Budget hôtels : tension maximale

L’inflation dans l’hôtellerie ne se calme pas vraiment, en Europe surtout, imposant aux acheteurs et aux travel managers de trouver de nouvelles parades.

Savez-vous comment les pros du voyage d’affaires anglo-saxon désignent un appel d’offres, request for proposal (RFP) en anglais ? Ils jouent sur l’acronyme et l’appellent « right f…..g pain », une « p….n de douleur » ! Jamais dans l’histoire récente du business travel la négociation hôtelière n’avait mérité un tel surnom tant la hausse des tarifs a pris des proportions inédites.

Et l’inflation hôtelière ne semble pas devoir se détendre en dépit des prévisions modérées de certains observateurs, jusque-là démenties par les faits. Pour 2024, Amex GBT estime ainsi que les prix des hôtels augmenteront de 11% à Paris, 9,5% à Lyon, 10,8% à Amsterdam, 9,1% à Londres… On est loin de l’apaisement espéré, d’autant que se profile le triplement de la taxe de séjour dans les hôtels de la région parisienne dès le 1er janvier prochain.

Les hôtels profitent-ils de la situation ? Oui et ils ne s’en cachent pas. Cité par The Company Dime dans un excellent article, le pdg de Hilton, Chris Nassetta, déclare : « Nous insistons beaucoup sur les prix parce que nous sommes dans un environnement très inflationniste. Si l’on se place du point de vue de l’optimisation des revenus, continuer à pousser les prix est la bonne stratégie, quitte à entamer nos taux d’occupation ». 

Elie Mahlouf, Pdg de IHG (InterContinental Hotels Group), précise : « Nous avons actuellement la possibilité de modifier la composition de notre clientèle et de choisir des clients privilégiés qui sont prêts à payer des tarifs plus élevés et à rester plus longtemps ». En clair, les voyageurs d’affaires ne sont pas les meilleurs clients pour la rentabilité des hôtels, contrairement à la clientèle loisirs, en plein boom. Sans compter la très bonne santé du MICE qui, selon Tammy Routh, VP ventes monde de Marriott, « vient aussi et très fortement concurrencer le voyage d’affaires individuel ».

Les travel managers sur le qui-vive

Une situation qui ne manque pas de préoccuper les travel managers. Steven Van Overmeiren, directeur des voyages monde du cabinet d’avocats Baker McKenzie, confirme : « D’une manière générale, la pression sur les tarifs augmente, même si elle ne sera pas aussi forte qu’en 2023 ». D’après un récent sondage réalisé par la société américaine Tripbam (qui propose un audit automatisé et permanent des tarifs hôteliers), 56% des 200 acheteurs interrogés s’attendaient à ce que le poste hôtelier soit le plus difficile à négocier au cours des deux prochaines années.

Un exemple de cette tension : des acheteurs et des travel managers se plaignent des réponses à des appels d’offres qui débutent systématiquement par une forte augmentation des tarifs, comme le racontait récemment un article de Business Travel News : « Cela ne montre clairement pas une volonté de partenariat ni de dialogue ». De l’autre côté de la barrière, et dans le même reportage, les hôteliers regrettent que les appels d’offres ne s’appuient pas (ou peu) sur de solides données de volume. 

Alors que faire ? Il y a bien sûr les conseils habituels en de pareilles circonstances : réduire son nombre de fournisseurs, négocier des tarifs fixes dans les hôtels les plus fréquentés par ses voyageurs (sans oublier d’obtenir dans ces établissements des conditions LRA, last room availability, qui permettent de réserver la dernière chambre disponible d’un hôtel au tarif négocié), privilégier les prix dynamiques dans les autres hôtels, consolider les dépenses voyages d’affaires et MICE…

Des nouveaux types de partenariat

Et quoi d’autre ? Face à l’inflation, certaines entreprises commencent à faire un pas de côté et mettent en avant d’autres arguments comme le relate The Company Dime. C’est le cas de Makiko Barrett, directrice des achats voyages de la société Automation Anywhere, qui témoignait lors de la convention annuelle de la GBTA en août dernier : « En ce moment, je ne me concentre pas trop sur les remises éventuelles, j’essaie plutôt de tirer un parti maximum des partenariats avec les hôtels ». 

En clair, une expérience sûre, sécurisée, sans friction et confortable dans un établissement soucieux de l’environnement n’est-elle pas aussi importante, voire davantage, que le tarif pratiqué ? 

Cité par le journaliste, Scott Gillespie, le fameux consultant de tClara, voit ici un changement fondamental dans les approches d’achat voyages : « Il semble que la fonction achat ait désormais la permission d’élargir ses sources de valeur à autre chose que les coûts ». 

T.J Blue, travel manager d’IBM, est d’accord : « Le tarif négocié n’est pas toujours égal au coût final. Les plus grandes opportunités d’économies concernent aujourd’hui les coûts en aval de la conformité de la politique voyages, du comportement voyageurs… qui sont souvent ignorés. Or les frictions du voyage, le bien-être, la durabilité et la production de carbone ont une valeur qui doivent faire partie de la stratégie achat et de la négociation fournisseurs ». 

Voilà qui ouvre en tous cas de nouvelles perspectives pour la gestion de ce budget hôtel sous pression, des pratiques d’ailleurs que l’on voit aussi poindre lors des négociations des dépenses aériennes. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Aérien : le malaise des travel managers

Des travel managers alertent sur la dégradation des relations entre les entreprises et les transporteurs aériens. En cause : la norme NDC bien sûr mais pas seulement.

La question qui fâche. C’est Sue Jones, travel manager monde de Ingka Group, la holding qui coiffe Ikea, qui l’a posée début octobre lors d’une conférence organisée à Londres par ITM, l’équivalent britannique de l’AFTM, et relayée par Business Travel News : « Les compagnies aériennes ont-elles autant besoin de nous qu’avant ? » 

Cette table ronde, qui rassemblait trois poids lourds du travel management (les directeurs voyages de Ingka Group, Accenture et TikTok) et trois représentants de compagnies aériennes (American Airlines, British Airways et Qatar), a illustré les fortes tensions du moment entre les transporteurs et leurs clients entreprises. 

A l’origine de la brouille, la nouvelle norme de distribution NDC évidemment qui génère nombre de perturbations, notamment des difficultés à accéder au contenu via les canaux préférentiels, entraînant des fuites dans les programmes voyages.

Sue Jones s’agace en effet : « Tous les jours ma boite mail est envahie par des messages de voyageurs qui disent : je peux trouver moins cher en passant par la vente directe, je peux faire cela moi-même. » Moins cher, vraiment ? Dans The Company Dime, l’outil de réservation online américain AmTrav confirme: « Les entreprises ayant accès au NDC d’American Airlines ont payé en septembre en moyenne 14% de moins que celles qui n’y ont pas accès. »

Des objectifs contraires

Mais l’argument tarifaire ne suffit pas à convaincre Sue Jones qui insiste sur les objectifs «diamétralement opposés » des compagnies aériennes et des entreprises : « Avec cette stratégie de vente moderne, dont nous comprenons la réalité économique, les compagnies traitent les voyageurs individuels comme des clients. C’est tout à fait acceptable pour le segment loisirs mais dans le voyage d’affaires, c’est nous, entreprises, qui sommes les clients. »

Jan Jacobsen, directeur des achats voyages monde chez Accenture, est d’accord pour dire que « les compagnies aériennes se concentrent trop sur le client final et non sur le payeur. » Et de poursuivre : «Je ne dis pas qu’il ne faut pas s’occuper des voyageurs mais nous avons des politiques voyages en place pour des raisons bien précises. » 

Pas de quoi émouvoir Kyle Cumbie, le directeur des ventes mondiales d’American Airlines, qui répète en effet que la stratégie à long terme de la compagnie est « axée sur le voyageur ». Et de préciser : « Ce qui a motivé cette stratégie, c’est la nouvelle réalité des voyages. » 

En clair, Kyle Cumbie entérine la montée en puissance de la clientèle loisirs mais, plus intéressant encore, affirme que, si les « volumes par entreprises sont beaucoup moins importants qu’avant, ceux des PME (et notamment non intermédiés, donc non gérés par une TMC) augmentent de manière significative, à des niveaux jamais vus. »

La concurrence du segment loisirs

David Oppenheim, directeur des ventes mondiales de British Airways (BA), approuve : « Les activités loisirs de BA ont énormément augmenté depuis la pandémie tandis que le trafic affaires est nettement inférieur à ce qu’il était. » David Oppenheim pousse alors plus loin l’explication : « Avant le Covid, l’écart entre le prix moyen payé par un voyageur d’affaires et celui payé par un voyageur loisir était très conséquent. L’ennui est qu’il s’est considérablement réduit. » Ce qui signifie qu’en offrant aux voyageurs d’affaires les mêmes réductions qu’avant le Covid, ces derniers pourraient devenir les « pires clients » du transporteur !

Sur la nouvelle importance du segment loisirs, Jan Jacobsen, d’Accenture, prend les compagnies aux mots : « Elles doivent considérer notre proposition de valeur de manière holistique. Chez Accenture, je vous donne accès à 740 000 employés dans le monde qui voyagent aussi pour leurs loisirs. Pourquoi cela n’a-t-il pas de valeur ? Cela devrait aussi entrer dans l’équation. » 

Sue Jones prévient néanmoins les compagnies : « Vous n’avez peut-être plus autant besoin de nous qu’avant, mais à un moment donné les voyages loisirs vont plafonner, voire chuter. » 

Cité par The Compagny Dime, Cory Garner, l’ancien patron de la distribution chez American Airlines et aujourd’hui consultant indépendant, douche rapidement les espoirs : « Les compagnies profitent généralement de cycles économiques temporaires pour modifier de façon permanente leur mode de fonctionnement. La quantité de personnel, de systèmes et de capital relationnel pour mettre en place des programmes de remises aux entreprises et de commissions est énorme. Il est très peu probable qu’un transporteur qui s’est débarrassé de cette infrastructure puisse la rétablir facilement. En réaction aux futurs cycles économiques, il utilisera les outils dont il dispose déjà : prix, réseau, programmes de fidélisation… » 

Pour ceux qui en doutaient encore, on a bien changé d’ère dans les relations entre compagnies aériennes et entreprises. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Ce que l’IA va vraiment changer dans vos métiers

L’intelligence artificielle générative va profondément modifier l’industrie du voyage d’affaires. Vertigineux mais pas sans dangers.

Johnny Thorsen est sans doute aujourd’hui l’un des meilleurs spécialistes au monde des technologies du voyage d’affaires. Il est aussi vice-président chargé de la stratégie et des partenariats chez Spotnana, une start-up américaine qui se définit comme une plateforme tout-en-un pour les déplacements professionnels dont on reparlera dans ces colonnes.

En juin dernier, s’exprimant sur l’intelligence artificielle lors du Business Travel Show à Londres comme le raconte PhocusWire, il a demandé à l’auditoire « de se préparer à des choses qu’ils ne peuvent même pas encore imaginer. » Piquant alors la curiosité des travel managers et des acheteurs présents dans la salle, il se lance dans un exemple : « Si quelqu’un mettait un moteur d’IA au-dessus des recherches de Google Flights, on n’aurait plus besoin d’un moteur de recherche. Vous n’auriez plus besoin de SBT parce que ce moteur d’IA deviendrait aussi votre TMC en plus d’avoir accaparé les capacités de Google Flights. » Et de conclure en forme d’avertissement : « Préparez-vous donc à la nécessité de déconstruire et de réassembler votre programme de voyage car cette technologie accélérera les changements en cours. À part cela, jouez avec, utilisez-la dans votre vie privée et familiarisez-vous avec elle, car elle n’est pas près de disparaître. »

Science-fiction ? On n’en est pas encore là mais les travel managers doivent vite se pencher sur le sujet. Certes, l’IA est présente depuis de nombreuses années dans le voyage d’affaires, au travers de services comme les réponses aux questions fréquemment posées par les voyageurs (les fameux FAQ). Selon Mihai Dinu, gestionnaire de notes de frais chez UiPath, cité par Business Travel News, « l’évolution a été lente jusqu’à aujourd’hui mais l’IA générative comme ChatGPT est le chaînon manquant dans l’automatisation des voyages d’affaires. ChatGPT a le pouvoir de prendre des décisions, c’est un cerveau. »

D’énormes gains de productivité

Mat Orrego, Pdg de Cornerstone Information Systems, approuve et estime que de nombreuses tâches courantes de partage d’informations n’auront plus besoin d’être recherchées et transmises par un humain, le genre de travail qui occupe une grande partie de la journée d’un agent de voyages, écrit l’auteur de l’article, l’excellent Amon Cohen. 

Ce dernier voit aujourd’hui 3 conséquences majeures pour l’industrie du voyage d’affaires : 

  1. L’IA va créer un nouvel assistant pour la gestion et l’achat de voyages. Par exemple, les acheteurs ont beaucoup de contrats fournisseurs à gérer. « Or lorsque vous introduisez un contrat d’achat complexe d’une compagnie aérienne dans ChatGPT, il devient soudain plus clair car le robot aura eu la capacité de le résumer » explique Mat Orrego.
  • Les SBT pourraient disparaître. Will Tate, consultant, raconte ainsi que l’IA lira vos textos, vos courriels, vos demandes de calendrier, vos communications, et dira : « Madame X va avoir besoin de voyager à Londres tel jour. Elle doit y prononcer un discours à 10h. Je connais toutes ses préférences personnelles. Elle n’aime pas prendre un vol de nuit, elle aime arriver tôt et séjourner dans un hôtel en particulier. » Le système génère alors une suggestion d’itinéraire et invite madame X à cliquer pour réserver ! Mihai Dinu est plus prudent : « Je ne pense pas que cela se produira bientôt (…), notre secteur et les contenus sont très fragmentés et il existe un énorme réservoir de données imprécises ou inexactes, c’est un véritable défi. »
  • Les fournisseurs pourraient détourner les voyageurs du programme de l’entreprise. ChatGPT est une arme redoutable pour la vente et le marketing personnalisés. « Les fournisseurs vont proposer aux voyageurs des offres très ciblées, adaptées à leurs préférences mais très probablement en contradiction avec les objectifs de la politique voyages », avance Will Tate.

Les TMC en première ligne

Pour les TMC, le changement pourrait aussi être radical mais constitue une opportunité alors qu’elles sont confrontées à une pénurie de main d’œuvre. Dans un autre article de Business Travel News, John Morhous, spécialiste des technologies chez FCM, déclare : « L’IA a le pouvoir d’améliorer l’intelligence, la créativité et la perspicacité. Cela nous offre des opportunités sans précédent qui s’étendent à tous les points de contact ».

Selon lui, « l’IA peut contribuer à améliorer la gestion des voyages d’affaires de multiples façons, notamment en créant des communications personnalisées sur les politiques voyages, en capturant automatiquement les réservations hors politique qui ont fuité, en clarifiant et en acheminant les demandes de voyage vers le meilleur canal de réservation et en capturant toutes les informations sur le voyage pour faire gagner du temps aux agents de voyages. »

Daniel Senyard, toujours de FCM, s’enthousiasme : « Il s’agit d’une étape passionnante vers la redéfinition de la manière dont notre industrie aborde le service et augmente considérablement la vitesse à laquelle nous pouvons offrir une véritable valeur à nos clients ».

Les travel managers menacés ?

Et les travel managers dans ce maelström ? Vont-ils disparaître ? Mat Orrego et Mihai Dinu pensent qu’ils verront au contraire leur rôle renforcé. « L’IA peut devenir l’assistant virtuel des gestionnaires de voyages, elle élargit leurs capacités et leur permet de se concentrer sur des questions plus stratégiques que tactiques. »

Et tout ceci à quel horizon ? Johnny Thorsen affirme que l’IA générative passe aujourd’hui par le cycle normal de l’engouement : « Et puis viendra le temps des déceptions et des histoires terribles sur des données mal interprétées ou mal utilisées. Ensuite seulement arrivera le temps des solutions réellement disponibles, où beaucoup de choses se produiront, de sorte que l’année 2024 sera probablement le moment des premières solutions vraiment significatives dans le voyage d’affaires. »

D’ici là, Microsoft fait partie des sociétés qui cherchent à connecter la technologie GPT à l’internet. «C’est à ce moment-là que le véritable pouvoir de ChatGPT sera révélé et qu’il deviendra pertinent pour notre industrie » assure Mihai Dinu. « Sans données en temps réel, il ne sert à rien, on ne peut pas se fier à des informations d’horaires et de numéros de vol obsolètes. »

Il reste bien sûr de nombreuses interrogations sur la protection des données (où vont-elles ?) et sur la consommation très énergivore de l’IA alors que le climat se réchauffe dangereusement. Karim Jouini, le patron fondateur d’Expensya, expliquait récemment qu’une décision prise par un humain consommait 30 watts. La même décision par ChatGPT ? 1 megawatt, soit 33333 fois plus… 

François-xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

La techno des TMC : c’est aussi votre problème !

Dans un métier de plus en plus technologique, les travel managers doivent mettre au défi les choix des TMC en la matière.

Regarder sous le capot des TMC. C’est le conseil que donne aux travel managers le très bon papier de Business Travel Mag afin de regarder au plus près « ce qui alimente leurs moteurs technologiques. » Jusqu’à présent, très peu le faisaient mais c’est en train de changer.

Paul Tilstone, consultant et directeur associé de Festive Road, le confirme : « Les travel managers veulent désormais savoir ce qui se cache derrière la technologie de leur TMC afin de pouvoir juger s’ils obtiendront le bon contenu, et de la bonne manière, à même de valoriser leur programme voyages et d’apporter la meilleure expérience à leurs voyageurs. »

La priorité est de faire la distinction entre les TMC qui ont leurs propres technologies et celles qui s’appuient sur des tiers. Et cela n’est pas aussi simple qu’il n’y parait, comme le décrit Scott Wylie, directeur de la technologie chez TripStax, un spécialiste britannique du traitement des données : « Le secteur est truffé de TMC qui vantent leurs piles technologiques mais en réalité il s’agit d’une combinaison de plusieurs applications de fournisseurs tiers, en marque blanche et consolidées avec des intégrations complexes et souvent instables. »

Des TMC propriétaires ou non de leur techno ? Les deux formules ont, pour les clients, leurs avantages et leurs inconvénients. Celles qui ont développé leurs propres solutions peuvent inspirer, à raison, davantage confiance quant à leur expertise et leur implication. En revanche, il est plus difficile de s’en défaire si vous souhaitez changer de prestataire.

Les API démocratisent la techno

S’appuyer sur des tiers présente aussi des bénéfices car il est dans l’intérêt de ces derniers d’innover en permanence sinon ils ne survivraient pas. C’est souvent le choix des petites TMC qui, écrit le journaliste, « avec les bonnes équipes opérationnelles et informatiques, peuvent parfois être plus agiles, avec des taux d’adoption beaucoup plus rapides que les grandes TMC. »

Une chose est sûre : le développement des API, les interfaces de programmation (à l’origine notamment de la fragmentation des contenus), permettent à toutes les TMC, grandes, moyennes ou petites, de se brancher très rapidement sur toute nouvelle technologie et de se l’approprier. Une tendance qui va s’accentuer à l’avenir.

Pour finir, selon Nick Easen, l’auteur de l’article, l’indicateur le plus important est sans doute la philosophie générale de la TMC en matière de technologie : « A-t-elle une culture de l’innovation, du développement et de la remise en question ? Il est essentiel que les travel managers s’alignent sur des TMC en constante évolution. »

5 conseils à retenir :

  • Assurez-vous que toute fonctionnalité importante est alignée sur les exigences de votre propre programme de voyages.
  • Demandez-vous sila solution technologique est conçue pour la connectivité avec des tiers
  • Déterminez quelles applications et quels contenus sont importants, pour des raisons aussi bien opérationnelles que commerciales, et lesquels ne le sont pas.
  • Choisissez une agence de voyages qui innove et investit en permanence dans la technologie.
  • Renseignez-vous sur la feuille de route technologique de votre TMC.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Réunions en distanciel : les entreprises françaises rechignent

Les entreprises tricolores restent attachées aux échanges en présentiel et certaines freinent même des quatre fers sur le télétravail.

Enfin une étude sérieuse sur les réunions à distance ! Parue début octobre et réalisée par l’Insee auprès d’un échantillon de 12500 entreprises de plus de 10 personnes implantées en France, elle vient battre en brèche quelques certitudes. 

Premier constat : « en 2022, 44% des entreprises françaises organisent des réunions à distance via internet », observe l’Institut national de la statistique et des études économiques. « C’est moins que dans l’ensemble de l’Union européenne (50 %), où les pratiques sont toutefois hétérogènes : plus de trois entreprises sur quatre des pays nordiques (Suède, Finlande et Danemark, de 78 à 79 %) organisent des réunions à distance, mais moins d’un tiers en Bulgarie, Hongrie et Grèce (de 28 à 33 %). »

Ce sont les PME de moins de 50 personnes qui renâclent le plus à l’exercice, elles ne sont que 38% à y avoir recours régulièrement contre 44% de leurs homologues européennes. En revanche les entreprises françaises de plus de 250 personnes en sont autant adeptes que leurs alter ego continentales. 

Les secteurs d’activité les moins fervents sont la construction, le transport et l’entreposage, la production et la distribution d’énergie, d’eau, la gestion des déchets et la dépollution. 

La France championne des freins aux voyages d’affaires !

Deuxième constat, qui pourrait en étonner certains : « En 2022, parmi les entreprises qui organisent des réunions à distance, près de deux sur trois (64 %) en France donnent des directives pour privilégier ce type de réunions plutôt que les déplacements, soit 1,5 fois plus que dans l’Union européenne (44 %). Les entreprises françaises sont parmi celles qui les encouragent le plus en Europe avec la Roumanie, Chypre, l’Espagne et le Portugal (de 61 à 70 %). » Et l’Insee de préciser : « L’écart avec l’Union européenne reste important quelle que soit la taille des entreprises (+16 points au moins). » Une preuve chiffrée que les entreprises françaises incitent davantage que les entreprises européennes à limiter les déplacements professionnels !

Troisième constat : si les réunions à distance sont moins fréquentes en France que dans le reste de l’Europe, les entreprises tricolores équipent en revanche mieux leurs salariés pour le télétravail : « 65% d’entre elles fournissent à au moins une partie de leurs salariés un accès à distance à l’ensemble des outils professionnels (messagerie, documents et logiciels), contre 57 % dans l’Union européenne. » 

Si le télétravail est entré dans les mœurs, les Français restent donc les champions d’Europe de la présence au bureau confirme un article récent des Echos qui cite une étude du cabinet conseil en immobilier JLL. Selon cette dernière, les Français sont en présentiels 3,5 jours par semaine en moyenne contre (dans l’ordre) 3 jours pour les Suisses, 2,6 jours pour les Britanniques et 2,5 jours pour les Espagnols.

Télétravail : le début d’un reflux ?

Des chiffres qui montrent, d’après un autre article des Echos, « que les dirigeants et les DRH reconnaissent sans peine tâtonner encore sur les avantages et les inconvénients du travail à distance. » Le quotidien économique raconte ainsi que le groupe Amadeus (bien connu des membres de l’AFTM) «tente de faire revenir ses salariés au bureau ». En effet, « 65% des 4200 collaborateurs sont en télétravail trois jours par semaine, ce qui peut poser certains problèmes. » La solution ? « Le groupe a donc mis en place un programme d’incitation pour ramener le pourcentage de télétravailleurs à 50 %, notamment en organisant des « événements festifs » entre collègues. »

Aux Etats-Unis, l’atterrissage est beaucoup plus brutal et certains secteurs veulent que leurs employés reviennent au bureau, parfois sous peine de sanctions. Amazon vient ainsi d’autoriser ses managers à licencier les employés qui ne viennent pas sur site au moins 3 jours par semaine !

Le Figaro annonce même la fin du télétravail dans le secteur qui l’a popularisé : la tech américaine. Amazon donc mais aussi Google, Meta, Apple, Tesla… Elles en reviennent toutes ! Le Pdg de Meta, Mark Zuckerberg, grand promoteur du télétravail, déclare finalement que le présentiel et « que les relations en personne nous aident à travailler plus efficacement. »

Sam Altman, l’inventeur de Chat GPT, parle du télétravail comme « l’une des pires erreurs de l’industrie de la tech. » Même le Pdg de Zoom, Eric Yuan, affirme « qu’il est simplement impossible d’avoir une bonne conversation lors des réunions à distance. » Un comble ! 

Est-ce le signe d’une inversion de tendances ? Les adversaires du télétravail peuvent toujours rêver : un sondage réalisé début octobre auprès de 470 jeunes diplômés d’écoles de commerce et d’ingénieur par l’Institut Bona Fidé et relayé par Les Echos révèle que trois quarts d’entre eux souhaitent une extension du travail à distance. Il va donc sans doute falloir faire avec !

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Modèle économique : les TMC sous pression

Une conjonction inédite de circonstances place les TMC dans une situation délicate : jamais leur modèle de revenus n’a semblé si bancal qu’aujourd’hui. 

Le débat fait rage. Et pas seulement qu’en France où le sujet sera largement débattu lors des prochains congrès Manor et Selectour qui se tiendront en novembre. Ces derniers mois, la presse anglo-saxonne a multiplié les articles, parmi lesquels une excellente synthèse de BTN Europe, sur le modèle économique des TMC dont beaucoup d’experts estiment qu’il est arrivé à bout de souffle. 

En cause, un concours de circonstances sans précédent qui, selon le journaliste, « fait des ravages » : 

  • Baisse des incentives GDS, en raison de la montée en charge de NDC.
  • Baisse des revenus fournisseurs comme la SNCF en France, Qantas en Australie, American Airlines aux Etats-Unis rejointe récemment par United Airlines.
  • Fragmentation du contenu qui contraint notamment les TMC à adopter du contenu non GDS, ce qui représente un coût.
  • Augmentation des coûts de main d’œuvre, la pénurie de personnel obligeant les TMC à hausser les salaires afin de se rendre plus attractives.
  • Pression des clients sur le niveau des transaction fee lors des appels d’offres. 
  • Sans compter le taux d’adoption des réservations en ligne qui n’est pas revenu aux niveaux antérieurs à la crise du Covid et qui nécessite donc davantage d’intervention humaine.

Conséquence : les TMC augmentent leurs tarifs ou en introduisent de nouveaux, au grand dam de leurs clients. Un consultant interrogé par BTN raconte : « J’ai étudié de nombreux appels d’offres et c’est parfois de la folie, il peut y avoir jusqu’à 50 lignes pour les frais de transaction par pays, plus 20 autres frais et même davantage pour la mise en œuvre, les transferts de données, le suivi des billets inutilisés… des frais, des frais et encore des frais ! »

Pas étonnant pour Guy Snelgar, directeur des voyages d’affaires d’un réseau d’agences de voyages britanniques : « Dans un modèle où les acheteurs cherchent à atteindre le coût minimum absolu pour chaque type de transaction, cela aboutit inévitablement à une structure tarifaire complexe ». Et d’expliquer : « Si le transaction fee est réduit à portion congrue, alors la suppression d’un incentive GDS ou les coûts supplémentaires engendrés par un traitement manuel d’une modification de la réservation peuvent rendre ce transaction fee insoutenable sans supplément ou augmentation ». 

La fragmentation du contenu change tout

Un avis partagé par beaucoup qui pointent du doigt la pression trop forte des clients sur les TMC. «Certaines entreprises refusent d’accepter qu’il y a un prix à payer pour obtenir les services qu’elles souhaitent » déclare ainsi Margaret Birse, ancienne directrice mondiale des voyages chez Serco. Elle poursuit : « Le coût des frais d’agence reste faible par rapport au coût global des voyages et l’optimisation du programme voyages passe par un équilibre entre le coût et le service ».

La baisse continue des frais de transaction est-elle de la seule responsabilité des clients profitant de la concurrence des TMC ? Pas seulement. Comme l’explique très bien Guy Snelgar dans un autre article de Business Travel News, « les GDS ont créé petit à petit un système incroyablement efficace qui a permis de traiter automatiquement les réservations de manière rapide, précise, cohérente et peu coûteuse. Ce traitement normalisé et rentable fut un facteur déterminant dans la baisse constante des frais de transaction des TMC ». En effet, grâce aux progrès du canal traditionnel GDS, les TMC ont été en mesure de gérer davantage de réservations avec moins de personnel, un phénomène amplifié par l’arrivée des SBT au début des années 2000. 

Mais la fragmentation du contenu et l’avènement de NDC changent la donne. Ces nouveaux canaux de distribution, s’ils permettent aux compagnies aériennes de mieux vendre, commercialiser et fixer le prix de leurs produits, rendent le processus de gestion des voyages beaucoup plus complexe pour les TMC. Il n’existe pas un mais des NDC, autant que de compagnies. Selon Guy Snelgar, « les TMC doivent effectuer un travail considérable pour normaliser tout ça ». Sans compter les énormes défis pour compléter, modifier et traiter les réservations car « NDC fait, encore aujourd’hui, moins de choses que les canaux traditionnels ». 

Frais d’agences : hausse inéluctable ?

Conséquence : les TMC doivent investir davantage dans les systèmes technologiques et la main d’œuvre nécessaire à la gestion de ce contenu diversifié. Pour ce professionnel britannique, « en transférant une partie des coûts de distribution sur les TMC, les compagnies aériennes contraignent ces dernières à augmenter les frais de transaction facturés à leurs clients ».

Jusqu’alors, les revenus des TMC se partageaient équitablement entre fournisseurs et clients selon John Snyder, le Pdg de BCD Travel. Compte tenu de la situation cet équilibre est en train de changer, et ce dernier annonce d’ailleurs clairement la couleur : « Nous devons obtenir plus de revenus des clients ». 

Certains travel managers ne l’entendent pas de cette oreille et témoignent, toujours dans BTN : « Si une TMC fait payer quelque chose qui lui fait défaut, c’est peut-être qu’elle n’a pas fait les choses correctement dans sa feuille de route technologique depuis des années », déclare Ben Park, directeur principal des achats et des voyages chez Parexel. 

Un consultant indépendant, qui souhaite rester anonyme, abonde : « L’ensemble du contenu GDS et non GDS… les acheteurs n’aiment pas cela. Je devrais pouvoir obtenir tout le contenu dont j’ai besoin. Et ce que doivent faire les TMC en back-office pour y arriver, c’est leur problème ».

Transparence : le point d’achoppement

Mais la critique majeure et récurrente des acheteurs concerne la transparence des flux financiers des TMC, notamment des revenus fournisseurs. Ben Park, encore lui, est de ceux-là : « Je veux connaître l’ensemble des flux de revenus générés par mon programme voyages afin de m’aider à évaluer les conflits éventuels mais aussi pour voir s’il y a des opportunités d’économies ». Et de détailler : « Que se passe-t-il si je passe de la compagnie aérienne A à la compagnie B qui m’offre de meilleures conditions mais dont les incentives pour la TMC sont moins intéressants ? Mes frais d’agence devront-ils augmenter ? » 

Martin Warner, désormais consultant après avoir été vice-président exécutif chez CWT, estime que ce sujet de la transparence est la preuve que les TMC n’ont toujours pas réussi à justifier leur valeur ajoutée ni « à donner une image claire et complète de l’ensemble des variables qui ont un impact sur le coût de la gestion des voyages ». Il ajoute : « Alors que les TMC ont été très opaques sur les revenus fournisseurs et les incentives GDS, il est compliqué pour elles de revenir aujourd’hui vers le client et de lui dire : vous savez, ce revenu dont on ne vous a jamais parlé, eh bien on a besoin maintenant que vous le couvriez parce qu’il a disparu ! » Pas simple en effet. Voilà qui promet des débats encore très animés ces prochains mois. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Convention à Toulouse : retour en images !

Nous avons été ravis de vous accueillir à Toulouse pour cette première convention nationale réalisée en région. Les échanges des participants ont permis encore une fois de prendre conscience de la réalité du terrain.

Nous vous remercions chaleureusement pour votre participation active et enrichissante.

 tous ceux qui n’ont pu se joindre à nous, vous êtes les bienvenus au sein de la délégation régionale Occitanie ! Nous sommes une communauté vivante et ouverte. Celle-ci se réunit régulièrement pour débattre des enjeux liés aux mobilités d’affaires et permettre à chacun de se nourrir de clefs pratiques et opérationnelles.

Vous êtes tous invités à maintenir cet élan en participant aux prochaines rencontres de la région, n’hésitez pas à nous solliciter en nous écrivant à l’adresse suivante : occitanie@aftm.fr

À BIENTÔT À TOULOUSE !

Michel Dieleman, Président de l’AFTM

Jacques Chambre, Délégué Régional Occitanie

Apartool étend ses activités au Moyen-Orient

Apartool étend ses activités d'hébergement d'entreprise au Moyen-Orient avec de nouveaux bureaux à Dubaï

Dubaï est devenue l’une des destinations les plus attrayantes au monde pour les voyages d’affaires. Les données le prouvent. Dubaï a accueilli un total de 14,36 millions de visiteurs internationaux en 2022, soit une croissance de 97 % en glissement annuel par rapport aux 7,28 millions d’arrivées de touristes enregistrées en 2021, selon les dernières données publiées par le Département de l’économie et du tourisme de Dubaï (DET).

Apartool, une plateforme d’appartements avec services, s’est imposée comme une plateforme leader en Europe pour la gestion de logements temporaires pour entreprises, déjà présente dans plus de 85 pays. Avec sa récente expansion au Moyen-Orient, et notamment l’ouverture de son nouveau bureau à Dubaï, la société s’efforce de devenir la première plateforme de gestion d’appartements d’entreprise au Moyen-Orient.

 En outre, elle annonce avoir établi un partenariat solide avec un fournisseur de Riyadh qui dispose de 240 appartements. Ce partenariat stratégique leur permet de répondre à la forte demande de leurs clients aux Émirats arabes unis.

Aujourd’hui, nous partageons avec vous un entretien exclusif avec Lara Mengatti, Country Manager UAE chez Apartool, à propos de son expérience dans l’expansion, avec les opportunités présentées par le marché de l’hébergement temporaire des entreprises aux EAU, et les défis auxquels l’entreprise est confrontée dans sa croissance et sa consolidation au Moyen-Orient.

Navan, le voyageur, rien que le voyageur ?

TripActions s’appelle désormais Navan, une marque grand public destinée à accélérer le développement de la TMC avec le soutien du voyageur. Au détriment du travel manager ?

L’argument est un peu déroutant. Souhaitant justifier le changement de nom de TripActions et son accès dorénavant ouvert à tous les voyageurs et non plus aux seuls employés des entreprises déjà clientes, Zahir Abdelouhab, responsable de la société en France, explique dans deplacementpros.com : « L’idée est que si on a 100 personnes travaillant pour une même entreprise qui utilisent notre service à titre personnel, on puisse aller voir cette entreprise pour le lui signaler ».

Difficile pourtant d’imaginer un voyageur d’affaires lambda, qui n’a jamais utilisé Navan, se rendre sur la plateforme pour réserver ses vacances plutôt que de s’adresser aux Expedia, Booking et autres mega-agences en ligne qui ont l’antériorité, le savoir-faire et la légitimité sur le créneau des loisirs. 

La vérité est sans doute ailleurs. En adoptant une marque grand public et en s’ouvrant à tous (il suffira juste de donner une adresse courriel professionnelle lors de l’inscription), Navan veut en réalité appliquer une recette qui a parfois fait ses preuves dans le monde des solutions BtoB et qui a été expérimentée avec un certain succès par une entreprise comme Expensify. Depuis sa création en 2008, ce spécialiste américain de la gestion de note de frais aurait accueilli plus de 10 millions de membres, traité et automatisé plus de 1,1 milliard de transactions de dépenses sur sa plateforme.

L’idée est de s’adresser directement aux collaborateurs de l’entreprise, et plus seulement aux décideurs. Aux Etats-Unis, cette stratégie est appelée « modèle économique ascendant » (bottom-up business model). Après s’être inscrits gratuitement pour effectuer leur note de frais et avoir constaté les avantages qu’ils en retirent, les salariés défendent la plateforme Expensify en interne et peuvent convaincre les décideurs de l’adopter à l’échelle de l’entreprise. En résumé, un bon vieux marketing du bouche-à-oreille qui s’appuie sur les nouvelles techniques de viralité, numériques principalement. 

Navan veut faire comme Expensify, viser désormais un large public, les voyageurs d’affaires, et plus uniquement les travel managers et les acheteurs. Le terrain de jeu idéal ? Les PME évidemment. Une très large majorité d’entre elles ne gèrent pas leurs voyages via une TMC et n’ont pas les ressources internes pour le faire. Amex GBT estimait avant le Covid ce marché mondial « non géré » à 675 milliards de $ contre 270 milliards pour le marché traité par les TMC. Une manne énorme. 

Pour séduire ce large public, Navan souhaite donc s’appuyer sur un nouveau nom, plus « mainstream » comme disent les Américains, en capitalisant sur son point fort : l’expérience utilisateur, qu’elle aspire à améliorer en fusionnant toutes ses solutions en une seule super application. Car même ses contempteurs les plus sévères le concèdent, son outil est bon, voire très bon. Dans un article écrit au vitriol paru dans The Company Dime, le journaliste Jay Campbell donne la parole à des acheteurs et des travel managers très critiques envers l’ex-TripActions. Mais l’un d’entre eux reconnait : « leur outil est vraiment agréable à utiliser (…). Pour 90% de mes réservations qui ne nécessitent pas d’assistance humaine, c’est génial ». Pour un autre acheteur, « il est sans aucun doute meilleur que tous les autres outils existants ».

L’inscription gratuite de tout voyageur, même si son entreprise n’est pas cliente de Navan, risque toutefois de compliquer la vie de certains travel managers. En effet, un collaborateur d’une société dont le budget voyages est géré par n’importe quelle autre TMC que Navan pourra donc s’inscrire sur la plateforme et réserver des prestations hors politique voyages. Cela ne se fera pas sans poser des problèmes de remboursement au voyageur et, surtout, les grandes entreprises ne pourront pas accepter bien longtemps un process parallèle de notes de frais sans respect de la politique voyages. Mais c’est aussi, pour Navan, une façon de passer outre les travel managers et leur forcer la main. Et comme me le disait un patron de TMC, non sans ironie : « Navan va draguer des voyageurs qui sont obligés de passer par une autre TMC pour qu’ils essaient de pousser la plateforme à la place de leur dinosaure ».

Plus généralement, cette nouvelle orientation stratégique en direction du voyageur révèle une forme de défiance de Navan à l’égard des travel managers et des comptes « gérés ». La société californienne ne s’en cache même pas dans le communiqué qu’elle a envoyé pour annoncer son nouveau nom. Dès les premières lignes, elle explique que « la grande majorité des sociétés obligent aujourd’hui leurs équipes à utiliser des outils qui génèrent de la frustration, les poussant à trouver des alternatives ou à bouder les solutions mises à leur disposition ». Contacté, un travel manager qui a souhaité garder l’anonymat, s’étonne : « En clair, Navan s’adresse aux entreprises, ses clients potentiels, en leur disant qu’elles n’ont rien compris aux besoins internes de leurs employés ».

Navan pêcherait-elle un peu par arrogance ? C’est ce que lui reprochent les acheteurs interrogés par The Company Dime. L’un d’entre eux témoigne : « On a souvent l’impression de ne pas être considéré comme un client et quand on essaie d’expliquer les choses, on est traité de ringard ». Un autre acheteur confirme : « Ils ne nous écoutent pas, ils pensent que le rôle d’un travel manager est celui d’un assistant de direction ». 

Navan a les défauts de ses qualités : elle est avant tout une entreprise de tech, et même de fintech, et se pense comme telle, avant d’être une TMC. D’ailleurs, rares sont ses employés qui ont déjà travaillé dans une TMC. D’où un certain hiatus sur la notion même de service que peut rendre la TMC. Un client de Navan, toujours dans The Company Dime, affirme : « C’est le 1% de nos réservations qui nécessitent l’aide d’un agent de voyages qui nous rend fou ». Un autre acheteur ajoute : « Si Navan résolvait ces problèmes de service, elle pourrait être une très bonne plateforme ». 

Dans une excellente interview d’Ariel Cohen, le co-fondateur de Navan, Elizabeth West, la rédactrice en chef de Business Travel News, pointe aussi du doigt cette faiblesse des fonctions supports et le manque d’expertise interne sur le voyage d’affaires. Ariel Cohen répond par une pirouette, difficilement vérifiable : « Nous avons 9000 clients, et nous en ajoutons 300 par mois, (…) partent-ils ou restent-ils ? La majorité d’entre eux restent avec nous pendant des années ». 

Une chose est sûre : avec ce nouveau nom et cet accès ouvert à tous, Navan écrit un nouvel épisode de la bataille des PME que nous avions pressentie et décrite en décembre 2021 dans l’Oeil de l’AFTM. Comme un fait exprès, American Express GBT vient d’annoncer qu’elle se réorganise autour de deux axes, les grands comptes et comptes multinationaux d’une part, les PME d’autre part. Amex GBT dont Ariel Cohen annonce la mort prochaine, à l’instar de Concur, dans ce podcast spécialisé sur le capital risque paru le 8 février dernier (écouter à partir de la 29e mn). Vous avez dit arrogant ? Pensez donc !

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Le transaction fee fait de la résistance

Le modèle de rémunération des TMC fondé sur le transaction fee, que l’après-Covid devait mettre au placard, reste la norme, et de loin. La seule faute aux clients ?

Il devait disparaître corps et biens. Après avoir étalé toutes ses limites pendant la pandémie et fait plonger dangereusement les TMC, le transaction fee aurait pu (dû ?) laisser la place à un autre modèle de rémunération plus solide pour les agences de voyages et plus juste dans le partage des risques. Il n’en a rien été. Dans des propos rapportés par Business Travel News, John Snyder, le Pdg de BCD Travel, ne cache pas déception et parle de « sa plus grande frustration depuis le début du Covid ». 

Il esquisse même le début d’une autocritique en ajoutant : « J’ai d’énormes regrets que nous n’ayons pas poussé plus fort, nous avons pourtant poussé assez fort mais les clients nous ont refoulé ». L’échec est patent, il reconnait l’incapacité des TMC à convaincre les entreprises d’adopter un autre modèle tel que l’abonnement. « Tout le monde s’y convertit dans sa vie personnelle, Netflix, Amazon…, la tarification par abonnement contrôle le monde mais nous n’arrivons pas à sortir de cette mentalité de la transaction ». 

Interrogé par le journaliste Michael B. Baker, le vice-président en charge des finances de CWT, Brady Jensen, est plus nuancé : « Lors de certains appels d’offres, nous avons parfois constaté un changement, avec des entreprises qui se renseignent sur les modèles autres que le transaction fee ». 

Selon John Snyder, il incombe en partie aux consultants de convaincre les entreprises de la nécessité de changer. Brady Jensen a en effet noté que les appels d’offres qui étaient ouverts à différents modèles de rémunération avaient tendance à être accompagnés sinon dirigés par des consultants. Problème : ces derniers rejettent la faute sur les TMC ! Caroline Strachan, directrice associée de Festive Road, a ainsi déclaré « qu’elle avait demandé aux TMC des prix créatifs lors de chaque appel d’offres lancé depuis le début de la pandémie. La plupart du temps, l’entreprise n’a pas obtenu de réponse à sa demande ».

Les TMC ne seraient donc pas prêtes à changer de modèle ? C’est la thèse défendue par une autre consultante, Bex Deadman : « Elles ont construit tout un système complexe sur la base des modèles commerciaux actuels et certains de leurs fournisseurs sont encore rémunérés à la transaction ». 

Comme l’écrit l’auteur de l’article, « si les modèles non fondés sur la transaction sont logiques sur le papier pour les TMC, leur mise en œuvre effective est un processus plus compliqué ». En clair, pour convaincre leurs clients, les TMC vont devoir changer d’état d’esprit, former en interne et faire preuve d’innovation. Face à des clients confortablement installés dans un système à la transaction et réticents à l’idée d’un plus juste partage des risques, la tâche s’annonce décidément ardue. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM