Aérien : le malaise des travel managers

Des travel managers alertent sur la dégradation des relations entre les entreprises et les transporteurs aériens. En cause : la norme NDC bien sûr mais pas seulement.

La question qui fâche. C’est Sue Jones, travel manager monde de Ingka Group, la holding qui coiffe Ikea, qui l’a posée début octobre lors d’une conférence organisée à Londres par ITM, l’équivalent britannique de l’AFTM, et relayée par Business Travel News : « Les compagnies aériennes ont-elles autant besoin de nous qu’avant ? » 

Cette table ronde, qui rassemblait trois poids lourds du travel management (les directeurs voyages de Ingka Group, Accenture et TikTok) et trois représentants de compagnies aériennes (American Airlines, British Airways et Qatar), a illustré les fortes tensions du moment entre les transporteurs et leurs clients entreprises. 

A l’origine de la brouille, la nouvelle norme de distribution NDC évidemment qui génère nombre de perturbations, notamment des difficultés à accéder au contenu via les canaux préférentiels, entraînant des fuites dans les programmes voyages.

Sue Jones s’agace en effet : « Tous les jours ma boite mail est envahie par des messages de voyageurs qui disent : je peux trouver moins cher en passant par la vente directe, je peux faire cela moi-même. » Moins cher, vraiment ? Dans The Company Dime, l’outil de réservation online américain AmTrav confirme: « Les entreprises ayant accès au NDC d’American Airlines ont payé en septembre en moyenne 14% de moins que celles qui n’y ont pas accès. »

Des objectifs contraires

Mais l’argument tarifaire ne suffit pas à convaincre Sue Jones qui insiste sur les objectifs «diamétralement opposés » des compagnies aériennes et des entreprises : « Avec cette stratégie de vente moderne, dont nous comprenons la réalité économique, les compagnies traitent les voyageurs individuels comme des clients. C’est tout à fait acceptable pour le segment loisirs mais dans le voyage d’affaires, c’est nous, entreprises, qui sommes les clients. »

Jan Jacobsen, directeur des achats voyages monde chez Accenture, est d’accord pour dire que « les compagnies aériennes se concentrent trop sur le client final et non sur le payeur. » Et de poursuivre : «Je ne dis pas qu’il ne faut pas s’occuper des voyageurs mais nous avons des politiques voyages en place pour des raisons bien précises. » 

Pas de quoi émouvoir Kyle Cumbie, le directeur des ventes mondiales d’American Airlines, qui répète en effet que la stratégie à long terme de la compagnie est « axée sur le voyageur ». Et de préciser : « Ce qui a motivé cette stratégie, c’est la nouvelle réalité des voyages. » 

En clair, Kyle Cumbie entérine la montée en puissance de la clientèle loisirs mais, plus intéressant encore, affirme que, si les « volumes par entreprises sont beaucoup moins importants qu’avant, ceux des PME (et notamment non intermédiés, donc non gérés par une TMC) augmentent de manière significative, à des niveaux jamais vus. »

La concurrence du segment loisirs

David Oppenheim, directeur des ventes mondiales de British Airways (BA), approuve : « Les activités loisirs de BA ont énormément augmenté depuis la pandémie tandis que le trafic affaires est nettement inférieur à ce qu’il était. » David Oppenheim pousse alors plus loin l’explication : « Avant le Covid, l’écart entre le prix moyen payé par un voyageur d’affaires et celui payé par un voyageur loisir était très conséquent. L’ennui est qu’il s’est considérablement réduit. » Ce qui signifie qu’en offrant aux voyageurs d’affaires les mêmes réductions qu’avant le Covid, ces derniers pourraient devenir les « pires clients » du transporteur !

Sur la nouvelle importance du segment loisirs, Jan Jacobsen, d’Accenture, prend les compagnies aux mots : « Elles doivent considérer notre proposition de valeur de manière holistique. Chez Accenture, je vous donne accès à 740 000 employés dans le monde qui voyagent aussi pour leurs loisirs. Pourquoi cela n’a-t-il pas de valeur ? Cela devrait aussi entrer dans l’équation. » 

Sue Jones prévient néanmoins les compagnies : « Vous n’avez peut-être plus autant besoin de nous qu’avant, mais à un moment donné les voyages loisirs vont plafonner, voire chuter. » 

Cité par The Compagny Dime, Cory Garner, l’ancien patron de la distribution chez American Airlines et aujourd’hui consultant indépendant, douche rapidement les espoirs : « Les compagnies profitent généralement de cycles économiques temporaires pour modifier de façon permanente leur mode de fonctionnement. La quantité de personnel, de systèmes et de capital relationnel pour mettre en place des programmes de remises aux entreprises et de commissions est énorme. Il est très peu probable qu’un transporteur qui s’est débarrassé de cette infrastructure puisse la rétablir facilement. En réaction aux futurs cycles économiques, il utilisera les outils dont il dispose déjà : prix, réseau, programmes de fidélisation… » 

Pour ceux qui en doutaient encore, on a bien changé d’ère dans les relations entre compagnies aériennes et entreprises. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Modèle économique : les TMC sous pression

Une conjonction inédite de circonstances place les TMC dans une situation délicate : jamais leur modèle de revenus n’a semblé si bancal qu’aujourd’hui. 

Le débat fait rage. Et pas seulement qu’en France où le sujet sera largement débattu lors des prochains congrès Manor et Selectour qui se tiendront en novembre. Ces derniers mois, la presse anglo-saxonne a multiplié les articles, parmi lesquels une excellente synthèse de BTN Europe, sur le modèle économique des TMC dont beaucoup d’experts estiment qu’il est arrivé à bout de souffle. 

En cause, un concours de circonstances sans précédent qui, selon le journaliste, « fait des ravages » : 

  • Baisse des incentives GDS, en raison de la montée en charge de NDC.
  • Baisse des revenus fournisseurs comme la SNCF en France, Qantas en Australie, American Airlines aux Etats-Unis rejointe récemment par United Airlines.
  • Fragmentation du contenu qui contraint notamment les TMC à adopter du contenu non GDS, ce qui représente un coût.
  • Augmentation des coûts de main d’œuvre, la pénurie de personnel obligeant les TMC à hausser les salaires afin de se rendre plus attractives.
  • Pression des clients sur le niveau des transaction fee lors des appels d’offres. 
  • Sans compter le taux d’adoption des réservations en ligne qui n’est pas revenu aux niveaux antérieurs à la crise du Covid et qui nécessite donc davantage d’intervention humaine.

Conséquence : les TMC augmentent leurs tarifs ou en introduisent de nouveaux, au grand dam de leurs clients. Un consultant interrogé par BTN raconte : « J’ai étudié de nombreux appels d’offres et c’est parfois de la folie, il peut y avoir jusqu’à 50 lignes pour les frais de transaction par pays, plus 20 autres frais et même davantage pour la mise en œuvre, les transferts de données, le suivi des billets inutilisés… des frais, des frais et encore des frais ! »

Pas étonnant pour Guy Snelgar, directeur des voyages d’affaires d’un réseau d’agences de voyages britanniques : « Dans un modèle où les acheteurs cherchent à atteindre le coût minimum absolu pour chaque type de transaction, cela aboutit inévitablement à une structure tarifaire complexe ». Et d’expliquer : « Si le transaction fee est réduit à portion congrue, alors la suppression d’un incentive GDS ou les coûts supplémentaires engendrés par un traitement manuel d’une modification de la réservation peuvent rendre ce transaction fee insoutenable sans supplément ou augmentation ». 

La fragmentation du contenu change tout

Un avis partagé par beaucoup qui pointent du doigt la pression trop forte des clients sur les TMC. «Certaines entreprises refusent d’accepter qu’il y a un prix à payer pour obtenir les services qu’elles souhaitent » déclare ainsi Margaret Birse, ancienne directrice mondiale des voyages chez Serco. Elle poursuit : « Le coût des frais d’agence reste faible par rapport au coût global des voyages et l’optimisation du programme voyages passe par un équilibre entre le coût et le service ».

La baisse continue des frais de transaction est-elle de la seule responsabilité des clients profitant de la concurrence des TMC ? Pas seulement. Comme l’explique très bien Guy Snelgar dans un autre article de Business Travel News, « les GDS ont créé petit à petit un système incroyablement efficace qui a permis de traiter automatiquement les réservations de manière rapide, précise, cohérente et peu coûteuse. Ce traitement normalisé et rentable fut un facteur déterminant dans la baisse constante des frais de transaction des TMC ». En effet, grâce aux progrès du canal traditionnel GDS, les TMC ont été en mesure de gérer davantage de réservations avec moins de personnel, un phénomène amplifié par l’arrivée des SBT au début des années 2000. 

Mais la fragmentation du contenu et l’avènement de NDC changent la donne. Ces nouveaux canaux de distribution, s’ils permettent aux compagnies aériennes de mieux vendre, commercialiser et fixer le prix de leurs produits, rendent le processus de gestion des voyages beaucoup plus complexe pour les TMC. Il n’existe pas un mais des NDC, autant que de compagnies. Selon Guy Snelgar, « les TMC doivent effectuer un travail considérable pour normaliser tout ça ». Sans compter les énormes défis pour compléter, modifier et traiter les réservations car « NDC fait, encore aujourd’hui, moins de choses que les canaux traditionnels ». 

Frais d’agences : hausse inéluctable ?

Conséquence : les TMC doivent investir davantage dans les systèmes technologiques et la main d’œuvre nécessaire à la gestion de ce contenu diversifié. Pour ce professionnel britannique, « en transférant une partie des coûts de distribution sur les TMC, les compagnies aériennes contraignent ces dernières à augmenter les frais de transaction facturés à leurs clients ».

Jusqu’alors, les revenus des TMC se partageaient équitablement entre fournisseurs et clients selon John Snyder, le Pdg de BCD Travel. Compte tenu de la situation cet équilibre est en train de changer, et ce dernier annonce d’ailleurs clairement la couleur : « Nous devons obtenir plus de revenus des clients ». 

Certains travel managers ne l’entendent pas de cette oreille et témoignent, toujours dans BTN : « Si une TMC fait payer quelque chose qui lui fait défaut, c’est peut-être qu’elle n’a pas fait les choses correctement dans sa feuille de route technologique depuis des années », déclare Ben Park, directeur principal des achats et des voyages chez Parexel. 

Un consultant indépendant, qui souhaite rester anonyme, abonde : « L’ensemble du contenu GDS et non GDS… les acheteurs n’aiment pas cela. Je devrais pouvoir obtenir tout le contenu dont j’ai besoin. Et ce que doivent faire les TMC en back-office pour y arriver, c’est leur problème ».

Transparence : le point d’achoppement

Mais la critique majeure et récurrente des acheteurs concerne la transparence des flux financiers des TMC, notamment des revenus fournisseurs. Ben Park, encore lui, est de ceux-là : « Je veux connaître l’ensemble des flux de revenus générés par mon programme voyages afin de m’aider à évaluer les conflits éventuels mais aussi pour voir s’il y a des opportunités d’économies ». Et de détailler : « Que se passe-t-il si je passe de la compagnie aérienne A à la compagnie B qui m’offre de meilleures conditions mais dont les incentives pour la TMC sont moins intéressants ? Mes frais d’agence devront-ils augmenter ? » 

Martin Warner, désormais consultant après avoir été vice-président exécutif chez CWT, estime que ce sujet de la transparence est la preuve que les TMC n’ont toujours pas réussi à justifier leur valeur ajoutée ni « à donner une image claire et complète de l’ensemble des variables qui ont un impact sur le coût de la gestion des voyages ». Il ajoute : « Alors que les TMC ont été très opaques sur les revenus fournisseurs et les incentives GDS, il est compliqué pour elles de revenir aujourd’hui vers le client et de lui dire : vous savez, ce revenu dont on ne vous a jamais parlé, eh bien on a besoin maintenant que vous le couvriez parce qu’il a disparu ! » Pas simple en effet. Voilà qui promet des débats encore très animés ces prochains mois. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

CWT déploie la réservation de train ainsi que la location de voiture sur sa plateforme myCWT et fait le point sur la NDC

Nouvelles fonctionnalités clés : Réservation de train et de location de voiture sur la plateforme myCWT

Comme annoncé au mois de février, CWT commence à déployer les fonctionnalités concernant la réservation de location de voiture et de train via ses canaux mobiles et Web sur sa plateforme myCWT.

Ces nouvelles fonctionnalités seront étendues aux marchés du monde entier, offrant aux voyageurs plus d’options pour effectuer et gérer leurs réservations de manière identique depuis tous les canaux.

Ces améliorations sont l’un des résultats de l’investissement stratégique dans sa plateforme de gestion de voyages myCWT.

Les voyageurs pourront réserver leur voiture de location via l’application mobile myCWT (sur iOS et Android) et le portail web. Les utilisateurs de MyCWT auront accès aux tarifs négociés et aux fournisseurs privilégiés de leur entreprise. Ils pourront facilement rechercher des lieux de prise en charge et de dépose. Les programmes de fidélité des loueurs de voiture seront également intégrés.

En ce qui concerne le contenu ferroviaire, le partenariat de CWT avec la plate-forme européenne Trainline Partner Solutions, va permettre d’intégrer les fonctions de réservation à MyCWT via une API. Cette avancée rendra possible la réservation, l’accès aux tarifs et aux réductions négociés par les entreprises, ainsi que des fonctionnalités de préférence de siège. Ce contenu ferroviaire, disponible au Royaume-Uni depuis le mois de juillet sera étendu aux autres marchés européens dans les mois à venir ; il sera suivi de la mise à disposition des fonctionnalités liées à l’après-vente.

CWT a également introduit des éléments de durabilité dans ces offres. Pour les réservations de voitures, MyCWT disposera d’indicateurs qui mettront en évidence les options de location de véhicules électriques et hybrides, et CWT ajoutera des estimations d’émissions de carbone pour les réservations de voitures et de trains.

Avancées CWT sur la NDC

La NDC (New Distribution Capabilities), nouvelle norme d’échange de données entre les compagnies aériennes et les partenaires de distribution est basée sur une technologie moderne (XML). Elle donne aux compagnies aériennes la possibilité de fournir un contenu plus riche, plus personnalisé et plus dynamique.

CWT a franchi une nouvelle étape pour faire de l’adoption de la NDC une réalité avec un programme qui permet, via ses partenaires technologiques, d’effectuer des réservations NDC pour des clients pilotes. CWT commence par la réservation du contenu NDC disponible au sein de la plateforme Amadeus sur Air France et Singapore Airlines

Quels sont les avantages ?

Au-delà des tarifs négociés par les entreprises, il est maintenant possible de réserver un contenu uniquement lié au programme NDC des compagnies. Pour Singapore Airlines, une gamme de tarifs plus large est maintenant disponible, tandis que des options supplémentaires comme le choix des sièges et des bagages supplémentaires seront ajoutées au programme. Pour Air France-KLM, les clients CWT peuvent accéder aux offres tarifaires continues de ces compagnies. Des offres de « siège préféré » et des options « carburant d’aviation durable » seront introduites dans un avenir proche.
CWT propose à ses clients de continuer à travailler en étroite collaboration avec les compagnies aériennes pour évaluer leur offre actuelle sur la NDC et la comptabilité de ce nouveau contenu avec leur politique voyage.

Conseils sur la NDC aux gestionnaires de voyages :

  • Restez informés car chaque compagnie aérienne évolue à son propre rythme.

  • Accordez une attention particulière aux plans NDC de vos principaux partenaires aériens en incluant les attentes de vos voyageurs et vos destinations fréquentes

  • Recherchez les compagnies aériennes qui sont précurseurs sur le sujet, surtout lorsqu’elles fournissent un contenu à valeur ajoutée pour vos voyageurs

Restez informés des évolutions et des avancées de CWT concernant la NDC sur notre site internet

NDC : un flop qui coûte cher

Dix ans après son introduction, NDC ne représente qu’une goutte d’eau des réservations et commence à coûter très cher aux compagnies aériennes. 

Le chiffre est terrible, sans appel. Au cours d’une conférence de presse téléphonique à laquelle a participé The Company Dime, Yanik Hoyles, directeur de la distribution de IATA, a révélé que NDC ne représentait à la fin du premier trimestre 2022 que 10% de la distribution indirecte des compagnies aériennes, donc des réservations réalisées en dehors de leurs propres sites web. 

Et encore, 95% de ces 10% ne concernent que des voyages loisirs puisque ces réservations sont faites sur des sites web grand public. Résultat : seulement… 0,5% des réservations indirectes se rapporte au voyage d’affaires. Autrement dit, 1 réservation indirecte sur 200 utilise NDC pour un déplacement professionnel comme le titre The Company Dime ! Dix ans après avoir été introduit par IATA, le bilan de NDC est donc famélique, pour l’instant tout au moins.

Très, très loin en tous cas des dernières estimations de IATA datant de 2018 qui prévoyaient 20% de pénétration NDC en 2020 et 50% en 2023 !

En cause selon Yanik Hoyles, la complexité du voyage d’affaires (quelle découverte !), l’impact de la pandémie, mais aussi la lenteur d’adoption des GDS et des OBT/SBT. Habituel jeu de rôle qui voit depuis des années les compagnies aériennes et les GDS se renvoyer la responsabilité du fiasco NDC.

Dans cet interminable et gaguesque feuilleton NDC, on n’est peut-être pas au bout de nos surprises. Le même article de The Company Dime fait référence à une étude réalisée par T2RL Travel Technology Research et publiée en juin, qui qualifie d’inquiétants les coûts de développement de NDC pour les compagnies aériennes. Et de préciser : « ces coûts deviennent un facteur qui ajoutent à la lenteur du déploiement ». 

Pour les compagnies aériennes en effet, « les budgets restent très serrés en raison des conditions du marché et, sans un retour sur investissement clair, les projets informatiques ont du mal à trouver des ressources et un soutien interne », selon le cabinet de conseil en technologie. 

Problème : dans ce retour sur investissement, il faudra tenir compte des incitations financières que les compagnies décideront d’offrir aux TMC pour qu’elles adoptent la norme NDC. Si les compagnies restent discrètes, pour ne pas dire secrètes, sur ces incitations, Kyle Moore, directeur de la stratégie client chez Travelport, révélait dans une interview en début d’année « qu’il existe bien des accords (entre compagnies et TMC) mais qu’ils ne sont tout simplement pas publics ». Oui décidément, concernant NDC, on n’est certainement pas au bout de nos surprises. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Pourquoi les GDS s’adossent aux GAFAM

Amadeus et Microsoft, Sabre et Google, Travelport et Amazon : ces rapprochements en disent long sur la nouvelle stratégie corporate des GDS.


Certains les ont peut-être enterrés trop vite. L’avènement d’un marché où la distribution et la connectivité (via NDC notamment) sont désormais beaucoup plus ouvertes devait les fragiliser dangereusement pour les uns. L’éclosion des start-ups, plus agiles et « nativement web », devait achever de les ringardiser selon les autres, empêtrés qu’ils sont dans leur technologie d’un autre temps, le vieux (mais efficace) langage informatique EDIFACT qu’ont dû assimiler plusieurs générations d’agents de voyages. 

Les annonces de ces dernières semaines montrent qu’il va falloir compter avec eux, spécialement dans le voyage d’affaires, et avec leur nouveaux alliés, inattendus : les GAFAM, rien de moins ! 

C’est Sabre qui avait dégainé le premier en indiquant avoir signé en octobre 2020 un partenariat stratégique avec Google. Puis Amadeus avait répondu en février 2021 en annonçant le sien avec Microsoft. Enfin, Travelport révèle en juin 2021 un accord avec Amazon Web Services. 

Derrière ces trois alliances, un même point de départ : la volonté pour les GDS de migrer vers le cloud qui permet non seulement de se débarrasser des gros ordinateurs centraux mais surtout d’accéder à une plus grande capacité de calcul afin d’accélérer le développement et les possibilités de travailler avec un plus grand nombre de partenaires technologiques. 

Ces trois associations sont en train aujourd’hui d’aborder une nouvelle phase de leur développement et c’est là que ça devient intéressant. Amadeus vient ainsi de frapper un grand coup en annonçant l’intégration de Cytric, son OBT (online booking tool), dans les applications collaboratives de bureau de Microsoft, Teams et Outlook. Dans l’excellent The Company Dime, Ken Pfaffmann, le vice-président commercial d’Amadeus en Amérique du Nord, pose deux questions centrales à propos des OBT : « Pourquoi forçons-nous les collaborateurs à aller vers un outil qu’ils n’utilisent pas tous les jours ? Alors que notre lieu de travail a changé avec le développement du télétravail, pourquoi penser que les OBT devraient rester les mêmes ? » 

Résultat : à partir de Teams, les utilisateurs peuvent désormais partager des itinéraires avec leurs collègues puis, grâce à ces informations, lancer des recherches de voyages avec des destinations et des dates préremplies et effectuer des réservations. Pratique quand il faut organiser les réunions occasionnelles dans les bureaux de l’entreprise ou hors site. La même chose sera bientôt possible via les invitations du calendrier Outlook. Les voyageurs pourront aussi remplir une note de frais dans l’environnement Microsoft. 

Encore mieux : le journaliste affirme que les deux partenaires réfléchissent à une intégration de Cytric dans LinkedIn (propriété de Microsoft) qui permettra aux voyageurs de savoir si leurs contacts se trouvent en même temps qu’eux à destination et tirer ainsi le meilleur parti de leur déplacement. 

De son côté, Sabre affirme qu’il va aller plus loin que le cloud avec Google. Interrogé par le site Phocuswire, le pdg du GDS, Kurt Ekert (ancien patron de CWT), affirme « qu’il y aura des innovations avec Google dans le voyage d’affaires. Le domaine de Google, ce sont les données et les algorithmes. Nous allons examiner comment nous pouvons utiliser leurs capacités d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique dans notre gamme de produits afin d’apporter de la valeur aux déplacements des entreprises ». Rappelons aussi que Sabre devient un des actionnaires d’Amex GBT à la faveur de l’entrée en bourse de la TMC.

Plus discret, Travelport n’en reste pas moins actif. L’entreprise a lancé l’année dernière Travelport+, basé sur le cloud, qui va lui permettre à terme de rassembler les GDS Galileo, Apollo et Worldspan en une seule plateforme unique, plus agile et plus moderne. Les premiers retours des TMC semblent positifs. Son accord avec Amazon Web Services vient de s’élargir puisque les deux firmes vont lancer un accélérateur de start-ups dans le domaine du voyage. 

Le temps est donc révolu où les GDS, assis sur une forme de rente (un fee à chaque réservation) et leur quasi-monopole, alignaient sans effort surhumain des taux de marge de 30 à 40%, à faire pâlir d’envie les compagnies aériennes et les TMC. En économie, on appelle ces entreprises des cash machines, qui font le bonheur de leurs actionnaires. L’heure est désormais à une plus grande concurrence, à une distribution plus ouverte, qui dégage de nouvelles perspectives aux GDS. L’obligation qui leur est faite de bouger et d’innover devrait profiter au secteur du voyage d’affaires. Personne ne s’en plaindra. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Retour en images sur la première convention AFTM 2022

Nous avons eu le plaisir d’accueillir 146 participants. L’inflation des tarifs dans le business travel et le sujet NDC, ont notamment donné lieu à des débats animés et passionnés.
Un grand merci au maître de cérémonie, François-Xavier Izenic, pour la conduite des différents ateliers de la journée.
L’AFTM remercie également tous ses adhérents venus parfois de loin pour assister à cette journée et bien sûr, nos partenaires présents en nombre qui ont contribué au succès de cette convention.

Une mention spéciale pour Corinne Menegaux, Directrice Générale de l’Office du Tourisme et des Congrès de Paris, qui est venue parler de l’accueil des voyageurs d’affaires à Paris.
🙏🏼 Amadeus, CWT, Thales, Expensya, HRS Group, BCD Travel, CDS Groupe, Emirates, EPSA, Carbookr, Notilus, Axys Odyssey, TripActions.

OBT : les défis de la reprise

Alors que les voyages reprennent, les outils de réservation en ligne (OBT/SBT) doivent passer la vitesse supérieure en matière de contenu et d’expérience client.

Quelle stratégie voyage post-Covid ? Pour les entreprises, la réponse à cette question est loin d’être simple tant le voyage d’affaires a changé en deux ans. Et de nombreuses voies sont possibles. Une chose est sûre, affirme Business Travel News dans son excellent hors-série sur les OBT : ces derniers joueront un rôle capital dans l’application et la diffusion des stratégies d’après pandémie. 

Leur capacité à s’adapter aux nouveaux enjeux du voyage d’affaires constituera ainsi un vrai test aux yeux des entreprises. Le sujet du contrôle est peut-être le plus urgent selon le media anglo-saxon. D’autant plus que la réduction du leakage, ces réservations effectuées en dehors des canaux recommandés par l’entreprise, s’est désormais imposée comme une priorité pour une majorité des sociétés si l’on en croit les derniers sondages publiés ces derniers mois. Dans cette perspective, les OBT auront une responsabilité déterminante. Par ailleurs, nombre d’entreprises ont aussi renforcé les procédures d’approbations manuelles pendant la pandémie et ne comptent pas relâcher l’étreinte. L’OBT pourrait alors être un moyen d’appliquer cette politique en limitant par exemple les réservations à ceux qui ont reçu cette approbation. 

Mais c’est peut-être en matière de contenu que les OBT sont le plus attendu au tournant. Jamais les billets d’avion, les chambres d’hôtels, les locations de voitures… n’ont été accessibles depuis un si grand nombre de sources. C’est un vrai challenge pour les OBT de rassembler et de rendre lisible l’ensemble de ces contenus. Avec un bémol : « le contenu est plus important que jamais mais il ne s’agit pas non plus d’avoir le plus de contenu possible et d’obtenir 2 millions de résultats de recherche » fait observer justement Aurélie Krau, ex-consultante chez Festive Road. 

A court terme, l’intégration de la norme aérienne NDC est une préoccupation majeure alors que le calendrier des compagnies aériennes s’accélère, notamment en France où le transporteur national fait la bascule ce printemps. Il y a peu encore, certains critiquaient en privé le manque de célérité des OBT au sujet de NDC (mais ils ne sont pas les seuls), sauront-ils montrer davantage d’empressement ces prochaines semaines ?

Ce n’est pas le seul enjeu de contenu. Fournir les bonnes informations sur les contraintes et réglementations locales sur le Covid-19 ainsi que sur les émissions carbone des déplacement en est un autre. Pour certaines entreprises, ce dernier point devient capital et l’OBT devra alors aider les utilisateurs à décider s’ils doivent voyager ou pas.

Enfin, il reste encore aux OBT un (long ?) chemin à parcourir en matière d’expérience client. Pendant des années, certains acheteurs et voyageurs ont dénoncé des expériences insatisfaisantes, qui ont déçu les utilisateurs habitués à des outils de réservation de voyages loisirs grand public. Aurélie Krau confirme auprès de BTN : « dans notre propre enquête, les OBT ont obtenu un score supérieur à 50% dans seulement cinq des trente-deux domaines de l’expérience utilisateur ». Si les entreprises veulent diminuer le leakage, comme dit plus haut, cela commence assurément par là.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Les TMC anglaises fustigent NDC

Les agences de voyages britanniques se disent « frustrées » par « le manque de progrès » des compagnies aériennes sur NDC.

Un pavé dans la mare des compagnies aériennes. Selon un rapport publié par la Business Travel Association, un regroupement puissant de TMC représentant 90% des dépenses de voyages d’affaires en Grande-Bretagne, ses adhérents en ont marre « des promesses non tenues par les compagnies aériennes » sur NDC (New Distribution Capability).

L’article de Business Travel News recense ainsi tous les griefs accumulés par les TMC outre-Manche. Et ils sont nombreux ! Les voyageurs d’affaires ont été ainsi « constamment pénalisés par NDC », notamment via les surcharges qu’ils devaient acquitter lorsque les réservations étaient effectuées par le biais d’un GDS (en cas d’absence d’accord dit de private channel). 

Le rapport fait aussi état d’un manque de « fonctionnalités importantes », telles que « la personnalisation, les billets inutilisés, les réservations de groupe, l’interligne, le fractionnement des dossiers passagers… ». Et précise que les SBT ne sont pas non plus préparés à offrir des fonctionnalités NDC complètes. Le rapport déplore également la lenteur de l’adoption de la norme par les compagnies aériennes, la moitié d’entre elles seulement étant actuellement certifiées NDC (à différents niveaux, et pas forcément les plus élevés, loin de là).

Malgré tout, la BTA réaffirme son objectif : “Nous soutenons pleinement la transition vers le NDC, car la modernisation du commerce de détail des compagnies aériennes est essentielle pour l’ensemble de la communauté du voyage d’affaires, mais cette approche fragmentée et décousue ne répond pas aux attentes », a déclaré Clive Wratten, Pdg de la BTA, dans un communiqué, qui reproche par ailleurs une approche insuffisamment centrée sur le client. 

En réalité, comme partout ailleurs, NDC n’en finit pas de payer son péché originel : sa genèse relève au départ davantage d’une volonté des compagnies aériennes de faire des économies sur leurs coûts de distribution que d’une innovation guidée par un réel besoin client. Mais l’année 2022 devrait réserver des avancées notables. Tout au moins on l’espère…

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Direct ou indirect : quel canal va l’emporter ?

La crise sanitaire rebat les cartes des canaux de réservation de billets d’avion utilisés par les voyageurs d’affaires.

La distribution aérienne sera bien le grand chantier de la reprise du voyage d’affaires. On en parle régulièrement dans ces colonnes car les bouleversements s’annoncent colossaux. La bataille entre canal de réservation direct (sites web des compagnies aériennes) et canal indirect (TMC et GDS) en est l’un des symptômes les plus révélateurs.

D’abord le constat, très bien posé par le site The Company Dime. Avant le Covid, les deux canaux s’équilibraient parfaitement, entre clientèle loisirs réservant en direct et clientèle affaires réservant via les TMC/GDS. Depuis le début de la pandémie, la première a logiquement pris une part plus importante, la seconde s’étant évaporée. Le cabinet américain Travel Technology Research a estimé que le volume des ventes réalisé par le biais des GDS a chuté de 80% entre juin 2020 et juin 2021 et que leur part de marché mondial a diminué de 13 points de pourcentage d’une année sur l’autre. 

Le retour à la normale dépend donc du retour des voyageurs d’affaires, sauf que de nombreux patrons de compagnies aériennes aimeraient que cette reprise se traduise par un basculement du corporate vers le direct ! Toujours ce vieux rêve de maîtriser et contrôler la distribution de leurs produits. Et un argument qui fait mouche : les sites web des compagnies offrent davantage de fonctionnalités, de services et de contenu que le canal indirect. Et parfois même de meilleurs prix ! Une étude britannique a montré récemment que British Airways proposait, via ses tuyaux NDC non GDS, des tarifs inférieurs de 9% à ceux présentés par les GDS. 

L’espoir est donc que la norme NDC de IATA arrive enfin à maturité et permette de proposer ces tarifs et ces services au canal indirect. Les acheteurs et les travel managers attendent avec impatience les avantages promis depuis longtemps. Les prochains mois seront déterminants, les défis techniques sont encore importants pour combler les lacunes de NDC et, en coulisses, la bataille fait rage pour en déterminer le modèle économique : qui va payer quoi à qui ? 

Pendant ce temps, des solutions technologiques émergent aux Etats-Unis pour favoriser le canal direct entre entreprises et compagnies aériennes, avec des fonctionnalités complètes de gestion des voyages d’affaires. D’autres fournisseurs technologiques multiplient les initiatives pour capter les données des réservations effectuées hors canal TMC, afin d’aider les entreprises à consolider leur budget voyages et à s’assurer de la conformité à la politique voyages. Mais certains retours témoignent que la qualité des données ne correspond pas à celle générée par le canal traditionnel TMC/GDS.

Au final, que veulent les entreprises ? D’après une enquête réalisée au printemps dernier par Deloitte, 37% des travel managers s’attendent à ce qu’une plus grande part de leurs réservations aériennes soit traitée en 2022 « par le canal de réservation approuvé par l’entreprise » (TMC) par rapport à 2019. Pour des raisons évidentes de devoir de protection, mais aussi de suivi des émissions carbone et de contrôle des dépenses. 

De leur côté, que veulent les voyageurs d’affaires ? Selon une enquête commandée par SAP Concur et réalisée auprès de 3850 voyageurs d’affaires en mai dernier, 39% ont déclaré souhaiter avoir la possibilité de réserver un voyage directement sur les sites web des fournisseurs, et un pourcentage identique a exprimé le désir de pouvoir déterminer la durée du voyage. La flexibilité est la considération la plus importante du retour au voyage pour 72% des personnes interrogées qui la citent en priorité absolue.

Donc résumons : les compagnies aériennes veulent favoriser le canal direct, les entreprises souhaitent favoriser le canal indirect, et pas loin de la moitié des voyageurs entend pourvoir réserver en direct ! Rien de très nouveau en somme, mais l’enjeu de la reprise des voyages d’affaires donne à ces discordances encore plus d’acuité !

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Siemens passe aux résas NDC de Lufthansa

Siemens passe aux résas NDC de Lufthansa

C’est un pas capital qui vient d’être franchi par une compagnie aérienne dans la distribution de billets d’avion aux voyageurs d’affaires.

Depuis ce mois d’octobre, les voyageurs d’affaires de Siemens en France et en Belgique peuvent réserver leurs billets via la plateforme SAP Concur sur le canal NDC des compagnies du groupe Lufthansa (Lire ici).

C’est donc l’aboutissement d’un travail commun entre la compagnie (Lufthansa, Austrian Airlines, Swiss et Brussels Airlines) et l’entreprise allemande mais pas seulement, entre aussi SAP Concur, Travelfusion (qui fournit le contenu NDC) et BCD Travel qui est la TMC mondiale de Siemens.

Thorsten Eicke, vice-président pour la mobilité chez Siemens, s’est félicité de cet accord : « nos voyageurs d’affaires bénéficiaient déjà d’offres tarifaires spécifiques depuis que nous avions mis en place une connexion directe avec Lufthansa en 2016. Ils auront désormais un accès direct aux meilleures offres des compagnies du groupe baptisées NDC Smart ».

Cette annonce est intervenue peu après que Lufthansa a officialisé l’augmentation de sa surcharge pour toute réservation effectuée via un GDS (et donc une TMC), passant de 16 à 19 euros (Lire ici).

Une augmentation qui n’avait pas manqué de soulever des protestations internationales, notamment en Grande-Bretagne, où la BTA (association qui rassemble les principales TMC opérant outre-Manche), avait déclaré : « nous comprenons que chaque entreprise subit actuellement des pressions commerciales importantes, mais une approche plus collaborative avec les TMC aurait plus de succès pour relancer le trafic commercial, plutôt qu’une hausse des tarifs à court terme qui pénalise un canal de distribution clé ».

Comme le rappelle un article très intéressant paru sur PhocusWire (Lire ici), le Covid a « encore plus polarisé l’adoption de la norme NDC dans l’ensemble du secteur. Certains transporteurs comme Lufthansa utilisent la crise pour accélérer leur expansion NDC, tandis que d’autres, comme Delta, ont mis leurs efforts en veilleuse. Et de nombreuses compagnies de second rang, qui luttent actuellement pour garder les lumières allumées, ont mis en suspens leurs plans de déploiement de la norme NDC pour des temps meilleurs ».

Et de prévenir : « la coexistence entre les canaux traditionnels du GDS et le NDC sera une réalité pendant de nombreuses années. Cela rendra la vie des intermédiaires particulièrement difficile, car les flux de travail du back-office devront être flexibles pour faire face aux différentes normes technologiques qui fonctionnent en parallèle ».

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM