Les OBT : priorité des acheteurs en 2023

L’attente des entreprises n’a jamais été aussi forte à l’égard des outils de réservation online (OBT). Voici pourquoi.

Depuis des années qu’elle réalise cette enquête, l’ITM (l’équivalent britannique de l’AFTM) n’avait jamais vu ça. C’est la première fois en effet que l’optimisation des OBT arrive en tête des priorités des acheteurs selon leur sondage annuel relayé par Business Travel News Europe. Elle est même passée de la cinquième à la première position en l’espace de douze mois !

Un bond qui traduit en réalité une inquiétude : 40% des personnes interrogées ont le sentiment que leur OBT n’est pas prêt à soutenir la réalisation de leurs principaux objectifs, notamment en matière de duty of care (affichage des bonnes informations au moment de la réservation), mais aussi d’affichage intégré air/ferroviaire (lire par ailleurs), de modification et d’annulation de réservation…

Mais le plus grand mécontentement concerne la capacité des OBT à inclure les budgets carbone et les émissions carbone au moment de la réservation. 75% des acheteurs s’en disent insatisfaits. 

Les OBT sont clairement attendus au tournant. Ce que le journaliste Andy Hoskins, dans un autre article de BTN Europe, résume ainsi : « Avec le retour d’un semblant de normalité, (…) on s’attend à ce que les OBT aident les voyageurs à s’orienter dans la complexité de l’après-Covid mais aussi à ce qu’ils soulagent un secteur miné par le manque de personnel et les perturbations ». 

Faut-il faire jouer la concurrence et changer d’outil ? Andy Hoskins en profite pour rappeler aux acheteurs et aux travel managers quelques conseils utiles au moment de choisir son OBT. Le plus important : se concentrer sur le contenu, l’expérience client et le contrôle sans oublier bien sûr le coût et la capacité de personnalisation. 

Citée dans l’article, Nathalie Barfield, d’Areka Consulting, rappelle aussi que la façon dont l’entreprise contracte avec l’OBT est capitale car certaines fonctionnalités ne seront disponibles que par le biais d’un contrat en direct avec le fournisseur et non via une TMC par exemple qui ferait office de revendeur. 

Une autre astuce a été donnée par un acheteur s’exprimant au dernier Tech Talk (organisé par BTN) qui s’est tenu à Londres en novembre dernier : « Quand je demande à un fournisseur quels sont ses problèmes ou ses limites et qu’il me répond « aucun », je trouve ça suspect. En revanche, s’il me parle de problèmes passés et de la façon dont il les a surmontés, je le trouve plus crédible ». 

Nathalie Barfield soulève aussi un point d’attention : les promesses de développement. « N’hésitez pas à poser de nombreuses questions. Cette fonctionnalité est-elle en ligne ou en version bêta ? Avec qui est-elle en ligne ? Pouvez-vous me donner des références ? Quand pourrai-je en bénéficier ? Ne vous laissez pas berner par les fonctionnalités vraiment cool qui figurent en haut des documents marketing ».

La consultante insiste enfin sur l’implication et le soutien nécessaire de la TMC dans le processus et, en interne, sur l’engagement des services informatiques, financiers, sécurité et des ressources humaines. 

Un changement d’OBT est toujours complexe et peut générer des perturbations, si bien que les acheteurs et les travel managers y sont souvent réticents malgré les frustrations engendrées par l’outil en place. Mais le contexte est inédit. La pandémie est passée par là, créant de nouvelles attentes et nouveaux besoins, la fin prochaine de Traveldoo met le marché en ébullition, et la perspective de NDC implique de sacrés défis pour les OBT. Guillaume Ridolfi, directeur commercial France et Benelux de SAP Concur, confirmait récemment au Grand Live du Voyage d’Affaires : « On est beaucoup plus challengé par les clients qu’avant le Covid ». Une pression qui ne pourra être que bénéfique aux entreprises : rarement autant qu’aujourd’hui les fournisseurs d’OBT n’ont, semble-t-il, décidé d’engager de tels niveaux d’investissements pour faire progresser leur outil. Certaines mauvaises langues diront qu’il était temps…

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

La nouvelle bataille du rail

RSE oblige, la réservation de billets de train internationaux en Europe devient l’un des enjeux majeurs des travel managers. Un chemin semé d’embûches. 

A peine croyable. Depuis le 1er janvier 2023, les personnels de l’université de Groningue ont l’obligation de prendre le train au lieu de l’avion pour tous les déplacements de moins de 800 km ou pour tous les voyages de moins de 9h en transport ferroviaire !

Même décision à l’université d’Utrecht, toujours aux Pays-Bas, qui interdit désormais les vols de moins de 700 km, soit l’équivalent d’un trajet entre Paris et Toulouse. Des dispositions qui essaiment dans les universités européennes raconte la journaliste du Figaro Etudiant, citant aussi en exemple celle de Neuchâtel en Suisse qui ne rembourse plus les trajets en avion qui peuvent s’effectuer en moins de dix heures de train !

Ces cas (extrêmes ?) illustrent bien la nouvelle attention des entreprises portée au transport ferroviaire afin de limiter leur empreinte carbone. Problème : la réservation de trains internationaux en Europe est un vrai parcours du combattant, pour ne pas dire un enfer. Dans un excellent article paru début décembre, Business Travel News Europe en décrit parfaitement les enjeux. 

Son auteur, Amon Cohen, rappelle d’abord que le contenu ferroviaire de l’Union européenne présent sur les OBT est limité, voire très limité, générant beaucoup d’insatisfactions parmi les travel managers et les acheteurs selon différentes enquêtes menées outre-Manche. La faute, selon Angela Lille, présidente du groupe de travail sur la durabilité au sein de BT4Europe (association dont fait partie l’AFTM), « aux opérateurs ferroviaires qui ne permettent pas souvent l’émission de billets transfrontaliers. La capacité de réservation est réduite aux voyageurs du marché national de l’opérateur ferroviaire ».

Cité dans l’article, Cédric Lefort, directeur Solutions Engineering chez BCD Travel, explique : « Le secteur aérien est beaucoup moins fragmenté que le rail, tout y est plus moins consolidé en un seul endroit qu’est le GDS. Alors que chaque fournisseur ferroviaire a son propre système, sa façon de distribuer, et ne rend pas tout son contenu disponible. (…) Il est difficile pour les GDS et les OBT de développer les connexions nécessaires à l’ensemble du contenu ferroviaire ». Comparé au rail, « NDC relève de la maternelle » confirme Paul Dear, de SAP Concur avec une image qui fait mouche. 

Alors que faire ? Pour Amon Cohen, les agrégateurs comme Trainline sont une partie de la solution, à la fois technique et réglementaire. Ils peuvent désormais prendre les flux de contenu de tous les opérateurs ferroviaires et les canaliser vers un tuyau unique et global utilisable par les TMC et les OBT. 

Encore faut-il convaincre les opérateurs ferroviaires d’ouvrir ces flux de contenu. C’est pourquoi l’espoir repose sur un règlement européen appelé « Services de mobilité numérique multimodale » qui vise à garantir l’accès à tous les contenus ferroviaires pour tous les canaux de distribution. Un premier projet de législation pourrait aboutir ce premier semestre. BT4Europe fait pression sur la Commission européenne pour accélérer le mouvement. Ce serait une sacrée bonne nouvelle pour le secteur du voyage d’affaires.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Les reportings des TMC sont-ils vraiment nuls ?

La qualité des données fournies par l’agence de voyages est régulièrement pointée du doigt par les travel managers. Les TMC en sont-elles les seules responsables ?

La charge est rude. Lors de la convention de la GBTA en août dernier, Ann Dery, travel manager chez Standard & Poor’s Global, n’y est pas allée avec le dos de la cuillère : « Comme nous le savons tous, les données de la TMC sont horriblement mauvaises. Je ne sais pas pourquoi elles n’arrivent pas à régler le problème une fois pour toutes mais c’est mauvais, incomplet, inexact et inopportun ». Et bing !

Les propos, rapportés dans un excellent article de The Company Dime, ne sont pas isolés. Steve Sitto, directeur mondial de la mobilité chez Tesla, renchérit : « La collecte des données sur les voyages d’affaires dans de nombreux pays est un véritable gâchis ». Dan Pirnat, fondateur de Data Insights Inc, enfonce le clou : « Mon expérience m’a montré que la qualité des données de la TMC ne s’est guère améliorée, en particulier chez les mégas TMC ».

Les raisons avancées par les experts interrogés par The Company Dime montrent toutefois que les responsabilités sont plus partagées qu’il n’y parait et ne reposent pas uniquement sur les épaules des TMC. Selon Susan Hopley, Pdg de The Data Exchange, « il y a trop de maillons dans la chaîne de données des voyages d’affaires, qui non seulement utilisent des configurations de données et des algorithmes de traitement différents (générant ainsi beaucoup de complexité), mais qui doivent aussi partager des données concurrentielles ». Pour elle, la question de savoir à qui appartiennent les données reste un point de discorde. 

Rock Blanco, un ancien responsable technique de TMC, confirme : « Lorsque, pour une même transaction de voyage, l’entièreté des données n’est pas accessible par l’ensemble des fournisseurs directement concernés par cette transaction, vous créé des silos qui créent eux-mêmes des obstacles au partage d’informations ».Résultat : des incohérences et une qualité dégradée des données. 

Dans un autre article du même media, Suzanne Boyan, responsable mondiale des voyages chez ZS Associates, va même plus loin et parle d’un manque de transparence sciemment entretenu par les fournisseurs afin de gêner les entreprises : « Quand vous ne pouvez pas voir précisément les lignes de dépenses, négocier correctement devient alors très difficile ».

Rock Blanco pointe aussi du doigt la responsabilité du GDS : « Lorsque vous avez un secteur dont le système de point de vente (l’agence de voyages) est encore basé sur un terminal muet des années 70 appelé GDS, vous allez rencontrer rapidement des limites sur la qualité des données ».

D’autres experts jugent néanmoins sévères les critiques dont font l’objet les TMC et même « injustes » selon Erik Mueller, Pdg de Grasp Technologies, pour qui la multiplicité des canaux rend plus complexe le contrôle de la qualité des données : outil de réservation en ligne, réservation offline, réservation hors canal, réservations dans diverses régions du monde… 

Scott Gillespie, le célèbre consultant de tClara, se démarque une nouvelle fois avec un point de vue original sur le sujet : « Les problèmes persistent depuis de nombreuses années et nous avons fait de modestes progrès, donc ma conclusion est qu’il n’y a pas de marché pour une solution ». Et d’expliquer : « Les acheteurs s’attendent à payer trop peu et les fournisseurs disent : nous avons besoin de plus que ce que vous offrez pour que cela vaille la peine de résoudre ce problème. Je pense que la conclusion est que les acheteurs sont prêts à vivre avec ce problème, le résoudre n’apportera pas une valeur ajoutée suffisante pour justifier les coûts ».

Une vision contestée par Suzanne Boyan, qui se dit prête à payer davantage pour des données de meilleure qualité si le secteur du voyage d’affaires était « aussi transparent que d’autres secteurs ». Selon elle, cela pourrait faire progresser le devoir de diligence et les négociations avec les fournisseurs tout en préservant « une marge bénéficiaire équitable ».

Une chose est sûre : le sujet de la qualité de la donnée va s’imposer un peu plus à l’heure où la distribution se fait plus ouverte et plus fragmentée. Dès lors, selon Dan Pirnat, les TMC ne pourront fournir de reporting de bonne facture « sans investissement important ». Sous couvert d’anonymat, un observateur met la pression : « Le problème est d’autant plus capital qu’interpréter les données de voyage est la principale raison d’être de la fonction du travel manager ».

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Paiements : le changement, c’est maintenant

Cartes virtuelles, règlementation, nouveaux entrants : l’univers des paiements dans le voyage d’affaires connait une effervescence inédite. 

C’est un signe. Lors du dernier Business Travel Show qui s’est tenu à Londres, il a été demandé à un panel de travel managers de comptes multinationaux quel était leur plus grand défi du moment. Tous ont répondu sans exception la gestion des paiements, comme le relate le média Business Travel News Europe dans son dernier supplément consacré entièrement au sujet.

« C’est une catégorie qui fait l’objet de davantage d’attentions pour diverses raisons », confirme Ben Park, directeur des achats et des voyages chez Parexel, un sous-traitant pharmaceutique américain présent en France et au Royaume-Uni notamment. « La nouvelle directive européenne DSP2 nous oblige à revoir nos programmes de paiement d’entreprise ; par ailleurs les paiements virtuels deviennent plus sophistiqués ; enfin, l’accent est mis sur la consolidation des volumes auprès d’un seul fournisseur afin de faire des économies ». 

L’un des grands changements concerne en effet la règlementation, la DSP2 ayant introduit l’authentification forte (double sécurité) lors des paiements en ligne, en vigueur en France depuis le 15 mai 2021. « La règlementation a rendu les paiements plus compliqués, tant du côté des acheteurs que des fournisseurs », assure Kerry Douglas, de l’Institute of Travel Management (l’équivalent britannique de l’AFTM). 

« C’est simple, dit Clive Cornelius, responsable du segment voyage pour Visa Europe, certains des processus que vous avez pu mettre en place pendant des années ne fonctionnent tout simplement plus aujourd’hui, par exemple votre façon de réserver sur les sites des compagnies low cost ». 

La nouvelle génération de cartes virtuelles est une autre grande nouveauté de l’univers des paiements. Elles devraient notamment réduire sinon éliminer la crainte des travel managers de voir les règlements de leurs voyageurs refusés à la réception des hôtels ou ailleurs. En effet, les cartes virtuelles de première génération n’étaient pas entièrement numérisées, provoquant bien des désagréments. Lors de la dernière convention annuelle de la GBTA en août dernier, une acheteuse résumait ainsi la situation : «Quand ça marche c’est la plus belle des choses, quand ce n’est pas le cas, c’est un véritable désastre». 

L’avantage supplémentaire de ces cartes virtuelles est qu’elles sont en train de devenir véritablement mobiles et peuvent être stockées dans un portefeuille mobile comme Apple Pay. Voilà qui pourrait faire enfin décoller l’adoption du mobile par les entreprises qui reste faible, quoiqu’en disent les opérateurs. Alors que tous les adolescents sortent leur téléphone portable pour payer leur boisson gazeuse dans le magasin du coin, il est encore rare que les voyageurs d’affaires aient leur carte affaires en plastique numérisée dans leur téléphone, et encore plus rare qu’ils aient une carte virtuelle. 

Autant d’atouts qui incitent Patrick Diemer, ancien patron d’AirPlus international aujourd’hui conseiller principal chez Arthur D. Little, à parier sur un développement rapide des cartes virtuelles : « Non seulement elles sont plus sûres qu’une carte de crédit, car vous ne pouvez les utiliser qu’une fois, mais en plus elles offrent une meilleure capacité de réconciliation des dépenses ».

Dernière tendance et non la moindre : l’introduction sur le marché de produits de paiement par les fournisseurs de voyages afin de concurrencer ceux offerts directement par les institutions financières. Ainsi TripActions avec sa brique de paiement Liquid, HRS qui a acquis la société Paypense, Sabre qui a racheté Conferma Pay ou encore tout récemment Amadeus qui a annoncé le lancement prochain d’Outpayce, une carte virtuelle prépayée.

La raison d’une telle frénésie ? Ces offres visent principalement les PME-PMI qui ne disposent pas en interne des ressources suffisantes et qui cherchent de plus en plus des solutions intégrées, de bout en bout, pour leurs programmes voyages. Et ces fournisseurs de voyages qui entrent sur ce marché «considèrent désormais que le paiement est aussi important que la réservation » selon Clive Cornelius.

Paradoxalement, le marché des solutions de paiement, s’il s’élargit côté prestataires de voyages, il semblerait se rétrécir côté institutions financières. Patrick Diemer explique ainsi que la volatilité du marché des voyages, criante au moment du Covid, a effrayé certaines banques qui ont abandonné ce segment de clients. Il y aurait donc moins d’émetteurs de cartes aujourd’hui, les uns se concentrant sur les grandes entreprises, les autres sur les PME, délaissant ainsi un marché intermédiaire qui se retrouve un peu orphelin. 

Nous avions déjà abordé dans l’œil de l’AFTM cette tendance lourde à l’intégration des paiements dans le voyage d’affaires (ou l’inverse, tout dépend du point de vue !), elle semble bien se confirmer mois après mois. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

L’achat anticipé, le secret des économies ?

Dans un contexte inflationniste qui restera tendu en 2023, la chasse aux coûts passe par les achats à l’avance des billets d’avion.

L’année 2023 sera placée sous le signe des économies. Et pour cause, l’inflation ne devrait pas se calmer. Comment faire ? Pour Warren Dix, directeur commercial de Gray Dawes, une TMC britannique, les entreprises du royaume doivent réduire leurs coûts de 14% afin de faire baisser leurs dépenses et revenir aux niveaux de 2019 (pas au global mais à prestations égales). 

Lors d’un webinaire organisé par la TMC, dont Business Travel News Europe a fait le compte-rendu, Warren Dix a énuméré les « piliers clés » de la réduction des coûts en 2023 : une attention particulière sur l’adoption en ligne (les TMC se plaignent d’un trop fort relâchement après le Covid), des processus d’approbation solides pour assurer la conformité avec la politique voyages, la mise en œuvre d’un programme hôtelier avec des tarifs négociés sur un nombre restreint d’établissements, la révision régulière de la politique voyages, et surtout des achats aériens anticipés.

Selon lui en effet, l’achat de billets d’avion à l’avance permet de faire des économies considérables : réserver en Europe un voyage long-courrier 21 jours à l’avance, au lieu d’une semaine, permet d’économiser jusqu’à 57% du prix du billet. Si on réserve ce même billet 14 jours à l’avance, au lieu d’une semaine toujours, l’économie reste substantielle : 37%.

Warren Dix conseille par ailleurs de réserver un billet non remboursable plutôt qu’un tarif entièrement flexible, cela permet d’économiser jusqu’à 73% sur les vols long-courriers. Et dans le cas où l’annulation est possible, des économies peuvent encore être réalisées car « pour le coût d’un billet entièrement flexible, vous pouvez réserver trois billets remboursables ». 

David Oates, directeur des achats du groupe de construction Wates Group, a suivi à la lettre ces conseils avec un taux d’adoption des services en ligne qui est de 95% et des directives claires et affirmées sur la réservation à l’avance : « Il faut simplement être organisé ». Communiquer les avantages des nouveaux processus d’achat peut également aider à surmonter les réticences des voyageurs. 

« Il y a des économies à faire mais vous devez avoir la volonté et la capacité de le faire » a conclu Warren Dix à l’attention des acheteurs et des travel managers. A bon entendeur…

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Un seul fournisseur aérien, c’est possible ?

Contre les règles en vigueur, une entreprise britannique mène une expérience intéressante en concentrant son trafic auprès d’une seule compagnie sur un axe ultra-fréquenté.

Le pari est osé. Il est d’usage sur des liaisons aériennes internationales souvent empruntées par les collaborateurs d’avoir au moins deux, sinon trois partenaires aériens, afin notamment de faire jouer la concurrence. C’est encore plus vrai pour les comptes multinationaux. La société britannique Finastra, spécialisée dans les logiciels financiers, et dont le budget aérien frôlait les 25 millions de US$ en 2019, était de ces entreprises, comme le rapporte The Company Dime

Son travel manager, Mauro Ruggiero, raconte que, sur l’axe Londres/New York, il avait mis en concurrence American Airlines, et son partenaire British Airways (dans le cadre de l’alliance Oneworld), avec Delta et son partenaire Virgin Atlantic (qui a rejoint depuis peu l’alliance Skyteam). Tout change en décembre 2019 quand Finastra signe un accord avec Delta aux termes duquel la compagnie accorde des remises tarifaires plus élevées en échange de 100% de parts de marché. 

« Nous sommes passés d’une part de marché de 50/50 entre Delta et American à 95% en faveur de Delta, voire 100% au départ de Londres, ce qui est assez inédit compte tenu de la position ultradominante de British Airways sur Heathrow » témoigne Mauro Ruggiero. Les résultats sont au rendez-vous : Finastra a économisé « quelques centaines de milliers de dollars, et ce en quelques mois ». 

Delta et Finastra se rencontrent tous les trimestres pour évaluer les performances. Mauro Ruggiero précise qu’il trouve encore acceptable que le duo Delta/Virgin ne soit pas l’option la moins chère dans 10 ou 20% des cas mais qu’au-delà il demande une meilleure remise. 

La principale interrogation concernait en réalité la réaction des voyageurs et leur degré d’adhésion. Or on sait, et c’est encore plus vrai depuis la pandémie, qu’une bonne partie des voyageurs d’affaires place la liberté de réserver auprès de leurs fournisseurs préférés parmi les avantages qu’ils souhaiteraient que leur entreprise offre pour améliorer l’expérience voyage. Et on sait aussi que les programmes de fidélisation exercent une influence considérable dans le choix de la compagnie.

Conscient de ces paramètres, Mauro Ruggiero a fait en sorte, afin de faciliter le changement, que les statuts des programmes de fidélisation correspondent. S’il admet que l’opposition potentielle des fidèles de British Airways était une préoccupation au départ, il souligne néanmoins « que notre politique voyages est très claire : nous ne permettons pas aux voyageurs de prendre des décisions en fonction des programmes de fidélisation. Si nous avions proposé à nos voyageurs un produit de qualité inférieure, je le comprendrais, mais ce n’est pas le cas ».

Il concède toutefois avoir dû affronter quelques réticences. « Mais à moins qu’un collaborateur ne vienne avec une différence de prix incroyable, nous n’avons pas cédé. J’avais besoin de déplacer des parts de marché ».

L’expérience menée par Finastra est regardée avec intérêt par les observateurs. Une telle stratégie est rare parmi les grandes entreprises, plus fréquente pour des volumes modestes, car il faut un suivi fournisseurs quasi-personnalisé et une culture de conformité à la politique voyages très forte. Par ailleurs, vous devez ménager les fournisseurs écartés (en l’occurrence American et British Airways) mais que vous utilisez sur d’autres axes et qui pourraient vous faire payer cher cette décision.

Mauro Ruggiero n’en retire quant à lui que du positif : « Je devais trouver un moyen de réduire les coûts, je n’allais pas y arriver en faisant une négociation normale ». Il envisage d’ailleurs d’étendre cette stratégie à des liaisons intérieures aux Etats-Unis mais aussi à l’hébergement. Il a ainsi négocié avec le Royal Lancaster situé à Londres des prix réduits en échange de 4 à 5000 chambres-nuits. Au bout de six mois, il avait déjà basculé 90% des parts de marché. Une expérience à méditer sinon à reproduire ?

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Avion et handicap : de pire en pire

Les compagnies aériennes et les aéroports ne parviennent pas à procurer l’assistance nécessaire aux personnes à mobilité réduite.

Un cauchemar. Au printemps dernier, la prise en charge des passagers à mobilité réduite (PMR) a viré à la catastrophe sur l’aéroport de Roissy-CDG. Dans un article des Echos daté du 5 juin dernier, le journaliste Bruno Trévidic racontait que « des dizaines de milliers de passagers avaient été laissés pour compte ».

« Une fois sur deux, il n’y avait personne à l’arrivée à Roissy-CDG pour prendre en charge les PMR », s’indignait alors un salarié d’Air France, où cette situation avait suscité une forte émotion parmi les navigants. Certains avaient évoqué des passagers restés plus de deux heures dans l’avion, jusqu’à 1 heure du matin ou bien portés sur un escabeau jusqu’à un bus par des équipages Air France ! Un vrai scandale pour ces passagers dont certains sont des voyageurs d’affaires. Un changement malencontreux de prestataire sur la plateforme aéroportuaire avait été à l’origine de ces déboires.

Le même Bruno Trévidic révèle, dans un article du 7 décembre, que le nombre de passagers demandant une assistance est devenu un phénomène massif selon les chiffres de l’IATA : 20% des passagers réclament désormais une assistance pour eux-mêmes ou pour un tiers. Le vieillissement de la population en est la raison principale et le doublement attendu d’ici à 2050 de la population mondiale âgée de plus de 65 ans ne devrait rien arranger.

En réalité, selon le journaliste, les problèmes surgissent souvent quand l’afflux de passagers sans réel handicap prive d’assistance les passagers vraiment handicapés. En effet, la règlementation européenne interdit de demander une preuve de handicap. Certains peuvent en abuser : « Il s’agit parfois de passagers âgés qui demandent une assistance par crainte de ne pas savoir s’orienter dans l’aéroport », reconnaît Linda Ristagno, chargée du dossier au sein de l’IATA, et citée par Les Echos

Autre difficulté, rapporte le quotidien économique : les fauteuils roulants trop encombrants pour les cabines d’avion et ceux munis de batterie au lithium, qui présentent un risque pour la sécurité. Compagnies et aéroports n’arrivant pas à faire face à la situation, l’intervention des régulateurs pourrait s’avérer nécessaire. C’est l’avis de Linda Ristagno : « Rendre le transport aérien accessible à tous nécessite une coordination entre les gouvernements, les compagnies aériennes et les associations ». 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Google : un avertissement pour le marché

Le géant de Mountain View a décidé de sabrer dans son budget voyages. Une décision qui en dit long sur la reprise à deux vitesses du voyage d’affaires et sur l’avenir du secteur. 

Inutile de dire que la missive a été diversement appréciée par les cadres de Google. Le site The Information a révélé que ces derniers avaient reçu un courriel début septembre leur demandant de limiter strictement leurs déplacements « aux voyages essentiels ». Le courriel précise que désormais la barre serait placée très haut pour définir comme essentiel un déplacement ! 

En clair, lorsqu’une option virtuelle sera disponible, les voyages et les réunions d’équipes physiques ne seront plus approuvés par la hiérarchie. Rien que ça ! Contactée par The Information, Google ne s’est pas étendu, expliquant avoir adopté « une approche plus responsable de la gestion des dépenses voyages ». 

Quelques semaines plus tôt, en août, le Wall Street Journal annonçait que Microsoft avait expressément demandé à ses salariés de réduire leurs déplacements professionnels et les événements organisés par l’entreprise afin de maîtriser les coûts. 

Il faut bien sûr replacer ces décisions dans un contexte particulier à l’industrie technologique qui « subit ces derniers mois une douloureuse vague de froid » comme le racontait récemment le magazine L’Express. « Les capitalisations boursières des stars du secteur ont dégringolé de façon vertigineuse depuis le début de l’année : -51% pour Meta (ex-Facebook), -49% pour Paypal, -60% pour Netflix… » Inflation, perturbation des chaînes d’approvisionnement, hausse des taux directeurs, investissements aventureux, entreprises survalorisées…, le monde de la tech craint l’éclatement d’une nouvelle bulle internet et met ses représentants les plus emblématiques au régime sec.

Cité par le site Skift, Steve Reynolds, le Pdg de Tripbam, une plateforme d’audit des voyages d’affaires, soutient depuis longtemps que les entreprises de la tech ont été beaucoup plus prudentes que les autres lors de la reprise du voyage d’affaires. « En juin dernier par exemple, les volumes ne représentaient que 50% des niveaux prépandémiques alors que la plupart des autres secteurs avaient atteint 80% », détaille-t-il. 

En réalité, toutes les grandes entreprises sont sur la réserve. Le magazine Forbes a ainsi repris les propos du directeur commercial de Southwest Airlines qui disait fin juillet : « La reprise concerne surtout les PME et l’administration. Nos plus grandes entreprises sont à la traîne, en particulier les banques, les sociétés de conseil et les entreprises technologiques. Avant le Covid, elles faisaient partie de nos meilleurs voyageurs, elles sont aujourd’hui au bas de l’échelle ». 

En France, la SNCF faisait il y a quelques jours une nouvelle fois le même constat dans Les Echos : il lui manque encore 10 à 15% de sa base de clientèle affaires d’avant-Covid. Ce sont les voyageurs des grandes entreprises qui font défaut, ceux des PME sont revenus à leur niveau de 2019. 

Les grandes entreprises reprendront-elles un jour le chemin des voyages ? Google et Microsoft viennent de répondre à la question. Aux dernières Universités d’AirPlus, le Crédit Agricole a dit très clairement que le nombre de ses déplacements professionnels allait baisser en raison des objectifs de réduction des émissions de CO2. Ces décisions sont loin d’être isolées et on pourrait en citer bien d’autres. Les professionnels du voyage d’affaires devraient y réfléchir et ne pas se laisser aveugler par les volumes actuels de vente, gonflés par l’inflation. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Une rentrée à hauts risques

Inflation, nuages économiques, chaos aérien, Covid, crise climatique… : après la pause estivale, le retour des voyages d’affaires promet d’être musclé.  

Chaud devant ! Rarement une rentrée n’avait fait face à autant de « vents contraires » comme les appelle Amon Cohen, le chroniqueur vedette de Business Travel News Europe

D’abord, énumère le journaliste, le marasme du transport aérien, faute de personnel. C’est plus de 66 millions de voyageurs qui auront été touchés par les annulations et les retards d’avion entre janvier et juillet en Europe, soit un quart des passagers sur la période selon AirHelp ! 

Les voyageurs d’affaires n’en peuvent plus. Yvonne Moya, directrice mondiale des voyages chez Randstadt, basée aux Pays-Bas, confirme la lassitude des collaborateurs : « A Amsterdam, vous devez être à l’aéroport quatre heures avant le décollage. Nous avons des voyageurs, qui étaient arrivés trois heures avant le départ, qui n’ont pas pu prendre leur vol. Et vous pouvez être presque sûr que vos bagages n’arriveront pas à destination ! »

Hans-Ingo Biehl, directeur exécutif de VDR, l’homologue allemand de l’AFTM, partage cet avis : « Après une mauvaise expérience, certains voyageurs préfèrent désormais ne pas reprendre la route et utiliser la visioconférence. »

La vraie question est : combien de temps cela va-t-il durer ? Certaines compagnies aériennes disent que les perturbations pourraient d’étendre jusqu’au printemps prochain…

L’inflation est une autre menace. La hausse inédite des prix de l’aérien notamment (mais pas que) pourrait bientôt contraindre les entreprises, selon un travel manager danois, « à passer en mode économie avec processus d’approbation plus stricts. »

La crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine représente aussi un danger pour les voyages d’affaires. Les gouvernements européens commencent à être plus fermes sur les économies d’énergie à l’approche de l’hiver. Toujours selon ce même travel manager danois, « cela pourrait amener les entreprises à examiner encore plus attentivement leurs dépenses voyages, à la fois pour faire des économies sonnantes et trébuchantes mais aussi pour économiser du carburant. Même si les gouvernements ne disent pas « volez moins », cela pourrait être implicite. » 

Hans-Igo Biehl est plus catégorique : « En Allemagne, la question est sur la table pour chaque personne, chaque ménage, chaque entreprise. Si le gouvernement nous dit de réduire notre consommation d’énergie, les voyages en feront bien sûr partie. » 

Par ailleurs, l’été anormalement chaud que nous venons de traverser pourrait aussi servir de prise de conscience sur le réchauffement climatique. Yvonne Moya le pense : « Nous avons atteint un sommet, cela va nous amener à nous demander si nous avons vraiment besoin de partir. » Hans-Igo Biehl corrobore : « Plus que jamais, il faudra s’assurer que les entreprises ne voyagent que lorsque cela est justifié. »

Et puis enfin, le Covid n’a pas dit son dernier mot. Comme le dit Pat McDonagh, le patron d’une TMC britannique interrogé par BTN Europe : « Tant que nous n’aurons pas un hiver normal, nous ne pourrons pas dire que cette crise est derrière nous. » Or, en France par exemple, les autorités sanitaires anticipent une huitième vague début octobre.

Au début de l’été, le site The Company Dime avait déjà alerté sur les signes d’un ralentissement du marché du voyage d’affaires aux Etats-Unis.

Première indication : « Après avoir augmenté par à-coups pendant quelques mois, écrivait le journaliste Jay Campbell, le nombre de billets d’avion réservés par les agences de voyages d’affaires américaines s’était stabilisé depuis début avril à environ 70% du volume de 2019 ». 

Deuxième indice : « La moyenne sur 30 jours des réservations d’hôtels effectuées par les clients de Tripbam (un outil de réservation hôtelière) avait atteint en mai 80% de son niveau de 2019 mais était retombée en-dessous de 70% à la mi-juin ». 

Troisième signe : « Un acheteur sur cinq, interrogé en juin par la GBTA, avait déclaré que les inquiétudes liées à l’économie et au risque de récession avaient poussé leur entreprise à interrompre complètement certains voyages d’affaires ».

Les marchés financiers ne s’y étaient pas trompés : un panel d’actions du voyage d’affaires suivi par The Company Dime (dont Amex GBT, Cvent, Expensify…) avait accusé une baisse de 14,5% en juin, soit une chute beaucoup plus forte que le Dow Jones, l’indice boursier de New York, en recul de 6,5% sur la même période. Les raisons invoquées par les investisseurs : le manque de visibilité du secteur du voyage d’affaires et l’ombre de la récession qui plane sur les Etats-Unis. Autant de signes avant-coureurs d’un ralentissement à venir en Europe ?

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Aérien : des négociations impossibles ?

Des prix qui s’envolent, des capacités réduites, des avions pleins : le marché est à l’avantage des compagnies aériennes. Pour les acheteurs, les marges de manœuvre sont bien minces.

Rien ne semble devoir freiner la flambée des tarifs aériens. Relayant des chiffres de Skytra, une filiale d’Airbus, Business Travel News Europe nous apprend que « les tarifs intra-européens en classe affaires réservés pour la période juillet-septembre 2022 sont supérieurs de 33% à ceux de la période équivalente en 2019 ». Sur le transatlantique, la hausse est de 16% en classe affaires sur la même période. Seuls les prix des liaisons entre l’Europe et l’Asie restent en-deçà des niveaux de 2019. 

Interrogée par le journaliste, Aurélie Duprez, associée fondatrice d’Areka Consulting, confirme une situation tendue : « Nous disons à nos clients qu’ils peuvent s’attendre à ce que le prix moyen de leur billet augmente de 20 à 30% cette année ». D’autres estimations évoquent même des hausses de 40%…

Malgré la reprise des voyages, les entreprises n’ont pas retrouvé des volumes comparables à ceux de 2019 et sont donc moins attractives lorsqu’elles arrivent à la table des négociations. C’est la mécanique habituelle, la baisse des volumes de voyages réduit le pouvoir d’achat. Un travel manager d’une grande entreprise témoigne : « Certaines compagnies aériennes nous accordent des niveaux de remise qu’elles appliquaient auparavant aux petites et moyennes entreprises, soit une réduction standard de 5%. » 

Richard Jonhson, senior director de CWT Solutions Group, en rajoute une couche dans The Company Dime : « Il n’y a que les intransigeants ou les naïfs qui pensent qu’ils vont obtenir les mêmes remises qu’avant, soyons réalistes ! » Au mieux, certaines entreprises peuvent obtenir en compensation des avantages comme l’embarquement prioritaire ou l’accès aux salons, explique Aurélie Duprez, mais ce sera tout.

Dans ces conditions drastiques, faut-il renégocier ses contrats aériens ? Les avis divergent. Christopher Sabby, de CWT Solutions Group, pense qu’il est temps de le faire car les contrats négociés avant la pandémie sont obsolètes : « Nous voyons encore beaucoup de contrats actifs utilisant des données datant de 2016 et 2017 ! » Il suggère donc d’appliquer un mélange de données de 2019 et 2021 et des estimations de volumes projetés. 

Erik Shor, directeur des partenariats de la TMC américaine CTM, recommande l’inverse : « Le conseil que nous donnons est de mettre un frein aux engagements de sourcing. Voyez si vous pouvez obtenir une nouvelle prolongation de vos contrats de six à douze mois. La situation n’est pas propice aux acheteurs, avec des prix moyens de billets d’avion qui atteignent des sommets historiques et des services très perturbés. »

Le journaliste de The Company Dime confirme d’ailleurs « que tout le monde n’est prêt à renégocier. Certains acheteurs veulent d’abord voir comment les changements dans les politiques voyages issus de la pandémie et les comportements des voyageurs affectent les budgets avant de lancer de nouveaux projets de sourcing. » 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM