Pourquoi les prix vont flamber

La dette accumulée par les fournisseurs du voyage d’affaires pendant la pandémie explique (en partie) la forte hausse des tarifs à venir.

Une montagne de dettes ! Depuis deux ans, les principaux fournisseurs du travel auraient accru leur passif de 540 milliards de US$, soit 475 milliards d’euros ! Un chiffre délirant calculé par Mark O’Brien, un consultant anglais, ancien de BCD Travel, qui s’est fondé sur des rapports publics et financiers ainsi que sur des données issues des grandes agences de notation.

Sur ce montant, quelque 490 milliards de US$ proviennent de prêts bancaires et gouvernementaux. Par secteur, la dette mondiale nouvellement créée s’élève à 350 milliards de US$ pour les compagnies aériennes, 110 milliards pour les hôtels, 20 milliards pour les sociétés de transport terrestre et 10 milliards pour les TMC… 

Avec le « quoiqu’il en coûte », tout le monde a perdu la notion de l’argent et jongle avec les milliards comme avec des carottes. « Mais, prévient Mark O’Brien, ce chiffre est supérieur aux PIB de la Belgique et du Portugal réunis, ou à 7% de l’économie américaine ». 

Une dette qui expose dangereusement les acheteurs et les travel managers. Lors d’une présentation le 21 janvier dernier pour l’Institute of Travel Management (sorte d’équivalent britannique à l’AFTM), Mark O’Brien a déclaré que la pression à la hausse des tarifs résulterait en partie de ce qu’il a appelé « ce refinancement de l’industrie des voyages », comme l’ont rapporté les excellents sites The Company Dime et Skift.

Pour l’instant, les prix semblent rester à un niveau raisonnable par rapport à 2019 car les fournisseurs cherchent à encourager les voyageurs à revenir. Mais cela devrait changer au deuxième semestre, alerte Mark O’Brien, une fois la reprise plus soutenue, « car cette dette doit être remboursée ». Et de préciser : « Les fournisseurs devront alors récupérer leurs pertes, assurer le service de leur dette (les intérêts) et fournir des rendements significatifs à leurs investisseurs financiers. » 

Résultat : selon le consultant, les compagnies aériennes devraient augmenter leurs tarifs de 3,5 à 4,5% sur leurs principales routes par rapport aux niveaux de 2019 d’ici le troisième trimestre. Du côté des hôtels, la hausse serait de 5 à 9%. Quant aux TMC, « elles n’ont pas d’autre choix que de rafraîchir leurs modèles de tarification. » 

Et attention car de nombreux facteurs, autres que celui de la dette, vont ajouter à la pression inflationniste : la hausse du prix du carburant alimentée notamment par le conflit ukrainien, les investissements dans les carburants durables, les taxes d’aéroports, les pénuries de personnel… Dans un article du Figaro, l’expert du transport aérien Xavier Tytelman parie de son côté sur une hausse des tarifs aériens de 5%, « majoritairement du côté des compagnies traditionnelles et non des low costs (…) car leur meilleur état financier leur permet au contraire de relancer la guerre des prix. »

Bref, selon Mark O’Brien, une société qui dépensait habituellement 20 millions de US$ en voyages peut s’attendre à une augmentation comprise entre 875 000 et 1,1 million de US$, soit environ 5% au global. Acheteurs et travel managers, pour faire face à cette pression inflationniste, vous allez devoir faire preuve d’anticipation et de créativité !

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Des suppléments arbitraires sur les billets d’avion ?

Les compagnies aériennes imposent des surcharges qui gonflent la note et échappent aux remises accordées aux entreprises.

Le sujet n’est pas nouveau. Mais la hausse du prix du carburant et la pression inflationniste réveillent l’agacement, pour ne pas dire plus, de certains acheteurs et travel managers. C’est ce que raconte le talentueux Amon Cohen, l’un des piliers historiques de la rédaction de Business Travel News.

En cause, les fameux suppléments imposés par les transporteurs et qui apparaissent sur le billet sous les codes YQ et/ou YR. Quésaco ? Au début des années 2000, les compagnies aériennes ont dû faire face à l’explosion des coûts liés au carburant. Nombreuses d’entre elles ont alors décidé d’instaurer une ligne «surcharge carburant» sur leurs billets. Puis, avec un retour à la normale du prix du baril de pétrole au milieu des années 2010, cette surcharge a été renommée «surcharge transporteur» sous le sigle YQ. Quant au code YR, il recouvre théoriquement une surcharge liée aux assurances. 

Premier problème : l’affichage. Les deux sigles YQ/YR apparaissent parfois sur un même billet de façon distincte, l’un se faisant passer pour l’autre, tandis que certains billets ne mentionnent que le YQ ou que le YR. Le flou est total : pourquoi certaines compagnies aériennes auraient des assurances YR alors que d’autres en seraient dispensées ?

Deuxième problème : comment sont fixées ces surcharges ? Mystère et boule de gomme. Y a-t-il un lien entre le montant de la surcharge YQ/YR et le prix du pétrole ? Un porte-parole de KLM interrogé par Amon Cohen élude la question : « Air France/KLM utilise la surcharge imposée par le transporteur comme une composante tarifaire, qui n’est pas basée sur les coûts ». Circulez, il n’y a rien à voir. Tout juste saura-t-on que « le montant de la surcharge est basé sur des critères concurrentiels et peut donc évoluer en fonction de l’offre et de la demande ». Autant dire qu’il semble donc fixé de façon arbitraire. Gavin Smith, directeur de Element Travel Technology, approuve : « C’est une manière ambigüe et légèrement fallacieuse pour les compagnies de gérer leurs revenus en les poussant sur YQ ou YR ».

Un travel manager, qui a souhaité garder l’anonymat, a calculé que « le coût réel du kérosène d’un Boeing 787 est de 100 US$ par passager entre Londres et New York, en supposant qu’il y ait 250 sièges dans l’avion et que 80% d’entre eux soient occupés. » Or les suppléments YQ/YR observés par ce travel manager sur cette liaison représentent souvent plusieurs fois ce montant. 

Troisième problème et non le moindre : les remises accordées aux entreprises ne s’appliquent pas à ces surcharges. Le porte-parole de KLM le confirme : « Les réductions accordées aux clients d’entreprises s’appliquent en effet seulement au tarif de base. C’est bien connu de nos clients et c’est une pratique du secteur. » Sauf qu’on ne parle pas de montants anecdotiques. Ces surcharges peuvent en effet s’élever à plus de 1000 € selon la liaison et la classe tarifaire et, parfois, peuvent même représenter la quasi-totalité du prix du billet ! 

Jörg Martin, un consultant allemand, est catégorique : « dans de nombreux cas, seuls 50 à 60% du tarif sont négociables pour l’entreprise et dans les cas les plus extrêmes, il ne s’agit que d’un pourcentage à un chiffre. » Une situation d’autant plus difficile pour les travel managers que ces suppléments sont rarement ventilés dans les reportings, difficile donc pour eux de les identifier. 

La suite de cette histoire ? Gavin Smith pense que les acheteurs et les travel managers devraient agir collectivement pour provoquer le changement. « En tant qu’industrie, nous devrions le contester par des actions juridiques ». En attendant, un petit conseil aux acheteurs et travel managers : surveillez bien les lignes YQ et YR car leur montant pourrait bien s’envoler ces prochains mois sous la pression inflationniste !

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Les aéroports français piquent du nez

La crise que traversent les aéroports français aura d’importantes répercussions sur l’industrie du voyage d’affaires, tarifaires mais pas seulement. 

Le bilan est lourd. La pandémie a sérieusement fragilisé les aéroports français selon le rapport annuel de la Cour des comptes détaillé par le journal La Tribune. Rien qu’entre 2019 et 2020, les dix premières plateformes du pays ont vu leur trafic chuter de 70%, passant de 180 millions à 54 millions de passagers, leur chiffre d’affaires divisé par deux, leur bénéfice d’exploitation de 1,1 milliard d’€ se transformer en une perte de 700 millions d’€. 

Par ailleurs, le rapport alerte sur le niveau d’endettement de ces aéroports d’autant que « la date du retour du trafic à son niveau de 2019 est incertaine. La reprise pourrait, en outre, ne pas être totale pour certains segments de clientèle comme les voyageurs d’affaires, compte tenu du fort développement du travail à distance. »

Enfin la Cour des comptes pointe des faiblesses structurelles qui nécessiteraient l’évolution du modèle économique des aéroports, trop dépendant de « la forte croissance du trafic ». 

Des difficultés confirmées par Thomas Juin, le président de l’Union des aéroports français (UAF) dans une très intéressante interview toujours réalisée par La Tribune. Il y révèle que 2021 aura été guère meilleure que 2020 avec une baisse de trafic de 60 à 65% par rapport à 2019. Il estime en revanche qu’en 2022 le recul du trafic sera limité à 30%. Une bonne nouvelle mais pas de quoi pavoiser non plus.

Résultat, les taxes d’aéroport, payées par le passager, vont connaître « une augmentation galopante », prévient-il. Et d’expliquer : « le trafic s’est effondré et la taxe aéroport ne suffit plus à payer ces missions de sécurité-sûreté, dont certains coûts sont incompressibles (maintenance, contrôle d’accès, amortissement des investissements…) ». Ce n’est qu’un début : selon lui, « la fiscalité va augmenter à terme de près de 50 % ». Réjouissante perspective. Sans compter le coût de la transition écologique qu’il estime entre 500 et 800 millions d’€.

Comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, Thomas Juin avertit que le 1eroctobre l’attente aux aéroports pourrait s’aggraver pour les passagers hors Schengen en raison de la mise en place de nouveaux contrôles aux frontières appelés EES. « Le temps de contrôle pour le passager va doubler avec toute une série de formalités supplémentaires dues à l’EES » précise Thomas Juin qui ajoute : « Pour éviter ce doublement, l’Etat a prévu des kiosques de pré-enregistrement mais ces bornes n’empêcheront pas une augmentation de 20% des temps de contrôles actuels et nous estimons que c’est sous-évalué ». Décidément, la reprise des voyages d’affaires post-pandémie ne sera pas de tout repos. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Aérien : attention, les tarifs dynamiques arrivent !

Aérien : attention, les tarifs dynamiques arrivent !

Le transport aérien se prépare à des changements tarifaires sans précédent, accélérés par la pandémie.

« Tarification continue » : les dirigeants des compagnies aériennes du monde entier n’ont plus que ces mots-là à la bouche selon le site Skift qui a livré un excellent article sur le sujet (Lire ici). De quoi s’agit-il ? Les transporteurs veulent « s’affranchir des vieilles méthodes » et « fixer le prix des billets avec autant de souplesse que les applications de covoiturage telles qu’Uber». En clair, ils veulent pouvoir calculer et présenter leurs prix pratiquement en temps réel.

Pour bien comprendre, il convient de saisir comment les choses se passaient jusqu’à présent (et se passent encore). Les grandes compagnies aériennes regroupaient leurs tarifs en 26 tranches, avec une classe tarifaire correspondant à une lettre de l’alphabet. La lettre « F » d’une compagnie peut signifier un billet de première classe plein tarif tandis que la lettre « Z » peut désigner un billet en classe éco à prix très réduit que le voyageur doit acheter au moins trois semaines avant le départ.

Lorsque les places sont épuisées dans une classe tarifaire, à 79 euros par exemple, les ordinateurs proposent généralement des sièges dans une classe plus chère, disons 99 euros, quelle que soit la demande.

« La tarification continue fait exploser ce système » explique Skift, l’objectif étant de proposer des tarifs plus dynamiques en évitant un saut tarifaire trop important d’une classe à l’autre et en offrant des prix s’adaptant mieux à la demande en temps réel. Dans notre exemple, des tarifs à 77, 78 euros ou 80, 81 euros. Donc à l’euro près.

« L’objectif est de permettre à une compagnie aérienne de choisir le meilleur tarif qui maximisera ses revenus » a écrit Nicholas Liotta, chercheur au MIT de Boston. Certains tests ont révélé en effet que la tarification continue ou dynamique pourrait augmenter les revenus des transporteurs de 10% !

L’autre avantage de cette nouvelle tarification est de pouvoir composer et démultiplier très facilement des packages combinant un vol et une option tel un siège avec plus d’espace pour les jambes. Bref, il s’agira de tirer le maximum d’argent des passagers en fonction de leur volonté de payer à un moment T.

Et bien sûr, pour accéder à ces tarifs, il faudra utiliser des canaux qui offrent un contenu NDC (new distribution capability). C’est Lufthansa qui a proposé la première des tarifs dynamiques en octobre dernier, British Airways a suivi en décembre et Air France-KLM a annoncé en mars dernier un accord avec la société technologique Accelya pour la mise en place très prochaine de cette tarification continue. Rappelons que les contenus NDC de la compagnie française seront accessibles via Amadeus le 1er novembre prochain… contre surcharge de quelques euros par segment.

Cité par Skift, Jim Davidson, chef de produit chez Accelya, explique que « la tarification continue est le sujet le plus brûlant de l’après-Covid car la concurrence sur les prix va être féroce, les compagnies aériennes se battant pour récupérer des clients. La sensibilité aux prix sera donc extrêmement volatile, et la tarification continue permettra de réagir de manière beaucoup plus instantanée et précise aux variations de la volonté de payer des clients ».

Pour de nombreux observateurs, la tarification continue va se généraliser assez rapidement bien qu’il demeure encore des difficultés techniques et règlementaires. Les travel managers et les acheteurs doivent d’ores-et-déjà s’y préparer car cette nouvelle tarification va leur donner du fil à retordre. Chris Anthony, cofondateur et directeur général de Kambr Advisory, qui aide les compagnies aériennes à mettre en place des solutions de tarification continue, explique dans Business Travel News Europe (Lire ici) que « les entreprises aiment avoir des certitudes et ce système enlève presque toute certitude ».

Mais d’après lui, la tarification dynamique présente aussi des avantages : « Elle pourrait rendre moins fréquente les grandes fluctuations des tarifs aériens et limiter certaines particularités actuelles, comme lorsque les tarifs en classe affaires sont inférieurs sur certains vols à ceux de la classe économique ». Peut-être, mais une chose est sûre : on s’approche de plus en plus d’une tarification à la tête du client, et cela promet un sérieux… casse-tête pour les travel managers et les acheteurs !

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Réduction des voyages : les banques aussi

Réduction des voyages : les banques aussi

De plus en plus d’entreprises font publiquement part de leur intention de baisser le nombre de leurs déplacements professionnels.

Et maintenant les banques ! Après les grands cabinets de consultants et bien d’autres sociétés, des établissements financiers annoncent vouloir réduire leurs voyages d’affaires après la Covid dans un article du Financial Times du 25 avril (Lire ici).

Noel Quinn, directeur général de HSBC, a ainsi déclaré au FT « qu’il prévoyait de réduire ses propres déplacements de moitié en effectuant des voyages moins nombreux et plus longs ». Les auteurs de l’article en profitent pour rappeler que HSBC a économisé 300 millions de US$ sur ses frais de déplacement en 2020 par rapport à 2019 !

Ils révèlent aussi que la banque néerlandaise « ABN souhaite réduire ses voyages en avion de moitié par rapport à 2017 au cours des cinq prochaines années, notamment en interdisant aux banquiers de prendre l’avion entre ses bureaux européens et en les obligeant à préférer le train ».

Même chose pour le groupe bancaire britannique Lloyds qui « s’est engagé à maintenir l’élan créé pendant la pandémie en limitant les émissions de CO2 dues aux voyages d’affaires à moins de 50% des niveaux de 2019 ».

Les témoignages à l’avenant se multiplient. Andy Halford, directeur financier de Standard Chartered, dont le siège est à Londres, est moins tranché mais s’attend néanmoins à une baisse des déplacements professionnels d’un tiers après la pandémie.

Un banquier d’affaires senior dit : « Je pense que les gens ne voient plus l’intérêt de faire ce qu’ils faisaient précédemment. Prendre l’avion pour une réunion d’une heure par exemple, ces choses-là vont disparaître ». Un autre affirme que « les réunions avec les investisseurs pour faire le point, les tournées de présentation dans le monde entier, tout ceci va diminuer ».

La dimension écologique est la principale raison invoquée. FT a calculé qu’une « réduction de 50% des déplacements des quatre plus grandes banques du Royaume-Uni par rapport à 2019 permettrait d’économiser près de 120 000 tonnes d’émissions de CO2 par an ! » Sachant qu’un vol Paris/Londres émet par exemple une tonne de CO2 par passager…

Signe des temps selon FT, les compagnies aériennes commencent à se résoudre à cette disparition d’une partie des voyages d’affaires. Jeffrey Goh, le directeur général de Star Alliance, prévoit à long terme une baisse d’un tiers des déplacements professionnels. Shai Weiss, directeur général de Virgin Atlantic, l’estime pour sa part à 20%. A contre-courant, Michael O’Leary, le patron provocateur de Ryanair, a affirmé la semaine dernière que les voyages d’affaires allaient complètement se rétablir après la crise. Mais de sa part, le contraire eût été étonnant…

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Carburants durables : les entreprises accélèrent

Carburants durables : les entreprises accélèrent

Les grandes sociétés, dont les salariés voyagent, comptent jouer un rôle actif dans le développement des carburants d’aviation durables. Les initiatives se multiplient.

Les noms sont ronflants mais ils ne sont pas là pour faire de la figuration. Les directeurs des achats de Boeing, Boston Consulting Group, Deloitte, JPMorgan, Microsoft, Netflix et Salesforce ont créé le 20 avril la Sustainable Aviation Buyers Alliance (SABA) comme le rapporte le site The Company Dime (Lire ici).

Son objectif : aider l’industrie aéronautique à atteindre la neutralité carbone en développant la production de carburants d’aviation durables (Sustainable Aviation Fuels, SAF). Sa priorité : établir un système de certificats SAF sur la base de critères environnementaux solides. Un système qui permettra de vérifier et suivre les réductions d’émissions ainsi obtenues grâce à l’utilisation de ces SAF. « Les entreprises et leurs voyageurs d’affaires pourront ainsi poursuivre plus facilement leurs objectifs climatiques ambitieux » affirme la SABA.

Rappelons que les SAF promettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’aviation de 80% par rapport au carburant fossile. Fabriqués à partir d’huiles végétales, de cuisson, de graisses animales…, ils peuvent être mélangés à 50% avec le kérosène fossile et ne nécessitent pas de changer les moteurs. Mais ils coûtent quatre fois plus chers que le carburant fossile. Résultat : ils pèsent 0,1% des 360 milliards de litres de carburant utilisés par l’aviation en 2019.

Pas le choix : pour réduire le prix, il faut que la demande augmente et que la production s’accélère. La seule bonne volonté de l’industrie aéronautique ne suffit pas, il faut que les entreprises clientes s’impliquent dans le développement des SAF. Les partenariats entre compagnies aériennes et entreprises se multiplient : United, Delta, KLM et d’autres ont annoncé récemment la création de leurs programmes SAF dans lesquels sont engagés de nombreuses sociétés. Daniel Tallos, travel manager de Nike pour la région EMEA, expliquait récemment à Business Travel News la nécessité de « conduire le changement par le biais de partenariats avec d’autres entreprises. L’action collective est un élément clé ».

La création de la SABA est une avancée supplémentaire. Elle espère avancer suffisamment sur le sujet de la certification afin de l’ouvrir à une large adhésion pour la COP26 de novembre prochain. Une fois les certificats SAF créés, il faudra pouvoir les stocker dans un registre. Pour ce faire, la SABA a prévenu qu’elle s’appuiera sur la technologie blockchain. Tout devrait être prêt pour la fin 2022. Les certificats donneront ainsi aux entreprises un instrument normalisé pour investir dans les SAF et suivre les réductions d’émissions qui en résultent… sans avoir à acheter et à garantir la livraison de ces carburants à une compagnie spécifique. C’est en somme la naissance du marché du crédit SAF. Et on n’a pas fini d’en parler.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Un rapport préconise la baisse du trafic aérien

Un rapport préconise la baisse du trafic aérien

Celui-ci évalue la baisse de trafic nécessaire à 19% d’ici à 2050 au niveau mondial.

Qu’on soit d’accord ou pas avec ses conclusions, ce rapport, et le large écho qu’il a eu dans la presse, illustre la pression à laquelle le transport aérien va faire face dans les prochaines années. Détaillé par le journal La Tribune (Lire ici), ce rapport a été réalisé par le think tank de la transition carbone « Shift Project » et le « collectif Supaéro Décarbo », un groupe d’une centaine d’élèves et d’anciens élèves de la célèbre école d’ingénieurs en aéronautique.

Comme l’explique le journaliste Fabrice Gliszczynski dans son article, le rapport « remet en question les objectifs des acteurs du secteur, dont la feuille de route visant à réduire de 50% les émissions de CO2 du secteur en 2050 par rapport à 2005, doit permettre de respecter l’Accord de Paris sans réduction de trafic ».

Selon ses auteurs, les innovations technologiques que les professionnels de l’aéronautique et du transport aérien mettent en avant (avion à hydrogène, renouvellement des flottes, carburants alternatifs…) ne permettront pas de limiter le réchauffement climatique à +2° en 2100, tel que l’a défini l’Accord de Paris sur le climat.

Une seule solution : limiter l’usage de l’avion, en agissant notamment sur l’offre. Le rapport préconise ainsi de mettre plus de sièges dans les avions en supprimant les classes affaires et les premières classes, en abandonnant les vols dès lors qu’une alternative ferroviaire existe en 4h30, donc quasiment toutes les lignes intérieures de point à point, et en repensant le système des « miles » qui pousse à la surconsommation de voyages.

Il faut aussi agir sur la demande, disent les auteurs, en allouant des droits à voyager ou en instaurant « une taxe progressive indexée sur la fréquence des voyages et la distance parcourue ».

Au final, il faudrait une diminution du trafic aérien mondial de 19% en 2050 par rapport à 2019, et donc une réduction de la production d’avions de 55%. Comme le souligne l’article de La Tribune, « l’équation économique et sociale est en effet majeure dans ce débat. Le secteur aérien représente 4,3% du PIB français et 435 000 emplois directs et indirects ». Un débat en tous cas qui n’a pas manqué de faire réagir la communauté du voyage d’affaires sur Linkedin, et ce n’est qu’un début !

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Biocarburants : le tournant Microsoft

Biocarburants : le tournant Microsoft
Le géant du logiciel vient de s’engager à acheter du carburant durable pour les vols de ses salariés sur Alaska Airlines.
Un signal fort pour le marché ? C’est en tous cas l’avis de Julia Fidler, responsable des voyages durables et de l’engagement des salariés chez Microsoft au niveau mondial, qui déclare chez nos amis de The Company Dime (Lire ici) : « il faut produire plus de biocarburants dans les années à venir. Nous devons travailler avec tous les fournisseurs pour que cela devienne la norme et non l’exception. Toutes les compagnies aériennes ne peuvent y parvenir sans le soutien de leurs clients. »
L’accord de Microsoft consiste donc à compenser les émissions de CO2 provenant des déplacements de ses salariés entre Seattle et San Francisco, San Jose et Los Angeles. Soit les trois routes les plus empruntées par ses employés sur Alaska Airlines. Mais au lieu de planter des arbres, Microsoft va désormais acheter des biocarburants qui seront livrés à Alaska Airlines.
Fabriqués à partir de déchets ou d’huiles végétales ou animales, ces biojets dégagent, de la collecte des matières premières jusqu’à leur combustion, jusqu’à 80% de CO2 en moins par rapport au kérosène fossile. Autre avantage : d’un point de vue technique, ils ne nécessitent aucune modification de l’avion ou du moteur, n’ont aucune conséquence sur la sécurité du vol, et peuvent même être mélangés au kérosène fossile.
Comment Microsoft finance-t-elle cette compensation ? Pionnier de la tarification interne du carbone, le géant de Seattle facture aux unités commerciales les émissions de CO2 générées par leurs centres de données, leurs laboratoires, leurs bureaux et leurs voyages d’affaires en avion. La tarification du carbone de Microsoft, qui a débuté en janvier 2018, incluait LinkedIn, qu’elle a acquis en 2016. Cette année, Microsoft a doublé la redevance à 15 dollars par tonne métrique. L’objectif de l’entreprise est clair : elle veut passer de la compensation carbone à l’élimination pure et simple du carbone et vise la neutralité d’ici 2030.
Seul problème de ces biocarburants et il est de taille : ils coûtent entre 3 et 6 fois plus cher que le carburant fossile, comme l’explique un article très intéressant du Figaro (Lire ici). « Pour un Paris-New York, injecter 1% de biofuel dans les réservoirs rajoute 4 euros à la facture par passager pour un aller-retour. » Raison pour laquelle ces biocarburants ne pèsent aujourd’hui que 0,1% du carburant utilisé par le transport aérien.
« À la fin, il faut être clair, il faut que le consommateur accepte de payer, car cette transition énergétique aura un coût », déclarait le 20 novembre le PDG de Total Patrick Pouyanné, lors du Paris Air France Forum organisé par le journal La Tribune.
Selon un rapport publié ce mois-ci par le Forum économique mondial et McKinsey, « les faits semblent montrer que les entreprises sont prêtes à payer plus cher pour un transport plus respectueux de l’environnement et, plus particulièrement, pour l’utilisation des biocarburants dans les voyages aériens. »
C’est en tous cas le choix fort pris par Microsoft, bientôt suivie par d’autres entreprises ? Il faudra bien que tout le monde y mette du sien car l’avion à hydrogène, zéro émetteur de gaz à effet de serre, ce n’est pas avant 2035…
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM