TMC : transparence exigée

Face aux pénuries de personnel des TMC et à la dégradation du service, les entreprises commencent à s’impatienter et réclament davantage de communication.

Compréhensives… jusqu’à un certain point. Si elles ont fait preuve d’indulgence pendant la pandémie, les entreprises attendent désormais que le niveau de service des TMC redevienne identique à ce qu’il était avant le Covid. Mais c’est loin d’être le cas. La faute à une pénurie durable de personnel dans l’ensemble du secteur du voyage (pas seulement dans les TMC) et à une reprise de l’activité plus forte que prévu.

Une situation qui concerne tous les marchés. Clive Wratten, le président de la Business Travel Association, qui rassemble 90% des TMC britanniques, estimait récemment dans BTN Europe que le nombre de salariés des TMC est inférieur de 20% à celui d’avant la pandémie. Un chiffre similaire dans les agences de voyages françaises selon Valérie Boned, la secrétaire générale des Entreprises du Voyage (EdV). Aux Etats-Unis, ce serait encore pire. 

Résultat : les relations entre les TMC et leurs clients se tendent bigrement. Rien de plus inconfortable en effet pour un acheteur ou un travel manager de se retrouver coincé entre une TMC défaillante et un voyageur mécontent du service proposé, explique dans Business Travel Mag Kerry Douglas, l’un des responsables d’ITM, l’équivalent britannique de l’AFTM. Et de poursuivre : « Les acheteurs ont la tâche difficile d’expliquer à leurs voyageurs que la pénurie de personnel touche l’ensemble du secteur et que l’expérience voyage en 2022 restera très différente de celle de 2019 ». 

Certains travel managers affirment même que, frustrés par les temps d’attente lorsqu’ils appellent la TMC, leurs voyageurs réservent désormais directement auprès des fournisseurs, ce qui génère des problèmes de conformité et de duty of care. 

D’autres, et c’est le cas aussi en France, n’hésitent plus à lancer des appels d’offres pour changer de TMC. Sauf que la pénurie étant générale, il est peu probable que le changement de TMC améliore la situation.

Aux Etats-Unis, la tension est montée d’un cran fin juin lors de la publication dans The Company Dime d’une tribune de Brad Seitz, un vétéran du secteur. Travel manager de la société Pro Unlimited, il se disait très agacé par l’attitude des fournisseurs, et particulièrement des TMC, qui rejettent la responsabilité sur les entreprises qui n’auraient pas été capables d’anticiper la reprise des voyages. « Comme si nous avions une boule cristal ! » tonne-t-il. 

« En discutant avec mes collègues travel managers, j’ai appris que les carences de services se produisent même lorsque les clients ont donné à leur TMC une idée précise de leurs plans de retour au voyage » affirme-t-il. 

Courroucé pour le moins, Brad Seitz avertit : « Les travel managers et les acheteurs sont des éléphants. Nous n’oublions pas. Pour toutes ces TMC qui nous disent que c’est notre faute, rappelez-vous-en. Et sachez que nous aimons parler entre nous de nos expériences ». La menace est à peine voilée. 

La missive fait tellement de bruit que Nick Vournakis, le vice-président de CWT, prend la plume cinq jours plus tard pour répondre point par point aux critiques de Brad Seitz et appeler les acheteurs et les fournisseurs à travailler ensemble. 

En Grande-Bretagne, les acheteurs ne sont pas en reste. Par la voix d’ITM, ils exhortent les TMC à faire preuve d’une plus grande transparence au sujet de leur manque de personnel et de leurs problèmes opérationnels, trop entourés selon eux d’opacité. « Communiquez avec nous, ouvertement et honnêtement. (…) Arrêtez de nous dire à quel point vous êtes formidables et soyez honnêtes avec vos problèmes », s’enflammait Brad Seitz dans The Company Dime.

Une chose est sûre : il va falloir prendre son mal en patience car les TMC n’ont pas de solution à court terme pour endiguer rapidement cette pénurie de collaborateurs. Ou alors en profiter pour revoir le modèle de rémunération de sa TMC car les acheteurs britanniques qui travaillent avec leur TMC sur la base de frais de gestion (et non de transaction) ont, disent-ils, été moins affectés par les problèmes de service…

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

NDC : un flop qui coûte cher

Dix ans après son introduction, NDC ne représente qu’une goutte d’eau des réservations et commence à coûter très cher aux compagnies aériennes. 

Le chiffre est terrible, sans appel. Au cours d’une conférence de presse téléphonique à laquelle a participé The Company Dime, Yanik Hoyles, directeur de la distribution de IATA, a révélé que NDC ne représentait à la fin du premier trimestre 2022 que 10% de la distribution indirecte des compagnies aériennes, donc des réservations réalisées en dehors de leurs propres sites web. 

Et encore, 95% de ces 10% ne concernent que des voyages loisirs puisque ces réservations sont faites sur des sites web grand public. Résultat : seulement… 0,5% des réservations indirectes se rapporte au voyage d’affaires. Autrement dit, 1 réservation indirecte sur 200 utilise NDC pour un déplacement professionnel comme le titre The Company Dime ! Dix ans après avoir été introduit par IATA, le bilan de NDC est donc famélique, pour l’instant tout au moins.

Très, très loin en tous cas des dernières estimations de IATA datant de 2018 qui prévoyaient 20% de pénétration NDC en 2020 et 50% en 2023 !

En cause selon Yanik Hoyles, la complexité du voyage d’affaires (quelle découverte !), l’impact de la pandémie, mais aussi la lenteur d’adoption des GDS et des OBT/SBT. Habituel jeu de rôle qui voit depuis des années les compagnies aériennes et les GDS se renvoyer la responsabilité du fiasco NDC.

Dans cet interminable et gaguesque feuilleton NDC, on n’est peut-être pas au bout de nos surprises. Le même article de The Company Dime fait référence à une étude réalisée par T2RL Travel Technology Research et publiée en juin, qui qualifie d’inquiétants les coûts de développement de NDC pour les compagnies aériennes. Et de préciser : « ces coûts deviennent un facteur qui ajoutent à la lenteur du déploiement ». 

Pour les compagnies aériennes en effet, « les budgets restent très serrés en raison des conditions du marché et, sans un retour sur investissement clair, les projets informatiques ont du mal à trouver des ressources et un soutien interne », selon le cabinet de conseil en technologie. 

Problème : dans ce retour sur investissement, il faudra tenir compte des incitations financières que les compagnies décideront d’offrir aux TMC pour qu’elles adoptent la norme NDC. Si les compagnies restent discrètes, pour ne pas dire secrètes, sur ces incitations, Kyle Moore, directeur de la stratégie client chez Travelport, révélait dans une interview en début d’année « qu’il existe bien des accords (entre compagnies et TMC) mais qu’ils ne sont tout simplement pas publics ». Oui décidément, concernant NDC, on n’est certainement pas au bout de nos surprises. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Hôtels : gare aux accords de chaînes !

Dans certains cas, les accords signés avec une chaîne hôtelière entraînent des coûts supplémentaires et diminuent le pouvoir d’achat des acheteurs. 

Une mise en garde utile et salvatrice. Pauline Robin, senior director de Roomlt CWT, a récemment publié une tribune dans The Company Dime sur un des points faibles mais récurrents de certains programmes hôteliers : les accords de chaîne. 

Rappelons d’abord un principe de base des programmes hôtels : les acheteurs négocient généralement avec des établissements individuels et stratégiques sur des marchés clés où les voyageurs de l’entreprise se rendent régulièrement et fréquemment. Ces hôtels proposent des tarifs et des équipements compétitifs en échange de parts de marché et de volumes importants. 

S’y ajoutent des accords portant sur l’ensemble d’une chaîne hôtelière afin de couvrir géographiquement les endroits où aucun établissement privilégié n’a été négocié. Première fragilité : censées combler des besoins secondaires, ces négociations sont souvent gérées de façon moins stratégique alors que la sélection des établissements individuels préférés est étudiée avec soin. Résultat : l’entreprise empile un trop grand nombre de chaînes hôtelières dans son programme. 

Pauline Robin s’est concentrée sur un échantillon de 25 entreprises clientes de CWT Roomlt dont les dépenses hôtelières s’élèvent en moyenne à 35 millions de US$ par an. Elle a compté une moyenne de six accords de chaîne par client et un maximum de 15 ! Sachant que ces entreprises négocient environ 200 établissements préférés pour l’année, et qu’un accord de chaîne peut ajouter des milliers d’hôtels, le portefeuille total devient vite impressionnant. 

Mais surtout, là où le bât blesse, ces chaînes comprennent inévitablement des hôtels situés aux mêmes endroits que les établissements préférés, créant ainsi une concurrence de fait en volume et en part de marché. 

Sur les 25 programmes hôteliers étudiés, 67% des dépenses de chaînes effectuées au premier trimestre 2022 l’ont été sur des marchés où l’entreprise disposait déjà d’hôtels individuels préférés. Ces derniers ont vu donc leur échapper 21% du volume total dépensé dans leur périmètre. Non seulement l’entreprise perd ainsi en pouvoir de négociation mais la nuit en « hôtel de chaîne » coûte 10,50 US$ de plus que celle en hôtel préféré. 

Ces accords de chaîne valent-ils au moins la peine là où l’entreprise n’a pas d’accord avec un établissement préféré ? Même pas ! L’économie moyenne par nuit est de 0,40 US$ par rapport aux tarifs du marché. Insignifiant ! 

Au final, Pauline Robin recommande notamment de ne pas avoir plus de deux contrats de chaîne, avec des relations solides et des contrats serrés négociés autour de la couverture requise. A bon entendeur !

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Travel manager : un rôle plus stratégique

A la faveur du Covid, la fonction a pris de l’épaisseur et pourrait davantage s’imposer encore dans l’entreprise si le travel manager active les bons leviers. 

 Une occasion en or qui ne se présente qu’une fois par génération ! C’est ainsi que Business Travel News Europe introduit l’opportunité qui se présente aux travel managers de « devenir des super-héros de la stratégie. » Une conclusion qui s’appuie sur les échanges qui ont eu lieu lors d’ateliers organisés dernièrement (et indépendamment les uns des autres) par deux associations européennes : L’Institute of Travel Management (ITM) au Royaume-Uni et l’Association of Swiss Travel Management (ASTM).

Les deux ateliers ont évidemment insisté en préambule sur le rôle du Covid qui a permis aux travel managers « de se faire connaître davantage auprès des parties prenantes de l’entreprise », et à ces dernières de regarder désormais avec plus d’intérêt le programme voyages. 

Lotten Fowler, directrice générale de l’association suédoise des voyages d’affaires, est d’accord : « La visibilité des travel managers a augmenté de façon spectaculaire (…). Sécurité : nous devons parler au travel manager. Durabilité : nous devons parler au travel manager. L’équilibre entre vie professionnelle et vie privée : nous devons à nouveau parler au travel manager. »

L’ITM voit pour les travel managers les opportunités se déployer autour de deux axes. Le premier est une approche plus stratégique des voyages après que « de nombreux programmes de voyages ont été mesurés par le coût principalement, sans discussion sur la valeur d’un voyage et le retour sur investissement. »  Et d’ajouter : « de nombreuses entreprises peuvent encore croire que les équipes voyages sont là pour résoudre le « comment » et non le « pourquoi », or le travel manager a désormais acquis une valeur et une expertise sur la question. 

Le deuxième est l’élargissement des compétences du travel manager, au-delà de la fonction voyages. Compétences qui peuvent être utiles à d’autres au sein de l’entreprise. « Si un autre département organise des sessions de formation pour son personnel sur la gestion des conflits ou l’engagement des parties prenantes », le travel manager y a tout à fait sa place pour partager son expérience et donner des conseils. 

De son côté, l’ASTM insiste sur la nécessité pour les travel managers d’améliorer leur communication auprès des parties prenantes internes. « Il est important de faire beaucoup d’auto-marketing au sein de votre entreprise, explique Dominic Short, le président de l’association, il faut parler de la valeur que vous apportez et le répéter sans cesse. »

Selon l’ITM, de nombreuses entreprises forment aujourd’hui des groupes de travail interdisciplinaires pour s’attaquer aux grandes questions qui les agitent en ce moment, et « le travel manager doit avoir un siège dans chacun d’eux », quitte à s’imposer.

L’association britannique pointe toutefois un risque, celui d’être trop absorbé par les défis logistiques du moment (chaos aérien, pénurie de personnel dans les TMC…), trop enfermé dans l’opérationnel. « Le défi consiste à essayer de créer l’espace nécessaire pour un rôle plus stratégique. » A vous de jouer ! 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

CWT : que vaut son nouvel abonnement ?

La TMC vient de lancer un nouveau modèle de tarification par abonnement après l’avoir expérimenté pendant un an avec des clients pilotes. 

On peut prendre le problème par tous les bouts, la conclusion sera toujours la même : avec un modèle de tarification basé sur les frais de transaction, le risque pèse trop lourdement sur la TMC. Comme l’a illustré le Covid, en cas de perturbation exceptionnelle, les revenus disparaissent et les TMC sont contraintes de licencier rapidement et massivement pour éviter des pertes financières catastrophiques.

Pour mieux répartir le risque, CWT a donc imaginé un abonnement, soit un tarif mensuel qui couvre tous les produits et services fournis par la TMC, en fonction du volume de transaction prévu, comme le rapporte Business Travel News. Ce tarif mensuel peut être révisé à la hausse ou à la baisse si l’entreprise a besoin d’ajouter ou de soustraire des services, ou d’ajuster les prévisions de volume. 

Cité par The Company Dime, Brady Jensen, vice-président finances et responsable de la tarification mondiale de CWT, met en avant la simplification du système : « Ce nouveau modèle de facturation n’émet qu’une seule facture mensuelle simple et complète, au lieu de plusieurs, ce qui facilite considérablement le suivi et la gestion des dépenses ». Autre avantage selon Brady Jensen : « Les clients pourraient faire des économies grâce à des remises sur le volume que l’on ne trouve pas habituellement dans le modèle courant des frais de transaction ». 

Interrogés par The Company Dime, les consultants Will Tate et Andrew Menkes confirment qu’une telle simplification pourrait bien séduire les petites et moyennes entreprises. « Le modèle semble être idéal pour toutes les organisations qui ont des ressources internes limitées pour gérer les voyages et qui sont relativement satisfaites des niveaux de service qu’elles obtiennent ». 

Ils sont en revanche plus réservés pour les grands comptes : « Ce que les clients peuvent gagner en simplification grâce à une approche groupée, ils le perdent en transparence ». Avec d’abord une première interrogation : dès lors qu’il n’y a plus de facturation automatique au centre de coûts du voyageur, comment l’entreprise peut-elle répartir le coût entre les services ? 

Mais surtout, ce sont les revenus fournisseurs qui sont dans leur viseur. Car les TMC tirent de leurs fournisseurs une partie importante de leurs revenus : CWT avait estimé en 2021 que ces derniers représenteraient 40% de ses revenus en 2022. « Si la nouvelle tarification tient compte du coût du service pour le client et des revenus générés par les fournisseurs, alors le modèle d’abonnement pourrait fonctionner à condition bien sûr qu’il y ait transparence ». Mais est-ce le cas ?

C’est un point sensible car dans le système traditionnel à la transaction, certains clients négocient avec la TMC le retour d’une partie ou de la totalité des commissions reçues par cette dernière. C’est le cas notamment quand l’entreprise négocie directement ses contrats avec les fournisseurs aériens notamment.

Brady Jensen a reconnu dans Business Travel News que la nouvelle tarification « ne convient pas parfaitement à tous les clients ». Mais il faut aussi prendre garde à la distinction américaine entre grands comptes et PME qui n’est pas tout à fait la même qu’en Europe et en France. Parmi les entreprises pilotes, on trouve en effet ServiceNow, une société mondiale de logiciels comprenant 19200 salariés (tout de même !), qui par l’intermédiaire de sa directrice voyages s’est dit satisfaite de cette tarification à l’abonnement. 

Il convient aussi de préciser que ce nouveau système n’a aucun caractère obligatoire. CWT le propose et c’est l’entreprise qui décide. Le chemin s’annonce donc encore long pour un changement de modèle économique d’autant que les entreprises n’y semblent pas encore particulièrement disposées. Selon une étude menée par The Beat, une publication du groupe BTN, plus de 80% des acheteurs rémunèrent leur TMC à la transaction. On part de loin. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Les prix continuent de flamber

Les tarifs des déplacements professionnels poursuivent leur envolée. Et ils ne sont pas près de s’arrêter. 

L’inflation accélère. Selon l’Insee, elle s’est établie en France à 5,2% en mai sur un an, dépassant ainsi la barre des 5% pour la première fois depuis septembre 1985. Dans le voyage d’affaires, les hausses sont encore plus prononcées. 

Depuis le début de l’année, au départ de la France, les tarifs des billets d’avion ont augmenté de 10% selon les derniers chiffres de la Direction générale de l’aviation civile. Par rapport à 2019, dernière année « normale » pour le transport aérien, la hausse des tarifs aériens frôle les 11%.

Dans le détail et toujours en comparaison de 2019, les prix ont augmenté de 13,5% sur le domestique et de 10,2% sur l’international. C’est le moyen-courrier qui tire les prix vers le haut alors que le long-courrier enregistre de fortes disparités : des hausses très accentuées sur l’Asie-Pacifique et l’Afrique du Nord et des augmentations plus contenues sur l’Amérique du Nord et le Moyen-Orient. Quant au trafic, il poursuit son redressement, il était à 75% de ses niveaux de 2019 en avril, soit 5 points de plus qu’en mars. 

Aux Etats-Unis, l’envolée est encore plus spectaculaire. L’indice des tarifs aériens a augmenté de 33,3 % au cours de l’année écoulée, soit la plus forte hausse sur 12 mois depuis 1980. Pas de quoi freiner la demande selon les compagnies américaines qui tablent cet été sur un trafic supérieur à celui de 2019.

L’hôtellerie française suit une tendance identique. Le Figaro nous dit ainsi que « depuis la mi-mars, semaine après semaine, les prix des chambres sont systématiquement supérieurs à ceux de 2019 ». Une hausse assumée par exemple par Sébastien Bazin, le Pdg d’Accor. Le 20 mai dernier, lors de l’assemblée générale du groupe, il a appelé les gérants de ses établissements à « franchement augmenter leurs prix ». Au premier trimestre, le groupe hôtelier les a relevés de 3% en moyenne mais de 16% dans les marques haut de gamme. 

Le quotidien cite aussi Olivier Cohn, le directeur général de Best Western France (300 hôtels), qui confirme : « Chez nous, les prix moyens des chambres augmentent de 10 à 15% par rapport à 2019 ». Selon la journaliste, les clients acceptent cette hausse car « l’envie de voyager est très forte pour les touristes et ceux qui se déplacent par obligation professionnelle n’ont pas le choix. » Dans toute l’Europe, les tarifs hôteliers flambent, l’Irlande, le Portugal et l’Espagne connaissant les plus fortes hausses.

Et le train dans tout ça ? Une bataille des chiffres oppose l’Insee à la SNCF raconte Le Figaro : « Selon l’Institut, le constat est sans appel : entre avril 2021 et avril 2022, le prix des billets de train a augmenté en moyenne de 14,6%. Et entre janvier et avril 2022, les prix ont bondi de 15,3%. » Pour la SNCF, la bonne année de référence est 2019, et là les prix auraient baissé de 7%. Sauf que la compagnie ferroviaire prend en compte les offres low cost des trains Ouigo qui ne cessent de prendre de l’ampleur. 

Une chose est sûre : le patron de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, « prépare les esprits à une hausse du prix des billets de train en 2023 » rapporte La Tribune. Une hausse justifiée selon lui par la flambée des coûts de l’énergie et des travaux notamment. 

Quant à la location de voitures, le cycle infernal se poursuit. Selon Misterfly, qui compare les prix entre 170 loueurs dans 145 pays, la hausse du tarif moyen a progressé de 117% en deux ans ! 

Rien n’indique que les prix du voyage d’affaires se calmeront dans les prochains mois, bien au contraire. Travel managers et acheteurs vont devoir sacrément faire preuve d’adaptation et d’anticipation !

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Sources de données : une lente évolution

Les sources traditionnelles de données changent, mais pas suffisamment pour que les travel managers revoient leurs pratiques. 

C’est depuis toujours le plus grand défi des travel managers : disposer de données fiables et complètes, et pouvoir les consolider. Le site The Company Dime rappelle dans un article didactique que les programmes voyages correctement gérés utilisent trois sources de données afin de vérifier la conformité de la politique voyages, d’améliorer les négociations avec les fournisseurs, d’identifier les économies possibles et de détecter les fraudes : les sources de réservation, de paiement et de notes de frais. 

Comment ces dernières ont-elles évolué ? Selon Brian Beard, un vétéran du voyage d’affaires comme ils disent aux Etats-Unis, « les données s’améliorent du côté des notes de frais et un peu plus du côté des cartes. En revanche, les données de réservation ne changent pas vraiment, bien qu’il y ait une énorme pression pour intégrer autant que possible des données de pré-voyage et de pré-autorisation ».

Une fois ce constat posé, que retenir de cet article ?

Un : les données de réservation sont les plus riches mais leur qualité dépend grandement de « l’excellence opérationnelle des TMC », par exemple dans la gestion des profils. 

Deux : le niveau de détails des données de paiement s’améliore mais pas assez pour que les travel managers en fassent une source unique. La relation avec la direction financière peut ici être un frein car celle-ci ne voit pas forcément l’intérêt de descendre dans le détail (seul le montant l’intéresse) et par ailleurs, dans de nombreuses entreprises, les travel managers auront besoin de son soutien pour accéder aux systèmes de paiement et pouvoir les contrôler. Autre inconvénient : l’examen manuel de ces paiements et leur éventuelle correction peuvent être assez coûteux. 

Trois : alors que nous entrons dans le monde des fournisseurs directs et des réservations omnicanales, la transformation numérique des entreprises qui permettrait de meilleurs reportings présente encore de nombreuses lacunes. 

Quatre : la meilleure façon de produire des modèles efficaces de données est d’être le proche possible en temps réel de la transaction. C’est ce vers quoi tendent les innovations en la matière. 

Conclusion selon les experts interrogés par The Company Dime : les choses progressent mais rien ne permet aujourd’hui aux travel managers de changer leurs pratiques qui consistent toujours à utiliser les trois principaux flux de données, au moins pour les comparaisons basiques « réservé/facturé » et « facturé/dépensé ». 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Le voyage d’affaires au service du capital humain ? 

Le capital humain devient un enjeu de performance pour les entreprises. Les travel managers vont devoir s’en emparer. 

C’est l’une des évolutions les plus marquantes que le Covid a accéléré. Démissions en pagaille, quête de sens, besoin d’un équilibre entre vie privée et vie professionnelle, nouveau rapport au travail, demande d’autonomie… : les salariés multiplient les remises en question. 

Résultats : les entreprises éprouvent les pires difficultés à recruter des talents et à les fidéliser. A tel point que de nombreux spécialistes affirment que nous sommes entrés dans l’ère du capital humain, où investir dans le potentiel humain offre le meilleur retour sur investissement.

Pour Katie Virtue, consultante chez Festive Road, cela représente un vrai défi pour l’industrie du voyage d’affaires. Dans une chronique instructive, elle plaide pour une adaptation urgente à ces changements. « Les acheteurs doivent comprendre comment les voyages peuvent permettre de valoriser le travail des collaborateurs et les fournisseurs doivent réfléchir à leurs rôles dans cet objectif ». 

Alors comment faire ? Pour Katie Virtue, il faut d’abord répondre à trois questions : quel est l’objectif de votre entreprise ? Quelle est la proposition de valeur pour les salariés ? Quels sont les objectifs de RSE ? « Connaître ces éléments peut vous aider à faire le lien avec les voyages. Par exemple, si votre organisation vise à renforcer l’autonomie de ses salariés, une politique voyages de 20 pages est-elle bien nécessaire ? » 

Mais surtout, selon elle, il faut améliorer l’expérience en voyage et arrêter de le penser comme un ensemble de transactions permettant à un collaborateur de se rendre d’un point A à un point B. « Par exemple, les salariés bénéficient-ils d’une certaine souplesse dans leurs choix afin de prendre la décision qui leur convient le mieux et qui est la meilleure pour leur bien-être ? » 

Intéressant mais pas gagné. Selon un sondage réalisé par BCD Travel auprès de 875 voyageurs et relayé par Business Travel News, seule la moitié d’entre eux estime que leur entreprise leur offre un soutien en matière de bien-être pendant leurs déplacements. 

Que souhaitent ces voyageurs ? Une politique de vols directs (à 70%), la possibilité de choisir son siège à bord (59%), la classe affaires sur le long-courrier et des hôtels bien situés (à plus de 50%). Voyages d’affaires et bien-être : le chemin est encore long. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Pourquoi les GDS s’adossent aux GAFAM

Amadeus et Microsoft, Sabre et Google, Travelport et Amazon : ces rapprochements en disent long sur la nouvelle stratégie corporate des GDS.


Certains les ont peut-être enterrés trop vite. L’avènement d’un marché où la distribution et la connectivité (via NDC notamment) sont désormais beaucoup plus ouvertes devait les fragiliser dangereusement pour les uns. L’éclosion des start-ups, plus agiles et « nativement web », devait achever de les ringardiser selon les autres, empêtrés qu’ils sont dans leur technologie d’un autre temps, le vieux (mais efficace) langage informatique EDIFACT qu’ont dû assimiler plusieurs générations d’agents de voyages. 

Les annonces de ces dernières semaines montrent qu’il va falloir compter avec eux, spécialement dans le voyage d’affaires, et avec leur nouveaux alliés, inattendus : les GAFAM, rien de moins ! 

C’est Sabre qui avait dégainé le premier en indiquant avoir signé en octobre 2020 un partenariat stratégique avec Google. Puis Amadeus avait répondu en février 2021 en annonçant le sien avec Microsoft. Enfin, Travelport révèle en juin 2021 un accord avec Amazon Web Services. 

Derrière ces trois alliances, un même point de départ : la volonté pour les GDS de migrer vers le cloud qui permet non seulement de se débarrasser des gros ordinateurs centraux mais surtout d’accéder à une plus grande capacité de calcul afin d’accélérer le développement et les possibilités de travailler avec un plus grand nombre de partenaires technologiques. 

Ces trois associations sont en train aujourd’hui d’aborder une nouvelle phase de leur développement et c’est là que ça devient intéressant. Amadeus vient ainsi de frapper un grand coup en annonçant l’intégration de Cytric, son OBT (online booking tool), dans les applications collaboratives de bureau de Microsoft, Teams et Outlook. Dans l’excellent The Company Dime, Ken Pfaffmann, le vice-président commercial d’Amadeus en Amérique du Nord, pose deux questions centrales à propos des OBT : « Pourquoi forçons-nous les collaborateurs à aller vers un outil qu’ils n’utilisent pas tous les jours ? Alors que notre lieu de travail a changé avec le développement du télétravail, pourquoi penser que les OBT devraient rester les mêmes ? » 

Résultat : à partir de Teams, les utilisateurs peuvent désormais partager des itinéraires avec leurs collègues puis, grâce à ces informations, lancer des recherches de voyages avec des destinations et des dates préremplies et effectuer des réservations. Pratique quand il faut organiser les réunions occasionnelles dans les bureaux de l’entreprise ou hors site. La même chose sera bientôt possible via les invitations du calendrier Outlook. Les voyageurs pourront aussi remplir une note de frais dans l’environnement Microsoft. 

Encore mieux : le journaliste affirme que les deux partenaires réfléchissent à une intégration de Cytric dans LinkedIn (propriété de Microsoft) qui permettra aux voyageurs de savoir si leurs contacts se trouvent en même temps qu’eux à destination et tirer ainsi le meilleur parti de leur déplacement. 

De son côté, Sabre affirme qu’il va aller plus loin que le cloud avec Google. Interrogé par le site Phocuswire, le pdg du GDS, Kurt Ekert (ancien patron de CWT), affirme « qu’il y aura des innovations avec Google dans le voyage d’affaires. Le domaine de Google, ce sont les données et les algorithmes. Nous allons examiner comment nous pouvons utiliser leurs capacités d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique dans notre gamme de produits afin d’apporter de la valeur aux déplacements des entreprises ». Rappelons aussi que Sabre devient un des actionnaires d’Amex GBT à la faveur de l’entrée en bourse de la TMC.

Plus discret, Travelport n’en reste pas moins actif. L’entreprise a lancé l’année dernière Travelport+, basé sur le cloud, qui va lui permettre à terme de rassembler les GDS Galileo, Apollo et Worldspan en une seule plateforme unique, plus agile et plus moderne. Les premiers retours des TMC semblent positifs. Son accord avec Amazon Web Services vient de s’élargir puisque les deux firmes vont lancer un accélérateur de start-ups dans le domaine du voyage. 

Le temps est donc révolu où les GDS, assis sur une forme de rente (un fee à chaque réservation) et leur quasi-monopole, alignaient sans effort surhumain des taux de marge de 30 à 40%, à faire pâlir d’envie les compagnies aériennes et les TMC. En économie, on appelle ces entreprises des cash machines, qui font le bonheur de leurs actionnaires. L’heure est désormais à une plus grande concurrence, à une distribution plus ouverte, qui dégage de nouvelles perspectives aux GDS. L’obligation qui leur est faite de bouger et d’innover devrait profiter au secteur du voyage d’affaires. Personne ne s’en plaindra. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Voyage d’affaires : une rupture historique

Le décrochage du voyage d’affaires par rapport à la croissance économique est inédit. Faut-il s’en inquiéter ?

Il y a des exceptions dont on se passerait bien. Toujours très attendu, le baromètre d’Amex GBT présenté le 13 avril dernier pointait des déplacements professionnels qui atteignaient péniblement 50% du niveau de 2019 en janvier 2022 sur le marché français alors que les entreprises avaient retrouvé rapidement (en douze mois) leurs performances d’avant-Covid. Les Echos titraient d’ailleurs ce même jour : « Le voyage d’affaires à la traîne de la reprise ». 

C’est en effet une première historique. Le marché des déplacements professionnels est traditionnellement ce que les économistes appellent un marché à croissance lente. C’est-à-dire qu’il suit assez fidèlement les courbes du PIB, à la hausse comme à la baisse, sachant que depuis plus de vingt ans le PIB dépasse rarement les deux points de croissance. Ce décrochage brutal interpelle donc sur la vérité de la reprise qui est à l’œuvre. Entre les dithyrambes un peu suspects et les prophéties qui s’espèrent auto-réalisatrices, difficile de s’y retrouver. 

Quelle est la réalité ? S’il reprend de la vigueur, le transport aérien est encore loin de ses niveaux de 2019. Selon le baromètre Amex GBT, il les retrouvera courant 2023 pour le domestique et le moyen-courrier et pas avant 2024 pour le long-courrier. Les dernières statistiques d’Eurocontrol, l’organisation de gestion du trafic aérien, montrent que le trafic aérien européen a regagné 80% des niveaux d’avant-Covid mais la croissance est principalement tirée par les compagnies low cost comme Ryanair et Wizz Air. 

Attention toutefois : ce chiffre fait référence au nombre de vols mais n’est en rien une indication sur les taux de remplissage des avions. Une chose est sûre : si les touristes reviennent à bord des avions, les voyageurs d’affaires sont encore un peu discrets, comme me le confirmait il y a quelques jours un porte-parole d’Air France. 

On nous dit que les déplacements professionnels domestiques sont repartis en flèche. Là aussi, il convient d’être mesuré. Début avril, dans un échange avec la presse rapporté par le site de La Tribune, Christophe Fanichet, Pdg de SNCF Voyageurs, dit sa préoccupation sur le niveau de trafic des voyageurs professionnels qui s’est effondré de 50 à 60% en début d’année. 

« Si le dirigeant prévient depuis plusieurs mois que ce segment ne retrouverait pas son niveau d’antan avant plusieurs années, avec une baisse potentiellement structurelle, il ne s’attendait pas à une telle chute » écrit La Tribune. Joint au téléphone le 26 avril, un cadre de la SNCF affirme : « C’est beaucoup mieux aujourd’hui mais on est encore à moins 20% ». 

Pas de quoi pavoiser mais les autres grands marchés ne sont pas au mieux non plus. Un bon indicateur : lors d’une réunion début avril avec des investisseurs à la bourse de New York en vue de son introduction prochaine, Amex GBT a révélé par la voix de son Pdg, Paul Abott, que ses transactions globales avaient repris au cours de la semaine précédant le 2 avril à 61% de ce qu’elles étaient à la même période en 2019. C’est ce que raconte l’excellent site Skift qui précise qu’Amex GBT a néanmoins relevé ses perspectives pour les mois à venir.

Faut-il s’alarmer de cette reprise poussive ? Pas tant que toutes les contraintes sanitaires ne seront levées, notamment en Asie. En revanche, méfions-nous des prévisions, optimistes ou pessimistes, à deux ans ou trois ans du marché. La vérité est que personne, sans doute, n’en sait rien tant les environnements sont mouvants. « La prédiction est un art difficile surtout lorsqu’elle concerne l’avenir » disait Pierre Dac. Une chose est sûre : on voit mal comment le télétravail, la réduction de l’empreinte carbone des entreprises, la pression sur les coûts et le boom de la visioconférence n’auraient pas d’impact sur le volume des voyages. 

La bonne nouvelle, si l’on en croit les journaux britanniques et allemands qui font des comparaisons, c’est que le marché français des déplacements professionnels se révèle être aujourd’hui l’un des plus dynamiques d’Europe. Il devrait, selon Yorick Charveriat, directeur général France d’Amex GBT, retrouver 70% de son activité de 2019 à la fin de l’année. « On se satisfait de peu » me disait récemment le patron d’une grande TMC. L’ironie en forme de paradoxe est que, là encore, le marché du voyage d’affaires décroche par rapport au PIB, mais cette fois dans le sens opposé puisqu’il reprend quelques couleurs au moment où la croissance française marque le pas. Mais en même temps, il partait de tellement loin…

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM