Les systèmes d’approbation se perfectionnent

Les entreprises peaufinent leurs systèmes d’approbation des voyages d’affaires. Pour mieux les pérenniser après la crise ?

Paperasserie tatillonne : voilà comment était considérée, il n’y a pas si longtemps encore, l’approbation avant le voyage. Mais le Covid est arrivé et, raconte l’excellent site The Company Dime, elle s’est imposée comme un élément central de gestion des risques ainsi qu’une évaluation incontournable de la meilleure façon d’accomplir les missions. 

De plus en plus, les entreprises généralisent l’approbation à tous les déplacements et sont même plus nombreuses désormais à l’appliquer avant que les voyageurs ne les réservent. Les personnes chargées de l’approbation changent également : direction générale mais aussi de la sécurité, des risques et des ressources humaines. 

« Pour de nombreux programmes voyages, écrit le journaliste David Jonas, la clé à court terme est de s’assurer que seuls les voyages essentiels seront effectués ». Pas simple d’en déterminer les contours affirme David Zimmer, qui dirige l’expérience voyageur au niveau mondial chez CWT, « la définition d’un voyage sûr ou autorisé varie d’une entreprise à l’autre, d’un voyageur à l’autre ». Michael Hall, travel manager d’Illumine, une société de biotech basée à San Diego, résume le mieux la situation : « dans le passé l’approbateur regardait où et combien, maintenant il doit savoir pourquoi ». 

Autre changement, majeur, induit par le Covid : avant la pandémie, l’approbation préalable se faisait après la réservation et avant l’émission du billet. De plus en plus, elle se situe désormais au stade de la pré-réservation. Un travel manager confirme ainsi qu’une légère modification de la politique voyages a permis de remplacer « les déplacements doivent être approuvés par un responsable » par « les déplacements doivent être pré-approuvés par un responsable ». 

C’est en tous cas à ce stade qu’aujourd’hui les innovations techniques se multiplient. CWT, Amex GBT, BCD, Concur, sociétés de technologies… : ces fournisseurs rivalisent aujourd’hui d’imagination pour améliorer leur offre de produit, ajouter des options, automatiser davantage, et ainsi mieux répondre aux nouveaux besoins de leurs clients. Et après ? Si la situation sanitaire s’améliore, les entreprises assoupliront sans doute les règles d’approbation pour les voyages domestiques mais il y a peu de chances qu’elles en fassent de même pour les déplacements internationaux. Avant longtemps sans doute…

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Pay As You Fly : une révolution ?

Pay As You Fly : une révolution ?

Payer le billet d’avion au moment de l’enregistrement et non à la réservation : les travel managers en ont rêvé, Lufthansa l’a fait. Oui mais…

Coup de tonnerre dans le transport aérien ! Cité par Business Travel News Europe (Lire ici), Christoph Carnier, président du VDR, l’équivalent allemand de l’AFTM, se félicite : « Nous nous réjouissons que Lufthansa ait été réceptive à nos propositions (…) et qu’elle adopte désormais une position pionnière sur cette question ».

C’est une revendication déjà ancienne du VDR mais que la pandémie a intensifié : abandonner le modèle de crédit actuel, dans lequel les entreprises et les voyageurs supportent le risque, au profit d’un modèle de paiement au moment de l’enregistrement.

Avec la Covid-19, ce modèle de crédit a montré ses limites comme l’explique Inge Pirner, la vice-présidente de VDR, dans un autre article de BTN Europe(Lire ici) : « Si un grand nombre d’annulation se produit en raison d’une crise, les compagnies aériennes ne sont pas en mesure de rembourser l’argent dû aux clients. Cette pratique devient alors l’accélérateur de la crise ». Et survient le scandale des billets non volés et non remboursés dans lequel ont été empêtrés l’année dernière les TMC et leurs clients.

En réalité, le Pay As You Fly (PAYF) existe depuis 1997, avec Siemens comme client pilote, mais n’était disponible que pour les entreprises dépassant un certain volume. Désormais, aucun volume d’achat minimum n’est requis et le tarif est valable sur l’ensemble des vols intérieurs et intra-communautaires de Lufthansa et de ses autres compagnies, Austrian Airlines, Brussels Airlines et Swiss. Un sacré changement !

Pour l’entreprise, c’est tout bénéfice : le risque est minimisé, le flux de trésorerie optimisé et les problèmes liés aux remboursements disparaissent. Combien ça coûte ? A ce jour, PAYF n’est appliqué qu’aux classes tarifaires supérieures. Interrogé par BTN Europe, Alexander Albert, directeur général de BCD Travel Germany, avance « qu’un tarif PAYF est généralement le double ou le triple du tarif le plus bas de Lufthansa en Economy Light, légèrement supérieur à Economy Comfort mais inférieur au tarif Economy Flex ».

Seulement il y a un hic. Lufthansa affirme qu’elle continuera à faire du PAYF l’exception plutôt que la règle car cette pratique rend la planification des vols très complexe. « Or, voler avec des avions à moitié vides n’aurait aucun sens économique ni écologique ». Une objection que balaie le consultant allemand, Jörg Martin, car rien n’empêche selon lui que le PAYF soit assorti de restrictions, telles des pénalités au cas où le voyageur ne se présente pas à l’embarquement qui seraient débitées automatiquement sur le compte de l’entreprise.

Guillaume Bizet, d’Areka Consulting, est plus circonspect. Pour lui, la complexité des remboursements dissuade en partie les voyageurs d’annuler leurs vols. En inversant la procédure (pénalités et non pas remboursement), « PAYF pourrait entraîner davantage d’annulations, ce qui serait problématique pour les compagnies aériennes, c’est pourquoi elles ne vont certainement pas étendre cela à tous les types de tarifs ».

Les autres compagnies aériennes vont-elles suivre ? Dominic Short, président de l’association suisse du travel management, est convaincu que PAYF donne un avantage concurrentiel à Lufthansa : « Vous serez un partenaire plus attrayant qu’une compagnie qui veut garder les choses en l’état ».

Christoph Carnier, le président de VDR, espère en tous cas sa généralisation et s’attend à l’émergence d’un écart croissant des prix avec, comme sur le marché hôtelier, des remises pour le paiement au moment de la réservation et un surcoût pour un règlement au moment où le vol décolle. « En tant que client, je peux décider de payer un peu plus cher, mais je suis en sécurité et je ne serai facturé que si je reçois réellement mes marchandises » explique-t-il.

Pour sa vice-présidente, Inge Pirner, la Covid est un moment idéal pour « développer un modèle commercial d’avenir, équitable pour les clients et les agents de voyage, et à l’épreuve des crises ». Voyage d’affaires, the great reset* ?

*The Great Reset (La grande réinitialisation) est le titre du livre sorti en juin 2020 par Klaus Schwab, fondateur du Forum de Davos, et Thierry Malleret, ancien directeur de ce même Forum.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Quand les resas en ligne reviendront-elles ?

Quand les resas en ligne reviendront-elles ?

L’adoption de la réservation en ligne a chuté avec la pandémie. Le retour à la normale suscite bien des interrogations et le défi est de taille.

Le constat est sans appel : après avoir dépassé les 60% à l’échelle mondiale, le taux d’adoption online serait tombé à 40% en 2020 selon Kurt Ekert, le Pdg de CWT, dont les propos ont été rapportés par le site The Company Dime (Lire ici). Kurt Ekert affirme néanmoins qu’il était à nouveau de 50% en février dernier, soit le niveau d’il y a huit ans !

Une baisse confirmée par son concurrent American Express GBT qui précise la conséquence de cette situation : « Notre temps de traitement moyen a augmenté de 30% dans nos canaux hors ligne en raison du type de questions qui sont posées ». Rien que de très normal : en temps de crise, les hommes font davantage confiance aux hommes qu’aux machines pour avoir les dernières informations. Et comme les règles et contraintes sanitaires changent tous les jours ou presque…

Certaines entreprises, raconte le journaliste Jay Campbell, comme Crédit Suisse ou TIAA (un fonds de placement américain) ont même désactivé les réservations en ligne à cause de la pandémie. « Nous avons paramétré Concur pour qu’il regarde mais ne réserve pas », a déclaré Paula Finn, responsable des voyages d’affaires internationaux chez TIAA. «Nous avons fait cela pour que notre TMC puisse vérifier que les voyageurs ont l’autorisation de voyager. Elle peut également avertir les voyageurs des restrictions s’ils se rendent quelque part».

« Tant que l’OMS n’aura pas retiré l’étiquette “pandémie” et que l’immunité collective n’aura pas été atteinte avec le vaccin au niveau mondial, je ne vois pas comment les transactions online pourraient fonctionner efficacement », explique John Rose, le directeur des risques de la TMC américaine Altour. « Beaucoup ressembleront à un hybride où la réservation commence en ligne mais nécessitera ensuite l’assistance d’un agent de voyages ».

Le principal défi est de savoir où un voyageur d’affaires doit chercher les dernières restrictions ou exigences liées au Covid des pays et des nombreux fournisseurs. Les avis divergent quant à savoir si les OBT sont le meilleur vecteur de ces informations. Car elles peuvent aussi se trouver dans les systèmes d’approbation avant le voyage, dans les applications mobiles, ou via des liens vers des portails internes ou fournis par la TMC.

Selon SAP Concur, 70% des 3200 utilisateurs de leur application mobile, interrogés en décembre, ont indiqué qu’ils souhaitaient connaître ces informations avant de réserver ou pendant le processus de planification du voyage.

Restent de nombreuses interrogations : les informations doivent-elles être statiques ou mises à jour en temps réel ? Sont-elles rafraîchies tout au long du voyage et reliées à un dispositif d’assistance ? Doivent-elles être spécifiques au profil de l’utilisateur, en fonction de ses habitudes de voyage, de ses destinations habituelles ?

Bref, cela va prendre du temps. Kurt Ekert est d’ailleurs catégorique : « Tout cela va se numériser mais il faudra quelques années pour revenir au taux d’adoption online où nous étions en 2019 ».

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Gestion des voyages : un changement de paradigme

Gestion des voyages : un changement de paradigme

On rase tout et on recommence ! L’expérience menée par une entreprise britannique pour gérer ses déplacements autrement s’annonce passionnante.

« Comprendre l’activité de notre activité » : voilà comment Emma Jones, directrice des achats de Willis Towers Watson définit la clé de sa nouvelle stratégie voyages dans The Business Travel Magazine (Lire ici). Willis Towers Watson est une société internationale de conseil et de courtage en assurances qui compte 45 000 salariés dont 28 000 se déplaçaient régulièrement avant la pandémie. Les dépenses voyages de l’entreprise s’élevaient à environ 250 millions de US$ en 2019.

Avant la crise sanitaire, Willis Towers Watson faisait comme tout le monde, explique Stephen Lascelles, travel manager EMEA et APAC, dans un excellent article de BTN (Lire ici) : pour évaluer son budget voyages, l’entreprise regardait les dépenses de l’année précédente et procédait à des ajustements relativement mineurs en fonction de l’offre et de la demande. « Nous voulons renverser cette approche et dire que c’est un modèle dépassé, a déclaré Stephen Lascelles, c’est l’occasion de tout réinitialiser et de se demander plutôt ce que nous devons dépenser pour réussir ».

Pour Amon Cohen, auteur de l’article et grande plume du voyage d’affaires, « le calcul du budget voyages est irrévocablement modifié par non pas une mais deux crises :  le coronavirus et l’urgence climatique ». Et de citer un webinaire qui a rassemblé récemment des travel managers du Royaume-Uni et d’Irlande dont la conclusion unanime fut : « pour le bien de l’environnement, personne ne veut voir les voyages revenir aux niveaux de 2019 ».

Dans ce contexte, Willis Towers Watson décide de comprendre pourquoi les collaborateurs voyageaient, à quelle fréquence et quel était l’impact de ces déplacements sur les revenus de l’entreprise. Emma Jones explique : « Nous devions identifier les interactions physiques qui généraient les meilleurs retours et ajoutaient de la valeur à l’entreprise, et celles qui pouvaient être effectuées virtuellement sans impact sur les revenus ». Et de poursuivre : « Nous devions également tenir compte de l’impact de tout déplacement sur le bien-être des collaborateurs, sur notre base de coûts, et sur la durabilité car la réduction des émissions de CO2 est l’un des principaux objectifs ».

Le résultat ? Le travail n’est pas encore terminé mais l’objectif final est d’établir un ensemble de directives claires, en déterminant la manière dont les salariés interagissent (en interne et en externe), et en rendant totalement transparent la définition d’un voyage autorisé.

Emma Jones s’enthousiasme : « Dès lors que la valeur des voyages devient plus visible en tant que facteur de réussite de l’entreprise, l’équipe chargée des voyages devient naturellement un conseiller de l’entreprise ». Un exemple ? En mesurant les dépenses de voyages par rapport aux revenus et à la marge bénéficiaire de l’entreprise, les travel managers peuvent essayer d’aider les départements où les dépenses sont élevées mais les revenus relativement faibles. Ils peuvent ainsi donner des idées pour réduire les coûts et la consommation de carbone, proposer d’envoyer moins de collègues à une même réunion ou rechercher des alternatives virtuelles.

Pour Emma Jones, cette période constitue une énorme opportunité pour les travel managers. Stephen Lascelles confirme : dans cette démarche, « le retour sur investissement devient capital, cela signifie qu’il faudra s’aventurer dans l’analyse des données financières, un domaine où les travel managers n’ont pas l’habitude de mettre les pieds ».

Il pense aussi que les récentes améliorations en matière d’intelligence économique seront utiles, « notamment une saisie plus sophistiquée de l’objectif de chaque déplacement et des enquêtes post-voyage demandant aux employés si leur voyage a atteint ses objectifs professionnels ».

Willis Towers Watson n’est pas la seule entreprise à s’engager sur cette voie novatrice, les expériences se multiplient dans le monde anglo-saxon, il faudra en scruter les premiers résultats pour en déterminer la pertinence autrement qu’en théorie.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Externaliser ou pas la gestion des voyages ?

Externaliser ou pas la gestion des voyages ?
La question resurgit à la faveur de la pandémie mais la réponse reste complexe.
Tout est parti d’une étude publiée en novembre dernier par McKinsey, raconte l’excellent site The Company Dime (Lire ici). Le prestigieux cabinet américain (qui conseille la France dans sa campagne de vaccination…) n’y va pas par quatre chemins : s’il préconise d’optimiser les achats indirects plutôt que de les externaliser, il conseille néanmoins aux entreprises d’externaliser ses achats voyages car « les voyages et les divertissements (appréciez l’association) ne constituent pas une activité stratégique. » Et d’ajouter : « Comme de nombreuses entreprises tierces sont spécialisées dans cette fonction, l’externalisation de cette catégorie peut être rentable. »
De prime abord, la situation semble très favorable à cette externalisation. Pourquoi en effet avoir un travel manager alors qu’il n’y a pratiquement plus de voyages ? A cette question, abrupte, certaines entreprises ont répondu tout aussi abruptement, en licenciant leurs travel managers et/ou leurs acheteurs. Dans le même temps, les TMC ont procédé à de nombreuses suppressions d’emplois, notamment des account managers qui faisaient office de travel managers pour des entreprises qui n’en avaient pas. Si vous ajoutez à ça « la multiplication des experts indépendants et autres vétérans de l’industrie qui s’adonnent au conseil », vous obtenez le cocktail parfait pour une externalisation de la gestion des voyages.
Attention toutefois à bien mesurer la complexité d’une telle démarche. Selon McKinsey, « la décision d’externaliser les activités de création de valeur dépend de deux facteurs principaux : l’importance stratégique de la catégorie (les voyages) et l’étendue des capacités de sourcing interne. L’importance stratégique consiste à savoir si la catégorie crée un avantage concurrentiel et nécessite une implication étroite de l’entreprise, ou à l’inverse si l’externalisation générerait des risques supplémentaires substantiels. »
Les voyages ont-ils une importance stratégique ? Toute la question est là, un peu vite balayée par McKinsey. L’auteur de l’article nuance d’ailleurs et souligne à raison que « la réponse varie et dépend de chaque entreprise. L’engagement, la productivité et le bien-être des collaborateurs peuvent être stratégiques. »
Jonathan Schiff, professeur d’université, prévient aussi : « Les entreprises qui externalisent ont tendance à réaliser beaucoup moins d’économies que prévu en raison de la surveillance qui est toujours nécessaire. » En clair, une externalisation réussie suppose, non pas une délégation totale, mais une gestion continue.
Toutefois, l’écueil majeur de l’externalisation semble être la recherche d’économies à tout prix. Howard Brooks, ancien travel manager puis responsable de l’externalisation des voyages chez le prestataire Procurian, met en garde ceux qui considèrent « les voyages comme un coût sans tenir compte de la sécurité, du sanitaire ou de la préférence des voyageurs. » Avant de conclure : « Si le Covid nous a appris quelque chose, c’est bien que les économies ne peuvent pas être le seul moteur de la gestion d’un programme voyages. »
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Voyage d’affaires : un déclin inexorable ?

Voyage d’affaires : un déclin inexorable ?
C’est la thèse soutenue par Scott Gillespie. On est d’accord ou pas, mais l’analyse est passionnante.
Scott Gillespie a encore frappé ! Ici, à L’Oeil de l’AFTM, vous l’aurez compris, on n’est pas très impartial concernant l’un des observateurs les plus originaux de ce secteur. La pertinence de ses analyses méritent souvent le détour. Et la dernière, publiée dans l’incontournable Business Travel News, n’échappe pas à la règle (Lire ici).
Son postulat : les voyages d’affaires ont atteint un pic et ne reviendront jamais à leur niveau d’avant-crise. Télétravail, visioconférences et impact sur le climat sont les trois raisons majeures qui expliquent ce déclin inexorable. Trois raisons dont il souligne « la synergie », d’autant plus durables « qu’elles se renforcent mutuellement. »
Mais selon lui, la quatrième raison, la plus forte, est celle du directeur financier qui, avant approbation désormais obligatoire, demandera : « Pourquoi ne pouvez-vous pas faire ces réunions virtuellement ? Il n’y a pas de frais de déplacement, pas de temps perdu et pas d’émissions de carbone, n’est-ce pas ? » Et d’en déduire que « beaucoup de voyages d’affaires ne franchiront pas ce dernier obstacle. »
Ceci posé, Scott Gillespie dresse un tableau des conséquences de ce déclin sur le voyage d’affaires post-Covid. Nous en avons retenu quelques-unes :

  • Moins de fournisseurs et moins de travel managers.
  • La catégorie des voyages perd de son importance, elle est noyée dans d’autres dépenses indirectes.
  • Moins de voyages et moins de voyageurs, mais ceux qui voyageront seront considérés comme « importants », tout comme leurs voyages.
  • Moins d’attention sur les prix des voyages et les économies de coûts. Plus le voyage est important, moins on s’inquiète du prix (conséquence : les compagnies aériennes augmentent les prix pour les voyageurs d’affaires). Les économies négociées sont considérées comme insignifiantes face aux « économies énormes » réalisées en faisant moins de voyages (rappelons ici qu’Amazon a fait un milliard de US$ d’économies sur ses frais de déplacements en 2020 grâce au Covid !!!). Les acheteurs délaissent le prix pour évaluer les qualités des produits, des services et des relations avec les fournisseurs.
  • Davantage d’externalisation vers les TMC, la baisse drastique des budgets voyages rendant cette option plus séduisante pour les directions des entreprises.

Et Scott Gillespie de conclure : « Nous entrons dans un nouveau paradigme, fondé sur la remise en cause de la nécessité des voyages. Il s’agit désormais beaucoup moins d’amener les gens à des réunions que de valoriser la réunion et la rencontre physique elles-mêmes. Notre industrie doit s’approprier ce changement. » Voilà qui a le mérite d’alimenter le débat sur le monde d’après, une expression facile j’en conviens mais sans doute pas galvaudée quand il s’agit du voyage d’affaires.
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Plus d’un tiers des voyages d’affaires pourrait disparaître

Plus d’un tiers des voyages d’affaires pourrait disparaître
Une étude estime qu’entre 19% et 36% des voyages d’affaires seront perdus à jamais après la pandémie du Covid-19.
Bien sûr, ce n’est qu’une étude et il convient de rester prudent. Mais le cabinet américain qui l’a réalisé, IdeaWorks, a plutôt bonne réputation et son expertise sur le transport aérien fait autorité. Sa dernière étude (Lire ici), se fonde sur une analyse de sources industrielles, gouvernementales et universitaires, sur les prévisions d’experts du voyage et sur les commentaires de 15 dirigeants du secteur. Ses conclusions sont inquiétantes et affirment que les conséquences du Covid-19 seront autrement plus violentes que les crises précédentes comme celle du 11 septembre 2001.
Premier enseignement : les voyages intra-entreprises, qui représentaient avant la pandémie 20% des voyages d’affaires effectués en avion, diminueront de 40 à 60% après le Covid. L’étude affirme ainsi que « le seuil de 21 jours suffit au développement d’une nouvelle habitude. » Or la pandémie s’est installée dans le temps et les habitudes de visioconférences acquises en 2020 et 2021 seront durables. « Les relations entre les salariés, les divisions, les bureaux régionaux et le siège de l’entreprises ont été contraintes d’évoluer ».
Les voyages d’aide au client et d’après-vente, qui représentaient jusqu’alors 10% des voyages d’affaires réalisés en avion, pourraient baisser de 20 à 30%, remplacés eux aussi pour partie par de la visioconférence. Les voyages pour assister à des conventions ou des salons professionnels, qui totalisent 20% des déplacements d’affaires effectués en avion, pourraient quant à eux chuter de 10 à 20% en raison du passage à des événements virtuels.
Au final, IdeaWorks s’attend donc à une baisse générale de 19 à 36% des voyages d’affaires une fois la crise du Covid passée. Seuls les voyages nécessaires à l’activité commerciales de l’entreprise (signature contrat, fidélisation client, recherche de nouveaux clients…) seront épargnés, ainsi que les déplacements d’assistance technique et de maintenance. Ils représentent respectivement 25% et 10% du trafic affaires des compagnies aériennes.
Ces sombres perspectives pour le voyage d’affaires viennent conforter les déclarations tapageuses de certains grands décideurs. On se souvient de Bill Gates, co-fondateur de Microsoft (propriétaire de Teams), qui déclara mi-novembre que « 50% des voyages d’affaires allaient disparaître. » Il corroborait ainsi les propos du directeur mondial des voyages de Microsoft au Skift Global Forum fin septembre : « nos voyages ont diminué de 95% depuis le début de la pandémie, la façon dont nous faisons des affaires est changée à jamais. »
D’autres mauvais signaux sont venus étayer cette thèse pessimiste. Fin octobre, lors de la publication de ses résultats du 3e trimestre, Amazon annonçait avoir économisé un milliard de dollars sur ses dépenses voyages depuis le début de la pandémie ! Un chiffre vertigineux que le directeur financier du géant du commerce en ligne, Brian Olsavsky, n’hésitait pas à mettre en parallèle avec des ventes qui, au 3e trimestre, progressaient de… 37%. Rappelons qu’Amazon a dépensé en 2019 rien qu’aux Etats-Unis la modique somme de 500 millions de dollars en billets d’avion…
Quelques jours plus tard, Natarajan Chandrasekaran, président de Tata Sons, l’immense conglomérat indien (près de 104 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2016), affirme au New York Times qu’il avait jusqu’à présent l’habitude de prendre l’avion de l’Inde vers les États-Unis pour présenter un projet de 50 000 dollars mais qu’il avait conclu récemment pour 2 milliards de dollars d’affaires en “cinq ou six appels Zoom” !
Un peu sonné par ces déclarations qui sont loin d’être isolées, le transport aérien cherche la parade. C’est Scott Kirby, le Pdg de United, qui a trouvé la bonne formule (Lire ici) : « J’aime à dire que la première fois que quelqu’un perdra une vente au profit d’un concurrent qui s’est présenté en personne, ce sera la dernière fois qu’il aura fait appel à Zoom ». La bataille des punchlines ne fait que commencer !
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Réservation : faut-il laisser entière liberté aux voyageurs ?

Réservation : faut-il laisser entière liberté aux voyageurs ?
Contre toute attente, des entreprises ont décidé de laisser leurs voyageurs réserver en dehors des canaux recommandés.
La cause paraissait entendue. Avec la pandémie du Covid-19, le leakage (« fuite » ou « perte » en anglais), cette pratique consistant pour les voyageurs à réserver en dehors des canaux recommandés par la politique voyages de l’entreprise, vivrait ses derniers soubresauts. Le devoir de protection de l’entreprise et la nécessité de disposer de fournisseurs contrôlés affichant des procédures d’hygiène strictes l’emporteraient sur toute autre considération.
Eh bien non, des entreprises ne l’entendent pas de cette oreille, comme nous le rapporte l’excellent journal en ligne Skift (Lire ici). ZS Associates, une société de conseil basée dans l’Illinois, et Ritchie Bros Auctioneers, une entreprise canadienne de machines industrielles, sont en train de tester des programmes de voyages hybrides.
Tout l’intérêt de l’expérience est là : il ne s’agit pas d’ouvrir les vannes en grand mais d’y aller étape par étape, en testant la formule « auprès d’une vingtaine de voyageurs dans un premier temps » comme le précise Michelle Grant, travel manager chez Ritchie Bros.
Les deux entreprises sont tout à fait conscientes des risques encourus par une telle pratique : difficulté à assurer la sécurité des voyageurs, perte potentielle du contrôle des coûts, perte éventuelle du pouvoir de négociation auprès des fournisseurs référencés.
Oui, mais les avantages sont tout aussi évidents : « nous avons constaté une diminution des frais de transaction pour la TMC, et des voyageurs plus heureux et plus productifs », a déclaré Suzanne Boyan, responsable des réunions et des voyages chez ZS Associates.
Comment éviter que cette liberté donnée aux voyageurs ne génère trop de dérapages ? Pour Suzanne Boyan, l’implication de la TMC dans cette démarche est capitale : « notre TMC considère cette idée comme une occasion pour elle de faire quelque chose qui n’a jamais été fait auparavant et elle a trouvé un moyen de récupérer les données de nos réservations directes et de fournir un service à ces voyageurs, que nous mettrons en place dès que les voyages reprendront. »
L’article de Skift cite aussi une plateforme technologique développée par la société Traxo qui aide les entreprises à suivre les réservations hors canal et les aide à surveiller les déplacements de ces voyageurs et le montant de leurs dépenses.
Un traçage qui pourrait permettre également de créer de nouvelles opportunités avec certains fournisseurs et la possibilité de négocier les tarifs.
On l’aura compris : l’idée de ZS Associates et Ritchie Bros n’est pas d’imposer un modèle mais de laisser le choix au voyageur entre une réservation libre mais traçable et une réservation encadrée (via la TMC) mais rassurante. Un programme voyages hybride qui peut être une opportunité pour la TMC d’offrir davantage de services et de conseils au moment où les frais de transaction sont remis en question.
Et Skift de conclure : « et tout ce qui permet au voyageur de se sentir plus à l’aise, et en contrôle, pour son premier voyage d’affaires post-pandémique devrait être le bienvenu. »
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Comment définir la valeur d’un voyage d’affaires ?

Comment définir la valeur d’un voyage d’affaires ?
Caroline Strachan dévoile sa méthodologie pour aider les travel managers à déterminer un voyage essentiel. Instructif et utile.
Dans le monde anglo-saxon du voyage d’affaires, Caroline Strachan est reconnue comme l’une des personnalités les plus influentes du secteur. Son parcours, acheteuse chez Cisco, Yahoo ou AstraZeneca puis VP Global Consulting chez Amex GBT et désormais directrice associée chez Festive Road, le cabinet-conseil londonien, force le respect.
Sa dernière chronique dans l’excellent Business Travel News (Lire ici), intitulée « Le chemin vers un voyage utile », livre quelques conseils très salutaires à tous les travel managers qui veulent entrer du bon pied dans le new normal comme disent les Américains, ce nouveau monde du business travel.
Sa phrase d’introduction annonce la couleur : « on dit qu’on ne connaît pas vraiment la valeur d’une chose avant qu’elle ne soit plus là. Eh bien, la capacité de voyager a actuellement disparu. Il est donc temps d’évaluer sa véritable valeur. » Et d’avertir : « mais les travel managers ne doivent pas attendre que d’autres déterminent à leur place quels types de voyages seront utiles à leur entreprise ! »
Son point de départ ? La demande ! Toujours commencer par la demande, dit-elle. Et se poser les bonnes questions : quel est le moteur de la demande ? Pourquoi le produit ou le service est-il nécessaire ? Elle explique en s’interrogeant : « Et si nous prenions l’initiative de comprendre pourquoi leurs collaborateurs voyagent ? Non pas pour savoir quels vols ils prennent, combien ils dépensent ou quel pourcentage de réservations sont effectuées en ligne, mais plutôt pour susciter une discussion plus utile, qui parle leur langue. Une discussion qui les aide à réfléchir à leur véritable besoin commercial, en accord avec la culture et les objectifs de l’entreprise. »
Sa méthode ? Classer les voyages de l’entreprise en 3 catégories puis en plus de 30 sous-catégories. Ensuite confronter tous ces types de voyages avec le « pourquoi » (la valeur que le voyage crée). Puis partir du principe que ces voyages n’existent pas et se demander si cela vaut la peine que l’entreprise investisse dans tel ou tel voyage. Une technique qui selon elle permet d’atteindre la vraie valeur du voyage.
Pour Caroline Strachan, les trois catégories sont : l’organisation (tous les voyages qui permettent à l’entreprise de fonctionner correctement, de produire…), le client (les voyages qui se rapportent aux ventes) et les personnes (les voyages nécessaires pour attirer, motiver et gérer le personnel).
Pour la catégorie « organisation », elle donne un exemple de sous-catégorie : « la garantie de la chaine d’approvisionnement ». Et d’expliquer : « réfléchissez aux fournisseurs clés qui auraient un effet négatif considérable sur votre entreprise s’ils cessaient leurs activités demain (par exemple, un fabricant a des problèmes d’approvisionnement et cesse de créer un ingrédient d’un médicament qui peut sauver des vies). Quel est le risque de ne pas passer du temps en personne dans leurs installations ? » S’il n’y a pas de risque, l’évaluation déterminera un besoin de réunions virtuelles et non de déplacements.
Même chose pour la catégorie « client ». Caroline Strachan cite une sous-catégorie qui serait : « développement des revenus avec les clients existants ». Et là encore d’expliquer : « considérez la fréquence à laquelle les clients attendent de vos collaborateurs qu’ils passent du temps avec eux. Les concurrents visent-ils vos clients ? Quels clients sont à risque ou doivent être renouvelés ? Quels sont les nouveaux produits ou services qui nécessitent une visite sur place pour évaluer véritablement leur besoin d’achat ? »
Selon elle, cette approche permet à l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise « de se mettre d’accord sur ce qu’est un voyage utile » mais aussi au travel manager d’être considéré « comme le penseur stratégique qui peut remettre en question les demandes de voyages inutiles et encourager les demandes utiles. »
Pour Caroline Strachan, « nous sommes au début de ce voyage, personne n’est jamais venu ici auparavant. Cela peut être à la fois décourageant et excitant. Pendant que nous ne voyageons pas, profitons de cette pause pour créer quelque chose de mieux que ce que nous avions avant – un voyage utile qui apporte une valeur ajoutée à votre entreprise. » Et de conclure à l’adresse des acheteurs et des travel managers : « Êtes-vous prêts ? »
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Voyager moins ? Et si c’était bien ?

Voyager moins ? Et si c’était bien ?
C’est la question osée que pose une grande plume du voyage d’affaires dans un éditorial culotté.
Amon Cohen est une voix qui compte dans le voyage d’affaires. Depuis 28 ans, ses articles dans Business Travel News sont un plaisir de lecture, bien informés, ciselés, précis et anglés. Son dernier édito (Lire ici) est un modèle du genre.
Il débute par une note d’humour, avouant qu’il va pour la première fois depuis 28 ans être obligé d’aller acheter un stylo à bille, lui qui avait l’habitude de se fournir gratuitement lors des différents salons et congrès professionnels qui rythment en permanence l’année de tout bon professionnel du business travel. En fait, une métaphore pour montrer combien la situation est extraordinaire et va accoucher d’un changement radical.
Puis il déroule son raisonnement : « les deux questions auxquelles tout le monde dans le domaine des voyages d’affaires veut avoir la réponse, mais personne ne le sait, sont les suivantes : quand le marché va-t-il se redresser, et dans quelle mesure ? »
Mais il concède rapidement : « nous ne sommes même pas sûrs de ce que nous aimerions que ces réponses soient. Imaginons, par exemple, le scénario très improbable selon lequel les voyages d’affaires retrouveraient leur niveau de 2019 à la fin de 2021. Serait-ce un bon ou un mauvais résultat ? En ce qui concerne le volume des voyages, à quoi ressemble un « bon » résultat ? »
Pour lui, la réponse est claire désormais : « le seul moyen réel d’atteindre certains objectifs clés très discutés par les travel managers ces dernières années – la durabilité environnementale, le bien-être des voyageurs – est de réduire les voyages d’affaires. » Et de reprendre à son compte une citation d’un consultant allemand qu’il a rencontré récemment : « les collaborateurs seront moins stressés et plus efficaces s’ils voyagent moins, et nous devons aussi tenir compte de l’impact climatique. »
Selon lui, « certaines entreprises pensent déjà différemment. Le Boston Consulting Group (BCG), par exemple, a annoncé en septembre qu’il réduirait les émissions de carbone liées aux déplacements de 30% par employé d’ici 2025 afin de parvenir à un impact climatique net zéro pour l’ensemble de son activité d’ici 2030. » Précisons ici que le BCG a un budget aérien aux Etats-Unis de 149 millions de $ mais qu’il aurait déjà réduit ses émissions de carbone liées à ses déplacements de 9,5% en 2019.
Et le célèbre éditorialiste de conclure ainsi : « cela ne veut pas dire que tous les voyages d’affaires sont mauvais. Loin de là. Nous apprécions tous à présent ce qui nous manque, non seulement sur le plan personnel, mais aussi sur le plan professionnel, parce que nous sommes restés cloués au sol pendant si longtemps : nous ramassons bien plus que des stylos lorsque nous nous réunissons lors de conférences ou de réunions privées. Mais une remise à niveau, en particulier pour certains accros des voyages d’affaires, était attendue depuis longtemps. « Bien » signifie reprendre les voyages, mais beaucoup moins qu’avant. »
Amon Cohen ne va sans doute pas se faire que des amis avec cette dernière saillie mais, d’accord ou pas, voilà en tout cas qui mérite un vrai débat !
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM