OBT : les défis de la reprise

Alors que les voyages reprennent, les outils de réservation en ligne (OBT/SBT) doivent passer la vitesse supérieure en matière de contenu et d’expérience client.

Quelle stratégie voyage post-Covid ? Pour les entreprises, la réponse à cette question est loin d’être simple tant le voyage d’affaires a changé en deux ans. Et de nombreuses voies sont possibles. Une chose est sûre, affirme Business Travel News dans son excellent hors-série sur les OBT : ces derniers joueront un rôle capital dans l’application et la diffusion des stratégies d’après pandémie. 

Leur capacité à s’adapter aux nouveaux enjeux du voyage d’affaires constituera ainsi un vrai test aux yeux des entreprises. Le sujet du contrôle est peut-être le plus urgent selon le media anglo-saxon. D’autant plus que la réduction du leakage, ces réservations effectuées en dehors des canaux recommandés par l’entreprise, s’est désormais imposée comme une priorité pour une majorité des sociétés si l’on en croit les derniers sondages publiés ces derniers mois. Dans cette perspective, les OBT auront une responsabilité déterminante. Par ailleurs, nombre d’entreprises ont aussi renforcé les procédures d’approbations manuelles pendant la pandémie et ne comptent pas relâcher l’étreinte. L’OBT pourrait alors être un moyen d’appliquer cette politique en limitant par exemple les réservations à ceux qui ont reçu cette approbation. 

Mais c’est peut-être en matière de contenu que les OBT sont le plus attendu au tournant. Jamais les billets d’avion, les chambres d’hôtels, les locations de voitures… n’ont été accessibles depuis un si grand nombre de sources. C’est un vrai challenge pour les OBT de rassembler et de rendre lisible l’ensemble de ces contenus. Avec un bémol : « le contenu est plus important que jamais mais il ne s’agit pas non plus d’avoir le plus de contenu possible et d’obtenir 2 millions de résultats de recherche » fait observer justement Aurélie Krau, ex-consultante chez Festive Road. 

A court terme, l’intégration de la norme aérienne NDC est une préoccupation majeure alors que le calendrier des compagnies aériennes s’accélère, notamment en France où le transporteur national fait la bascule ce printemps. Il y a peu encore, certains critiquaient en privé le manque de célérité des OBT au sujet de NDC (mais ils ne sont pas les seuls), sauront-ils montrer davantage d’empressement ces prochaines semaines ?

Ce n’est pas le seul enjeu de contenu. Fournir les bonnes informations sur les contraintes et réglementations locales sur le Covid-19 ainsi que sur les émissions carbone des déplacement en est un autre. Pour certaines entreprises, ce dernier point devient capital et l’OBT devra alors aider les utilisateurs à décider s’ils doivent voyager ou pas.

Enfin, il reste encore aux OBT un (long ?) chemin à parcourir en matière d’expérience client. Pendant des années, certains acheteurs et voyageurs ont dénoncé des expériences insatisfaisantes, qui ont déçu les utilisateurs habitués à des outils de réservation de voyages loisirs grand public. Aurélie Krau confirme auprès de BTN : « dans notre propre enquête, les OBT ont obtenu un score supérieur à 50% dans seulement cinq des trente-deux domaines de l’expérience utilisateur ». Si les entreprises veulent diminuer le leakage, comme dit plus haut, cela commence assurément par là.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Pourquoi Microsoft durcit sa politique RSE

En matière de verdissement des voyages d’affaires, Microsoft fait figure de pionnière mais veut aller beaucoup plus loin.

L’entreprise de Seattle n’y va pas de main morte. Elle vient en effet de décider d’augmenter de près de 600% sa taxe carbone interne sur ses voyages d’affaires comme le rapporte The Company Dime. Cette redevance par tonne métrique d’équivalent dioxyde de carbone (mtCO2e) avait été instituée en 2019 par la direction des voyages de Microsoft. Elle s’élevait à 15 dollars, elle sera de 100 dollars à partir du 1er juillet prochain. 

Avec cette taxe, Microsoft achète du carburant durable (SAF) et se fait l’avocate de la collaboration avec le secteur aérien. Elle aide ainsi au financement de la construction en Géorgie de la « première usine au monde de production de SAF à partir d’alcool ». Des initiatives qui s’inscrivent dans un cadre plus large : Microsoft veut devenir une organisation « sans carbone, sans eau et sans déchet » d’ici 2030. 

Interrogé pour savoir si la nouvelle redevance de 100 dollars sera prélevée directement sur le budget voyages de l’entreprise, Eric Bailey, le directeur mondial des voyages de Microsoft, a expliqué : « oui d’une certaine façon. Nous savons tous que les budgets voyages seront réduits à l’avenir, il s’agit donc d’un réinvestissement des fonds ». 

L’augmentation de cette taxe carbone interne a un triple objectif : réduire les déplacements en influençant les comportements des voyageurs, encourager les compagnies aériennes et les hôtels à proposer des options plus écologiques, et accélérer le financement des SAF.

Certains distinguent aussi derrière cette initiative la difficulté des entreprises à comptabiliser précisément les émissions carbone de leurs voyages d’affaires, affirmant que les calculs permettant d’arriver à ce chiffre de 100 dollars sont sujets à caution. Ce que ne conteste pas Microsoft qui dit «redoubler d’efforts en matière de mesure, afin d’accélérer la maturation et l’adoption de normes industrielles pour la comptabilisation du carbone ». Pour beaucoup d’observateurs, il est vrai, les émissions carbone des déplacements professionnels sont parmi les plus difficiles à mesurer. 

C’est peut-être de l’information financière que viendra la solution. Les actionnaires et les investisseurs font de plus en plus pression car ils ont besoin des bons chiffres pour prendre les meilleures décisions. L’enjeu : réduire les risques financiers des entreprises liés au réchauffement climatique. La SEC, l’organe américain de régulation financière, est en train de finaliser un projet obligeant les grandes sociétés à déclarer notamment leurs émissions carbone liées aux voyages d’affaires comme le rapporte le New York Times. Il devrait entrer en vigueur dans les deux ans. Et ce n’est sans doute qu’un début. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Tarifs aériens : une comparaison impossible ?

Pour le voyageur et le travel manager, comparer les prix des billets d’avion est devenu plus difficile que jamais.

Des choux et des carottes. Voilà ce que tentent de comparer les voyageurs d’affaires et les travel managers quand ils essaient aujourd’hui de réserver un billet d’avion. La faute aux fameux tarifs dégroupés que les compagnies aériennes ont généralisé ces dernières années. 

En ôtant les options du forfait de base, elles ont fait coup double : non seulement elles tirent des revenus conséquents sur la vente de produits et services annexes (les fameux ancillaries) mais elles peuvent aussi se différencier plus efficacement. Sans compter que le dégroupage leur permet d’afficher un tarif de base moins élevé et de concurrencer ainsi plus facilement les compagnies low cost. 

Le client en recueille un bénéfice, il peut personnaliser le produit ou les services en fonction de ses préférences personnelles. Mais il y a un revers à la médaille, et pas le moindre : il lui est de plus en plus difficile de comprendre quels produits et services sont inclus ou non dans son billet ! 

Les structures tarifaires des compagnies aériennes se complexifient à l’envi et cela ne va pas s’arranger avec l’avènement de la norme NDC (censée faciliter les ancillaries) et de la tarification dynamique. Pour les entreprises et leurs directions voyages, la capacité à comparer ces offres compliquées devient, de facto, un enjeu d’avenir crucial.

Les GDS y travaillent, révèle le site The Company Dime. Et pour cause. Depuis qu’ils se sont vu imposer la norme NDC par les compagnies aériennes, brisant ainsi leur monopole et les privant de revenus substantiels (dans le système traditionnel, les transporteurs versaient un fee aux GDS pour chaque réservation), les GDS sont un peu moins fringants. Voilà peut-être une occasion pour eux de revenir dans le jeu. 

« Actuellement, nous explorons les moyens d’aider les travel managers à évaluer facilement l’avantage total des offres de voyages composées par les compagnies aériennes » confirme Jay Richmond, directeur IT d’Amadeus aux Etats-Unis. Un projet pilote est ainsi en test jusqu’à la fin de l’année. 

De son côté, Travelport affirme que « sa nouvelle plateforme permet aux agents de voyages de comparer plus facilement et avec une meilleure granularité les offres des compagnies aériennes ». 

Quant à Sabre, il est en train d’investir avec Amex GBT dans la prochaine génération de technologies pour le voyage d’affaires, conformément à l’accord aux termes duquel le premier est devenu actionnaire du deuxième. Un porte-parole de GBT a confirmé à The Company Dime que « l’affichage des offres sans confusion serait une priorité ». 

En attendant, Cory Garner, co-président de T2RL, une boite américaine de techno, livre un très bon conseil aux travel managers et aux acheteurs. « Ces derniers devraient définir à l’avance les forfaits qu’ils souhaitent pour leurs voyageurs et, par le biais d’un appel d’offres, sélectionner la compagnie qui proposera la meilleure offre ». Et de poursuivre : « Il incombe en définitive aux compagnies aériennes partenaires de répondre à cette demande et de mettre le produit sur le marché, de sorte qu’il n’y a pas vraiment besoin de comparaison ». CQFD.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

La France touchée par la « Grande démission » 

Moins massif qu’aux Etats-Unis, le départ volontaire des salariés français est une réalité que les pros du voyage d’affaires doivent regarder de près. 

La France se croyait épargnée. Il n’en est rien, la voilà affectée à son tour par le phénomène de la grande démission, traduction française de « the big quit »comme disent les Américains. C’est une tendance qui a en effet émergé aux Etats-Unis pendant la pandémie et qui a vu 25 millions d’Américains démissionner de leur emploi au cours des six derniers mois de 2021 ! 

Mais les salariés français ne sont pas en reste comme le rapportent de nombreux articles, notamment celui de 20 Minutes. Vincent Meyer, professeur en gestion des ressources humaines à l’EM Normandie, y révèle que « la France enregistre une croissance record des taux de démission, +10% en juin 2021 et +20% en juillet 2021 par rapport aux mêmes périodes de 2020, et des niveaux jamais enregistrés par la Dares (le service statistique du ministère du Travail) ». 

Un phénomène qui touche particulièrement les PME selon le journal qui cite une étude de la Dares publiée en février dernier affirmant qu’entre juillet et octobre 2021 les départs volontaires ont augmenté de 17% pour les entreprises de plus de 50 salariés et de 21% pour celles de 10 à 49 salariés.

Mais il y a pire que cela selon Les Echos : le salarié « fantôme », celui qui peut disparaître du jour au lendemain. Un phénomène, désigné sous le terme de ghosting dans les pays anglo-saxons, qui a gagné du terrain avec la crise sanitaire dans les professions tertaires, y compris les cadres. Selon les cabinets RH, la pratique concernerait au moins un profil sur dix dans les secteurs traditionnels, bien plus dans les métiers ultra-demandés comme les développeurs informatiques. 

Ces envies de changement ont plusieurs explications : un marché du travail porteur, une volonté d’avoir un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, mais aussi de pouvoir télétravailler davantage, un besoin d’autonomie, une quête de sens du travail, une remise en question du style de management en vigueur dans les entreprises… 

Autant d’items dont certains peuvent avoir un prolongement et une application dans le voyage d’affaires. Comme le dit Christophe Nguyen, spécialiste des RH, cité par 20 Minutes : « Il faut placer la qualité de vie au travail au centre des préoccupations de l’entreprise ». Le bien-être, encore le bien-être, toujours le bien-être : tel est bien l’un des mots clés de ce monde post-Covid. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Pourquoi les prix vont flamber

La dette accumulée par les fournisseurs du voyage d’affaires pendant la pandémie explique (en partie) la forte hausse des tarifs à venir.

Une montagne de dettes ! Depuis deux ans, les principaux fournisseurs du travel auraient accru leur passif de 540 milliards de US$, soit 475 milliards d’euros ! Un chiffre délirant calculé par Mark O’Brien, un consultant anglais, ancien de BCD Travel, qui s’est fondé sur des rapports publics et financiers ainsi que sur des données issues des grandes agences de notation.

Sur ce montant, quelque 490 milliards de US$ proviennent de prêts bancaires et gouvernementaux. Par secteur, la dette mondiale nouvellement créée s’élève à 350 milliards de US$ pour les compagnies aériennes, 110 milliards pour les hôtels, 20 milliards pour les sociétés de transport terrestre et 10 milliards pour les TMC… 

Avec le « quoiqu’il en coûte », tout le monde a perdu la notion de l’argent et jongle avec les milliards comme avec des carottes. « Mais, prévient Mark O’Brien, ce chiffre est supérieur aux PIB de la Belgique et du Portugal réunis, ou à 7% de l’économie américaine ». 

Une dette qui expose dangereusement les acheteurs et les travel managers. Lors d’une présentation le 21 janvier dernier pour l’Institute of Travel Management (sorte d’équivalent britannique à l’AFTM), Mark O’Brien a déclaré que la pression à la hausse des tarifs résulterait en partie de ce qu’il a appelé « ce refinancement de l’industrie des voyages », comme l’ont rapporté les excellents sites The Company Dime et Skift.

Pour l’instant, les prix semblent rester à un niveau raisonnable par rapport à 2019 car les fournisseurs cherchent à encourager les voyageurs à revenir. Mais cela devrait changer au deuxième semestre, alerte Mark O’Brien, une fois la reprise plus soutenue, « car cette dette doit être remboursée ». Et de préciser : « Les fournisseurs devront alors récupérer leurs pertes, assurer le service de leur dette (les intérêts) et fournir des rendements significatifs à leurs investisseurs financiers. » 

Résultat : selon le consultant, les compagnies aériennes devraient augmenter leurs tarifs de 3,5 à 4,5% sur leurs principales routes par rapport aux niveaux de 2019 d’ici le troisième trimestre. Du côté des hôtels, la hausse serait de 5 à 9%. Quant aux TMC, « elles n’ont pas d’autre choix que de rafraîchir leurs modèles de tarification. » 

Et attention car de nombreux facteurs, autres que celui de la dette, vont ajouter à la pression inflationniste : la hausse du prix du carburant alimentée notamment par le conflit ukrainien, les investissements dans les carburants durables, les taxes d’aéroports, les pénuries de personnel… Dans un article du Figaro, l’expert du transport aérien Xavier Tytelman parie de son côté sur une hausse des tarifs aériens de 5%, « majoritairement du côté des compagnies traditionnelles et non des low costs (…) car leur meilleur état financier leur permet au contraire de relancer la guerre des prix. »

Bref, selon Mark O’Brien, une société qui dépensait habituellement 20 millions de US$ en voyages peut s’attendre à une augmentation comprise entre 875 000 et 1,1 million de US$, soit environ 5% au global. Acheteurs et travel managers, pour faire face à cette pression inflationniste, vous allez devoir faire preuve d’anticipation et de créativité !

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Des suppléments arbitraires sur les billets d’avion ?

Les compagnies aériennes imposent des surcharges qui gonflent la note et échappent aux remises accordées aux entreprises.

Le sujet n’est pas nouveau. Mais la hausse du prix du carburant et la pression inflationniste réveillent l’agacement, pour ne pas dire plus, de certains acheteurs et travel managers. C’est ce que raconte le talentueux Amon Cohen, l’un des piliers historiques de la rédaction de Business Travel News.

En cause, les fameux suppléments imposés par les transporteurs et qui apparaissent sur le billet sous les codes YQ et/ou YR. Quésaco ? Au début des années 2000, les compagnies aériennes ont dû faire face à l’explosion des coûts liés au carburant. Nombreuses d’entre elles ont alors décidé d’instaurer une ligne «surcharge carburant» sur leurs billets. Puis, avec un retour à la normale du prix du baril de pétrole au milieu des années 2010, cette surcharge a été renommée «surcharge transporteur» sous le sigle YQ. Quant au code YR, il recouvre théoriquement une surcharge liée aux assurances. 

Premier problème : l’affichage. Les deux sigles YQ/YR apparaissent parfois sur un même billet de façon distincte, l’un se faisant passer pour l’autre, tandis que certains billets ne mentionnent que le YQ ou que le YR. Le flou est total : pourquoi certaines compagnies aériennes auraient des assurances YR alors que d’autres en seraient dispensées ?

Deuxième problème : comment sont fixées ces surcharges ? Mystère et boule de gomme. Y a-t-il un lien entre le montant de la surcharge YQ/YR et le prix du pétrole ? Un porte-parole de KLM interrogé par Amon Cohen élude la question : « Air France/KLM utilise la surcharge imposée par le transporteur comme une composante tarifaire, qui n’est pas basée sur les coûts ». Circulez, il n’y a rien à voir. Tout juste saura-t-on que « le montant de la surcharge est basé sur des critères concurrentiels et peut donc évoluer en fonction de l’offre et de la demande ». Autant dire qu’il semble donc fixé de façon arbitraire. Gavin Smith, directeur de Element Travel Technology, approuve : « C’est une manière ambigüe et légèrement fallacieuse pour les compagnies de gérer leurs revenus en les poussant sur YQ ou YR ».

Un travel manager, qui a souhaité garder l’anonymat, a calculé que « le coût réel du kérosène d’un Boeing 787 est de 100 US$ par passager entre Londres et New York, en supposant qu’il y ait 250 sièges dans l’avion et que 80% d’entre eux soient occupés. » Or les suppléments YQ/YR observés par ce travel manager sur cette liaison représentent souvent plusieurs fois ce montant. 

Troisième problème et non le moindre : les remises accordées aux entreprises ne s’appliquent pas à ces surcharges. Le porte-parole de KLM le confirme : « Les réductions accordées aux clients d’entreprises s’appliquent en effet seulement au tarif de base. C’est bien connu de nos clients et c’est une pratique du secteur. » Sauf qu’on ne parle pas de montants anecdotiques. Ces surcharges peuvent en effet s’élever à plus de 1000 € selon la liaison et la classe tarifaire et, parfois, peuvent même représenter la quasi-totalité du prix du billet ! 

Jörg Martin, un consultant allemand, est catégorique : « dans de nombreux cas, seuls 50 à 60% du tarif sont négociables pour l’entreprise et dans les cas les plus extrêmes, il ne s’agit que d’un pourcentage à un chiffre. » Une situation d’autant plus difficile pour les travel managers que ces suppléments sont rarement ventilés dans les reportings, difficile donc pour eux de les identifier. 

La suite de cette histoire ? Gavin Smith pense que les acheteurs et les travel managers devraient agir collectivement pour provoquer le changement. « En tant qu’industrie, nous devrions le contester par des actions juridiques ». En attendant, un petit conseil aux acheteurs et travel managers : surveillez bien les lignes YQ et YR car leur montant pourrait bien s’envoler ces prochains mois sous la pression inflationniste !

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Pourquoi les banques s’intéressent au voyage d’affaires

Des TMC et des spécialistes du voyage d’affaires rachetés par des banques ? La convergence des réservations, des dépenses et des paiements est en marche.

Tout sauf un hasard. La semaine dernière, JPMorgan Chase mettait la main sur la TMC Frosch, quelques mois après le rachat de la plateforme de voyages d’affaires TravelBank par U.S. Bank pour 200 millions de US$ et celui de Lola, une application de réservation et de gestion des dépenses de voyage d’affaires, par Capital One.

La notoriété des acheteurs en dit long sur leurs intentions : au classement des banques américaines (par capitalisation boursière), JPMorgan se classe au premier rang, U.S. Bank au sixième rang et Capital One au onzième rang. Pas du menu fretin donc. 

L’identité des cibles donne un premier indice sur les ambitions des 3 banquiers : elles sont toutes positionnées sur le segment des PME, devenu (pour la énième fois) le nouvel eldorado de l’industrie du voyage d’affaires. Frosch est ainsi une grosse TMC traditionnelle américaine qui avait réalisé un volume d’affaires de 2,4 milliards de US$ en 2019, avec des bureaux dans 40 pays. Sa force : son accompagnement humain, très apprécié des entreprises petites et moyennes évoluant dans le secteur du luxe. 

TravelBank est un peu la (petite) sœur jumelle de TripActions, fondée la même année (2015) et sur le même modèle d’une solution tout en un. Une levée de capital menée par Dreamer’s VC, un fonds d’investissement créé par l’acteur américain Will Smith et le footballeur star du Japon Keisuke Honda, lui avait fait une sacrée publicité. 

Quant à Lola, c’est une startup qui avait été créée par des anciens de Kayak (le fameux comparateur de vols et de voyages) et qui commençait à se faire un nom avant la pandémie avec sa technologie d’assistant voyageur basée sur l’intelligence artificielle. Le Covid l’avait contraint à pivoter vers les paiements inter-entreprises. 

Alors pourquoi ces opérations ? Le site The Company Dime l’explique très bien. Auparavant, les banques attiraient les PME par le biais de prêts et de services bancaires. Mais la révolution numérique a changé la donne ainsi que l’éclosion des fintechs, ces startups technologiques qui concurrencent de plus en plus les acteurs traditionnels de la banque et de la finance. 

Désormais pour ces banques, l’acquisition de nouveaux clients se fait par le biais de logiciels permettant aux PME de gérer plus simplement leurs flux de trésorerie et leurs dépenses. L’idée ? Relier les paiements, les dépenses et les voyages. Comment ? « En combinant ces offres dans une offre globale, similaire à ce que vous pouvez voir pour certaines fintechs », a expliqué Andrew Cecere, le patron de U.S. Bancorp. « Je pense que notre lacune a été la simplification de tout cela. » 

Reste à savoir si les banques françaises et européennes marcheront dans les pas de leurs homologues américaines en investissant dans le voyage d’affaires. Trop tôt pour le dire. En attendant, la convergence entre réservations, dépenses et paiements est une vraie tendance de fond, et pas qu’aux Etats-Unis. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

La cybercriminalité explose

Les cyberattaques sont en très forte hausse et dans ce contexte, le retour des voyageurs d’affaires et le développement du télétravail inquiètent.

Le chiffre fait froid dans le dos. Rien qu’en France, les attaques aux rançongiciels, ces logiciels malveillants qui bloquent un système ou chiffrent des données avec demande de rançon, ont augmenté de 255% entre 2019 et 2020 selon l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), comme le rapporte un passionnant article de L’Usine Nouvelle. Mais, raconte la journaliste, ce chiffre est sans doute très sous-évalué car « une plainte est déposée pour environ 250 attaques tentées ou réussies » !

Cité dans l’article, Hughes Foulon, le Pdg d’Orange Cyberdefense, affirme : « Devenues la menace numéro un, les attaques par rançongiciels (ransomware en anglais) touchent à 75% les ETI et les PME ». Les cybercriminels se sont professionnalisés. « Ils font de l’ingénierie sociale, ils étudient l’entreprise attaquée, volent les données critiques et évaluent le coût de la remédiation du système pour demander une rançon légèrement inférieure ». Effarant.

Résultat, les cyberattaques font plus mal qu’avant. Celles qui ont touché Renault et Pierre Fabre ont mis leurs usines à l’arrêt, tandis que la PME Lise Charmel (lingerie de luxe) a été placée en redressement judiciaire après plusieurs mois d’arrêt d’activité ! Les clients et fournisseurs des entreprises sont concernés : ainsi en 2019, Airbus a été ciblé à travers quatre attaques majeures de ses sous-traitants, des opérations de cyberespionnage dont on soupçonne la Chine d’être à l’origine. 

Dans ce contexte, la reprise des déplacements professionnels et le boom du télétravail sont un motif d’inquiétude. Dale Buckner, patron de Global Guardian, une société américaine spécialisée dans la cybersécurité, alerte dans Business Travel News : « les appareils électroniques situés en dehors de l’espace physique du bureau ne sont pas suffisamment protégés ». 

Et selon lui, les voyageurs d’affaires ne sont pas assez formés et sensibilisés à cette problématique. Or ils sont l’un des sésames pour entrer dans les systèmes de l’entreprise. Il donne ainsi l’exemple de la connexion wifi d’un hôtel : « un pirate peut reproduire très facilement la page d’accueil de connexion wifi d’un hôtel, et lorsqu’un voyageur souhaite se connecter avec son nom et son numéro de chambre, le pirate assis dans le hall de l’hôtel peut tranquillement pénétrer dans le téléphone ou l’ordinateur du voyageur. Cela peut se produire dans n’importe quel hôtel cinq étoiles de n’importe quelle grande ville du monde, en un instant ! »

Il n’y a pas de choix pour Dale Buckner : « Avec une main d’œuvre plus dispersée que jamais en 2022, les entreprises doivent investir du temps, des efforts et de l’argent pour renforcer leurs défenses de cybersécurité, en éduquant et en formant correctement les employés sur la façon de sécuriser les ordinateurs portables, les téléphones mobiles et autres appareils, tout en s’assurant que le wifi et les routeurs à domicile sont sécurisés ». 

Un chiffre dingue pour finir : cité par L’Usine Nouvelle, le responsable de Campus Cyber, Michel Van Den Berghe, souligne que 80% des PME françaises qui ne paient pas la rançon après une cyberattaque (soit 40% de celles qui sont attaquées) déposent le bilan ! Un nouveau fléau.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Les aéroports français piquent du nez

La crise que traversent les aéroports français aura d’importantes répercussions sur l’industrie du voyage d’affaires, tarifaires mais pas seulement. 

Le bilan est lourd. La pandémie a sérieusement fragilisé les aéroports français selon le rapport annuel de la Cour des comptes détaillé par le journal La Tribune. Rien qu’entre 2019 et 2020, les dix premières plateformes du pays ont vu leur trafic chuter de 70%, passant de 180 millions à 54 millions de passagers, leur chiffre d’affaires divisé par deux, leur bénéfice d’exploitation de 1,1 milliard d’€ se transformer en une perte de 700 millions d’€. 

Par ailleurs, le rapport alerte sur le niveau d’endettement de ces aéroports d’autant que « la date du retour du trafic à son niveau de 2019 est incertaine. La reprise pourrait, en outre, ne pas être totale pour certains segments de clientèle comme les voyageurs d’affaires, compte tenu du fort développement du travail à distance. »

Enfin la Cour des comptes pointe des faiblesses structurelles qui nécessiteraient l’évolution du modèle économique des aéroports, trop dépendant de « la forte croissance du trafic ». 

Des difficultés confirmées par Thomas Juin, le président de l’Union des aéroports français (UAF) dans une très intéressante interview toujours réalisée par La Tribune. Il y révèle que 2021 aura été guère meilleure que 2020 avec une baisse de trafic de 60 à 65% par rapport à 2019. Il estime en revanche qu’en 2022 le recul du trafic sera limité à 30%. Une bonne nouvelle mais pas de quoi pavoiser non plus.

Résultat, les taxes d’aéroport, payées par le passager, vont connaître « une augmentation galopante », prévient-il. Et d’expliquer : « le trafic s’est effondré et la taxe aéroport ne suffit plus à payer ces missions de sécurité-sûreté, dont certains coûts sont incompressibles (maintenance, contrôle d’accès, amortissement des investissements…) ». Ce n’est qu’un début : selon lui, « la fiscalité va augmenter à terme de près de 50 % ». Réjouissante perspective. Sans compter le coût de la transition écologique qu’il estime entre 500 et 800 millions d’€.

Comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, Thomas Juin avertit que le 1eroctobre l’attente aux aéroports pourrait s’aggraver pour les passagers hors Schengen en raison de la mise en place de nouveaux contrôles aux frontières appelés EES. « Le temps de contrôle pour le passager va doubler avec toute une série de formalités supplémentaires dues à l’EES » précise Thomas Juin qui ajoute : « Pour éviter ce doublement, l’Etat a prévu des kiosques de pré-enregistrement mais ces bornes n’empêcheront pas une augmentation de 20% des temps de contrôles actuels et nous estimons que c’est sous-évalué ». Décidément, la reprise des voyages d’affaires post-pandémie ne sera pas de tout repos. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Le forfait mobilités durables boudé par le CAC40

Seuls 38% des grands groupes appliquent ce dispositif volontaire d’aide à la mobilité durable.

Les grandes entreprises traînent des pieds ! Un gros tiers d’entre elles seulement ont mis en place le forfait mobilités durables (FMD), selon une étude réalisée par le député écologiste mais non inscrit Mathieu Orphelin auprès de 43 grands groupes, et relayée par Les Echos.

Introduit en mai 2020 dans le cadre de la loi Mobilité de décembre 2019, le FMD permet aux employeurs de prendre en charge les frais de transports de leurs salariés délaissant leur voiture au profit de modes plus « doux » comme le covoiturage, le vélo, la trottinette… Un forfait pouvant aller jusqu’à 500 € par an, exonéré d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales pour l’employeur. Un montant qui peut même atteindre 600 € en cas de cumul avec des abonnements de transports publics. 

Pourquoi Matthieu Orphelin a-t-il entrepris cette démarche alors que le Ministère des Transports et l’Ademe ont lancé début 2021 un baromètre censé donner une photographie exacte de la progression de ce FMD ? Problème, comme le raconte le magazine Challenges, ce baromètre a été réalisé sur un échantillon non représentatif des employeurs français. Le député a donc décidé d’en savoir un peu plus en interrogeant 43 grandes entreprises, membres du CAC40 ou venant à peine d’en sortir.

Le résultat est décevant, « clairement très insuffisant » juge le député, d’autant que, parmi les 38% de grandes entreprises qui ont mis en place le FMD, l’application reste très variable. Dans certaines, le FMD est limité aux seuls cyclistes alors qu’il a vocation à s’appliquer plus largement. Dans d’autres, les indemnités sont très limitées. Heureusement, quelques entreprises se détachent, les bons élèves se nomment Accor, Orange, Axa ou L’Oréal. 

Matthieu Orphelin souhaiterait que les choses aillent plus vite et voudrait que ce forfait devienne obligatoire. D’abord pour les entreprises de plus de 1 000 salariés, puis pour celles de plus de 250, et ainsi de suite jusqu’à toutes celles de plus de 11 personnes. Une généralisation qui serait soutenue par 76% des Français selon un sondage réalisé par la Fédération des usagers de le bicyclette (FUB). L’enjeu est simple : en 2021, 76% des Français utilisaient encore la voiture pour se rendre au travail, et 62% de ces déplacements faisaient moins de 10km. Pas gagné.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM