Les OBT : priorité des acheteurs en 2023

L’attente des entreprises n’a jamais été aussi forte à l’égard des outils de réservation online (OBT). Voici pourquoi.

Depuis des années qu’elle réalise cette enquête, l’ITM (l’équivalent britannique de l’AFTM) n’avait jamais vu ça. C’est la première fois en effet que l’optimisation des OBT arrive en tête des priorités des acheteurs selon leur sondage annuel relayé par Business Travel News Europe. Elle est même passée de la cinquième à la première position en l’espace de douze mois !

Un bond qui traduit en réalité une inquiétude : 40% des personnes interrogées ont le sentiment que leur OBT n’est pas prêt à soutenir la réalisation de leurs principaux objectifs, notamment en matière de duty of care (affichage des bonnes informations au moment de la réservation), mais aussi d’affichage intégré air/ferroviaire (lire par ailleurs), de modification et d’annulation de réservation…

Mais le plus grand mécontentement concerne la capacité des OBT à inclure les budgets carbone et les émissions carbone au moment de la réservation. 75% des acheteurs s’en disent insatisfaits. 

Les OBT sont clairement attendus au tournant. Ce que le journaliste Andy Hoskins, dans un autre article de BTN Europe, résume ainsi : « Avec le retour d’un semblant de normalité, (…) on s’attend à ce que les OBT aident les voyageurs à s’orienter dans la complexité de l’après-Covid mais aussi à ce qu’ils soulagent un secteur miné par le manque de personnel et les perturbations ». 

Faut-il faire jouer la concurrence et changer d’outil ? Andy Hoskins en profite pour rappeler aux acheteurs et aux travel managers quelques conseils utiles au moment de choisir son OBT. Le plus important : se concentrer sur le contenu, l’expérience client et le contrôle sans oublier bien sûr le coût et la capacité de personnalisation. 

Citée dans l’article, Nathalie Barfield, d’Areka Consulting, rappelle aussi que la façon dont l’entreprise contracte avec l’OBT est capitale car certaines fonctionnalités ne seront disponibles que par le biais d’un contrat en direct avec le fournisseur et non via une TMC par exemple qui ferait office de revendeur. 

Une autre astuce a été donnée par un acheteur s’exprimant au dernier Tech Talk (organisé par BTN) qui s’est tenu à Londres en novembre dernier : « Quand je demande à un fournisseur quels sont ses problèmes ou ses limites et qu’il me répond « aucun », je trouve ça suspect. En revanche, s’il me parle de problèmes passés et de la façon dont il les a surmontés, je le trouve plus crédible ». 

Nathalie Barfield soulève aussi un point d’attention : les promesses de développement. « N’hésitez pas à poser de nombreuses questions. Cette fonctionnalité est-elle en ligne ou en version bêta ? Avec qui est-elle en ligne ? Pouvez-vous me donner des références ? Quand pourrai-je en bénéficier ? Ne vous laissez pas berner par les fonctionnalités vraiment cool qui figurent en haut des documents marketing ».

La consultante insiste enfin sur l’implication et le soutien nécessaire de la TMC dans le processus et, en interne, sur l’engagement des services informatiques, financiers, sécurité et des ressources humaines. 

Un changement d’OBT est toujours complexe et peut générer des perturbations, si bien que les acheteurs et les travel managers y sont souvent réticents malgré les frustrations engendrées par l’outil en place. Mais le contexte est inédit. La pandémie est passée par là, créant de nouvelles attentes et nouveaux besoins, la fin prochaine de Traveldoo met le marché en ébullition, et la perspective de NDC implique de sacrés défis pour les OBT. Guillaume Ridolfi, directeur commercial France et Benelux de SAP Concur, confirmait récemment au Grand Live du Voyage d’Affaires : « On est beaucoup plus challengé par les clients qu’avant le Covid ». Une pression qui ne pourra être que bénéfique aux entreprises : rarement autant qu’aujourd’hui les fournisseurs d’OBT n’ont, semble-t-il, décidé d’engager de tels niveaux d’investissements pour faire progresser leur outil. Certaines mauvaises langues diront qu’il était temps…

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

OBT : les défis de la reprise

Alors que les voyages reprennent, les outils de réservation en ligne (OBT/SBT) doivent passer la vitesse supérieure en matière de contenu et d’expérience client.

Quelle stratégie voyage post-Covid ? Pour les entreprises, la réponse à cette question est loin d’être simple tant le voyage d’affaires a changé en deux ans. Et de nombreuses voies sont possibles. Une chose est sûre, affirme Business Travel News dans son excellent hors-série sur les OBT : ces derniers joueront un rôle capital dans l’application et la diffusion des stratégies d’après pandémie. 

Leur capacité à s’adapter aux nouveaux enjeux du voyage d’affaires constituera ainsi un vrai test aux yeux des entreprises. Le sujet du contrôle est peut-être le plus urgent selon le media anglo-saxon. D’autant plus que la réduction du leakage, ces réservations effectuées en dehors des canaux recommandés par l’entreprise, s’est désormais imposée comme une priorité pour une majorité des sociétés si l’on en croit les derniers sondages publiés ces derniers mois. Dans cette perspective, les OBT auront une responsabilité déterminante. Par ailleurs, nombre d’entreprises ont aussi renforcé les procédures d’approbations manuelles pendant la pandémie et ne comptent pas relâcher l’étreinte. L’OBT pourrait alors être un moyen d’appliquer cette politique en limitant par exemple les réservations à ceux qui ont reçu cette approbation. 

Mais c’est peut-être en matière de contenu que les OBT sont le plus attendu au tournant. Jamais les billets d’avion, les chambres d’hôtels, les locations de voitures… n’ont été accessibles depuis un si grand nombre de sources. C’est un vrai challenge pour les OBT de rassembler et de rendre lisible l’ensemble de ces contenus. Avec un bémol : « le contenu est plus important que jamais mais il ne s’agit pas non plus d’avoir le plus de contenu possible et d’obtenir 2 millions de résultats de recherche » fait observer justement Aurélie Krau, ex-consultante chez Festive Road. 

A court terme, l’intégration de la norme aérienne NDC est une préoccupation majeure alors que le calendrier des compagnies aériennes s’accélère, notamment en France où le transporteur national fait la bascule ce printemps. Il y a peu encore, certains critiquaient en privé le manque de célérité des OBT au sujet de NDC (mais ils ne sont pas les seuls), sauront-ils montrer davantage d’empressement ces prochaines semaines ?

Ce n’est pas le seul enjeu de contenu. Fournir les bonnes informations sur les contraintes et réglementations locales sur le Covid-19 ainsi que sur les émissions carbone des déplacement en est un autre. Pour certaines entreprises, ce dernier point devient capital et l’OBT devra alors aider les utilisateurs à décider s’ils doivent voyager ou pas.

Enfin, il reste encore aux OBT un (long ?) chemin à parcourir en matière d’expérience client. Pendant des années, certains acheteurs et voyageurs ont dénoncé des expériences insatisfaisantes, qui ont déçu les utilisateurs habitués à des outils de réservation de voyages loisirs grand public. Aurélie Krau confirme auprès de BTN : « dans notre propre enquête, les OBT ont obtenu un score supérieur à 50% dans seulement cinq des trente-deux domaines de l’expérience utilisateur ». Si les entreprises veulent diminuer le leakage, comme dit plus haut, cela commence assurément par là.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Comment travailler avec un OBT

Le travel manager de la banque UBS partage ses conseils et ses réflexions sur la relation qu’il entretient avec l’outil de réservation en ligne.

C’est le genre de bonhomme à qui on ne la fait pas. Kevin Carr est le travel manager de la banque suisse UBS depuis 2004 et c’est lui qui a mis en place la réservation en ligne (OBT/SBT) dans l’entreprise il y a près de quinze ans. Lorsqu’il témoigne dans les colonnes de Business Travel News, on prête donc une oreille attentive, à tout le moins. 

Son expérience est intéressante à plus d’un titre. Il y a cinq ans, il décide de consolider la réservation en ligne : « Auparavant nous avions des outils différents dans chaque région du monde, or il y a beaucoup d’avantages à avoir des normes de services mondiales ». Le choix de la banque se porte sur Cytric d’Amadeus alors que son GDS préférentiel s’appelle Travelport et que sa TMC se nomme American Express GBT, qui travaille généralement avec Sabre ! Un œcuménisme parfaitement assumé : « Nous avons toujours essayé d’avoir les meilleurs sur le marché pour ce service et de les forcer à travailler ensemble ». 

Ne faudrait-il pas mieux, cependant, trouver un partenariat qui offre d’emblée une meilleure connexion, quitte à faire certains compromis ou accepter moins de contenu ? Pas pour Kevin Carr : « Il faut donner la priorité à votre stratégie, et donc influencer le fournisseur pour qu’il s’y adapte ». 

Il concède néanmoins que certains OBT et certaines TMC travaillent mieux ensemble bien que la plupart de ces dernières affirment travailler avec tous les outils du marché. « Cette idée du fournisseur agnostique est un peu absurde, explique-t-il, en fin de compte nous savons tous qu’il y a toujours des complications et des fonctionnalités perdues si on n’utilise pas le bon GDS avec la bonne TMC et le bon OBT ». Mais pour lui, c’est un risque à prendre.

Deuxième conseil : impliquer les utilisateurs. Régulièrement, UBS demande à ces derniers, après chaque voyage, de noter l’expérience de réservation. « Nous avons également constitué un conseil spécifique qui rassemble les différentes divisions de l’entreprise dont les directions achat et voyages. Ses réunions nous permettent d’aborder tous les sujets liés au programme voyages et au budget voyages, dont la réservation en ligne ». 

Kevin Carr reconnait néanmoins que l’accès au bon contenu et l’expérience utilisateur sont difficiles à équilibrer : « Nous avons deux objectifs stratégiques contradictoires : d’une part, nous voulons offrir du choix, avec autant de contenu possible, et d’autre part nous souhaitons personnaliser en adaptant l’offre aux besoins du voyageur ». L’éternelle et si complexe équation du voyage d’affaires ! 

Le travel manager d’UBS tente aussi d’imaginer l’OBT du futur dont les évolutions seront, selon lui, d’abord dictées par le verdissement du voyage d’affaires. Un OBT qui pourrait ainsi demander aux utilisateurs pourquoi ils voyagent, s’il est nécessaire de se déplacer ou s’ils devraient plutôt organiser une réunion virtuelle. Si le déplacement s’avère indispensable, l’outil pourrait alors contrôler le choix du vol en orientant vers une compagnie aérienne émettant moins de CO2. 

En conclusion, Kevin Carr mise beaucoup sur la digitalisation et l’innovation pour faire progresser l’outil et faciliter le travail du travel manager : « Essayer de faire travailler ensemble l’OBT et la TMC reste très difficile (…), nous avons toujours les poids lourds du secteur qui veulent que vous suiviez leur feuille de route ». Mais, selon lui, cela pourrait changer rapidement : l’avènement de technologies plus ouvertes devrait en effet dégager de nouvelles perspectives.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Fin du Privacy Shield : gare aux données voyageurs !

Fin du Privacy Shield : gare aux données voyageurs !

Cet accord qui encadrait le partage de données à caractère personnel entre l’Europe et les Etats-Unis n’a toujours pas été remplacé. Le voyage d’affaires est particulièrement concerné.  

Un petit rappel des faits est nécessaire : le 16 juillet dernier, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a annulé l’accord de Privacy Shield qui encadrait le partage de données à caractère personnel entre l’Europe et les Etats-Unis. En cause : un manque de protection des données traitées sur le territoire US. Un magistrat américain peut en effet exiger l’accès à n’importe quelles données, notamment dans des affaires de corruption ou de terrorisme.

Comme le rappelait il y a quelques jours Olivier Duha, fondateur et co-président de Webhelp, à nos amis de La Tribune (Lire ici) : la situation est potentiellement grave pour « tous les opérateurs qui, depuis le Vieux Continent, envoient et gèrent des données personnelles outre-Atlantique, qu’ils soient grands ou petits, américains ou européens. »

Attention, les transferts de données jugés nécessaires ne sont pas concernés par cette décision, tels l’envoi d’un mail, la réservation d’un billet d’avion ou d’une nuit d’hôtel. Mais toutes les données à caractère personnel des citoyens européens, oui.

Et comme le rappelait l’excellent Amon Cohen début août dans un non moins excellent article (Lire ici) : « le problème est urgent pour les voyages d’affaires car le secteur est dominé par des sociétés basées aux Etats-Unis. » Dans le même article, le VDR (l’équivalent allemand de l’AFTM) tirait la sonnette d’alarme : « les travel managers du monde entier doivent prendre des mesures immédiates pour garantir que les données personnelles de leurs voyageurs européens soient transférées légalement en dehors de l’Union européenne. »

Alors que faire ? La CJUE dit aux entreprises qu’en attendant que le Privacy Shield soit remplacé elles peuvent s’appuyer sur d’autres dispositifs, le BCR (Règles d’Entreprises Contraignantes) et les SCC (Clauses Contractuelles Types), ces dernières étant le processus le plus couramment utilisé dans le voyage d’affaires pour protéger les exportations de données en dehors de l’Union Européenne.

Sauf que dans son arrêt, la CJUE précise bien qu’il n’existe pas aux Etats-Unis de protection équivalente au RGPD européen, insinuant sans le dire que les SCC ne se suffisent pas à elles-mêmes et qu’il convient de s’assurer d’une « protection substantiellement équivalente ». Pas simple.

« Si vous n’êtes pas sûr que les données soient protégées en utilisant les SCC, ne les transférez plus ! » exhorte donc Hans-Ingo Biehl, le directeur exécutif du VDR, qui pousse aussi les travel managers à consulter d’urgence leurs TMC et les éditeurs d’outils de réservation en ligne. Ainsi que tous les services internes qui peuvent les aider.

En clair, on ne joue pas avec ça. Tant que le Privacy Shield n’a pas d’alternative, il règne un certain flou, et ce flou est dangereux. Car l’arrêt de la CJUE transfère le risque juridique sur toutes les entreprises utilisatrices de services numériques américains.

Voilà en tous cas une belle mission pour les travel managers en attendant que les voyages reprennent !

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM