La qualité de service pointée du doigt

La pénurie de personnel chez les fournisseurs dégrade le service. Le sujet est d’autant plus sensible que le prix des voyages d’affaires s’envole. 

Pour l’instant, les travel managers et les acheteurs font preuve de compréhension. Mais l’effet ciseaux, redoutable, pourrait rapidement entamer leur patience car la baisse de la qualité du service se double d’une flambée inédite des prix. 

A l’arrêt ou quasiment pendant deux ans, de nombreux fournisseurs ont licencié ou perdu du personnel et se retrouvent en sous-effectif alors que la reprise des déplacements professionnels accélère. Et quand ils arrivent par bonheur à recruter, c’est du personnel souvent junior, inexpérimenté et non formé. Inévitablement, la qualité du service en pâtit. 

Dans les TMC américaines, la situation est très tendue raconte The Company Dime. Les histoires s’accumulent sur des temps d’attente interminables ou sur des agents de voyages ne répondant jamais aux appels ou aux courriels. Des travel managers chevronnés décrivent « une situation sans précédent ».

Une certaine indulgence semble toutefois l’emporter encore. Sheila Kittle, directrice mondiale des voyages chez Jabil, un fabricant américain de circuits électroniques de 200 000 salariés, est plutôt magnanime : « Notre volume de réservations a augmenté de plus de 300% d’une année sur l’autre, il est difficile pour toute TMC d’y faire face rapidement, elles font du mieux qu’elles peuvent ». Sa solution ? « Adapter notre programme voyages et l’état d’esprit de nos voyageurs. Je ne veux pas dire diminuer leurs attentes mais leur donner des attentes réalistes ».

Pour Andrew Menkes, un consultant américain, la situation va mettre du temps à se normaliser : « Les TMC auront du mal dans les mois à venir à respecter un accord de niveau de service lié notamment à la réactivité et à la rapidité ». En France, certains travel managers témoignent aussi d’une certaine tension mais avec toutefois moins d’acuité et les TMC sont aussi nombreuses à reconnaître des vraies difficultés à recruter.

Mais c’est dans l’hôtellerie-restauration que la situation est sans doute la plus critique. « La pénurie de main d’œuvre pénalise doublement le secteur, écrit la journaliste Mathilde Visseyrias dans son article paru dans Le Figaro le 29 mai. D’abord, elle nuit à la qualité de service : les clients sont de plus en plus souvent déçus, l’attente trop longue avant même de pouvoir commander et le service hésitant. Ensuite, elle oblige les professionnels à limiter l’activité. Des hôtels ferment des étages entiers, proposent un service dégradé ».

Aux Etats-Unis, Christopher Nassetta, le Pdg de Hilton, cité dans The Company Dime, affirme que la situation s’améliore mais il prévient : « Nous devons restaurer davantage de services car sinon nous allons compromettre notre capacité à continuer d’augmenter les tarifs ». De leur côté, les entreprises veulent davantage de garanties. La compagnie pétrolière Chevron a entamé des discussions préliminaires sur les tarifs pour 2023 et les niveaux de services sont plus que jamais un point de discussion. Plus largement, selon The Company Dime, les entreprises américaines souhaitent garantir contractuellement la meilleure expérience possible pour leurs voyageurs. 

Pas forcément une bonne idée pour Donna Brokowski, vice-présidente de la TMC Direct Travel, pour qui la mesure du service reste un exercice complexe et aléatoire. En revanche, elle défend l’idée que le sourcing continu des hôtels et l’abandon des appels d’offres trop rigides permettent de pallier les défaillances du service : « Grâce aux commentaires de vos voyageurs, à condition bien sûr de les recueillir, vous pouvez rapidement et de façon souple délaisser un hôtel au profit d’un autre établissement ». 

Autre gros point de friction pour les voyageurs : le transport aérien. Dans de nombreux aéroports du monde entier, c’est la pagaille, faute encore de personnel suffisant, et la haute saison touristique qui approche va empirer la situation. Aux Etats-Unis, l’indice de satisfaction des voyageurs à l’égard du transport aérien, mesurée par J.D Power, a brutalement chuté en raison de l’attente aux aéroports et de l’envolée des prix des billets.

Qualité de service défaillante et hausse des prix ne font pas bon ménage. Travel managers et acheteurs vont devoir porter une attention très particulière sur ces sujets à l’heure où le bien-être de leurs voyageurs est une priorité.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Les prix continuent de flamber

Les tarifs des déplacements professionnels poursuivent leur envolée. Et ils ne sont pas près de s’arrêter. 

L’inflation accélère. Selon l’Insee, elle s’est établie en France à 5,2% en mai sur un an, dépassant ainsi la barre des 5% pour la première fois depuis septembre 1985. Dans le voyage d’affaires, les hausses sont encore plus prononcées. 

Depuis le début de l’année, au départ de la France, les tarifs des billets d’avion ont augmenté de 10% selon les derniers chiffres de la Direction générale de l’aviation civile. Par rapport à 2019, dernière année « normale » pour le transport aérien, la hausse des tarifs aériens frôle les 11%.

Dans le détail et toujours en comparaison de 2019, les prix ont augmenté de 13,5% sur le domestique et de 10,2% sur l’international. C’est le moyen-courrier qui tire les prix vers le haut alors que le long-courrier enregistre de fortes disparités : des hausses très accentuées sur l’Asie-Pacifique et l’Afrique du Nord et des augmentations plus contenues sur l’Amérique du Nord et le Moyen-Orient. Quant au trafic, il poursuit son redressement, il était à 75% de ses niveaux de 2019 en avril, soit 5 points de plus qu’en mars. 

Aux Etats-Unis, l’envolée est encore plus spectaculaire. L’indice des tarifs aériens a augmenté de 33,3 % au cours de l’année écoulée, soit la plus forte hausse sur 12 mois depuis 1980. Pas de quoi freiner la demande selon les compagnies américaines qui tablent cet été sur un trafic supérieur à celui de 2019.

L’hôtellerie française suit une tendance identique. Le Figaro nous dit ainsi que « depuis la mi-mars, semaine après semaine, les prix des chambres sont systématiquement supérieurs à ceux de 2019 ». Une hausse assumée par exemple par Sébastien Bazin, le Pdg d’Accor. Le 20 mai dernier, lors de l’assemblée générale du groupe, il a appelé les gérants de ses établissements à « franchement augmenter leurs prix ». Au premier trimestre, le groupe hôtelier les a relevés de 3% en moyenne mais de 16% dans les marques haut de gamme. 

Le quotidien cite aussi Olivier Cohn, le directeur général de Best Western France (300 hôtels), qui confirme : « Chez nous, les prix moyens des chambres augmentent de 10 à 15% par rapport à 2019 ». Selon la journaliste, les clients acceptent cette hausse car « l’envie de voyager est très forte pour les touristes et ceux qui se déplacent par obligation professionnelle n’ont pas le choix. » Dans toute l’Europe, les tarifs hôteliers flambent, l’Irlande, le Portugal et l’Espagne connaissant les plus fortes hausses.

Et le train dans tout ça ? Une bataille des chiffres oppose l’Insee à la SNCF raconte Le Figaro : « Selon l’Institut, le constat est sans appel : entre avril 2021 et avril 2022, le prix des billets de train a augmenté en moyenne de 14,6%. Et entre janvier et avril 2022, les prix ont bondi de 15,3%. » Pour la SNCF, la bonne année de référence est 2019, et là les prix auraient baissé de 7%. Sauf que la compagnie ferroviaire prend en compte les offres low cost des trains Ouigo qui ne cessent de prendre de l’ampleur. 

Une chose est sûre : le patron de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, « prépare les esprits à une hausse du prix des billets de train en 2023 » rapporte La Tribune. Une hausse justifiée selon lui par la flambée des coûts de l’énergie et des travaux notamment. 

Quant à la location de voitures, le cycle infernal se poursuit. Selon Misterfly, qui compare les prix entre 170 loueurs dans 145 pays, la hausse du tarif moyen a progressé de 117% en deux ans ! 

Rien n’indique que les prix du voyage d’affaires se calmeront dans les prochains mois, bien au contraire. Travel managers et acheteurs vont devoir sacrément faire preuve d’adaptation et d’anticipation !

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Aidez vos voyageurs à faire des choix de voyages plus durables

Votre entreprise a-t-elle les bons outils pour calculer, réduire ou compenser son empreinte carbone ?

Les TMC sont des partenaires essentiels pour aider vos voyageurs à faire des choix responsables et ainsi contribuer à atteindre vos objectifs d’entreprise en matière de RSE.

La démarche globale et l’engagement écoresponsable de longue date de CWT s’articule autour de trois grands piliers :

1er pilier, l’ADN responsable de CWT :

CWT, reconnue pour ses performances en matière de responsabilité sociale, a reçu le statut Platinium en 2021 pour la deuxième année consécutive, se classant ainsi parmi les 1% des entreprises les plus responsables évaluées par EcoVadis dans le monde. Signataire de l’UNGC (United Nations Global Compact) depuis 2012, CWT s’engage à soutenir les dix principes du Pacte mondial des Nations Unies concernant les droits de l’Homme, le travail, l’environnement et la lutte contre la corruption. Pour la 4ème année consécutive, notre rapport annuel RSE a reçu le niveau « Advanced » délivré par les Nations Unies.

2ème pilier : Réduire, Calculer, Compenser

CWT a annoncé le 28 mars 2022 un nouveau partenariat avec Thrust Carbon, expert reconnu dans le calcul des émissions Co2 et dans la démarche de compensation. Nous avons récemment communiqué sur l’intégration de nouveaux indicateurs d’émission carbone sur notre plateforme myCWT au global. Ces indicateurs fournissent des données sur l’empreinte carbone au moment de la réservation d’un trajet ou d’un séjour dans un hôtel, permettant ainsi aux voyageurs de faire des choix plus responsables et sans frais supplémentaires.

CWT contribue à l’éducation de vos voyageurs et se positionne comme acteur à part entière du changement.

Ces données vont être intégrées de manière progressive d’ici la fin de l’année dans notre plateforme de reporting. Ces informations vont vous permettre d’évaluer finement vos consommations et d’agir en conséquence lors de vos négociations.

CWT signe à titre personnel des accords de compensation comme dernièrement avec la compagnie aérienne Etihad en janvier 2022.  CWT a l’ambition en 2023 d’identifier et de proposer à ses clients des partenaires pour la compensation des émissions Co2.

3ème pilier : Un conseil responsable, modulable et personnalisé

CWT innove également au travers de son approche pour accompagner de manière modulable les organisations dans leur démarche responsable. Notre offre de conseil ECO (Employee Wellbeing, Climate Impact and Organizational Performance) couvre le bien être des employés, le climat en mettant en œuvre des actions ciblés pour minimiser l’impact Co2, mais également vous permettre de trouver de nouvelles opportunités de performance et d’optimisation de vos coûts.

Sources de données : une lente évolution

Les sources traditionnelles de données changent, mais pas suffisamment pour que les travel managers revoient leurs pratiques. 

C’est depuis toujours le plus grand défi des travel managers : disposer de données fiables et complètes, et pouvoir les consolider. Le site The Company Dime rappelle dans un article didactique que les programmes voyages correctement gérés utilisent trois sources de données afin de vérifier la conformité de la politique voyages, d’améliorer les négociations avec les fournisseurs, d’identifier les économies possibles et de détecter les fraudes : les sources de réservation, de paiement et de notes de frais. 

Comment ces dernières ont-elles évolué ? Selon Brian Beard, un vétéran du voyage d’affaires comme ils disent aux Etats-Unis, « les données s’améliorent du côté des notes de frais et un peu plus du côté des cartes. En revanche, les données de réservation ne changent pas vraiment, bien qu’il y ait une énorme pression pour intégrer autant que possible des données de pré-voyage et de pré-autorisation ».

Une fois ce constat posé, que retenir de cet article ?

Un : les données de réservation sont les plus riches mais leur qualité dépend grandement de « l’excellence opérationnelle des TMC », par exemple dans la gestion des profils. 

Deux : le niveau de détails des données de paiement s’améliore mais pas assez pour que les travel managers en fassent une source unique. La relation avec la direction financière peut ici être un frein car celle-ci ne voit pas forcément l’intérêt de descendre dans le détail (seul le montant l’intéresse) et par ailleurs, dans de nombreuses entreprises, les travel managers auront besoin de son soutien pour accéder aux systèmes de paiement et pouvoir les contrôler. Autre inconvénient : l’examen manuel de ces paiements et leur éventuelle correction peuvent être assez coûteux. 

Trois : alors que nous entrons dans le monde des fournisseurs directs et des réservations omnicanales, la transformation numérique des entreprises qui permettrait de meilleurs reportings présente encore de nombreuses lacunes. 

Quatre : la meilleure façon de produire des modèles efficaces de données est d’être le proche possible en temps réel de la transaction. C’est ce vers quoi tendent les innovations en la matière. 

Conclusion selon les experts interrogés par The Company Dime : les choses progressent mais rien ne permet aujourd’hui aux travel managers de changer leurs pratiques qui consistent toujours à utiliser les trois principaux flux de données, au moins pour les comparaisons basiques « réservé/facturé » et « facturé/dépensé ». 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Le voyage d’affaires au service du capital humain ? 

Le capital humain devient un enjeu de performance pour les entreprises. Les travel managers vont devoir s’en emparer. 

C’est l’une des évolutions les plus marquantes que le Covid a accéléré. Démissions en pagaille, quête de sens, besoin d’un équilibre entre vie privée et vie professionnelle, nouveau rapport au travail, demande d’autonomie… : les salariés multiplient les remises en question. 

Résultats : les entreprises éprouvent les pires difficultés à recruter des talents et à les fidéliser. A tel point que de nombreux spécialistes affirment que nous sommes entrés dans l’ère du capital humain, où investir dans le potentiel humain offre le meilleur retour sur investissement.

Pour Katie Virtue, consultante chez Festive Road, cela représente un vrai défi pour l’industrie du voyage d’affaires. Dans une chronique instructive, elle plaide pour une adaptation urgente à ces changements. « Les acheteurs doivent comprendre comment les voyages peuvent permettre de valoriser le travail des collaborateurs et les fournisseurs doivent réfléchir à leurs rôles dans cet objectif ». 

Alors comment faire ? Pour Katie Virtue, il faut d’abord répondre à trois questions : quel est l’objectif de votre entreprise ? Quelle est la proposition de valeur pour les salariés ? Quels sont les objectifs de RSE ? « Connaître ces éléments peut vous aider à faire le lien avec les voyages. Par exemple, si votre organisation vise à renforcer l’autonomie de ses salariés, une politique voyages de 20 pages est-elle bien nécessaire ? » 

Mais surtout, selon elle, il faut améliorer l’expérience en voyage et arrêter de le penser comme un ensemble de transactions permettant à un collaborateur de se rendre d’un point A à un point B. « Par exemple, les salariés bénéficient-ils d’une certaine souplesse dans leurs choix afin de prendre la décision qui leur convient le mieux et qui est la meilleure pour leur bien-être ? » 

Intéressant mais pas gagné. Selon un sondage réalisé par BCD Travel auprès de 875 voyageurs et relayé par Business Travel News, seule la moitié d’entre eux estime que leur entreprise leur offre un soutien en matière de bien-être pendant leurs déplacements. 

Que souhaitent ces voyageurs ? Une politique de vols directs (à 70%), la possibilité de choisir son siège à bord (59%), la classe affaires sur le long-courrier et des hôtels bien situés (à plus de 50%). Voyages d’affaires et bien-être : le chemin est encore long. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Pourquoi les GDS s’adossent aux GAFAM

Amadeus et Microsoft, Sabre et Google, Travelport et Amazon : ces rapprochements en disent long sur la nouvelle stratégie corporate des GDS.


Certains les ont peut-être enterrés trop vite. L’avènement d’un marché où la distribution et la connectivité (via NDC notamment) sont désormais beaucoup plus ouvertes devait les fragiliser dangereusement pour les uns. L’éclosion des start-ups, plus agiles et « nativement web », devait achever de les ringardiser selon les autres, empêtrés qu’ils sont dans leur technologie d’un autre temps, le vieux (mais efficace) langage informatique EDIFACT qu’ont dû assimiler plusieurs générations d’agents de voyages. 

Les annonces de ces dernières semaines montrent qu’il va falloir compter avec eux, spécialement dans le voyage d’affaires, et avec leur nouveaux alliés, inattendus : les GAFAM, rien de moins ! 

C’est Sabre qui avait dégainé le premier en indiquant avoir signé en octobre 2020 un partenariat stratégique avec Google. Puis Amadeus avait répondu en février 2021 en annonçant le sien avec Microsoft. Enfin, Travelport révèle en juin 2021 un accord avec Amazon Web Services. 

Derrière ces trois alliances, un même point de départ : la volonté pour les GDS de migrer vers le cloud qui permet non seulement de se débarrasser des gros ordinateurs centraux mais surtout d’accéder à une plus grande capacité de calcul afin d’accélérer le développement et les possibilités de travailler avec un plus grand nombre de partenaires technologiques. 

Ces trois associations sont en train aujourd’hui d’aborder une nouvelle phase de leur développement et c’est là que ça devient intéressant. Amadeus vient ainsi de frapper un grand coup en annonçant l’intégration de Cytric, son OBT (online booking tool), dans les applications collaboratives de bureau de Microsoft, Teams et Outlook. Dans l’excellent The Company Dime, Ken Pfaffmann, le vice-président commercial d’Amadeus en Amérique du Nord, pose deux questions centrales à propos des OBT : « Pourquoi forçons-nous les collaborateurs à aller vers un outil qu’ils n’utilisent pas tous les jours ? Alors que notre lieu de travail a changé avec le développement du télétravail, pourquoi penser que les OBT devraient rester les mêmes ? » 

Résultat : à partir de Teams, les utilisateurs peuvent désormais partager des itinéraires avec leurs collègues puis, grâce à ces informations, lancer des recherches de voyages avec des destinations et des dates préremplies et effectuer des réservations. Pratique quand il faut organiser les réunions occasionnelles dans les bureaux de l’entreprise ou hors site. La même chose sera bientôt possible via les invitations du calendrier Outlook. Les voyageurs pourront aussi remplir une note de frais dans l’environnement Microsoft. 

Encore mieux : le journaliste affirme que les deux partenaires réfléchissent à une intégration de Cytric dans LinkedIn (propriété de Microsoft) qui permettra aux voyageurs de savoir si leurs contacts se trouvent en même temps qu’eux à destination et tirer ainsi le meilleur parti de leur déplacement. 

De son côté, Sabre affirme qu’il va aller plus loin que le cloud avec Google. Interrogé par le site Phocuswire, le pdg du GDS, Kurt Ekert (ancien patron de CWT), affirme « qu’il y aura des innovations avec Google dans le voyage d’affaires. Le domaine de Google, ce sont les données et les algorithmes. Nous allons examiner comment nous pouvons utiliser leurs capacités d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique dans notre gamme de produits afin d’apporter de la valeur aux déplacements des entreprises ». Rappelons aussi que Sabre devient un des actionnaires d’Amex GBT à la faveur de l’entrée en bourse de la TMC.

Plus discret, Travelport n’en reste pas moins actif. L’entreprise a lancé l’année dernière Travelport+, basé sur le cloud, qui va lui permettre à terme de rassembler les GDS Galileo, Apollo et Worldspan en une seule plateforme unique, plus agile et plus moderne. Les premiers retours des TMC semblent positifs. Son accord avec Amazon Web Services vient de s’élargir puisque les deux firmes vont lancer un accélérateur de start-ups dans le domaine du voyage. 

Le temps est donc révolu où les GDS, assis sur une forme de rente (un fee à chaque réservation) et leur quasi-monopole, alignaient sans effort surhumain des taux de marge de 30 à 40%, à faire pâlir d’envie les compagnies aériennes et les TMC. En économie, on appelle ces entreprises des cash machines, qui font le bonheur de leurs actionnaires. L’heure est désormais à une plus grande concurrence, à une distribution plus ouverte, qui dégage de nouvelles perspectives aux GDS. L’obligation qui leur est faite de bouger et d’innover devrait profiter au secteur du voyage d’affaires. Personne ne s’en plaindra. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Voyage d’affaires : une rupture historique

Le décrochage du voyage d’affaires par rapport à la croissance économique est inédit. Faut-il s’en inquiéter ?

Il y a des exceptions dont on se passerait bien. Toujours très attendu, le baromètre d’Amex GBT présenté le 13 avril dernier pointait des déplacements professionnels qui atteignaient péniblement 50% du niveau de 2019 en janvier 2022 sur le marché français alors que les entreprises avaient retrouvé rapidement (en douze mois) leurs performances d’avant-Covid. Les Echos titraient d’ailleurs ce même jour : « Le voyage d’affaires à la traîne de la reprise ». 

C’est en effet une première historique. Le marché des déplacements professionnels est traditionnellement ce que les économistes appellent un marché à croissance lente. C’est-à-dire qu’il suit assez fidèlement les courbes du PIB, à la hausse comme à la baisse, sachant que depuis plus de vingt ans le PIB dépasse rarement les deux points de croissance. Ce décrochage brutal interpelle donc sur la vérité de la reprise qui est à l’œuvre. Entre les dithyrambes un peu suspects et les prophéties qui s’espèrent auto-réalisatrices, difficile de s’y retrouver. 

Quelle est la réalité ? S’il reprend de la vigueur, le transport aérien est encore loin de ses niveaux de 2019. Selon le baromètre Amex GBT, il les retrouvera courant 2023 pour le domestique et le moyen-courrier et pas avant 2024 pour le long-courrier. Les dernières statistiques d’Eurocontrol, l’organisation de gestion du trafic aérien, montrent que le trafic aérien européen a regagné 80% des niveaux d’avant-Covid mais la croissance est principalement tirée par les compagnies low cost comme Ryanair et Wizz Air. 

Attention toutefois : ce chiffre fait référence au nombre de vols mais n’est en rien une indication sur les taux de remplissage des avions. Une chose est sûre : si les touristes reviennent à bord des avions, les voyageurs d’affaires sont encore un peu discrets, comme me le confirmait il y a quelques jours un porte-parole d’Air France. 

On nous dit que les déplacements professionnels domestiques sont repartis en flèche. Là aussi, il convient d’être mesuré. Début avril, dans un échange avec la presse rapporté par le site de La Tribune, Christophe Fanichet, Pdg de SNCF Voyageurs, dit sa préoccupation sur le niveau de trafic des voyageurs professionnels qui s’est effondré de 50 à 60% en début d’année. 

« Si le dirigeant prévient depuis plusieurs mois que ce segment ne retrouverait pas son niveau d’antan avant plusieurs années, avec une baisse potentiellement structurelle, il ne s’attendait pas à une telle chute » écrit La Tribune. Joint au téléphone le 26 avril, un cadre de la SNCF affirme : « C’est beaucoup mieux aujourd’hui mais on est encore à moins 20% ». 

Pas de quoi pavoiser mais les autres grands marchés ne sont pas au mieux non plus. Un bon indicateur : lors d’une réunion début avril avec des investisseurs à la bourse de New York en vue de son introduction prochaine, Amex GBT a révélé par la voix de son Pdg, Paul Abott, que ses transactions globales avaient repris au cours de la semaine précédant le 2 avril à 61% de ce qu’elles étaient à la même période en 2019. C’est ce que raconte l’excellent site Skift qui précise qu’Amex GBT a néanmoins relevé ses perspectives pour les mois à venir.

Faut-il s’alarmer de cette reprise poussive ? Pas tant que toutes les contraintes sanitaires ne seront levées, notamment en Asie. En revanche, méfions-nous des prévisions, optimistes ou pessimistes, à deux ans ou trois ans du marché. La vérité est que personne, sans doute, n’en sait rien tant les environnements sont mouvants. « La prédiction est un art difficile surtout lorsqu’elle concerne l’avenir » disait Pierre Dac. Une chose est sûre : on voit mal comment le télétravail, la réduction de l’empreinte carbone des entreprises, la pression sur les coûts et le boom de la visioconférence n’auraient pas d’impact sur le volume des voyages. 

La bonne nouvelle, si l’on en croit les journaux britanniques et allemands qui font des comparaisons, c’est que le marché français des déplacements professionnels se révèle être aujourd’hui l’un des plus dynamiques d’Europe. Il devrait, selon Yorick Charveriat, directeur général France d’Amex GBT, retrouver 70% de son activité de 2019 à la fin de l’année. « On se satisfait de peu » me disait récemment le patron d’une grande TMC. L’ironie en forme de paradoxe est que, là encore, le marché du voyage d’affaires décroche par rapport au PIB, mais cette fois dans le sens opposé puisqu’il reprend quelques couleurs au moment où la croissance française marque le pas. Mais en même temps, il partait de tellement loin…

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

OBT : les défis de la reprise

Alors que les voyages reprennent, les outils de réservation en ligne (OBT/SBT) doivent passer la vitesse supérieure en matière de contenu et d’expérience client.

Quelle stratégie voyage post-Covid ? Pour les entreprises, la réponse à cette question est loin d’être simple tant le voyage d’affaires a changé en deux ans. Et de nombreuses voies sont possibles. Une chose est sûre, affirme Business Travel News dans son excellent hors-série sur les OBT : ces derniers joueront un rôle capital dans l’application et la diffusion des stratégies d’après pandémie. 

Leur capacité à s’adapter aux nouveaux enjeux du voyage d’affaires constituera ainsi un vrai test aux yeux des entreprises. Le sujet du contrôle est peut-être le plus urgent selon le media anglo-saxon. D’autant plus que la réduction du leakage, ces réservations effectuées en dehors des canaux recommandés par l’entreprise, s’est désormais imposée comme une priorité pour une majorité des sociétés si l’on en croit les derniers sondages publiés ces derniers mois. Dans cette perspective, les OBT auront une responsabilité déterminante. Par ailleurs, nombre d’entreprises ont aussi renforcé les procédures d’approbations manuelles pendant la pandémie et ne comptent pas relâcher l’étreinte. L’OBT pourrait alors être un moyen d’appliquer cette politique en limitant par exemple les réservations à ceux qui ont reçu cette approbation. 

Mais c’est peut-être en matière de contenu que les OBT sont le plus attendu au tournant. Jamais les billets d’avion, les chambres d’hôtels, les locations de voitures… n’ont été accessibles depuis un si grand nombre de sources. C’est un vrai challenge pour les OBT de rassembler et de rendre lisible l’ensemble de ces contenus. Avec un bémol : « le contenu est plus important que jamais mais il ne s’agit pas non plus d’avoir le plus de contenu possible et d’obtenir 2 millions de résultats de recherche » fait observer justement Aurélie Krau, ex-consultante chez Festive Road. 

A court terme, l’intégration de la norme aérienne NDC est une préoccupation majeure alors que le calendrier des compagnies aériennes s’accélère, notamment en France où le transporteur national fait la bascule ce printemps. Il y a peu encore, certains critiquaient en privé le manque de célérité des OBT au sujet de NDC (mais ils ne sont pas les seuls), sauront-ils montrer davantage d’empressement ces prochaines semaines ?

Ce n’est pas le seul enjeu de contenu. Fournir les bonnes informations sur les contraintes et réglementations locales sur le Covid-19 ainsi que sur les émissions carbone des déplacement en est un autre. Pour certaines entreprises, ce dernier point devient capital et l’OBT devra alors aider les utilisateurs à décider s’ils doivent voyager ou pas.

Enfin, il reste encore aux OBT un (long ?) chemin à parcourir en matière d’expérience client. Pendant des années, certains acheteurs et voyageurs ont dénoncé des expériences insatisfaisantes, qui ont déçu les utilisateurs habitués à des outils de réservation de voyages loisirs grand public. Aurélie Krau confirme auprès de BTN : « dans notre propre enquête, les OBT ont obtenu un score supérieur à 50% dans seulement cinq des trente-deux domaines de l’expérience utilisateur ». Si les entreprises veulent diminuer le leakage, comme dit plus haut, cela commence assurément par là.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Pourquoi Microsoft durcit sa politique RSE

En matière de verdissement des voyages d’affaires, Microsoft fait figure de pionnière mais veut aller beaucoup plus loin.

L’entreprise de Seattle n’y va pas de main morte. Elle vient en effet de décider d’augmenter de près de 600% sa taxe carbone interne sur ses voyages d’affaires comme le rapporte The Company Dime. Cette redevance par tonne métrique d’équivalent dioxyde de carbone (mtCO2e) avait été instituée en 2019 par la direction des voyages de Microsoft. Elle s’élevait à 15 dollars, elle sera de 100 dollars à partir du 1er juillet prochain. 

Avec cette taxe, Microsoft achète du carburant durable (SAF) et se fait l’avocate de la collaboration avec le secteur aérien. Elle aide ainsi au financement de la construction en Géorgie de la « première usine au monde de production de SAF à partir d’alcool ». Des initiatives qui s’inscrivent dans un cadre plus large : Microsoft veut devenir une organisation « sans carbone, sans eau et sans déchet » d’ici 2030. 

Interrogé pour savoir si la nouvelle redevance de 100 dollars sera prélevée directement sur le budget voyages de l’entreprise, Eric Bailey, le directeur mondial des voyages de Microsoft, a expliqué : « oui d’une certaine façon. Nous savons tous que les budgets voyages seront réduits à l’avenir, il s’agit donc d’un réinvestissement des fonds ». 

L’augmentation de cette taxe carbone interne a un triple objectif : réduire les déplacements en influençant les comportements des voyageurs, encourager les compagnies aériennes et les hôtels à proposer des options plus écologiques, et accélérer le financement des SAF.

Certains distinguent aussi derrière cette initiative la difficulté des entreprises à comptabiliser précisément les émissions carbone de leurs voyages d’affaires, affirmant que les calculs permettant d’arriver à ce chiffre de 100 dollars sont sujets à caution. Ce que ne conteste pas Microsoft qui dit «redoubler d’efforts en matière de mesure, afin d’accélérer la maturation et l’adoption de normes industrielles pour la comptabilisation du carbone ». Pour beaucoup d’observateurs, il est vrai, les émissions carbone des déplacements professionnels sont parmi les plus difficiles à mesurer. 

C’est peut-être de l’information financière que viendra la solution. Les actionnaires et les investisseurs font de plus en plus pression car ils ont besoin des bons chiffres pour prendre les meilleures décisions. L’enjeu : réduire les risques financiers des entreprises liés au réchauffement climatique. La SEC, l’organe américain de régulation financière, est en train de finaliser un projet obligeant les grandes sociétés à déclarer notamment leurs émissions carbone liées aux voyages d’affaires comme le rapporte le New York Times. Il devrait entrer en vigueur dans les deux ans. Et ce n’est sans doute qu’un début. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Tarifs aériens : une comparaison impossible ?

Pour le voyageur et le travel manager, comparer les prix des billets d’avion est devenu plus difficile que jamais.

Des choux et des carottes. Voilà ce que tentent de comparer les voyageurs d’affaires et les travel managers quand ils essaient aujourd’hui de réserver un billet d’avion. La faute aux fameux tarifs dégroupés que les compagnies aériennes ont généralisé ces dernières années. 

En ôtant les options du forfait de base, elles ont fait coup double : non seulement elles tirent des revenus conséquents sur la vente de produits et services annexes (les fameux ancillaries) mais elles peuvent aussi se différencier plus efficacement. Sans compter que le dégroupage leur permet d’afficher un tarif de base moins élevé et de concurrencer ainsi plus facilement les compagnies low cost. 

Le client en recueille un bénéfice, il peut personnaliser le produit ou les services en fonction de ses préférences personnelles. Mais il y a un revers à la médaille, et pas le moindre : il lui est de plus en plus difficile de comprendre quels produits et services sont inclus ou non dans son billet ! 

Les structures tarifaires des compagnies aériennes se complexifient à l’envi et cela ne va pas s’arranger avec l’avènement de la norme NDC (censée faciliter les ancillaries) et de la tarification dynamique. Pour les entreprises et leurs directions voyages, la capacité à comparer ces offres compliquées devient, de facto, un enjeu d’avenir crucial.

Les GDS y travaillent, révèle le site The Company Dime. Et pour cause. Depuis qu’ils se sont vu imposer la norme NDC par les compagnies aériennes, brisant ainsi leur monopole et les privant de revenus substantiels (dans le système traditionnel, les transporteurs versaient un fee aux GDS pour chaque réservation), les GDS sont un peu moins fringants. Voilà peut-être une occasion pour eux de revenir dans le jeu. 

« Actuellement, nous explorons les moyens d’aider les travel managers à évaluer facilement l’avantage total des offres de voyages composées par les compagnies aériennes » confirme Jay Richmond, directeur IT d’Amadeus aux Etats-Unis. Un projet pilote est ainsi en test jusqu’à la fin de l’année. 

De son côté, Travelport affirme que « sa nouvelle plateforme permet aux agents de voyages de comparer plus facilement et avec une meilleure granularité les offres des compagnies aériennes ». 

Quant à Sabre, il est en train d’investir avec Amex GBT dans la prochaine génération de technologies pour le voyage d’affaires, conformément à l’accord aux termes duquel le premier est devenu actionnaire du deuxième. Un porte-parole de GBT a confirmé à The Company Dime que « l’affichage des offres sans confusion serait une priorité ». 

En attendant, Cory Garner, co-président de T2RL, une boite américaine de techno, livre un très bon conseil aux travel managers et aux acheteurs. « Ces derniers devraient définir à l’avance les forfaits qu’ils souhaitent pour leurs voyageurs et, par le biais d’un appel d’offres, sélectionner la compagnie qui proposera la meilleure offre ». Et de poursuivre : « Il incombe en définitive aux compagnies aériennes partenaires de répondre à cette demande et de mettre le produit sur le marché, de sorte qu’il n’y a pas vraiment besoin de comparaison ». CQFD.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM