La surcharge SAF d’Air France fait débat

La nouvelle surcharge « carburant durable » de la compagnie française est-elle un investissement vert essentiel ou une énième taxe d’un transport aérien déjà surtaxé ? Les acheteurs sont perplexes.

Une surprise de taille. Le 10 janvier dernier, le groupe Air France-KLM prenait tout le monde de court en annonçant « un nouveau supplément tarifaire destiné à financer les carburants verts » (les fameux SAF pour sustainable aviation fuel), comme le racontent Les Echos. Le montant ? De 1 à 4 euros en classe économique et de 1,50 à 12 euros en classe affaires selon la distance. Une mesure qui s’applique à Air France, à KLM et à Transavia. 

La compagnie française est à ce jour la seule au monde à avoir pris une telle décision. Et pour cause. La France, qui se veut très en pointe sur le sujet, a instauré l’obligation d’intégrer au moins 1% de carburant durable dans le kérosène depuis le 1er janvier 2022. A partir de 2025, c’est un règlement européen qui prendra le relai avec des mandats d’incorporation progressifs : 2% en 2025, puis 6% en 2030, 32% en 2040 et 63% en 2050. Pour Air France et Transavia, le montant du surcoût lié à l’intégration de 1% de biocarburants en 2022 sera de plus de 30 millions d’euros, a priori intégralement compensés par cette nouvelle surcharge.

Devant ce nouveau coût fournisseur, le media Business Travel News explique que « la communauté des acheteurs n’est pas convaincue ». Le journaliste a interrogé Kerry Douglas, l’un des responsables de l’Institute of Travel Management (sorte d’équivalent britannique de l’AFTM), qui affirme que les «membres acheteurs de l’association ont plusieurs doutes.» 

Selon lui, « ils se demandent qui recevra le crédit carbone pour le carburant, d’autant plus que tous les vols n’ont pas de SAF à bord. La perception générale pourrait être que la surcharge SAF est une augmentation de prix sous un autre nom. » Un travel manager, qui a souhaité garder l’anonymat, renchérit : « Ce n’est pas transparent et la méthodologie qu’ils utilisent n’est pas claire. »

Kerry Douglas poursuit : « En outre, les acheteurs professionnels pourraient avoir l’impression de payer deux fois, s’ils ont leurs propres engagements en matière d’investissements dans les SAF. » 

Jörg Martin, un consultant allemand, ancien travel manager, est lui aussi très sceptique : « C’est aux compagnies aériennes qu’il incombe de mettre en place les SAF et elles ne devraient pas transférer la responsabilité au client. Si c’est une initiative que les clients veulent soutenir, c’est très bien, mais elle doit être convenue mutuellement et non imposée unilatéralement. »

BTN relaie les propos d’un cadre d’une TMC qui a requis également l’anonymat et qui partage cet avis : «Vous pourriez avancer le même argument pour imposer une surcharge lors de l’introduction de nouveaux avions parce qu’ils sont plus respectueux de l’environnement.» 

Les acheteurs de l’IMT ont néanmoins un point de vue plus nuancé qu’il n’y paraît, explique le journaliste. « S’ils approuvent la grande orientation stratégique d’Air France, c’est la tactique spécifique de la surcharge qu’ils contestent. » Kerry Douglas en convient : « Il ne fait aucun doute qu’il y a un coût associé à la mise en place d’une industrie plus responsable (…) mais ce que les acheteurs ne veulent pas voir, c’est que l’industrie utilise la durabilité pour faire payer ou augmenter les coûts dans une tentative de récupérer les pertes de revenus dues à la pandémie. » 

Rappelons à toutes fins utiles que les carburants durables représentaient moins de 0,1% des 360 milliards de litres de carburant utilisés par le transport aérien en 2019… Le chemin est long, très long…

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

La surcharge SAF d’Air France fait débat

La nouvelle surcharge « carburant durable » de la compagnie française est-elle un investissement vert essentiel ou une énième taxe d’un transport aérien déjà surtaxé ? Les acheteurs sont perplexes.

Une surprise de taille. Le 10 janvier dernier, le groupe Air France-KLM prenait tout le monde de court en annonçant « un nouveau supplément tarifaire destiné à financer les carburants verts » (les fameux SAF pour sustainable aviation fuel), comme le racontent Les Echos. Le montant ? De 1 à 4 euros en classe économique et de 1,50 à 12 euros en classe affaires selon la distance. Une mesure qui s’applique à Air France, à KLM et à Transavia. 

La compagnie française est à ce jour la seule au monde à avoir pris une telle décision. Et pour cause. La France, qui se veut très en pointe sur le sujet, a instauré l’obligation d’intégrer au moins 1% de carburant durable dans le kérosène depuis le 1er janvier 2022. A partir de 2025, c’est un règlement européen qui prendra le relai avec des mandats d’incorporation progressifs : 2% en 2025, puis 6% en 2030, 32% en 2040 et 63% en 2050. Pour Air France et Transavia, le montant du surcoût lié à l’intégration de 1% de biocarburants en 2022 sera de plus de 30 millions d’euros, a priori intégralement compensés par cette nouvelle surcharge.

Devant ce nouveau coût fournisseur, le media Business Travel News explique que « la communauté des acheteurs n’est pas convaincue ». Le journaliste a interrogé Kerry Douglas, l’un des responsables de l’Institute of Travel Management (sorte d’équivalent britannique de l’AFTM), qui affirme que les «membres acheteurs de l’association ont plusieurs doutes.» 

Selon lui, « ils se demandent qui recevra le crédit carbone pour le carburant, d’autant plus que tous les vols n’ont pas de SAF à bord. La perception générale pourrait être que la surcharge SAF est une augmentation de prix sous un autre nom. » Un travel manager, qui a souhaité garder l’anonymat, renchérit : « Ce n’est pas transparent et la méthodologie qu’ils utilisent n’est pas claire. »

Kerry Douglas poursuit : « En outre, les acheteurs professionnels pourraient avoir l’impression de payer deux fois, s’ils ont leurs propres engagements en matière d’investissements dans les SAF. » 

Jörg Martin, un consultant allemand, ancien travel manager, est lui aussi très sceptique : « C’est aux compagnies aériennes qu’il incombe de mettre en place les SAF et elles ne devraient pas transférer la responsabilité au client. Si c’est une initiative que les clients veulent soutenir, c’est très bien, mais elle doit être convenue mutuellement et non imposée unilatéralement. »

BTN relaie les propos d’un cadre d’une TMC qui a requis également l’anonymat et qui partage cet avis : «Vous pourriez avancer le même argument pour imposer une surcharge lors de l’introduction de nouveaux avions parce qu’ils sont plus respectueux de l’environnement.» 

Les acheteurs de l’IMT ont néanmoins un point de vue plus nuancé qu’il n’y paraît, explique le journaliste. « S’ils approuvent la grande orientation stratégique d’Air France, c’est la tactique spécifique de la surcharge qu’ils contestent. » Kerry Douglas en convient : « Il ne fait aucun doute qu’il y a un coût associé à la mise en place d’une industrie plus responsable (…) mais ce que les acheteurs ne veulent pas voir, c’est que l’industrie utilise la durabilité pour faire payer ou augmenter les coûts dans une tentative de récupérer les pertes de revenus dues à la pandémie. » 

Rappelons à toutes fins utiles que les carburants durables représentaient moins de 0,1% des 360 milliards de litres de carburant utilisés par le transport aérien en 2019… Le chemin est long, très long…

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Transport aérien vert, un coup de com ?

IATA vient d’annoncer qu’elle s’engage à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Possible ou pas ?

Willie Walsh, ancien patron de British Airways et actuel président de IATA, est un habitué des annonces tonitruantes. Fidèle à sa réputation, il a fait adopter aux 290 compagnies aériennes membres de l’association un objectif de zéro émission nette de CO2 d’ici 2050. « Un pari fou », dit La Tribune, alors que l’objectif initial de diminuer les émissions du secteur par deux d’ici à 2050 par rapport à 2005 était déjà extrêmement ambitieux.

Un pari d’autant plus fou qu’il s’appuiera très peu, et c’est la vraie surprise de cette annonce, sur les avions décarbonés que promettent Airbus et Boeing. Alors comment y parvenir ? Principalement grâce aux carburants aériens durables (SAF) qui représenteront 65% (!) de l’effort de décarbonation. Les systèmes de compensation et de capture du CO2 compteront pour 19%, l’amélioration des infrastructures et des opérations pour 3%. Les fameux avions verts (électriques ou à hydrogène) ne contribueront à cet objectif qu’à hauteur de 13%. 

Dominique Seux, directeur délégué de la rédaction des Echos, peut difficilement être taxé de dangereux gauchiste ou d’écologiste radical. Dans son édito économique quotidien sur France Inter du 11 octobre, il doute néanmoins de la faisabilité d’un tel objectif et pose les bonnes questions. 

Concernant les SAF, Dominique Seux se demande comment passer d’une production de 100 millions de litres par an aujourd’hui (soit moins de 1% de la consommation du transport aérien) à 90 milliards en 2035 et… 449 milliards en 2050 ? Avec quel impact sur l’agriculture et l’industrie ? « Mystère et boule de gomme », finit-il par répondre.

Sur la compensation et la reforestation, il dit sa perplexité : « un arbre met longtemps pour grandir et absorber le CO2 ». Enfin, il appuie là où ça fait mal : « le monde du transport aérien pense qu’il n’y aura aucune conséquence de l’enjeu climatique sur le trafic aérien, qui passera selon lui de 4,5 à 10 milliards de passagers d’ici 30 ans. Cela ressemble vaguement à l’histoire de l’homme qui saute du 50e étage d’un immeuble et dit au 20e : jusqu’ici tout va bien ».

On pourrait ajouter une autre incertitude : IATA a évalué le coût du zéro émission nette à… 2000 milliards de US$ sur les trente prochaines années ! Un effort absolument gigantesque, surtout après le choc énorme que vient de subir le transport aérien avec le Covid. Qui va payer ?

La critique est aisée, l’art est difficile, mais IATA devrait prendre garde à ne pas trop teinter de marketing ses annonces en matière de lutte contre le réchauffement climatique car le retour de bâton sera sévère. En attendant, les initiatives pour un transport aérien plus vert se multiplient, les ingénieurs sont à l’œuvre, les compagnies aériennes aussi, et les entreprises prennent de plus en plus conscience de l’urgence pour leurs déplacements professionnels. Et ça, c’est très positif.

Greg Foran, directeur général d’Air New Zealand, insiste d’ailleurs sur l’implication de toutes les parties prenantes : « Si nous voulons parvenir à des émissions nettes de carbone nulles d’ici 2050, tout le monde doit jouer son rôle. Il n’y a pas que les compagnies aériennes. Il y aura les fournisseurs de carburant, les gouvernements, et en fin de compte les clients devront eux aussi y adhérer ».

Pour finir, on ne saurait trop recommander la prise en main du dernier numéro de National Geographic avec le très bon article (en français) du journaliste américain Sam Howe Verhovek qui remet en perspective les enjeux des SAF, de l’avion électrique et à hydrogène… Bonne lecture !

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Aérien : la consolidation est en marche

La tentative de rachat d’Easyjet par Wizzair marque le début d’une course aux rapprochements dans le ciel européen.

L’annonce a fait l’effet d’une bombe. C’est Easyjet elle-même qui a révélé jeudi 9 septembre qu’elle avait fait l’objet d’une proposition de rachat non sollicitée. Proposition aussitôt rejetée « car elle sous-évaluait fondamentalement la société » mais, en la rendant publique, Easyjet « laisse entendre qu’elle ne ferme pas la porte à de futures offres » selon La Tribune.

Quelques heures après, on apprenait que Wizzair, la compagnie hongroise ultra-low cost, nouvel épouvantail du transport aérien, serait à l’origine de cette offre. Qui est donc ce Wizzair qui s’attaque à la deuxième compagnie européenne en nombre de passagers ? Philippe Escande, l’éditorialiste du Monde raconte : « Quand le gouvernement hongrois a chassé Jozsef Varadi, en 2003, de la tête de la compagnie nationale Malév, il n’a pas pris la décision la plus avisée de son existence. Un an après, l’ambitieux lançait la compagnie Wizz Air avec l’apport de capitaux américains. Dix ans plus tard, Malév était liquidée et la compagnie de Varadi devenait le champion du low cost dans toute l’Europe centrale. »

Wizzair, dont le modèle est très proche de celui de Ryanair, a traversé la crise sans trop d’encombres et « les analystes prévoient qu’elle pourrait dépasser son niveau d’activité de 2019 dès la fin de cette année ». Résultat : sa capitalisation boursière atteint les 5,8 milliards d’euros, soit 2 milliards de plus qu’Easyjet. 

Pour les connaisseurs du secteur, ce rapprochement aurait du sens : le réseau de Wizzair offre une densité inégalée en Europe Centrale et Orientale tandis qu’Easyjet est implantée sur les principaux marchés d’Europe de l’Ouest. Par ailleurs, les deux compagnies exploitent une flotte composée uniquement d’Airbus A320 et A320 NEO. Seule la question du modèle interroge : ultra-low cost pour la hongroise, low cost plus haut-de-gamme pour la britannique. 

Ce fameux jeudi 9 septembre, Johann Lundgren, le patron d’Easyjet, annonçait aussi une levée de fonds de 1,2 milliard de livres, destinée « à renforcer le bilan » et à « profiter des opportunités stratégiques ». En clair être plutôt « chasseur que chassé » écrivent Les Echos. Le quotidien économique prévient toutefois : « une opération de croissance externe serait très prématurée (…) l’hiver s’annonce difficile avec une offre au quatrième trimestre qui retombera à 57% du niveau de l’hiver 2019, et au premier trimestre 2022 à 60% ».

Il n’empêche, « la course est lancée, écrit Philippe Escande, mais ce ne sera pas pour tout le monde. Les généreuses subventions publiques qui ont empêché Air-France-KLM et Lufthansa de sombrer leur interdisent de participer à la moindre consolidation européenne ». 

Il y en a un en tous cas que cette situation ravit, c’est Michael O’Leary, le patron de Ryanair (17 milliards d’euros de capitalisation), qui ne perd pas une occasion de fanfaronner : « cette crise est la plus grosse opportunité d’expansion que j’ai vue depuis trente-cinq ans ». Sacré Michael, toujours le mot pour détendre ses confrères. 

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Direct ou indirect : quel canal va l’emporter ?

La crise sanitaire rebat les cartes des canaux de réservation de billets d’avion utilisés par les voyageurs d’affaires.

La distribution aérienne sera bien le grand chantier de la reprise du voyage d’affaires. On en parle régulièrement dans ces colonnes car les bouleversements s’annoncent colossaux. La bataille entre canal de réservation direct (sites web des compagnies aériennes) et canal indirect (TMC et GDS) en est l’un des symptômes les plus révélateurs.

D’abord le constat, très bien posé par le site The Company Dime. Avant le Covid, les deux canaux s’équilibraient parfaitement, entre clientèle loisirs réservant en direct et clientèle affaires réservant via les TMC/GDS. Depuis le début de la pandémie, la première a logiquement pris une part plus importante, la seconde s’étant évaporée. Le cabinet américain Travel Technology Research a estimé que le volume des ventes réalisé par le biais des GDS a chuté de 80% entre juin 2020 et juin 2021 et que leur part de marché mondial a diminué de 13 points de pourcentage d’une année sur l’autre. 

Le retour à la normale dépend donc du retour des voyageurs d’affaires, sauf que de nombreux patrons de compagnies aériennes aimeraient que cette reprise se traduise par un basculement du corporate vers le direct ! Toujours ce vieux rêve de maîtriser et contrôler la distribution de leurs produits. Et un argument qui fait mouche : les sites web des compagnies offrent davantage de fonctionnalités, de services et de contenu que le canal indirect. Et parfois même de meilleurs prix ! Une étude britannique a montré récemment que British Airways proposait, via ses tuyaux NDC non GDS, des tarifs inférieurs de 9% à ceux présentés par les GDS. 

L’espoir est donc que la norme NDC de IATA arrive enfin à maturité et permette de proposer ces tarifs et ces services au canal indirect. Les acheteurs et les travel managers attendent avec impatience les avantages promis depuis longtemps. Les prochains mois seront déterminants, les défis techniques sont encore importants pour combler les lacunes de NDC et, en coulisses, la bataille fait rage pour en déterminer le modèle économique : qui va payer quoi à qui ? 

Pendant ce temps, des solutions technologiques émergent aux Etats-Unis pour favoriser le canal direct entre entreprises et compagnies aériennes, avec des fonctionnalités complètes de gestion des voyages d’affaires. D’autres fournisseurs technologiques multiplient les initiatives pour capter les données des réservations effectuées hors canal TMC, afin d’aider les entreprises à consolider leur budget voyages et à s’assurer de la conformité à la politique voyages. Mais certains retours témoignent que la qualité des données ne correspond pas à celle générée par le canal traditionnel TMC/GDS.

Au final, que veulent les entreprises ? D’après une enquête réalisée au printemps dernier par Deloitte, 37% des travel managers s’attendent à ce qu’une plus grande part de leurs réservations aériennes soit traitée en 2022 « par le canal de réservation approuvé par l’entreprise » (TMC) par rapport à 2019. Pour des raisons évidentes de devoir de protection, mais aussi de suivi des émissions carbone et de contrôle des dépenses. 

De leur côté, que veulent les voyageurs d’affaires ? Selon une enquête commandée par SAP Concur et réalisée auprès de 3850 voyageurs d’affaires en mai dernier, 39% ont déclaré souhaiter avoir la possibilité de réserver un voyage directement sur les sites web des fournisseurs, et un pourcentage identique a exprimé le désir de pouvoir déterminer la durée du voyage. La flexibilité est la considération la plus importante du retour au voyage pour 72% des personnes interrogées qui la citent en priorité absolue.

Donc résumons : les compagnies aériennes veulent favoriser le canal direct, les entreprises souhaitent favoriser le canal indirect, et pas loin de la moitié des voyageurs entend pourvoir réserver en direct ! Rien de très nouveau en somme, mais l’enjeu de la reprise des voyages d’affaires donne à ces discordances encore plus d’acuité !

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Moins de CO2 ? Tous en classe affaires !

Une politique voyages qui favorise la classe affaires dans les avions permet de lutter contre le réchauffement climatique. Ah bon ?

C’est la dernière provocation de Scott Gillespie, le gourou américain du voyage d’affaires, dont nous aimons relayer régulièrement les audaces dans les colonnes de L’œil de l’AFTM. Sa théorie est de battre en brèche l’hypothèse traditionnelle selon laquelle les vols en classe économique sont moins nocifs pour le climat. Il est admis en effet qu’un siège de classe affaires émet plus de CO2 qu’un siège de classe économique car son emprise au sol est plus grande, un fauteuil en business prenant en moyenne la place de trois sièges en économie. Or, si vous avez plus de passagers dans l’avion, vous diminuez de facto l’empreinte carbone de chacun. Logique.

Sauf que Scott Gillespie affirme que ce n’est pas la surface qui compte mais le poids des sièges, des passagers et des bagages. Sa démonstration ? Imaginez qu’une compagnie supprime trois sièges en classe économique pour ajouter un siège en classe affaires. Selon les calculs du fondateur de tClara, le poids du siège affaires, et de son passager avec ses bagages, représente environ la moitié du poids des trois sièges en classe éco et de leurs trois passagers avec bagages. « Cela signifie que le vol a besoin d’un peu moins de carburant et qu’il émet donc un peu moins de CO2 ». CQFD. Et de rappeler que, sur le plan climatique, « il s’agit de réduire les émissions globales et non les émissions par passager ». 

Du point de vue de l’entreprise, le raisonnement de Scott Gillespie est intéressant : à périmètre égal de budget voyages, si l’entreprise exige de ses voyageurs qu’ils prennent uniquement des vols en classe affaires, tous les déplacements ne pourront être justifiés à ce coût (à condition d’être capable de le mesurer). Une telle politique éliminerait donc les voyages à faible valeur, remplacés bien sûr par la visioconférence. « L’époque où l’on essayait de tirer le plus grand nombre de déplacements d’un budget voyages est révolue » affirme-t-il. 

Au final, moins de voyages approuvés, moins de vols nécessaires, moins de CO2 émis, davantage de bien-être pour le voyageur, meilleure fidélisation du collaborateur, et augmentation des chances de succès d’un voyage. Pour Scott Gillespie, une politique voyages de classe affaires systématique coche toutes les cases d’une stratégie voyages moderne, efficace et soucieuse de l’environnement. Une approche originale en tous cas qui mérite un vrai débat.

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Tarifs aériens et hôteliers : à quoi s’attendre ?

Tarifs aériens et hôteliers : à quoi s’attendre ?

C’est une des grandes questions qui interroge les travel managers : à quels prix se fera la reprise hôtelière et aérienne ?

En théorie, ce n’est pas très sorcier. Pour prévoir son budget hôtel par exemple, un travel manager va multiplier les coûts unitaires (tarif moyen de l’hôtel par voyage) par le nombre d’unités que l’entreprise va acheter, soit le nombre de voyages que ses collaborateurs sont susceptibles d’effectuer. Sauf que la crise sanitaire, totalement inédite, rend les deux facteurs de la multiplication, coûts unitaires et nombre d’unités, bien compliqués à estimer comme l’expliquait récemment Business Travel News.

Qu’en est-il précisément des tarifs hôteliers ? Tripbam, fournisseur américain de technologies et d’analyse hôtelière, a révélé ses derniers chiffres dans un article de PhocusWire (Lire ici), issus des réservations de voyages d’affaires de ses 2000 clients dans le monde. En janvier dernier, le tarif moyen réservé était passé de 175 à 116 US$ par rapport à la même période l’année dernière, soit une baisse de 34%.

« Les tarifs continuent de baisser », affirme Steve Reynolds, Pdg de Tripbam. Et de s’interroger : « Y a-t-il une fin en vue ? Peut-être mais nous voyons toujours cette tendance à la baisse ».

Interrogé par Business Travel News Europe (Lire ici), Thomas Emanuel, directeur de la société de données hôtelières STR, n’hésite pas à s’engager : « Il faudra un certain nombre d’années avant que les tarifs moyens des hôtels reviennent au niveau de 2019 ».

Symptomatique de la volatilité des tarifs hôteliers : Tripbam indique que les voyageurs d’affaires réservent moins souvent le tarif fixe ou forfaitaire négocié, en baisse de 37% d’une année sur l’autre, alors que la réservation du tarif public disponible est en hausse de 46%.

Business Travel News raconte : « Compte tenu de la volatilité probable pour un certain temps encore, Clare Francis, une des travel managers de Willis Towers Watson (société britannique de conseil et de courtage en assurances), a adopté une stratégie consistant à négocier des tarifs doubles avec les hôtels : une remise sur le meilleur tarif disponible pour profiter des prix bas actuels, et un tarif fixe négocié pour servir de plafond lorsque les taux d’occupation et les prix se raffermiront à nouveau ». Evidemment, la réduction du nombre de fournisseurs aide à obtenir de telles conditions.

Tripbam alerte néanmoins les travel managers de surveiller de près leur performance en matière de LRA (last room avaibility), qui est censée garantir que l’entreprise peut réserver au tarif négocié, quel que soit le nombre de chambres disponibles.

« Ce que les travel managers oublient, c’est que les revenue managers ont la possibilité de désactiver les remises quand ils le souhaitent », explique Steve Reynolds. « À cause du Covid, ces derniers sont soumis à une plus grande pression : j’ai besoin d’augmenter le RevPAR (le revenu par chambre disponible), donc je veux vendre cette chambre à un prix aussi élevé que possible ».

Concernant les tarifs aériens, l’estimation à venir s’avère tout aussi compliquée. Cité par BTN Europe, Tim Coombs, patron du cabinet conseil Aviation Economics, est toutefois convaincu que « les compagnies low cost pratiqueront des tarifs agressifs sur les liaisons court-courriers » avant d’expliquer : « l’effondrement des voyages a été légèrement moins catastrophique pour les compagnies low cost qui ont bénéficié de meilleures réserves de liquidités et d’un accès plus facile au capital que leurs rivales traditionnelles ». En clair :  elles ont les moyens de stimuler la demande.

En revanche, sur le long-courrier, Tim Coombs pense que les tarifs pourraient s’avérer plus résistants. Selon lui, il y existe moins de concurrence et les compagnies aériennes chercheront à redresser leur bilan sans se faire une guerre suicidaire.

Comme dans l’hôtellerie, le transport aérien est clairement un marché d’acheteurs. Comme l’explique bien le cabinet Advito sur son blog (Lire ici), les compagnies aériennes ont multiplié les initiatives pour rendre leurs conditions beaucoup plus flexibles à cause de la crise sanitaire, telles l’annulation ou la modification sans frais. Sans compter les facilités offertes au voyageur selon son statut, comme les primes de fidélité. De fait, « les compagnies aériennes perdent une partie de leur pouvoir lors de la négociation des conditions contractuelles avec les entreprises clientes. Cela signifie qu’elles devront trouver de nouvelles façons créatives d’ajouter de la valeur pour les entreprises au-delà des économies ». Il va falloir se creuser les méninges…

François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Plus d’un tiers des voyages d’affaires pourrait disparaître

Plus d’un tiers des voyages d’affaires pourrait disparaître
Une étude estime qu’entre 19% et 36% des voyages d’affaires seront perdus à jamais après la pandémie du Covid-19.
Bien sûr, ce n’est qu’une étude et il convient de rester prudent. Mais le cabinet américain qui l’a réalisé, IdeaWorks, a plutôt bonne réputation et son expertise sur le transport aérien fait autorité. Sa dernière étude (Lire ici), se fonde sur une analyse de sources industrielles, gouvernementales et universitaires, sur les prévisions d’experts du voyage et sur les commentaires de 15 dirigeants du secteur. Ses conclusions sont inquiétantes et affirment que les conséquences du Covid-19 seront autrement plus violentes que les crises précédentes comme celle du 11 septembre 2001.
Premier enseignement : les voyages intra-entreprises, qui représentaient avant la pandémie 20% des voyages d’affaires effectués en avion, diminueront de 40 à 60% après le Covid. L’étude affirme ainsi que « le seuil de 21 jours suffit au développement d’une nouvelle habitude. » Or la pandémie s’est installée dans le temps et les habitudes de visioconférences acquises en 2020 et 2021 seront durables. « Les relations entre les salariés, les divisions, les bureaux régionaux et le siège de l’entreprises ont été contraintes d’évoluer ».
Les voyages d’aide au client et d’après-vente, qui représentaient jusqu’alors 10% des voyages d’affaires réalisés en avion, pourraient baisser de 20 à 30%, remplacés eux aussi pour partie par de la visioconférence. Les voyages pour assister à des conventions ou des salons professionnels, qui totalisent 20% des déplacements d’affaires effectués en avion, pourraient quant à eux chuter de 10 à 20% en raison du passage à des événements virtuels.
Au final, IdeaWorks s’attend donc à une baisse générale de 19 à 36% des voyages d’affaires une fois la crise du Covid passée. Seuls les voyages nécessaires à l’activité commerciales de l’entreprise (signature contrat, fidélisation client, recherche de nouveaux clients…) seront épargnés, ainsi que les déplacements d’assistance technique et de maintenance. Ils représentent respectivement 25% et 10% du trafic affaires des compagnies aériennes.
Ces sombres perspectives pour le voyage d’affaires viennent conforter les déclarations tapageuses de certains grands décideurs. On se souvient de Bill Gates, co-fondateur de Microsoft (propriétaire de Teams), qui déclara mi-novembre que « 50% des voyages d’affaires allaient disparaître. » Il corroborait ainsi les propos du directeur mondial des voyages de Microsoft au Skift Global Forum fin septembre : « nos voyages ont diminué de 95% depuis le début de la pandémie, la façon dont nous faisons des affaires est changée à jamais. »
D’autres mauvais signaux sont venus étayer cette thèse pessimiste. Fin octobre, lors de la publication de ses résultats du 3e trimestre, Amazon annonçait avoir économisé un milliard de dollars sur ses dépenses voyages depuis le début de la pandémie ! Un chiffre vertigineux que le directeur financier du géant du commerce en ligne, Brian Olsavsky, n’hésitait pas à mettre en parallèle avec des ventes qui, au 3e trimestre, progressaient de… 37%. Rappelons qu’Amazon a dépensé en 2019 rien qu’aux Etats-Unis la modique somme de 500 millions de dollars en billets d’avion…
Quelques jours plus tard, Natarajan Chandrasekaran, président de Tata Sons, l’immense conglomérat indien (près de 104 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2016), affirme au New York Times qu’il avait jusqu’à présent l’habitude de prendre l’avion de l’Inde vers les États-Unis pour présenter un projet de 50 000 dollars mais qu’il avait conclu récemment pour 2 milliards de dollars d’affaires en “cinq ou six appels Zoom” !
Un peu sonné par ces déclarations qui sont loin d’être isolées, le transport aérien cherche la parade. C’est Scott Kirby, le Pdg de United, qui a trouvé la bonne formule (Lire ici) : « J’aime à dire que la première fois que quelqu’un perdra une vente au profit d’un concurrent qui s’est présenté en personne, ce sera la dernière fois qu’il aura fait appel à Zoom ». La bataille des punchlines ne fait que commencer !
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Transport aérien : coupable ou bouc émissaire ?

Transport aérien : coupable ou bouc émissaire ?
Au Paris Air Forum, événement majeur organisé par le journal La Tribune, la réduction de l’empreinte carbone du transport aérien était au centre des débats.
Injuste : tel est le sentiment partagé par les nombreux acteurs du secteur invités par La Tribune à l’évocation des critiques qui se font de plus en plus fortes à leur égard. Mais, dit le journal (Lire ici), « l’industrie aéronautique joue son avenir sur la transition énergétique. »
Biocarburants, hydrogène vert, réduction de consommation de fuel, compensation… : toutes les solutions ont été débattues pendant ces 4 jours de conférences et tables rondes. L’objectif : diviser par deux les émissions de carbone du transport aérien en 2050 par référence à 2005.
Mais tout cela va coûter cher, extrêmement cher et les économies de carburants ne suffiront pas à compenser. Ben Smith, le patron d’Air France, a repoussé l’idée qu’un prix plancher soit imposé sur les billets afin de limiter les activités des compagnies low cost. Il semble néanmoins inéluctable que les passagers devront payer une partie de la note.
Le débat entre Karima Delli, député européenne écologiste et l’aéronaute suisse Bertrand Piccard, a donné lieu à quelques passes d’armes intéressantes malgré l’avion-bashing trop caricatural de la première. Les deux intervenants se sont néanmoins accordés sur une nécessaire mise en place de normes plus contraignantes. Pour Bertrand Piccard, « la réglementation est trop laxiste, chaque passager doit compenser sa pollution. »
En revanche, les positions se sont éloignées quand il s’est agi pour Karima Delli de pointer le côté élitiste du transport aérien : « 40 % des Français n’ont jamais pris l’avion, seuls 15 % sont des voyageurs réguliers. »
Des chiffres qui font écho à un article paru le 17 novembre dans le Guardian (Lire ici). Relayant une étude menée par un chercheur suédois, le célèbre journal britannique affirme « qu’1% de la population mondiale a causé la moitié des émissions carbone du transport aérien en 2018. Ces « super-émetteurs » parcourent environ 56 000 km par an, ce qui équivaut à trois vols long-courriers par an, un vol court-courrier par mois ou une combinaison des deux. » De la critique du transport aérien à celle du voyage d’affaires, il n’y a qu’un pas… qui sera, n’en doutons pas, rapidement franchi.
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM

Vaccins anti-Covid : ils vont changer la façon de voyager

Vaccins anti-Covid : ils vont changer la façon de voyager
L’arrivée des vaccins anti-Covid va sans doute accélérer le déploiement de solutions numériques qui risquent de poser de sacrés problèmes de protection des données.
Janvier 2021 : c’est à cette date que les premiers vaccins anti-Covid devraient être disponibles. Autant dire demain. Un article paru dans le Courrier International (Lire ici) part donc du postulat suivant : « les voyages en avion ne reprendront que si les passagers peuvent apporter facilement la preuve, dès l’embarquement, qu’ils ont été bien vaccinés ».
D’où l’urgence de mettre au point des passeports sanitaires numériques suffisamment sécurisés pour être reconnus dans le monde entier. L’article cite ainsi une application, baptisée CommonPass, qui « évalue les tests obligatoires selon la destination des passagers, télécharge sur leur téléphone les résultats transmis par un laboratoire agréé et génère un QR Code (code-barres lisible sur smartphone) scannable. »
Les promoteurs de l’application assurent bien entendu qu’elle garantit la confidentialité des données. Voire. Mais d’autres initiatives posent encore plus de questions : au cours du dernier G20 raconte Les Echos (Lire ici), « le président chinois Xi Jinping a proposé d’attribuer à tout un chacun un QR Code afin de contrôler l’état de santé et de valider, ou d’invalider, les déplacements des uns et des autres, dans l’objectif de relancer les voyages à l’étranger. »
Evidemment, cette sortie n’a pas manqué de soulever l’ire des organisations de défense des droits de l’homme qui « sont vent debout contre l’utilisation massive de ces codes, et mettent en garde contre des usages détournés. »
Quoiqu’il en soit, l’enjeu à long terme est vital pour le transport aérien. Devra-t-on être vacciné avant de prendre l’avion ? La compagnie Qantas a annoncé qu’elle allait l’exiger pour tous ses passagers comme le relate Le Figaro (Lire ici).
Cette pandémie annonce-t-elle également la fin du passeport papier ? C’est probable car « beaucoup de voyageurs internationaux hésiteront à le manipuler après son passage par l’enregistrement, l’embarquement et les services de l’immigration, “maintenant que nous savons ce qu’est une pandémie”, souligne le chroniqueur du Financial Times Mickael Skapinker », cité par Le Courrier International.
Mais qu’ils s’appellent CommonPass ou Travel Pass (solution développée par IATA), ces futurs passeports dématérialisés n’ont pas fini d’interroger sur l’utilisation et la conservation des données personnelles.
François-Xavier Izenic, rédacteur associé de l’AFTM