TMC : la fin des transaction fee ?

TMC : la fin des transaction fee ?

La crise sanitaire a mis en lumière la fragilité du modèle économique des TMC. Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, le débat fait rage.
« Aucune TMC n’est conçue pour résister à une baisse de 95% de ses frais de transaction », a déclaré Patrick Linnihan, Pdg de la TMC américaine Gant Travel, dans un très bon article rédigé par Elizabeth West, la rédactrice en chef de BTN. Des réservations en berne et des heures de travail non facturées passées à traiter les annulations et les demandes de remboursement : pour les TMC, l’effet ciseaux est redoutable. L’heure est-elle venue de changer de modèle ? Dans un article paru sur le site Skift, le président de la Business Travel Association, qui regroupe les principales TMC britanniques, confirme « qu’un certain nombre de TMC l’envisagent ». Et ajoute « qu’en s’écartant d’une approche basée sur les frais de transaction, les TMC pourraient donner une meilleure démonstration de leur valeur ajoutée ». Paul Abbott, Pdg d’Amex GBT, est d’accord : « notre modèle économique doit refléter la plus grande complexité de la demande ».
Parmi les pistes évoquées, le modèle de l’abonnement remporte de nombreux suffrages. Jorge Cruz, le vice-président des ventes monde de BCD Travel, en est un fervent partisan : « il permet de créer une plus grande proximité avec le client. Je paie X par mois pour une utilisation illimitée des réservations en ligne, offline, et des services. Attention toutefois, dit-il, à inclure tous les services qui ne sont pas mesurés aujourd’hui dans l’environnement transactionnel ». Mais Patrick Linnihan pointe un risque en cas de crise comme la Covid-19 : « les clients qui ne voyagent plus pourraient revenir vers nous et nous demander d’arrêter de payer le prix de l’abonnement ».
Autre piste envisagée : le retour de la gestion dite du « livre ouvert », popularisée dans les années 90 mais délaissée après la quasi-disparition des commissions aériennes. Dominic Short, Président l’ASTM, représentation suisse de l’AFTM, cité par Skift, président de l’assocation suisse du travel management, en défend le principe : « vous mettez sur la table les différents flux de revenus ainsi que tous les éléments de coûts et tout ce qui reste disponible est partagé, à 60/40 ou quelque chose comme ça ». Selon lui, son mérite est d’être plus axé sur les frais de gestion que sur les frais de transaction.
Chris Lewis, fondateur et Pdg de la société de données Travelogix, plaide pour un modèle mixte avec des « frais par tête de voyageur » ajoutés à des « services payants », mettant l’accent sur la capacité de la TMC à délivrer du conseil et à ne pas être un simple preneur de commandes.
D’autres vont encore plus loin. C’est le cas de John Harvey, fondateur de Globalyse, une société de marketing stratégique spécialisé dans le travel, dans un autre article publié sur Skift : « la situation actuelle offre aux TMC une occasion unique de rompre leur dépendance vis-à-vis des revenus des fournisseurs et de créer une proposition de valeur complètement différente pour leurs clients ». Ash Shravah, directeur général de la TMC JTB Business Travel pousse même un cri du cœur en une de l’excellent The Beat : « Chers GDS, arrêtez de nous payer ! ». Pour lui, le vieux modèle de rémunération des agences de voyages par les GDS est le principal frein à l’innovation des TMC : « les progrès technologiques se sont considérablement ralentis. Un fossé s’est créé qui empêche les agences de voyages de pouvoir offrir le même contenu que celui disponible sur les sites web des compagnies aériennes ». Les TMC, dit-il, ont bu le Kool-Aid pendant des années, utilisant ainsi une expression couramment employée aux Etats-Unis faisant référence à une personne qui croit en une idée dangereuse grâce aux fortes récompenses qu’elle peut générer. Et de conclure : « il faut créer un modèle dans lequel le GDS paie la compagnie aérienne pour son contenu et la TMC paie à son tour le GDS pour la technologie. Tour le monde en profitera, c’est aussi simple que cela ».
Et les entreprises clientes des TMC, sont-elles prêtes à ce changement ? John Harvey en est convaincu : « dans le monde d’après Covid, elles vont demander aux TMC de jouer un rôle plus important dans l’analyse de données, le suivi des voyageurs, le bien-être, la sûreté, la sécurité, la gestion des programmes…, bref une recherche d’assurance de voyages et de services qui vont bien au-delà de l’achat d’un billet ». La conclusion revient à Elizabeth West qui écrit : « la crise a cristallisé les objectifs de la gestion des voyages autour du duty of care, et les acheteurs comprennent clairement qu’il y a un coût associé à l’attention accrue portée à ce domaine ».

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Que pense Zoom de l’évolution du voyage d’affaires ?

Que pense Zoom de l’évolution du voyage d’affaires ?

C’est la très bonne question posée par Matthew Parsons, le journaliste de Skift au patron de Zoom, la nouvelle star de la visioconférence.
Dans son article, on y apprend d’abord que la société, passée de 10 millions d’utilisateurs quotidiens en décembre à 300 millions en avril (!), n’a pas de travel manager ni de TMC attitrée malgré un effectif de 2800 personnes. « Nous limitons les voyages au minimum, en raison de la nature de ce que nous vendons », déclare ainsi Phil Perry, patron de Zoom pour le Royaume-Uni et l’Irlande. Selon lui, la plupart des voyages d’affaires peuvent être remplacés par de la visioconférence mais il reconnait toutefois la valeur des réunions en face-à-face. Surtout pour les visites aux clients, « seuls déplacements véritablement nécessaires ». Et de détailler les avantages de Zoom : « nous créons de l’efficacité car la vidéo force les gens à aller droit au but, et nous permettons la réduction des émissions de carbone en évitant des déplacements ». L’argument est opportun, voire opportuniste, mais c’est oublier un peu vite l’impact carbone de l’économie numérique qui serait, si l’on en croit certains chiffres, supérieur à celui du transport aérien.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Reprise des voyages : le casse-tête des travel managers

Les travel managers réfléchissent à la manière dont les entreprises peuvent reprendre les voyages, cela en vaut-t-il la peine ? s’interroge le journal en ligne Skift.
Dans cet excellent papier, le journaliste se demande si les efforts des travel managers pour remettre leurs voyageurs d’affaires sur les routes se justifient tant règne la confusion sur les pays ouverts ou pas et sur les différences de protocoles sanitaires des fournisseurs. « Ils recherchent une formule magique, dit-il, en travaillant sur ce que l’on appelle communément un document de retour au voyage, qui définit les procédures d’approbation et autres processus visant à rassurer à la fois les salariés et les chefs d’entreprise ».
Pour donner une idée du niveau de détail auquel sont confrontés les travel managers, Skift s’est procuré un fameux document de « retour au voyages » d’une entreprise dont il garde le nom secret, et qui comporte les sections suivantes sur 18 pages : « Objectifs ; À propos de Covid-19 ; Sécurité des réservations de voyage ; Cotation iSOS des risques de voyage et médicaux ; Restrictions gouvernementales/immigration ; Restrictions des voyages aériens ; Considérations à l’arrivée ; Sécurité des transports terrestres ; Sécurité des hôtels ; Sécurité des bureaux ; Sécurité des événements ; Conditions pour les voyageurs ; Urgences et imprévus ; Assistance d’urgence 24/7/365 ; et Procédures de communication ». Le journaliste ajoute « qu’avant la pandémie, il aurait été risible de parler d’une liste de contrôle pré, pré, pré-voyage (a pre, pre, pre-trip checklist) mais qu’aujourd’hui c’est la réalité ». Des propos confirmés par Dan Schwartz, responsable des achats indirects pour les voyages internationaux chez Allegion : “Nous donnons aux gens des listes de pré, pré, pré-contrôle pour commencer à penser aux voyages. Ont-ils préparé un kit d’équipement de protection individuelle ? Ont-ils passé en revue toutes les informations de leur profil pour s’assurer qu’elles sont à jour ? ».
De nombreux travel managers finalisent également leur processus d’approbation préalable au voyage où, dans certains cas, seul le décideur le plus haut placé peut autoriser une réservation. « Nous intégrons la direction générale dans la première phase du retour, je m’inquiète de la rapidité », a déclaré Greg Wilczek, responsable des voyages internationaux du Crédit Suisse. De son côté, Andy Cassidy, travel manager de la société de médias AMC Networks International révèle « qu’il y aura un processus d’approbation solide, et avant cela un quiz de formation pour les voyageurs. C’est un quiz en 10 points pour bien faire comprendre que nous ne retournons pas à la normale. Une fois qu’ils ont réussi le quiz, ils peuvent réserver des voyages. Puis ensuite 4 niveaux d’approbation ». Pour l’ensemble des travel managers interrogés par le journaliste, la formation est une étape clé du retour au voyage, fruit « d’un travail avec les ressources humaines pour s’assurer que les salariés sont conscients du paysage futur ».
Certains se plaignent toutefois de la trop grande diversité des protocoles sanitaires mis en place par les fournisseurs, notamment les hôteliers. Ils insistent sur l’importance de la centralisation de ces informations et évoquent l’idée de regrouper et définir ces normes sous forme de codes simples que pourraient adopter les outils de réservation. Et ça, ce n’est pas le moindre des casse-têtes.

Distribution aérienne et NDC : le coup d’accélérateur

La pandémie va-t-elle accélérer le déploiement de NDC ? De nombreux observateurs le pensent.

Et l’annonce par Lufthansa que les agents de voyages ne pourraient plus réserver ses vols via le GDS Sabre dès le 30 juin prochain semble leur donner raison. Jorge Diaz, le Pdg d’AirGateway (un agrégateur) s’en réjouit ouvertement dans PhocusWire, estimant que « Lufthansa envoie un signal fort au secteur sur son engagement avec la distribution directe et NDC » (LIRE ICI).

John Melchior, un expert britannique du voyage d’affaires et du tourisme, explique sur le blog de Travel Tech Consulting que les crises ont toujours eu un rôle de catalyseur : « L’effondrement des valeurs internet et le 11 septembre 2001 ont permis à Expedia et Booking d’accélérer leur croissance et la crise financière de 2008 a entraîné l’émergence d’Airbnb. Je suis convaincu que la distribution alternative va devenir une force concurrentielle majeure » (LIRE ICI). Et de constater : « la réalité d’un monde post-Covid-19 est que les compagnies aériennes continueront à perdre de l’argent pendant de nombreux mois et poursuivront donc leurs efforts pour réduire leurs coûts, et notamment leurs coûts de distribution ».

Sur l’excellent site indépendant Skift, le journaliste Matthew Parsons tire un enseignement de la crise : « si elle a montré quelque chose aux entreprises, c’est bien la nécessité d’avoir des stratégies d’achat agiles pour résister à de telles tempêtes » (LIRE ICI). Et de citer Oliver Benoit, vice-président d’Advito, qui assure : « cette crise est la preuve que la gestion dynamique des performances, plutôt qu’un sourcing traditionnel, est beaucoup plus pertinente ». Dans un autre article de Skift, Steve Domin, patron de Duffel (un agrégateur), affirme : « la tarification dynamique, cette relation directe avec les entreprises et les clients, voilà ce que vont vouloir les compagnies aériennes » (LIRE ICI).

Dans le même papier, Alice Ferrari, Pdg de Travelfusion (autre agrégateur), donne un autre argument en faveur de NDC : « Covid-19 a mis en lumière l’un des grands problèmes auxquels les TMC sont confrontées, à savoir le service après-vente, donner aux voyageurs la possibilité de modifier, d’annuler ou de rembourser leur réservation, car il y a beaucoup de travail manuel. Or NDC va permettre d’automatiser ces process ». Et un représentant d’Amadeus d’aller encore plus loin : « en période de pandémie, un contenu plus riche comme le permet NDC, pourrait inclure des mises à jour sur la situation dans certaines destinations, sur les risques et les mesures de protection ».