impose une meilleure maîtrise des coûts ainsi que de nouvelles exigences en matière de durabilité constituent d’autres explications valables. 

Pour les TMC, le marché des PME, plus rentable, est une aubaine alors que les grands comptes n’ont pas retrouvé leurs niveaux de consommation d’avant Covid. Jeff Klee, le patron de l’américain AmTrav, à la fois plateforme et TMC, expliquait récemment lors d’un webinaire relayé par The Company Dime : « Les PME n’étant pas suffisamment grosses pour négocier leurs propres tarifs, l’agence de voyages perçoit de la part des hôteliers de lucratives commissions, alors que les tarifs négociés en direct par les grands comptes ne sont pas soumis à rémunération ». Ces commissions hôtelières représentent ainsi la première source de revenus d’AmTrav, 37% du total, loin devant les fees clients (25%).

Les compagnies aériennes et les chaînes hôtelières ont décidé de ne pas rester les bras croisés. Ce marché attise aussi leurs appétits, et pas qu’un peu ! Le groupe Hilton vient ainsi d’annoncer qu’il lancerait en début d’année 2024 une offre pour les PME réservant sur son site ou sur son application mobile avec des tarifs réduits, des points de fidélité et des outils de gestion des programmes hôtels. L’astuce ? Les entreprises pourront aussi accumuler des points dans le cadre du programme de fidélisation, en plus des points gagnés par les voyageurs.

Pour se justifier, Chris Silcock, directeur commercial de Hilton, a jeté une pierre dans le jardin des TMC, comme le rapportait le site Skift : « Nous pensons que personne ne sert particulièrement bien ce segment à l’heure actuelle ». La chaîne hôtelière compte faire la différence sur la rapidité (« pas de formulaire compliqué, pas de temps d’attente ») et un portail permettra aux entreprises « d’accéder aux données sur les séjours et de savoir où se trouvent leurs employés » afin d’être en ligne avec le devoir de diligence (duty of care). 

Les compagnies aériennes ne sont pas en reste. En Europe, l’allemande Lufthansa a lancé fin novembre avec Navan (ex-TripActions) une plateforme de voyages en ligne pour les PME de France et du Royaume-Uni. Baptisée BusinessToGo, elle permet de réserver auprès de 500 compagnies aériennes, ainsi que des hôtels, des locations de voitures et du ferroviaire. Elle peut également appliquer automatiquement les politiques voyages d’une entreprise, de même que les préférences personnelles du voyageur. 

L’intérêt pour le transporteur allemand ? La plateforme offre un accès aux tarifs NDC de la compagnie, tandis que les entreprises membres du programme PartnerPlusBenefit de Lufthansa peuvent continuer à gagner et à utiliser des points de fidélité. Sans compter l’élargissement potentiel de son portefeuille clients… « Nous avons conçu cette nouvelle plateforme intelligente en collaboration avec Navan afin de répondre à la demande des entreprises qui souhaitent gérer elles-mêmes leurs déplacements de manière efficace », a expliqué Heinrich Lange, directeur des ventes Europe du Nord de la compagnie.

Aux Etats-Unis, United Airlines et American Airlines ne cachent pas non plus leurs ambitions de séduire le voyageur d’affaires en direct. Début novembre, la première a d’ailleurs mis ses tarifs négociés à la disposition des voyageurs via son site web et son application mobile, comme le racontait The Company Dime.

Cette concurrence des fournisseurs menace-t-elle les TMC ? Paul Abott n’y croit pas : « Je ne pense pas que les clients choisiront un seul fournisseur comme source de vérité pour gérer leurs dépenses voyages, ce n’est pas réaliste », tout en reconnaissant que les marges des compagnies aériennes étaient plus élevées en direct qu’en indirect.

Jeff Klee est quant à lui plus mesuré : « Les voyageurs, en particulier les plus jeunes, n’aiment pas réserver dans nos canaux, ils préfèrent l’expérience du fournisseur en direct. Ils n’aiment ni l’écart de contenu, ni le fait qu’il soit plus difficile de modifier son billet. Si nous ne parvenons pas à résoudre ce problème, nous ne serons plus pertinents à l’avenir ».

S’exprimant fin novembre lors d’une grande conférence sur le voyage d’affaires, The Beat Live, le Pdg d’AmTrav a souligné que le segment des voyages gérés ne représentait plus une part aussi importante qu’avant : « Cela nous place dans une situation très dangereuse où les compagnies aériennes sont de plus en plus frustrées par les TMC qui refusent de se moderniser », faisant ainsi allusion à la résistance des agences de voyages à l’égard de NDC. Canal direct ou indirect, la bataille fait rage et elle est encore loin d’avoir livré son verdict. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Spotnana, vous allez en entendre parler

Le nouveau trublion du voyage d’affaires, lancé en 2020, commence à se faire un nom auprès des grands comptes. 

Le bonhomme est doté d’un sacré caractère. Sarosh Waghmar, fondateur de Spotnana, quitte l’Inde en 1994 pour les Etats-Unis grâce à une bourse d’études en informatique à l’université du Texas comme il le racontait dans un entretien à Business Travel News en 2018. 

Il créé sa première entreprise mais l’explosion de la bulle internet en 2001 provoque sa faillite et au même moment son appartement est ravagé par un incendie. Obligé de dormir dans sa voiture, presque sans le sou, il hésite à revenir en Inde. 

Se rappelant qu’il était devenu un grand voyageur lors de son premier job chez Deloitte, jonglant mieux que personne avec les miles, il a l’idée de proposer ses services pour aider les salariés à optimiser leurs programmes de fidélisation. Il remonte la pente et met le doigt dans l’industrie du voyage d’affaires, qu’il ne quittera plus. 

Puis il créé un logiciel de réservations qui devient une TMC à part entière, du nom de WTMC. En 2016, cette dernière met au point le « premier tuyau NDC au monde » avec American Airlines. « C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que l’avenir du voyage d’affaires se trouvait dans la plomberie », explique-t-il dans Phocuswire

Son constat : trop ancienne, la plomberie qui alimente l’industrie entrave l’efficacité du système, au détriment du client. « Tout, de la couche GDS au mid-office, est très fragmenté avec de multiples parties prenantes ayant des motivations et des incitations trop diverses et parfois opposées ». 

Ni une ni deux, il bazarde tout, recommence à zéro, et lance en 2020 Spotnana en réussissant à lever 34 millions de dollars. Il s’entoure des meilleurs dont Johnny Thorsen, l’un des spécialistes mondiaux les plus reconnus de la techno dans le voyage d’affaires, et Bill Brindle, ancien patron des opérations chez Amex GBT. Et surtout, Steve Singh, co-fondateur de Concur, véritable icône de l’industrie, devient président du conseil d’administration. Bref, que du très lourd.

L’idée ? Construire une plateforme de gestion des voyages qui agit à la fois comme TMC ou comme une marque blanche en mettant sa technologie à disposition d’autres TMC ou d’autres acteurs. C’est sa première originalité : être une plateforme ouverte à tout le monde. « Les voyages d’affaires ont été bâtis sur des modèles d’entreprises très fermés, chacun construisant des choses pour lui-même et essayant ensuite de les intégrer à des tiers ». 

Le modèle économique ? Simple, un fee à l’utilisation, pas de frais initiaux ni de minimum, « je paye ce que je consomme ». 

Deuxième atout : la plateforme, globale et entièrement intégrée, est connectée directement avec les compagnies aériennes et tous les autres fournisseurs utiles pour le voyage lui-même et la gestion du voyage. L’ensemble n’est pas édifié sur une pile technologique existante et facilite l’expérience utilisateur. 

Troisième particularité : basée sur le cloud, la plateforme peut ainsi être déployée facilement et rapidement, en quelques semaines, à des dizaines de milliers de salariés répartis dans des dizaines de sites dans le monde. « Il s’agit là d’un changement massif de la structure des coûts pour le client », affirmait Steve Singh, dans un article de Skift.

C’est là aussi où Spotnana se démarque des autres nouveaux acteurs tels Navan (ex-TripActions) ou Travel Perk, elle s’adresse peut-être d’abord à des grands comptes dont la présence est mondiale plutôt qu’aux PME. Et début novembre, comme le rapporte The Company Dime, elle a annoncé avoir attiré une énorme prise dans ses filets, le géant de la distribution Walmart, première entreprise du monde en termes de chiffre d’affaires, plus de 600 milliards de dollars, qui vient s’ajouter à d’autres clients prestigieux, tels Amazon. Excusez du peu. 

Spotnana et Walmart ont ainsi lancé un projet pilote, d’abord déployé aux Etats-Unis, afin de pouvoir utiliser la norme NDC des compagnies aériennes. Theresa Gehler, directrice monde des achats voyages de Walmart, affirme que « la valeur ajoutée » est déjà évidente. Elle est particulièrement enthousiaste sur le potentiel des offres forfaitisées qu’autorise NDC et sur les capacités de libre-service de la plateforme qui permettent aux voyageurs d’effectuer eux-mêmes des changements et des modifications de billets au sein des canaux approuvés par l’entreprise.

Cette initiative intervient quelques mois après l’annonce d’un partenariat stratégique entre Spotnana (200 salariés désormais) et CWT, accord dont on ne sait pas encore grand-chose, sinon qu’il associe la technologie du premier avec les services globaux de la deuxième. Une chose est sûre : certaines entreprises souhaitent utiliser Spotnana tout en conservant leur TMC. C’est peut-être à cette aune qu’il faut interpréter ce partenariat. 

L’Europe intéresse-t-elle Spotnana ? Assurément et CWT pourrait à l’avenir lui servir de cheval de Troie. En attendant, elle vient d’intégrer Trainline qui lui permet d’élargir considérablement son contenu ferroviaire européen. Et on a appris récemment, via le site The Beat que Lufthansa, la compagnie pionnière sur NDC, avait pris une participation dans l’entreprise lors d’une deuxième levée de fonds de 75 millions de dollars en juillet 2022. Sans doute pas un hasard…

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Blockskye, nouvelle pépite du voyage d’affaires ?

Éliminer des intermédiaires tels les GDS, les cartes de crédit et les logiciels de notes de frais : vous en avez rêvé ? Blockskye l’a fait.

Le compliment n’est pas passé inaperçu. Début décembre, Paul Abbott, le Pdg d’Amex GBT, confiait que seul Blockskye offrait quelque chose de « véritablement nouveau » sur le marché du voyage d’affaires, comme le raconte un très bon article de The Company Dime

Le patron du leader du secteur sait de quoi il parle : Amex GBT a perdu l’année dernière le budget pour l’Amérique du Nord de PwC au profit de Kayak en partenariat avec Blockskye. 

Un camouflet qui avait fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le Landerneau du voyage d’affaires, les grands comptes n’hésitant plus à confier leurs programmes voyages à des start-up, tels Walmart avec Spotnana (lire par ailleurs) et donc PwC avec Blockskye, adossé toutefois à un grand acteur du loisir, Kayak.

Créée en 2017, cette plateforme de réservations et de gestion des voyages d’affaires est fondée sur la technologie de la blockchain. Kézako ? Le mathématicien Jean-Paul Delahaye en a fourni la définition la plus parlante, celle « d’un très grand cahier que tout le monde peut lire librement et gratuitement, sur lequel tout le monde peut écrire, mais qui est impossible à effacer et indestructible ». Les avantages ? Rapidité, traçabilité, garantie de sécurité sans égal, élimination des tiers de confiance, donc des intermédiaires.

Éric Gray, responsable des achats voyages de PwC, parle d’ailleurs de la suppression des «intermédiaires sans valeur ajoutée ». Comment est-ce possible ? La plateforme fournit l’inventaire des tarifs via des connections directes avec les fournisseurs (et par Amadeus quand c’est impossible) et le paiement s’effectue directement entre l’entreprise et les fournisseurs. Simple.

Le géant du conseil semble ravi de l’expérience. Selon Éric Gray cité par The Company Dime, le service aux voyageurs est meilleur car le « document partageable » de la blockchain aide les agents de voyages à interagir avec les dossiers de voyage même lorsqu’ils sont réservés directement auprès des fournisseurs. Résultat : un taux d’adoption de 92% pour seulement 8% des transactions réservées par téléphone.

Par ailleurs, les réservations sont plus rapides et plus faciles. Les données atterrissent au bon endroit, dans les calendriers des voyageurs jusqu’au partenaire de gestion des risques de l’entreprise. Quant au paiement direct, il permet de réduire les dépenses manuelles.

Dernier avantage et non le moindre : le reporting s’appuie, grâce à la blockchain, sur une seule source de vérité. « Cela a grandement amélioré la précision et la transparence de nos données, explique Éric Gray. Nos fournisseurs et nous-mêmes voyons désormais les mêmes données lors des réunions et des négociations ».

Brook Armstrong, co-fondateur de Blockskye, estime que la plateforme permet de réduire les coûts d’au moins 4% du prix du billet, « ce qui représente une somme considérable dans les négociations contractuelles entre acheteurs et fournisseurs » écrit le journaliste.

Les fournisseurs directs de la plateforme ne sont pas encore très nombreux mais ils pèsent lourd : American Airlines, Avis, Hyatt, Lufthansa, Marriott, Southwest Airlines et United. 

Lors d’une conférence Phocuswright qui se déroulait en novembre à Fort Lauderdale, en Floride, Brook Armstrong a révélé que Blockskye aura généré 700 000 transactions et 800 millions de dollars de ventes en 2023. Pas mal pour des premiers pas ! Il a annoncé par ailleurs qu’il était en train d’intégrer ses 2e et 3eclients : Tripadvisor et le géant des spiritueux Diageo.

La start-up est très bien épaulée : on y retrouve au conseil d’administration deux vieilles connaissances de l’industrie, grands pros et anciens d’Amex GBT, l’ex-président Charles Petrucelli et l’ex-directeur directeur général Hervé Sedky. Il y a pire comme accompagnement. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Aérien : la concurrence du loisir confirmée

Les touristes aisés veulent s’offrir des classes affaires ? Les compagnies aériennes leur facilitent grandement la vie. 

Le mois dernier, l’Œil de l’AFTM s’était penché sur la forte concurrence du segment loisir, notamment dans l’hôtellerie et l’aérien. Concurrence qui génère pour les corpos une inflation des tarifs, une pénurie de disponibilités et, selon certains travel managers, un manque de considération de la part des fournisseurs. 

Une étude réalisée par Amadeus et relayée par Business Travel Mag montre que les compagnies aériennes ont trouvé la parade pour accompagner sinon susciter l’intérêt des touristes à voler à l’avant de l’avion. Elles proposent de plus en plus des tarifs en classe affaires « dégroupés », plus abordables et plus accessibles. 

Amadeus indique que la tendance a été lancée par Emirates en 2019 lorsqu’elle a mis sur le marché des billets en classe affaires sans accès aux salons, avec un choix de sièges restreint et sans possibilité de surclassement. 

Qatar Airways a suivi avec un tarif pour lequel les passagers doivent payer un supplément pour accéder au salon, changer de date ou d’itinéraire, tout en gagnant moins de miles. Finnair et Zipair (Japon) ont suivi en 2021, rejointes par Air France/KLM qui a introduit cette année des tarifs Business Class Light sur ses vols long-courriers.

Cette tendance devrait se poursuivre en 2024, le marché des loisirs ne montrant pas réellement de signes d’essoufflement. Bien que les tarifs aériens devraient enfin se calmer, comme le prédisent conjointement Amex GBT et BCD Travel, le sourcing aérien restera donc compliqué pour les entreprises d’autant que les capacités ne retrouveront pas tout à fait leurs niveaux de 2019.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

CO2 : le voyage d’affaires exemplaire ?

Une étude démontre que le voyage d’affaires ferait de gros efforts pour émettre moins de CO2. Vrai ou faux ?

En marge de la COP28 qui s’est tenue à Dubaï début décembre, les chiffres de l’ONG Transport et Environnement (T&E) en ont surpris plus d’un. D’après cette étude, dont Business Travel News se fait l’écho, 50% des grandes entreprises mondiales ont réduit de moitié le nombre de vols d’affaires en 2022 par rapport à 2019 !

C’est le cas de 104 entreprises sur un total de 217 auditées dans le cadre de Travel Smart, une campagne internationale menée par T&E et visant à réduire les émissions de CO2 des voyages d’affaires en avion. Le spécialiste des logiciels de gestion SAP (-86%), le géant pharmaceutique Pfizer (-78%) et le groupe de conseil PwC (-76%) figurent parmi les entreprises qui ont le plus réduit leurs déplacements en avion.

Toutefois, certaines entreprises se sont rapprochées des niveaux de 2019, 21 d’entre elles l’ont même dépassé en 2022. Toujours selon cette étude, les émissions de CO2 dues au voyage d’affaires auraient diminué de 51% entre 2019 et 2022 (si l’on se base bien sûr sur les données de ces 217 entreprises). 

Faut-il accorder du crédit à ces chiffres ? L’ONG a fait, semble-t-il, un travail assez sérieux et n’est pas réputée pour être accommodante quand il s’agit du réchauffement climatique. Un autre de ses chiffres vient néanmoins apporter un début d’explication : Denise Auclair, responsable de la campagne Travel Smart, souligne que 171 des 217 entreprises analysées n’avaient pas d’objectifs de réduction des émissions liées à leurs voyages d’affaires. Ce qui laisse à penser qu’une bonne partie de la réduction des vols d’affaires, à défaut d’être volontaire, est due avant tout à la forte augmentation de l’usage de la visioconférence. Et peut-être un peu à l’inflation des tarifs.

Malgré tout, ces chiffres rejoignent ceux des études qui montrent que le marché des voyages d’affaires n’a pas retrouvé les volumes antérieurs au Covid et qu’il en manque toujours 20 à 25%, principalement en raison de la baisse de consommation des grands comptes.

Un autre chiffre est venu dernièrement confirmer la tendance : Air France a justifié son départ d’Orly en affirmant que les vols domestiques A/R journée avaient baissé de 60% depuis le Covid ! Un effet visioconférence assurément, même si le report de l’avion vers le train est loin d’être négligeable. 

On peut voir le verre à moitié plein : tant mieux pour la planète si la visioconférence remplace des déplacements à ROI plus faible ! Par ailleurs, Travel Smart démontre aussi que 46 grandes entreprises ont donc de réels objectifs de baisse d’émissions de CO2 de leurs voyages d’affaires, ce qui reste encourageant malgré les difficultés à mesurer ces émissions.

Pour Denise Auclair, « les leçons de la pandémie ont été tirées, la voie à suivre est celle de la collaboration, avec plus de réunions en ligne, plus de voyages en train et moins en avion ». Et de rappeler à une réduction de 50% de l’ensemble des voyages d’affaires au cours de la décennie actuelle afin d’être en ligne avec une limitation de la hausse de température de 1,5°.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM